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19 mai 2009

Oui aux psychothérapeutes (relationnels), non aux charlatans FF2P, texte introduit par Philippe Grauer

FF2P, texte introduit par Philippe Grauer

Le projet de loi sur l’hôpital menace de provoquer une erreur historique

La presse y va fort depuis la publication du rapport de la Miviludes, l’excellente Mission interministérielle de lutte contre les sectes, dont le président Georges Fenech, déclare au Figaro que « les gens qui souhaitent se tourner vers un psychothérapeute ne savent pas comment faire le bon choix ».

Ça n’est pas faute d’avoir été auprès du Ministère de la Santé depuis des décennies expliquer qui nous étions, ce que nous faisions et les garanties dont nous entourions notre pratique, encadrée par nos Cinq critères.

Non, l’idée qui conduit à nous ignorer volontairement c’est qu’il faut confier aux psychologues et aux psychiatres le soin d’administrer la psychothérapie relationnelle, non enseignée à l’université qui n’en veut rien savoir(1). Même pas, le soin plutôt d’administrer des psychothérapies à protocoles, nous ayant disparu. En fumée ? comment nous ignorer, ingnorer notre psychothérapie du processus de subjectivation et penser magiquement qu’il suffit de fermer les yeux dans notre direction pour que nous cessions de gêner le scientisme sécuritaire ambiant ?

Enfin l la bataille médiatique fait rage, et Le Monde affiche cet article que nous vous soumettons, comme un peu d’antidote à celui de La Croix, parfait contre les sectes, odieux contre la vérité.

D’autres voix que celle de la FF2P représentent comme on sait le quartel des institutions historiques de la psychothérapie relationnelle. Dont celles du SNPPsy, du Psy’G, de l’Affop. On peut peut-être encore aujourd’hui s’autoproclamer « psychothérapeute », mais chacun sait que nos praticiens dûment encadrés fournissent toutes les garanties requises à qui sagement désire ne pas se confier au premier venu (y compris à un psychiatre qui se prétendrait psychanalyste par exemple).

Le texte que nous vous soumettons constitue une reprise de celui que nous avons déité précédemment sur le même sujet sous l’intitulé dramatisé comme les usagers en danger. On s’y référera pour connaître notre réflexion critique à ce sujet.

Philippe Grauer


Dans le cadre du projet de loi réformant l’hôpital, le Sénat examine d’ici au 20 mai, une nouvelle formulation de la loi d’août 2004, réglementant l’usage du titre de psychothérapeute. En effet, cette loi n’a jamais pu être mise en oeuvre, le Conseil d’Etat ayant successivement rejeté tous les projets de décret d’application proposés par le gouvernement.

Bien que dans plus de 90 % des cas les psychothérapies soient aujourd’hui entreprises à l’initiative des  » usagers  » eux-mêmes, en dehors du cadre hospitalier, un article a été ajouté à ce texte de loi visant essentiellement à réformer l’hôpital, et le Sénat doit se prononcer maintenant, en  » procédure d’urgence « .

Ce nouveau texte proposé par le gouvernement, et adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, n’est pas conforme aux normes européennes et risquerait de constituer une erreur historique : en effet, il mettrait en danger des usagers psychologiquement vulnérables, en accordant la caution de l’État à des médecins et des psychologues, certes compétents dans leur domaine, mais non formés spécifiquement à la psychothérapie ; et cela en excluant paradoxalement les psychothérapeutes professionnels qualifiés, certifiés à un niveau bac + 7, dans une trentaine d’établissements d’enseignement supérieur privé. Il convient de rappeler que la pratique de la psychothérapie n’est pas, en France, enseignée à l’université publique.

Quatre millions de personnes (soit 8 % de la population adulte française) ont eu recours à la psychothérapie afin de pouvoir surmonter leurs souffrances psychosociales : dépression, stress, chômage, isolement, conflits conjugaux, familiaux ou professionnels, traumatismes psychologiques, etc.

Douze méthodes scientifiques sont largement reconnues à l’échelle européenne ; elles se répartissent en cinq courants principaux : psychanalyse, thérapies cognitivo-comportementales, thérapies familiales, psychothérapies humanistes ou psychocorporelles, psychothérapies intégratives.

La formation dispensée depuis un quart de siècle, dans des écoles et instituts privés (niveau d’entrée bac + 3 minimum, avec une sélection concernant l’équilibre et la maturité de la personnalité), comprend une psychothérapie personnelle, des cours théoriques, incluant la psychopathologie, une formation méthodologique et pratique, sous supervision étroite, et un engagement déontologique.

Il importe de souligner que beaucoup de ceux et celles qui choisissent, à 40 ans en moyenne, la psychothérapie comme second métier, ont déjà une expérience professionnelle qui les y prédispose particulièrement (travailleurs sociaux, métiers de la santé, éducateurs…). C’est eux que la loi éradiquerait de l’exercice de cette profession. Il s’agirait là d’une décision incompréhensible et impardonnable.

Cependant il est vrai que, profitant de l’absence de textes législatifs, un certain nombre de charlatans, voire de  » gourous  » de mouvements à caractère sectaire, se sont autoproclamés  » psychothérapeutes « , sans aucune formation sérieuse et représentent un danger certain d’infiltration dans le no man’s land que créerait l’adoption de la loi dans sa rédaction actuelle. Croyant viser au mieux, elle risque fort de virer au pire.

En effet, le projet d’article en débat au Sénat ne fait pas la distinction radicale qui s’impose entre ces usurpateurs et les psychothérapeutes qualifiés authentiques. Ce projet a fait l’objet du dépôt de onze amendements émanant de plusieurs courants politiques (UMP, Union centriste, PS). Le vote doit intervenir en début de semaine.

A noter qu’un manifeste initié, le 9 mai, par dix-sept professionnels incontestés, circule en ligne et a déjà été signé par plusieurs centaines de médecins, psychologues et professeurs d’université dûment formés à la psychothérapie ou à la psychanalyse dans des instituts privés, à l’issue de leurs études universitaires de base.

Ces spécialistes – parmi lesquels plusieurs personnalités mondialement connues, comme Boris Cyrulnik, Mony Elkaïm, etc. – font part de leur désaccord profond et attestent qu’ils ont acquis leur formation de psychothérapeute ou de psychanalyste en dehors du circuit universitaire traditionnel, qui se prête mal à une formation aussi spécifique et personnelle. L’avenir et la créativité d’un métier essentiel à nos sociétés modernes se trouvent ainsi gravement menacés.


Serge Ginger, président de la Commission européenne d’accréditation des instituts de formation à la psychothérapie ;

Edmond Marc, professeur émérite des universités, Paris-X ;

Armen Tarpinian, directeur de la revue de  » Psychologie de la motivation « .

Codirecteurs de l’ouvrage Être psychothérapeute, questions, pratiques, enjeux. Dunod, 2006).

© Le Monde