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12 octobre 2014

Nathalie Jaudel ou l’arroseuse arrosée Michel Rotfus, précédé de « Une très petite chose » par Philippe Grauer

une très petite chose

par Philippe Grauer

Nous avons longtemps hésité à faire état d’une publication d’une certaine Nathalie Jaudel, annexe à celle du dernier ouvrage d’Élisabeth Roudinesco Freud dans son temps et dans le nôtre, Seuil, sept 2014, dont les tirages s’envolent à juste titre. Michel Rotfus avec talent s’y est attaqué. Il est temps peut-être de porter à votre connaissance cette petite chose à présent relayée par Marianne. La provoc d’accord mais n’allez pas ramasser n’importe quoi n’importe où pour faire genre nous sommes différents.

un Freud vivant

Voici donc l’écho d’une polémique relative à une autrice subalterne ayant entrepris sans la puissance nécessaire de s’en prendre au dernier maître ouvrage d’Élisabeth Roudinesco. Michel Rotfus exécute sans peine mais avec brio un champignon ligneux (langue de bois) s’étant logé au pied du chêne. « Les lois rigoureuses du fonctionnement de l’inconscient », comme vous y allez, nous voici en pleine science lacanienne. On attend le défilé des équations. Bon, c’est du Lacan, pourrait-on dire, précisément pas du Freud. Tout est là. On ne confondra pas ce dogmatisme avec la vitalité pleine de contradictions d’un Freud qui nous est restitué très vivant, bien vivant.

Ce qui explique le succès public immédiat et que la critique unanime fait un triomphe au Freud dépoussiéré, revitalisé, de l’historienne. C’est ainsi, et vous pouvez l’acheter sans hésitation. De plus il se lit comme un roman.

insignifiance

Les jaudelleries ne vont pas loin. Le système millérien se retrouve là braquer sur le monument une arme de trop faible portée. Nous vous livrons pour info l’analyse d’un ouvrage dont l’inintérêt n’a jusqu’ici échappé à personne.


Michel Rotfus, précédé de « Une très petite chose » par Philippe Grauer

Nathalie Jaudel a trouvé sa niche écologique.

L’ensemble de la presse a accueilli le brûlot(1) de Nathalie Jaudel par un silence unanime. Dans son méchant livre, elle prétendait dénoncer l’usurpation d’une historienne qu’elle disait auto-proclamée. Tandis que l’historienne, Élisabeth Roudinesco est reçue par ses pairs au 17e Rendez-vous de l’Histoire de Blois, Nathalie Jaudel, elle, a enfin trouvé sa niche écologique : l’hebdomadaire Marianne, dont on connaît le style et la qualité, et dont la devise pourrait être Seul contre tous.

l’arroseuse arrosée

[Image : Sans titre]

Seule contre toute la presse qu’elle ne se prive pas de dénigrer et qui a salué la parution du livre d’Élisabeth Roudinesco comme l’événement important de cette rentrée littéraire, elle persévère dans son acharnement à se ridiculiser.

On se souvient de la pantalonnade de son invention du plagiat de soi-même et de celle de la preuve de la preuve de la preuve historique.

la voilà qui récidive

Après avoir proposé aux lecteurs de Marianne, une fiche mémo sur son livre sur le Jacques Lacan, elle donne les mêmes coups de griffes à propos du Freud : elle croit y retrouver les mêmes procédés méthodologiques. Ce que Marianne avait d’ailleurs trompété avant même la parution du livre !

Ce que révèle surtout Nathalie Jaudel dans cet entretien, c’est qu’elle n’a pas lu une ligne du livre qu’elle prétend critiquer, en ce contentant, à l’évidence, de ce qu’elle a lu dans la presse.

mais bien plus, a-t-elle seulement lu Freud ?

Nathalie Jaudel a-t-elle lu Freud ? Sait-elle lire ?

Elle reproche à Élisabeth Roudinesco de montrer un Freud qui se pose pose en « héros solitaire ». Il faut lire Freud, Nathalie Jaudel, et pas seulement les commentaires de Jacques-Alain Miller sur les commentaires de Lacan sur Freud !

pendant dix ans, je fus le seul

C’est pourtant Freud qui écrit : « La psychanalyse est en effet ma création ; pendant dix ans, je fus le seul individu qui s’occupât d’elle et tout le mécontentement que cette nouveauté a suscité chez nos contemporains s’est déchargée sur ma tête sous la forme de critiques.» Ce qu’il réitère onze ans plus tard dans son auto-présentation (2).

Selon Nathalie Jaudel, et contrairement à ce que montre Élisabeth Roudinesco, Freud n’aurait jamais été fasciné par le romantisme, ni par Faust, ni non plus par Méphisto. Pourtant, les références au romantisme, à Faust comme à Méphisto sont constantes dans les écrits de Freud. Ainsi, il faut croire que Sigmund Freud présenté par lui-même est certainement un texte apocryphe, car on y lit, écrit de la main de Freud, le propos que tient Mephisto dans le Faust de Goethe : « C’est en vain que vous baguenaudez à l’entour dans les sciences. Chacun n’apprend que ce qu’il peut apprendre ». Peut-être même que selon Nathalie Jaudel, Goethe n’a rien à voir avec le romantisme ni avec le Sturm und Drang ?

la question du romantisme

Notre grande épistémologue-et-spécialiste-de-la-place-de-la-subjectivité-dans-le-travail-de l’historien a du mal à distinguer les goûts et les affinités littéraires de Freud qui nourrissent et peuplent son imaginaire et sa vie, de l’élaboration de son œuvre théorique. « Son apport consiste à avoir dégagé l’inconscient de sa gangue romantique pour en définir les lois rigoureuses de fonctionnement » clame-telle. Mais oui, Nathalie Jaudel, mais oui !… On se calme. Il faut apprendre à lire et cesser de distordre le sens sous les effets de votre hargne téléguidée par la Famille, et nourrie par les encouragements du club de ses happy few, ces intrépides supporters qui, dans Lacan Quotidien (LQ) et dans la Règle du Jeu, vantent les grands mérites de son livre.

Je passe sur la curieuse métaphore, platement positiviste de l’or pur des lois rigoureuses qui, déjà constituées de tous temps dans le ciel des idées platonico-freudiennes, attendent d’être dégagées de la gangue du romantisme. Voilà qui explique, selon l’approche jaudelienne, comment s’est constituée l’invention de la psychanalyse.

Très certainement, Thomas Mann ne peut être selon elle qu’un pauvre ballot puisqu’il estime que la psychanalyse inventée par Freud est « un romantisme devenu scientifique. »

La grande lectrice de Freud et de son histoire qu’est Nathalie Jaudel entonne ad nauseam le même refrain que dans son brûlot sur le Lacan : Freud n’est pas ce qu’en dit Élisabeth Roudinesco. On attend encore qu’elle nous montre qui sont « le vrai » Lacan et « le vrai » Freud.

[Image : Sans titre]

Lara Croft sauvera Freud et Lacan des griffes de leur vilains biographes.