Merci au Prof. David Cohen pour ce remarquable travail sur la question des enveloppements humides thérapeutiques, dits packings, que nous transmet STOP DSM. Merci pour l’historique et la description soigneuse produite. Une fois de plus la conduite de la recherche en psychiatrie relationnelle et psychanalytique nous est particulièrement précieuse.
Notre seule critique signalerait qu’est insuffisamment souligné selon nous, le soin extrême pris d’envelopper l’enveloppé par une présence attentive et chaleureuse – littéralement aux petits soins. Bien entendu cela ne veut pas dire ingérence psychothérapique, soin et respect de la juste distance intime selon la belle expression d’Alain Delourme, allant de pair. Soin prodigué par une équipe, généralement de deux personnes.
Par contre, on peut comprendre que l’enveloppement humide soit requalifié ici en thalassothérapie, ça calme, une polémique qui en a bien besoin. En fait c’est le concept de thérapie psychocorporelle qui ici rend bien des services, car c’est de cela qu’il s’agit. Comme quoi la multiréférentialité a du bon, et même son sous-produit combinatoire l’intégrativité.
Du point de vue des appellations cela aiderait à éviter la mise en cause infondée de la psychanalyse en tant que telle. Mais pourquoi réorienter vers le psychocorporel la fureur obtuse d’associations aux prises avec le fantasme cauchemardesque de torture, banal quand des personnes ignorant tout de la psychothérapie relationnelle ou de la psychanalyse, bref des problématiques de dynamique de la subjectivation, sont confrontées sans formation ni information suffisante au simple spectacle de personnes entourées autant de soin que de draps humides les momifiant en apparence.
Nous entraînons nos étudiants à goûter à cette méthode en se la pratiquant mutuellement sous notre contrôle, ce qui donne chez des sujets névrosés ou organisation limite des résultats spectaculaires du point de vue du travail psychique produit. Un effort particulier est fourni sur la qualité de l’entourage indispensable à la conduite de telles expérienciations, marquant tout autant les accompagnateurs que les accompagnés. Excellent entraînement à l’acte psychothérapique, vécu alternativement par tous les protagonistes, dans un dispositif de supervision constante particulièrement attentive. L’exploitation permet à chaque fois de ramener une moisson de faits psychiques particulièrement intenses et éclairants pour tous.
Cela chez nous systématiquement se coanime. Impensable en psychothérapie relationnelle psychocorporelle de conduire de pareilles séances sans en avoir vécu de nombreuses soi-même, dans les deux postes d’enveloppé et d’enveloppeur.
SERVICE DE PSYCHIATRIE DE
L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT
(Bâtiment Georges Heuyer)
Pr. David COHEN
Chef de Service
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Télécopie : 01 42 16 23 53
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par le Pr David Cohen
Le packing est une pratique de soins qui consiste à envelopper dans des draps humides des personnes en règle générale en situation d’agitation ou d’automutilation, pour essayer d’apaiser et de contrôler ces troubles du comportement. Quelles que soient les polémiques concernant ce traitement, cela relève surtout de la thalassothérapie et du soin adjuvant.
Le packing à l’époque où il n’y avait aucun traitement médicamenteux pour soigner les malades psychotiques agités, s’inscrivait dans la panoplie des traitements par hydrothérapie. On trouve dans la littérature ou dans les anciens traités, finalement deux indications principales, soit une alternative à la contention et en particulier à la contention mécanique, soit le packing avec consentement du patient et sur une période un peu plus prolongée quand on veut justement essayer de contrôler les troubles du comportement. Également dès les années 30, il est proposé dans les dermatites atopiques à la Mayo Clinic aux USA.
La plus ancienne publication à ma connaissance est publiée dans le British Medical Journal (1878) où l’on décrit un cas de délirium tremens qui a été contrôlé grâce à un enveloppement humide. Intéressante et rapportée dans l’article, l’appréhension du patient lorsqu’il sort de son delirium tremens devant la sortie des draps. Il dit au médecin que c’est la seule chose qui lui a permis de l’apaisement. Le premier important papier est publié en 1916 dans le Journal of Nervous and Mental Diseases par Adler, où il décrit une série d’un millier d’enveloppements avec des effets calmants dans la très grande majorité des cas.
Avec l’avènement des neuroleptiques et des antipsychotiques, la pratique du packing est devenue beaucoup plus limitée, même s’ils ont finalement toujours été utilisé en psychiatrie d’adultes de manière relativement marginale. En terme de publications dans la littérature internationale, Ross rapporte dans l’American Journal of Psychiatry (1988) une série de 46 cas où il décrit le packing comme étant tout à fait sûr comme pratique, 38 patients sur 46 sont décrits comme calmés par les enveloppements, qui étaient d’abord utilisés comme alternative à la contention dans cet article, mais Ross remarque que 30% des patients demandent à poursuivre les enveloppements alors que d’un point de vue de l’agitation ou des automutilations ils allaient mieux. Très récemment les collègues Suisses Opsonner (2016) ont publié une série de 172 enveloppements. Ils ont noté que ces enveloppements étaient essentiellement pratiqués au niveau de soins infirmiers sur prescription médicale. Le packing était associé à une diminution de la posologie d’antipsychotiques et d’anxiolytiques. Par ailleurs ils confirment également le caractère tout à fait sûr de cette pratique.
La pratique est beaucoup plus limitée en pédiatrie mais rappelons qu’il existe 2 indications classiques : l’enveloppement sec pour les risque d’hypothermie chez les prématurés ; et l’enveloppement humide pour les dermatites atopiques. Plusieurs études ont été publiées. De nombreux livres de dermatologie en français recommandent du reste la méthode. D’un point de vue historique pour la psychiatrie, j’ai retrouvé un vieux textbook allemand qui date des années 1850 avec un schéma qui présente un enveloppement humide d’enfant. Sinon la première publication est une série de 8 cas dans le JAMA (1921) d’enfants ayant présenté une encéphalite de Von Economo et des troubles du comportement résiduels. Pour contrôler les troubles du comportement, ils ont utilisés des enveloppements secs ou humides, et montré que les enveloppements humides étaient beaucoup plus efficaces dans les cas sévères.
Plus récemment Goeb et coll. (l’équipe de Lille, 2008) ont décrit une dizaine de cas d’autistes avec troubles du comportement qui s’étaient améliorés après enveloppements humides. Enfin, plusieurs publications (dont certaines de mon équipe) ont rapporté soit des cas uniques, soit des séries de cas présentant un syndrome catatonique, des troubles du comportement associés à l’autisme ou à des pathologies borderline avec les mêmes résultats à savoir que le packing apparait comme un traitement adjuvant intéressant. En tout, une trentaine de cas ont été rapportés.
À ma connaissance, il y a deux études en cours au niveau national : (1) le PHRC(1) de Lille qui compare enveloppements humides et enveloppements secs, partant de l’hypothèse que l’enveloppement humide serait plus efficace que l’enveloppement sec (à voir). (2) A la Salpêtrière, nous avons une étude sur volontaires sains en physiologie où nous comparons enveloppements secs et enveloppements humides, mais pour les paramètres associés à la détente. Les résultats préliminaires que j’ai déjà montrent que l’enveloppement humide par rapport à l’enveloppement sec, provoque des modifications des paramètres physiologiques allant dans le sens d’une plus grande détente (en particulier la variation de la fréquence cardiaque et la conductance cutanée). Ces données ne sont pas encore publiées, mais je pense que le thésard va écrire l’article prochainement.
Je voudrais finir par la polémique dont j’ai un détail assez précis, dans la mesure où une sociologue, Brigitte Chamak qui est au CNRS, étudie cette question (son sujet plus général porte sur les associations de malades). Elle m’a envoyé une brève qu’elle a proposé au Monde (je ne sais pas si elle sera publiée). Je rajoute l’histoire de la visite de mon service par le comité de lutte contre la torture de la commission européenne, dont elle n’a pas pu avoir l’information puisque c’est resté confidentiel au niveau des ministères des affaires européennes et de la santé.
Avant le milieu des années 2000, aucune polémique concernant le packing n’a éclaté. C’est la diffusion en avril 2007 sur France 5 d’un court reportage sur le packing pratiqué dans un hôpital de jour qui va déclencher des réactions hostiles dans des forums de discussion de parents d’enfants autistes, alors même que les images présentaient une séance de packing pratiquée par un psychomotricien avec un enfant qui paraissait calme et détendu, qui chantonnait et souriait. La présidente d’Autisme France adresse alors un courrier pour dénoncer la promotion de cette pratique à la direction de France 5, aux interlocuteurs ministériels et aux médias. Le président d’une autre association « Léa pour Sammy » (aujourd’hui Vaincre l’autisme) décide qu’il faut interdire le packing. La même année, parait le livre de Pierre Delion dans lequel il fait un parallèle entre le packing et la notion de moi-peau (notion psychanalytique), et il fait une demande de PHRC pour évaluer l’efficacité de cette pratique sur des enfants autistes qui présentent des troubles sévères du développement.
Pour les associations le packing devient la psychanalyse déguisée. Le PHRC est accepté en juin 2008, mais plusieurs associations de parents utilisent la mort d’un enfant survenue au Canada pour attiser la polémique sur le packing. En fait cet enfant est mort étouffé suite à l’utilisation d’une couverture lestée trop lourde chez un enfant laissé sans surveillance. Les associations de parents en France ont lancé une grande vague de communication expliquant que les psychanalystes faisaient du packing et qu’un enfant était mort au Canada. Elles ont suscité émotion et indignation alors même qu’il n’y avait pas de lien entre l’utilisation sans surveillance d’une veste lestée trop lourde qui recouvrait la tête de l’enfant et la pratique du packing qui nécessite l’implication de plusieurs professionnels qui entourent l’enfant et prennent soin de lui.
Lors de la première journée mondiale sur l’autisme le 2 avril 2009, le président de Vaincre l’autisme organise une manifestation contre le packing sur le pont des Arts où les manifestants s’étaient enveloppés dans des draps et demandaient un moratoire sur le packing. La ministre de la santé de l’époque, Roseline Bachelot, rejette le moratoire et demande l’avis du Haut Conseil de Santé Publique, qui publie en 2010 un rapport favorable au packing utilisé dans des conditions contrôlées, considérant qu’il ne présente pas « de risque notable identifié à ce jour ». Mécontentes, certaines associations mobilisent leurs adhérents pour envoyer aux directeurs d’hôpitaux de nombreux courriers réclamant l’arrêt immédiat de la pratique du packing. Eveline Friedel (ancienne présidente d’Autisme France et présidente d’Autisme Europe de 2008 à 2011) profite du 9ème congrès international d’Autisme Europe en Sicile en octobre 2010 pour obtenir de plusieurs spécialistes de l’autisme de se prononcer contre le packing jugé non éthique (lettre publiée dans l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry en février 2011).
Aucun d’entre eux n’avait assisté à des séances de packing et aucun ne connaissait les conditions d’application de cette approche. De son côté Vaincre l’Autisme demande à peu près la même chose mais avec moins de conséquences à l’international à Christopher Guilberg, président du comité scientifique de Vaincre l’autisme et lance une pétition relativement peu suivie. Par contre il écrit au directeur du CHU de Lille ainsi qu’à celui de la Salpêtrière pour mettre en demeure les collègues les plus visibles sur la question du packing, et il entame deux procédures auprès du Conseil de l’Ordre des médecins contre moi-même et contre Pierre Delion. Nous sommes reçus chacun de notre côté par nos Conseils de l’Ordre départementaux en avril 2012. Les Conseils de l’Ordre ne donnent pas suite, mais la pression des associations sur la HAS au moment de la publication des recommandations sur l’autisme, portent leur fruit, puisque le document final de la HAS est modifié contre l’avis des lecteurs dont je faisais partie alors qu’un consensus avait été trouvé.
En mars 2012, Vaincre l’Autisme, diffuse sur You Tube un film contre le packing avec une mise en scène propre aux films d’horreur et le 8 mars 2012 la HAS publie ses recommandations sur les interventions en autisme et classe le packing comme une technique formellement contre-indiquée sauf dans le cas du PHRC. Inutile de dire que toute cette polémique n’a pas aidé à l’acceptation du PHRC qui a du connaître pas mal de modifications dans son protocole au fil des ans.
De manière contemporaine à l’agitation de Vaincre l’autisme, Autisme Europe de son côté porte plainte contre la France auprès du Comité de lutte contre la torture de la Commission européenne, comité qui décide d’une visite informelle de l’État français. A ce moment-là je suis donc contacté par le Ministère des affaires étrangères et le Ministère de la Santé, pour voir les conditions d’accueil des inspecteurs dudit Comité. Ils seront reçus au Ministère et passeront une après-midi dans mon service où on leur présente en quoi consiste le packing, les indications, etc. On leur montre des vidéos. Les inspecteurs du comité repartent plutôt rassurés et me demandent même l’autorisation de montrer à l’ensemble du comité une des vidéos qu’on leur a présentée. Ce que la mère du patient accepte. Elle a tenu à faire un petit mot au comité en question, que je te tiens à votre disposition, sachant que cette maman est membre d’Autisme France, ce qui n’est qu’un paradoxe de plus.
Indépendamment de tout cela, en novembre 2013 mon service est visité par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui passent dans la plupart des services psychiatriques ou dans les prisons et autres lieux de privation de liberté. Mon service d’enfants et d’adolescents ayant 67 lits temps plein dans des unités toutes fermées à clé, il est normal que le contrôleur général des lieux de privation de liberté y passe. Il se trouve qu’alertés sur la question du packing ils ont aussi étudié de manière beaucoup plus approfondie cette question, puisque les 4 inspecteurs sont restés une semaine dans mon service. Leur rapport a été rendu public en 2016 et je te cite ce que la sociologue a trouvé intéressant : « Le respect des droits des enfants et des adolescents, en qualité de patients et de citoyens est une préoccupation affichée et partagée par l’ensemble de l’équipe ». Plus loin : « la pratique du packing a fait l’objet d’études et d’évaluations de l’équipe médicale tant du point de vue thérapeutique qu’éthique. Il apparaît qu’elle est mise en œuvre avec discernement dans le respect du bien-être du patient, exclusivement sur prescription médicale, et avec l’accord des parents ».
Dernière polémique concerne Églantine Eméyé, dont le fils, alors qu’il était dans une structure comportementale ABA beaucoup trop stimulante et complètement inadaptée pour lui, s’est trouvé dans une situation extrêmement difficile puisqu’il avait un polyhandicap associé à des automutilations majeures. Désespérée par tous les avis contradictoires qu’elle avait reçu et qu’elle raconte très bien dans son livre, elle a finalement suivi la préconisation de packing qui lui avaient été proposés par les collègues qui suivaient son fils, et a pu constater combien ça l’avait soulagé et aidé. D’ailleurs l’équipe qui l’a reçu du côté de Toulon dans le centre où il est maintenant pris en charge, a poursuivi ce soin un certain temps dans leur institution.
Pour finir, et cela explique la position de Madame Neuville, Autisme France et Europe ont continué leur travail de sape, de désinformation et d’activisme judiciaire/administratif puisque personne dans les administrations et au gouvernement ne cherche à contrôler leur activisme. Autisme Genève, qui a utilisé les documents d’Autisme Europe et Autisme France, a présenté à l’ONU dans le cadre de la conférence de l’enfance, exactement le même genre de texte sur le packing, et obtenu de ladite commission le qualificatif de pratique maltraitante. Le document de l’ONU concerne les conduites institutionnelles de maltraitance à l’enfant, qui vont de l’accueil des réfugiés, le droit des grands parents, quelques éléments sur des soins hospitaliers, et une ligne sur le packing, sans commentaire ni argumentation. D’ailleurs je pense que ce passage par l’ONU a peut-être conduit les collègues suisses psychiatres d’adultes à faire cette publication toute récente de leurs observations de packing dans deux hôpitaux psychiatriques adultes.
Au total, il s’agit de polémiques, de sensationnel, parfois de diffamation, de préjugés concernant une pratique qui est marginale, qu’on devrait qualifier de « thalassothérapie » à l’hôpital, et qui évite de parler des vrais problèmes.