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20 avril 2010

Onfray : (le doigt) dans l’œil du cyclone Henri Roudier, présenté par Philippe Grauer

Henri Roudier, présenté par Philippe Grauer

Préliminaire.

Dans l’oeil du cyclone


Ça continue. Henri Roudier, professeur de mathématiques au lycée Chaptal nous fait parvenir sa réaction, où il s’efforce situer la place de l’extrême droite dans le débat. 2002 -2010 : si on contextualise on n’en est plus à des soubresauts erratiques, il s’agit d’une tendance historique sur la durée. Freud, c’est sûrement un honneur, donne lieu à des attaques coordonnées sur une base idéologique cohérente, visant à crapuliser la psychanalyse sur le socle sous-jacent d’accusations insistantes dans le registre bien entendu masqué de l’antisémitisme, qui signe la chose du côté du « détail », celui qui tue.

Cela permettra immédiatement à ceux qui savent se repérer dans ce genre de littérature et de paysage, de savoir immédiatement où ils sont, avec Michel Onfray. Il est plus inquiétant d’observer que des gens de gauche demeurent aveugles à l’évidence et introduisent le vampire dans la demeure. Ainsi nous apprenons que Le Monde vient d’attribuer une chronique à notre pourfendeur célinien. Abasourdissant.

C’est le mérite de la réaction spontanée d’intellectuels de tous bords d’avoir alerté de l’arrivée du loup aux abords de la bergerie. On se plaisait à penser que plus jamais on n’aurait à rencontrer ce style. Eh bien { {le plus jamais ça n’aura fonctionné, on aurait pu s’en douter, qu’un temps. La nouvelle génération n’a pas connu ce genre de littérature, ce ton terrible. Elle n’est pas immunisée. À nous, qui l’avons connu, de l’en prévenir. Ne jamais, au grand jamais, y prêter le flanc.

Philippe Grauer}}


Il y a cinq ans déjà le  Livre noir de la psychanalyse  proposait un montage hallucinant de quelques travaux historiques déjà connus et fort discutables sur la psychanalyse d’une part, et de textes militants pour la promotion des thérapies cognitives et comportementales. Ainsi l’un des auteurs de l’ouvrage, Jean Cottraux, a participé à l’élaboration du fameux rapport de l’INSERM publié quelques mois auparavant ; ce rapport prétendait établir la supériorité de ces thérapies sur toutes les autres psychothérapies en se basant sur une méthode statistique totalement biaisée.

A l’époque le livre fait la une du Nouvel Observateur dirigé par Laurent Joffrin qui s’obstine à voir dans ce livre un équivalent du  Livre noir du communisme . Depuis les temps ont changé et Laurent Joffrin a quitté Le Nouvel Observateur pour Libération où manifestement il continue à défendre les mêmes positions. Quant à l’Observateur, il est revenu à une position rationnelle et s’est engagé à nouveau dans une démarche qui lui fait honneur (cf numéro récent intitulé : Pourquoi la psychanalyse ).

Si les auteurs du Livre noir venaient de tous les horizons politiques, on ne pouvait les situer à l’extrême-droite. Il n’en est pas de même de l’ouvrage de Jacques Bénesteau, paru en 2002 intitulé  Mensonges freudiens. Histoire d’une désinformation , préfacé par Jacques Corraze, psychiatre et ancien professeur à la faculté de Toulouse, proche des thèses du Front national. On sait que Benesteau et le Club de l’Horloge ont intenté en février 2005 un procès en diffamation à Élisabeth Roudinesco pour un article paru dans Les temps modernes (n° 627) intitulé “Le Club de l’Horloge et la psychanalyse. Chronique d’un antisémitisme masqué”. Le club de l’Horloge et J. Benesteau ont perdu le procès. Moment d’autant plus intéressant que se trouvait en jeu un concept historique et linguistique, celui d’antisémitisme masqué (2).

Or dans son pamphlet intitulé  Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne , M. Onfray adopte la thèse de Benesteau selon laquelle il n’y avait pas d’antisémitisme à Vienne durant l’entre-deux-guerres car les Juifs occupaient des postes importants dans tous les secteurs de la société. Il y fait également l’éloge de  La scolastique freudienne  (Fayard, 1972), ouvrage de Pierre Debray-Ritzen, pédiatre et fondateur de la Nouvelle droite, connu à l’époque pour ses positions contre le divorce et l’avortement. M. Onfray peut donc continuer à se prétendre d’extrême-gauche ou libertaire, mais force est de constater que ses textes s’inscrivent dans une toute autre tradition et que sa plume emprunte souvent les chemins de la rhetorique de l’extrème-droite ; on en trouvera d’ailleurs une illustation saisissante dans sa réponse au texte d’Elisabeth Roudinesco. En témoigne également, dans un autre registre, son ouvrage sur Charlotte Corday.

Il faut également dire un mot du site internet psychiatrie und ethik. Il s’agit bien d’un site d’extrème-droite ; le logo en est un décalque étonnant de celui du Front national et Laurent Joffrin (cette fois plus lucide) l’observait lui-même en octobre 2005 dans une réponse à une lettre ouverte de S Bialek. Voici l’extrait :

« … Ai-je poussé la curiosité jusqu’à m’informer du contenu du site psychiatrie und ethik ? demandez-vous. Oui, dès le mois d’août dernier, quand les premières accusations contre les auteurs du Livre noir ont été formulées. Nous nous sommes renseignés et il est vite apparu que les auteurs du Livre noir avaient été impliqués dans ce site sans en connaître la louche orientation politique. Ils ont tous rompu avec ce courant dès qu’ils en ont constaté la nature idéologique… »

Enfin il faut faire état de la lettre qu’a adressée l’un des auteurs du Livre noir, M. Borch Jacobsen à Jacques Bénesteau le 24 décembre 2003. En voici le contenu :

“Je vous saurais gré de cesser de me faire parvenir la littérature du Club de l’horloge, officine bien connue de l’extrême-droite française. En ce qui concerne mes rapports avec Elisabeth Roudinesco, il est de notoriété publique que je suis depuis de longues années en désaccord complet avec ses positions. Ceci toutefois ne saurait m’inciter à me rallier aux chemises brunes intellectuelles avec lesquelles vous avez jugé bon de vous associer. J’ai le plus grand mépris pour tout ce que représente le Club de l’horloge et je ressens comme une insulte que vous ayez pu songer un seul instant que je m’associerais à cette provocation”

On se demande comment aujourd’hui le même Borch-Jacobsen peut accepter une alliance avec Michel Onfray (comme on le voit par exemple dans une émission récente de  TV : La grande librairie).

On se demande de même comment Laurent Joffrin dans son éditorial du 17 avril 2010 en adoptant à nouveau une posture soi-disant objective, cette fois pour défendre le livre de Onfray, peut favoriser sans même s’en rendre compte les thèses de l’extrème-droite et entraîner son journal dans une telle dérive.

La dictature du marché expliquerait-elle ces prises de position ?

Henri Roudier

Bulletin de la SIHPP (ioi même)