Intervention lors de la journée de l’appel des appels le 31 janvier 2009
Par Nathalie Georges Lambrichs
Présidente de l’Association des Psychologues Freudiens
Actualité
Après le lapsus à double détente de Muriel Michelin*, je vais dire un gros mot : Psy-cha-na-lyse ? Psychoanalysis. Un mot qui déchaîne autant de préjugés qu’il y a d’auditeurs et d’auditeures.
Un mot qui éveille en chacun de vous des préjugés, dont les psychanalystes sont les premiers solidaires, par principe. Ils ont contribué à les créer avec vous, par leurs insuffisances, leurs prétentions, leurs guéguerres et leurs ridicules. Ce sont des gens bizarres. Dans le malentendu ils trouvent leurs ressources, dans le ratage le levier structural de leur opération. C’est que cette opération met en jeu ce lieu dit psychique, espace potentiel où gîte l’intime, l’intime si étranger en soi, où chacun peut, mais jusqu’à quel point ?,répondre de ce qui le cause, c’est-à-dire de son jugement – qui lui échappe –, de sa culpabilité – qui le paralyse – ou de son innocence – qui l’exclut des discours, de la tyrannie de la pulsion.
La psychanalyse est donc une éthique du sujet, une éthique de l’intérêt porté au comment ça rate, et avec quelles conséquences.
Depuis Freud, il y a donc des freudiens, dont certains sont « les psychologues freudiens », réunis dans une association. L’université les a produits, sensibilisés à la clinique, tandis qu’un autre cursus, de recherche et de développement, formait hier d’autres « psychologues ». Mais voilà que ces derniers sont devenus, par une alliance avec les neurosciences et leurs promesses étant donné d’une part les réponses du rat et, d’autre part, les captivantes images de l’imagerie cérébrale du Neurospin, des dits cliniciens.
Qui sont les dinosaures, qui les mutants ? Le débat est ouvert depuis cinq ans. Il doit se poursuivre. L’éradication légale de la Psychoanalysis est prévue pour 2011 en Grande-Bretagne. Alors, la psychanalyse ? Nous faisons valoir qu’elle est une démarche qualité, d’un autre type.
Rappel à rebours en quatre scansions
2008 : Le n°9 du Nouvel Ane (LNA) paru en septembre dernier comporte deux pleines pages consacrées à la déclaration de guerre aux technopsys, signée Roland Gori et Alain Abelhauser.
2006, janvier, lancement de la pétition Pasde0deconduite pour les enfants de trois ans.
2005 : « Extorsion de l’intime » est le titre choisi par Gérard Wajcman pour sa contribution à la Journée du CNAM intitulée « Trouble des conduites… dans l’Inserm ». [ organisée par les psychologues freudiens et l’InterCoPsychos – NDLR]
2004 : Jacques-Alain Miller convoquait le « Forum des psys » et créait donc LNA, journal apériodique (dont le n°9 est à la librairie), en réponse à l’amendement qui porte le nom d’un célèbre chasseur de sectes.
Contre-feux.
2009 : Là où nous voulons agir, Freud était sceptique : quels bienfaits attendre de la civilisation dont les trésors pèsent de tout leur poids sur les générations futures ? N’exige-t-elle pas trop de sacrifices ?
Le mérite de l’évaluation, c’est la simplicité : le sacrifice est radical. Les mots, elle nous les met en bouche, bien conformes, et renouvelables à son gré : ne dites plus malades ou patients, dites client, ne dites plus clients, dites usagers, non, acteurs de santé…
Cette novlangue flatte notre pente conformiste, elle se flatte d’éradiquer notre angoisse, et avec elle, la vitalité et le ressort de créativité individuelle qui en procèdent.
Questionnaires et protocoles auront raison de l’imperfection des langues humaines. Rien ne sert de savoir, il faut cocher à point… Aujourd’hui, l’insu portable est au zénith, ségréguant dans l’ombre tous ceux qui n’en seraient pas ravis et comblés.
«Saurons-nous redessiner dans cette jungle l’empire du non-agir ? Il est clair que nous devons nous retrousser les manches.
Notre collègue espagnol Juan Pundik nous en donne l’exemple, il a su sensibiliser l’opinion en matière de prescription de psychotropes aux enfants et aux adolescents, si bien que Ministère de la Santé et de la Consommation Espagnol a décidé d’imposer de sérieuses garanties à ces actes qu’on voudrait banaliser.
Ici et là les freudiens s’organisent, travaillant avec des équipes enseignantes, soignantes, éducatives, pénitentiaires ; créant des unités psychanalytiques d’orientation dans des CMP, ou des associations comme Souffrance au travail. Il s’agit d’imposer des intervalles où l’évaluation, certes, a cours, indexée sur d’autres exigences que le tout quantifiable si bien camouflé par la démarche dite qualité, une évaluation inventive comme l’est le développement non prévisible et non conforme de ceux qui souffrent dans leur corps érogène, sexué et doué de l’étrange faculté de penser, fût-ce avec leurs pieds, et des mots, des mots, encore des m-o-t-s.