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2 juin 2017

Onfrayant par Laurent Joffrin — Libération

de la "moralisation" de la vie médiatique

par Philippe Grauer

de la "moralisation" de la vie médiatique

Onfray impavide dévide prétentieusement une accumulation de propositions irrecevables sur la dite "logique du système" qui ranime la triste flamme de la théorie du complot. Que trois médias de conserve propulsent ces sottises invite à s’interroger sur leur conception de la morale. Laurent Joffrin épingle le drôle, merci à lui de nous ramener au bon sens, consistant souvenons nous en à bien juger et distinguer le vrai du faux.

Triste cire, que celle qui fait briller les pompes du philosophe Onfray, lequel pince sans rire troque le marteau avec lequel Nietzsche entreprend de briser les poncifs de la philosophie de son temps pour sa réplique en plastic mou qu’on trouve à l’étal des boutiques pour touristes. Il faut donc à l’affiche du media circus politique ambiant ce clown insignifiant "martelant" une argumentation nulle à coups de paralogismes ? avec Trump on a déjà la connerie au pouvoir, avec Onfray on a plus con que con. "Que philosopher c’est apprendre à mourir" : de rire.

Muni de sa lanterne j’imagine Diogène cherchant notre homme. Il pourrait aussi chercher un hebdomadaire. Que signifie que trois hebdos acceptent l’indignité de ce coup de pub minable ? je l’ignore mais que tout ça soit tombé bien bas mérite de se voir signaler.

On nous propose une loi de moralisation de la vie politique. L’emploi en cette occasion du terme moral concurrence dangereusement celui d’éthique et présente le risque de s’infléchir en ordre moral à la puritaine. Bon, ceci pour le politique. Mais pour le médiatique on peut toujours parler de déontologie ou d’éthique. Avoir le culot de présenter une littérature — je n’ose pas dire une philosophie, mais parler en l’occurrence de littérature risque également de compromettre cette dernière, comment dire ? prose ? non, chose peut-être — une telle chose donc, comme de la pensée livrée sérieusement à la considération publique, discrédite les médias auteurs de l’opération.

Mise à nu par ses célibataires mêmes, la philosophie survivra à l’outrage. Espérons que le public quant à lui fasse savoir qu’il n’est pas admissible que les médias pensant (!) vendre du papier le mésestiment à ce point.

 

 


par Laurent Joffrin — Libération

Libération 2 juin 2017

Lettre de campagne de Laurent Joffrin

La réflexion sur la notion de vérité est une des branches de la philosophie. Michel Onfray, philosophe, a pris sur ce point une option radicale : il a décidé de s’en affranchir purement et simplement. Le plus médiatique des contempteurs des médias, qui fait la une de trois hebdos la même semaine mais qui se présente toujours comme un paria du débat public, donne à l’Obs un entretien sur la campagne présidentielle qui restera dans les annales de l’approximation, du sophisme et du storytelling paranoïaque. Involontairement comique et intellectuellement consternante, sa rhétorique mérite le détour, pour le fun en tout cas.

Passons sur les insultes débitées sans retenue – Hamon, un fasciste de gauche (???), Hollande, Sphincter Ier (élégant…), Mélenchon, Robespierre le petit (qui a-t-il fait guillotiner ?) – et sur la modestie du philosophe qui s’identifie sans rire, dans la même phrase, à Vauvenargues, Voltaire, Chamfort et La Rochefoucauld (on n’est jamais mieux servi que par soi-même). Résumons plutôt sa thèse : le «système» a programmé à l’avance l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la république. Quel système ? «Les médias, l’université, l’édition et l’école», qui ont «imposé un dispositif qui nous contraint à un non-choix». Ainsi tout était joué d’avance, puisque des forces cachées, derrière lesquelles se dissimule le grand capital, ont «tout fait» pour assurer la victoire de Macron. L’Obs objecte que le grand capital aimait tout autant Fillon et son programme franchement libéral. Mais non ! «Le capital a toujours intérêt à aider les gens de droite qui se présentent comme des hommes de gauche parce que cela dispense les syndicats de descendre dans la rue.» On l’a bien vu au moment de la loi El Khomri : les syndicats se sont abstenus soigneusement de manifester contre ce projet présenté par un gouvernement de gauche…

Et la chute de Fillon, une opération concertée ? «Bien sûr», répond Onfray, c’est le «cabinet noir» de François Hollande (un agent du grand capital) qui a tout fait. L’Obs émet un doute sur l’existence de ce cabinet noir ? «Soyons lucides, répond Onfray, les cabinets noirs ont existé sous toutes les présidences.» Notre philosophe effectue ainsi une percée conceptuelle majeure : le syllogisme à une seule prémisse. Les cabinets noirs ont toujours existé (pas de démonstration sur ce point), donc ils existent toujours. Les preuves ? Pas besoin , puisque la conclusion est dans la prémisse…

Hollande a donc tout manigancé pour servir Macron, y compris l’élection de Hamon dans la primaire (lequel a pourtant passé son temps à critiquer le quinquennat Hollande). Evidence pour Onfray : le PS a désigné volontairement un mauvais candidat pour laisser le champ libre à Macron ! Volontairement ? «C’est un fait», assène Onfray. La preuve ? «Il y a eu un bourrage des urnes le soir du premier tour de la primaire de la gauche», acte dont «le responsable» s’appelle Christophe Borgel. Rappelons que ce «bourrage des urnes» n’est en rien prouvé, et surtout pas en faveur de Hamon, que Valls n’a pas protesté contre le résultat (sans doute était-il complice), et que Christophe Borgel, accusé par Onfray d’avoir triché en faveur de Hamon… soutenait Valls. C’est sans doute la ruse suprême de Hollande et du grand capital : faire bourrer les urnes en faveur de Hamon par un partisan de Valls !

Au vrai, pas besoin d’être philosophe pour constater que Macron fait partie de l’establishment et qu’il est social-libéral. Encore faut-il démontrer – et non se contenter d’affirmer – que tout était manipulé et programmé à l’avance. Mais c’est là une remarque triviale qui nous fait descendre des hauteurs métaphysiques pour patauger dans le réel, si désagréable.

Plus sérieusement, on se demande pourquoi, sinon pour des raisons de vente, trois hebdos en principe crédibles donnent tant de visibilité à des élucubrations aussi grotesques. Onfray se réclame de Proudhon qui a écrit un opuscule célèbre : Philosophie de la misère. On connaît aussi la réponse de Marx, dans un autre pamphlet fameux : Misère de la philosophie.