Profitez de tous ces bons conseils, ils ne peuvent pas faire de mal. Et pourtant ! Ils appartiennent à un mouvement d’ensemble du monde psy, glissant insensiblement vers une façon particulièrement creuse de se représenter notre humanité dont les tenants et aboutissants mériteraient réflexion. PHG
Modèle psychologique standard, la neuropsy devient la base d’un lieu commun. Nous avons successivement connu le modèle psychanalytique, avec en France le déploiement du lacanisme, puis le modèle humaniste, né avant guerre puis répandu en Grande Bretagne et France aux alentours de 68, ayant régné lors du dernier tiers du siècle précédent. Dans son sillage l’analyse transactionnelle fit les joies de l’entreprise, facile à comprendre, facile à prendre en main comme système à tout comprendre d’autrui en 20 leçons, alternant avec le culte de l’hologramme, permettant enfin d’accéder au Tout de tout, en toute facilité intellectuelle. Au cours de cette période nous avons assisté dans le même champ humaniste au développement impressionnant du gestaltisme (psychothérapie de la Forme et du dialogue), d’un psycho existentialisme resté vivace, prenant par la suite davantage la forme d’un engagement phénoménologique plus heidegerien qu’husserlien, et de la révolution psychocorporelle. L’ensemble de ce champ avoisinant une aire spiritualiste tenace, avec laquelle il a parfois tendance à se jumeler. D’où vient et comment fonctionne cette affinité, qui n’abolit pas une sérieuse différenciation ?
Développé au dernier tiers du siècle et parti pour occuper présentement la place centrale, voici le neuro comportementalisme bien tempéré, avec conseils au parents et aux manageurs, respect des normes de fonctionnement neuronique d’autrui, découverte des neurones miroirs accommodés à toutes sauces, et du cerveau social. Ainsi nous redevenons des cervelés, titulaires d’un cerveau dont les arcanes révélés nous rendent la vie psychique facile, permettant enfin de maîtriser notre relation à autrui, d’engager une nouvelle pédagogie et d’à nouveau tout comprendre d’autrui en 20 leçons et autant d’articles neuro-médiatiques. Se succèdent de la sorte des modes psys, fait sociologique repérable, devenant fond de pensée comme en cuisine le fond de veau, base de toutes les sauces. Leur fond idéologique s’accompagne bien de la médicalisation de l’existence, une dérive scientiste qui dévorerait volontiers l’ensemble des psychopratiques.
Si elles ne résistaient, si elles n’opposaient leur résilience comme on dit de nos jours. En se déclarant, conçue comme champ disciplinaire à l’aube du XXIème, psychothérapie relationnelle. Il ne s’agit pas d’une quelconque nouvelle méthode mais d’un champ psy. Distinct de l’antique psychanalyse mais comme elle fondé sur la dynamique de subjectivation ou art de s’habituer à soi comme sujet auteur de son existence, à l’issue d’un processus relationnel. La relation entendue comme levier ou ressort majeur du souci de soi non médical, constitue une alternative au cervelage. C’est son handicap, et son mérite. Les médias à présent l’ignorent, et pourtant elle tourne. À votre service.
Voilà tu la connais l’histoire disait la chanson. La chanson aux mille psys et au déferlement de leur nouvelle vague en vogue. Maintenant que vous savez tout, vous pouvez en savoir plus encore en prenant connaissance de l’article sur les manageurs et les neurosciences que nous vous répercutons, et en lisant l’antidote, La psychothérapie relationnelle, Enrick éditions, paraissant le 16 janvier.
Les recherches en neurosciences apportent de nouvelles connaissances sur le fonctionnement cérébral. On a ainsi découvert des concepts tels que la plasticité cérébrale (capacité du cerveau à remodeler ses connexions en fonction de l’environnement et des expériences), les neurones miroirs (qui jouent un rôle dans l’apprentissage par imitation ou dans l’empathie), le cerveau social (les relations aux autres), les biais cognitifs, la force des stéréotypes…
Les neurosciences se sont par ailleurs rapprochées de différents univers : la santé, l’éducation, la psychologie… et le management. Le neuromanagement explore différentes notions relatives au monde du travail : la motivation, l’engagement, la coopération, le bien-être, la prise de décision, l’innovation, etc. Les connaissances issues des neurosciences peuvent-elles aider les dirigeants et manageurs dans leur vie professionnelle et leurs pratiques ? Pour Pierre-Marie Lledo, directeur de recherche à l’institut Pasteur et au CNRS, on peut devenir un manageur » neuro-amical » – comprendre, capable d’organiser son travail et celui de son équipe pour réduire le stress, d’encourager et de féliciter, de stimuler la créativité et de se préoccuper de l’épanouissement professionnel de ses collaborateurs. Selon David Destoc, président d’Oasys mobilisation, un cabinet de conseil, il est intéressant d’établir des passerelles entre le management et les neurosciences pour » porter un regard neuf sur des problématiques récurrentes, notamment en termes de gestion d’équipes, de stress et de motivation. Elles offrent des clés d’analyse et d’action intéressantes « . Depuis deux ans, Oasys s’appuie sur les neurosciences pour ses activités de conseil et de formation. » Nous accompagnons des comités de direction à envisager de nouvelles façons de faire pour être plus agiles et améliorer la prise de décisions. Au départ, lorsqu’on parle de neurosciences, les manageurs sont dubitatifs. Puis il y a une prise de conscience que le cerveau fonctionne ainsi, et ils sont alors prêts à mettre en place de nouvelles -façons de faire. « Entretenir le » cerveau social « Par exemple, les neurosciences montrent que le cerveau ne peut pas tout faire en même temps. Un comité de direction a ainsi décidé de ne plus prendre toutes les décisions lors de la réunion hebdomadaire, mais de se laisser parfois une semaine de réflexion. De même, pour donner du sens, les méthodes à l’ancienne (plaquettes, éditos solennels, convention annuelle…) ne sont pas forcément les plus adaptées. Les neurosciences montrent qu’il vaut mieux instaurer des rendez-vous réguliers, multiplier les formats, favoriser les échanges sociaux. Par ailleurs, étant donné l’importance du » cerveau social « , les manageurs veilleront à conserver les discussions informelles, les moments de convivialité gratuits, plutôt que de faire la chasse aux temps morts. Les neurosciences se révèlent également utiles pour accompagner l’hyperconnexion, qui entraîne des phénomènes d' » infobésité » (surcharge d’informations). Ce danger, qui menace le cerveau, peut se traduire par une panne d’innovation, de la fatigue psychique, voire un burn out. Le rôle du manageur est d’aider ses collaborateurs à trier les informations utiles (pour comprendre) des informations futiles (pour savoir), en évitant de les bombarder de mails, en simplifiant les tableaux de bord ou en leur laissant la possibilité d’agir. Car si le cerveau se contente de recevoir des informations mais ne peut pas agir, cela est source de stress et de mal-être. » Ne pas confondre pression et performance « , résume Pierre-Marie Lledo. D’où l’importance de s’octroyer de vraies pauses, déconnectées. » Des moments précieux de vagabondage intellectuel, d’ébullition. C’est souvent là que l’on a les idées les plus créatives « , souligne le chercheur. Les neurosciences permettent également de mieux comprendre les circuits de la motivation, de l’engagement, de la reconnaissance. Elles montrent que de nouvelles compétences sont acquises d’autant plus rapidement qu’il y a du plaisir. Le rôle du manageur est donc de créer du désir chez ses collaborateurs afin de nourrir leur engagement. Ainsi, les neurosciences peuvent accompagner les manageurs face aux défis et aux transformations du monde du travail. » Il s’agit d’adapter le monde du travail au fonctionnement cérébral, plutôt que l’inverse « , conclut Pierre-Marie Lledo. Le monde 09 janvier 2018. |