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3 mai 2009

Prêtre, instite, psy Caroline Fourest. Préfacée par Philippe Grauer.

Caroline Fourest. Préfacée par Philippe Grauer.

Quand on connaît l’orientation idéologique sociale et politique de l’actuel pape on redoute ce que les mesures prévues pourraient produire et l’on se surprend à décidément trouver que la loi de 1905 sur le séparation de l’Église et de l’État, sur le modèle de laquelle depuis toujours nous avons soutenu qu’il serait avisé de régler les rapports de la psychothérapie relationnelle et de la psychanallyse avec l’État, demeure une bonne loi, dont toute remise en cause serait fâcheuse.

Reprenant le propos de Freud nous soutenons le principe dit de la laïcité de la psychanalyse, l’étendant à la psychothérapie relationnelle. L’indépendance des psychothérapeutes relationnels par rapport aux médecins et aux psychologues se distingue de celle de l’école de la République face aux institutions ecclésiastiques. Pourtant un lien associe ces concepts, tenant à l’idée qu’une identité ne doit pas se voir soumise à une autre indûment, pour des raisons de commodité du moment, liée dans les deux cas à une régression de la position humaniste.

Nous avons quant à nous à cœur de soutenir le principe d’une saine dissociation institutionnelle, respectant la personnalité morale, d’un côté de l’État républicain, de l’autre des pratiques psychiques fondées sur le principe de la dynamique de la subjectivation et de la liberté pour l’individu, la personne ou le sujet comme on voudra, de déterminer par lui-même ce qui de sa vie, dans sa vie et son histoire propre, fait sens à ses yeux.

La transmission des valeurs qui sont les nôtres ne saurait se voir confisquer ou falsifier. En l’occurence « l’autorité compétente d’une des parties », celle de nos Écoles par nous encadrées et agréées — qui n’ambitionnent pas la qualité universitaire mais de transmettre un complexe de savoir, savoir faire, savoir être et savoir faire être — mériterait de se voir considérer comme lieux de formation dignes de reconnaissance, homologables, articulables même à l’université.

Nous ne demandons pas « l’équivalence de compétence » en voie d’être obtenue par l’Église catholique, mais seulement le respect de notre identité professionnelle et des institutions de formation et de reconnaissance qu’elle s’est donnée comme cadre et sécurité.

Nous ne nous posons pas en rivalité et concurrence avec nos collègues psys universitaires, puisque nous faisons et sommes autre chose. Il serait sage de ne pas chercher à régler un problème de coexistence par la subordination et l’élimination. Dans le cas de l’Église récupérant le terrain abandonné par les IUFM, l’abus part dans l’autre sens. Nous ne demandons que justesse et justice. Que notre existence soit prise en compte, dans le cadre d’un système global de certification et reconnaissance qui ne maltraite personne ni aucune institution digne de respect.

Philippe Grauer

– Les inter titres sont de la Rédaction.


QUAND LE PRÊTRE FORMERA L’INSTITUTEUR

Un assaut sans précédent

On assiste à un assaut sans précédent pour tenter d’affaiblir
l’enseignement républicain et laïque au profit de l’enseignement privé
et confessionnel. En principe, la République « ne reconnaît, ne salarie,
ni ne subventionne aucun culte ». En coulisse, tout est fait pour
torpiller l’esprit de cette loi dès qu’il s’agit d’éducation nationale.
Dans la plus grande discrétion, tout un pan du discours prononcé par
Nicolas Sarkozy à Saint-Jean-de-Latran vient d’entrer en vigueur. On se
souvient de cette phrase dans laquelle le président plaçait le prêtre
au-dessus de l’instituteur « dans la transmission des valeurs ». Depuis,
il a tenté de minimiser. Ces mots traduisent pourtant une vision de la
transmission et de l’enseignement que son gouvernement applique à la
lettre.

Gestion postcoloniale de l’islam

Dans une autre partie de son discours, moins célèbre, le président
regrettait que la République ne reconnaisse pas la « valeur des diplômes
délivrés par les établissements d’enseignement supérieur catholique ». On
pensait à la reconnaissance de diplôme de théologie. Ils n’ont pas à
être validés par la République puisqu’elle ne « reconnaît aucun culte ».
Mais le président s’obstine. Notamment avec l’arrière-pensée de pouvoir
estampiller la formation des imams rêvée par le ministère de l’intérieur
mais dispensée par la Catho. Un bricolage qui ne fait que renforcer
l’impression d’une gestion postcoloniale de l’islam, donc la propagande
islamiste. Tout en tuant à coup sûr l’esprit de 1905.

Diplômes d’enseignement supérieur sous l’autorité compétente … de l’Église

L’affaire est plus grave qu’il n’y paraît. Les décrets de cet accord –
signé en catimini entre la France et le Vatican le 18 décembre 2008 –
viennent de tomber. Ils prévoient la « reconnaissance mutuelle des
diplômes de l’enseignement supérieur délivré sous l’autorité compétente
de l’une des parties ». Or cette « reconnaissance » ne vaut pas seulement
pour les matières théologiques mais aussi profanes. Autrement dit, le
baccalauréat ou d’éventuels masters.

Fin du diplôme d’État

L’accord feint d’appliquer une directive européenne (le processus de
Bologne), pensée pour reconnaître les diplômes étrangers, mais il change
de nature à partir du moment où il est signé avec le Vatican, pour
« reconnaître » des diplômes délivrés sur le sol français par des
établissements de l’Église. Ce qui revient non seulement à casser le
monopole des diplômes qu’avait l’État depuis 1880, mais aussi l’esprit
de l’article 2 de la loi de 1905.

Petite astuce

Jusqu’ici, les établissements catholiques privés pouvaient parfaitement
préparer des élèves au bac, mais ceux-ci devaient passer leur diplôme
avec tous les autres. Petite astuce connue des professeurs : de nombreux
établissements privés choisissent de ne présenter que les meilleurs
élèves sous leurs couleurs et d’envoyer les autres en candidats libres
pour améliorer leur score de réussite au bac. Appâtés par des
pourcentages tournant autour de 100 %, de plus en plus de parents se
tournent vers ces établissements au détriment de l’école publique.

L’Opus dei refait surface

Le gouvernement fait tout pour encourager ce choix : démantèlement de la
carte scolaire, baisse du nombre de professeurs dans le public. Le plan
banlieue est à sec, mais on racle les fonds de tiroirs pour financer –
sur fonds publics – l’ouverture de 50 classes privées catholiques dans
les quartiers populaires. Un grand lycée Jean-Paul-II est sur les rails.
Un collège tenu par l’Opus Dei est déjà sous contrat.

Le Vatican pourrait former les enseignants

Il ne manquait plus que ça : la fin du diplôme d’État. Justement au
moment où l’État annonce vouloir supprimer les IUFM, brader les
concours, et remplacer leur formation par un master que pourrait
préparer n’importe quel établissement privé. Comme ça, en plus de
délivrer le baccalauréat, le Vatican pourra ouvrir des masters destinés
directement aux futurs enseignants.

1905 : Combes ou catacombes ?

Un comité 1905 vient de porter plainte devant le Conseil d’État. S’il
n’obtient pas gain de cause, le prêtre aura le champ libre pour
reprendre la main sur l’instituteur.

Caroline Fourest