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22 août 2007

Persistance de théories contestant le lien entre VIH et sida Paul Benkimoun (Le Monde)

Paul Benkimoun (Le Monde)

Le conspirationisme resurgit périodiquement. Savoir raison garder — et soutenir, relève de notre responsabilité d’un humanisme sans faille face à l’irrationnel combattant. Il ne suffit pas de se présenter comme alternatif pour pouvoir mettre en déroute le concensus scientique du moment. Encore faut-il argumenter, solidement de préférence.

La psychothérapie relationnelle, en qualité de science humaine, tient à un nécessaire régime spécial concernant la question de l’évaluation, prenant en compte la dynamique de la subjectivation. Son souci est d’empêcher celle-ci d’imposer des critères mal conçus dans un domaine où ils ne sauraient s’appliquer.

Cela dit, ne confondant pas scientisme et esprit scientifique, elle se tient systématiquement du côté de la science et de la rationalité. « L’argent des laboratoires pharmaceutiques » peut devenir un argument paranoïdal à tout faire et tout ne rien prouver du tout.

Il ne suffit pas en matière de sida de se dresser sans preuves crédibles aux yeux de la communauté scientifique, pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour. Voici pourquoi nous portons à votre connaissance cet intéressant article (1).

Philippe Grauer


Des théories niant le lien entre VIH et sida persistent sur Internet.

La revue en ligne  » PLoS  » publie un article inquiet des conséquences que certaines » thèses  » peuvent avoir sur la prévention anti-sida.

Tara Smith (université de l’Iowa) et Steven Novella (université Yale) écrivent, dans un article publié, vendredi 17 août, par la revue en ligne Public Library of Science (PLoS) Medicine : « Il peut sembler remarquable que, vingt-trois ans après l’identification du VIH, il y ait encore un déni du fait que le virus soit la cause du sida. » Ils s’alarment de la persistance de théories qui prospèrent sur le Net. Principalement alimentées par la « perte de confiance à l’égard des autorités et des institutions scientifiques et médicales« , ces thèses risquent d’avoir de lourdes conséquences en termes de vie perdues en sapant la prévention de l’infection par le VIH et en rejetant les médicaments antirétroviraux.

La remise en cause du rôle du VIH dans la survenue du sida n’est pas récente. Dès 1987, Peter Duesberg, professeur de biologie moléculaire et cellulaire à l’université de Berkeley (Californie) avançait l’hypothèse que sous le terme sida étaient regroupées différentes maladies dues soit à des drogues, soit à la consommation d’AZT, le premier médicament utilisé contre le VIH. Le fait qu’un scientifique mette en cause des données faisant par ailleurs l’objet d’un très large accord dans les milieux de la virologie et de l’immunologie ne suffit pas à valider ses thèses ni à faire de lui un nouveau Galilée.

Les théories de Duesberg et de son collègue David Rasnick avaient été reprises par le président sud-africain Thabo Mbeki, qui justifiait ainsi son refus de fournir des traitements anti-VIH. Cela avait provoqué le lancement, en juillet 2000, de la Déclaration de Durban, signée par plus de 5 000 personnalités de plus de 50 pays. Elle faisait litière des contestations de la responsabilité du VIH. Michel Kazatchkine, à l’époque directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida, et le sociologue Didier Fassin en résumaient les arguments scientifiques dans une tribune parue dans Le Monde le 16 mai 2000 : « La mise en évidence constante du virus chez les personnes malades, le lien chronologique entre la contamination par le VIH et la survenue de la maladie, l’efficacité démontrée des médicaments antirétroviraux, les informations obtenues dans des modèles animaux faisant appel à des virus très voisins, ainsi que de nombreuses autres preuves expérimentales ont conduit depuis longtemps l’ensemble de la communauté scientifique mondiale à reconnaître sans réserve l’existence d’un lien de causalité entre le VIH et le sida. »

AFFIRMATIONS PÉREMPTOIRES

Cela ne suffit pas aux groupes comme Reappraising AIDS ( » Repenser le sida »), qui persistent dans les affirmations péremptoires et demandent toujours plus de preuves scientifiques qu’il n’en a été apporté. Pour autant, les tenants des  » théories alternatives  » sur le sida ne fournissent pas d’arguments scientifiquement fondés à l’appui de leurs thèses. Comme le font toutes les théories conspiratrices, ils procèdent en tentant de discréditer les théories officielles, selon eux corrompues  » par l’argent des laboratoires pharmaceutiques « .

Tara Smith et Steven Novella s’alarment d’une étude, publiée en 2005, montrant qu’aux États-Unis,  » une large proportion des Afro-Américains a des doutes sur les théories dominantes sur le sida du fait d’une méfiance généralisée à l’égard des autorités gouvernementales « . La santé publique a besoin, selon eux, d' » un message clair et simple, soutenu par un solide consensus de la communauté médicale « . En s’impliquant dans cette bataille, les scientifiques devraient contrer la désinformation sur le VIH, mais aussi  » expliquer le processus par lequel les preuves scientifiques sont rassemblées, analysées et finalement acceptées « . Les institutions scientifiques devraient les y inciter, concluent-ils.