Si nos psychiatres justement indignés s’étaient indignés un peu auparavant du sort que s’apprêtait à nous réserver l’Académie de médecine soucieuse de faire main basse sur notre titre de psychothérapeute en traitant de charlatans (« disqualifie les professionnels » dit le texte, eh oui, on commence par vouer l’autre aux gémonies pour passer un beau jour à son tour à la trappe) nos praticiens dûment autoréglementés, ils n’en seraient peut-être pas là, et nous avec eux.
Il convient en Histoire de ne pas céder à l’oubli.
Cela dit nous demeurons solidaires du combat qu’à présent ils mènent et continuons de les rappeler à leur devoir de solidarité envers nous. Qui s’attaque à quelque point du Carré psy l’attaque tout entier.
Voir également à ce sujet la brève par nous éditée ce 23 février.
Philippe Grauer
Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie c’est l’homme qui disparaît (François Tosquelles).
En 2003, nous étions tous réunis pour organiser les États Généraux de la Psychiatrie. Unitairement et démocratiquement, nous avions élaboré les 22 mesures d’urgence ainsi que les 4 motions fondant les axes généraux de notre exercice.
Il n’était pas question dans ces décisions de la révision de la loi de 1990. C’était sans doute une façon d’exprimer que cette loi ne semblait pas être un obstacle fondamental à nos pratiques et que d’autres urgences nous animaient.
Sept années plus tard, seule la révision de cette loi est la réponse du ministère à nos revendications. Et ceci dans un climat particulièrement difficile puisque depuis le discours d’Antony du Président de la République, la dérive sécuritaire envahit le champ de la psychiatrie : comme si tous les patients étaient identifiés à des criminels dangereux, actuels ou potentiels.
Nous étions ensemble à Montreuil le 7 Février 2009 pour dire notre indignation devant cette idéologie inacceptable ; à l’appel du collectif des 39, 2000 personnes ont clairement manifesté leur refus d’une telle politique.
30000 citoyens ont signé un appel condamnant le discours du président de la république.
Et pourtant 70 millions d’euros furent débloqués pour des murs, des caméras, des clés, des portes. Le pacte républicain s’est rompu : les préfets discréditent les avis des psychiatres, décident contre leur avis. Si l’hospitalisation protège le patient pour des soins, celle- ci devient un enfermement arbitraire quand le préfet refuse la sortie demandée par le psychiatre.
C’est dans ce climat délétère et morbide que nous a été proposée une modification de la loi de 1990 avec un projet de loi instaurant les soins sans consentement en ambulatoire.
En Septembre nous étions de nouveau tous ensemble à Villejuif : mille participants avec toutes les forces politiques d’opposition, tous les syndicats de psychiatres, plusieurs syndicats professionnels, quelques associations d’usagers, et des familles, ont affirmé leur opposition au projet de loi.
Après la décision du Conseil Constitutionnel le 26 novembre 2010, ce projet nous revient, modifié, avec « l’introduction » du juge pour les hospitalisations sous contrainte.
Vous savez que si depuis la loi de 1838, l’hospitalisation seule pouvait faire l’objet d’une contrainte identifiant les soins à un lieu, le changement prévu par le législateur est une modification sans précédent ! Il s’agit d’un changement paradigmatique dans ses conséquences car ce projet de loi n’ identifie plus l’hospitalisation, mais les soins eux-mêmes à la contrainte, les réduisant à une pure surveillance. L’obligation n’a t- elle pas pris le pas sur le contenu du soin ? Ce hors lieu de la surveillance, donc son omni-présence, penche dangereusement vers des choix totalitaires, des choix « contrôlitaires » ! C’est un lourd tribut : le monde de la psychiatrie est-il prêt à s’y soumettre ? à le payer ? Un constat est à faire : même si c’est pour des raisons différentes, parfois contradictoires, divergentes voire opposées, la quasi totalité des professionnels rejette ce projet.
Ce projet ne répond pas aux attentes des professionnels, des familles, des patients.
C’est un projet qui s’oppose frontalement aux nécessaires évolutions que des soins de qualité nécessitent : il maltraite les patients, il trompe les familles, il disqualifie les professionnels.
Dans la précipitation, dans un simulacre de concertation, sans prendre le temps de penser le soin en psychiatrie, cette « réforme » de la loi de 1990, si elle était adoptée, aggraverait d’autant plus les conditions de notre exercice, dont la dégradation nous avait amenés à élaborer 22 mesures d’urgences en 2003.
Pour une loi sanitaire qui prendrait en compte les moyens, la formation, la conception de la maladie (qui s’oppose à celle de la Fondation « FondaMental » qui vient d’être richement dotée), n’est-il pas possible d’organiser dans l’urgence qui nous est imposée, un front du refus unitaire, actif, mobilisateur ?
Le collectif des 39 ne restera pas inactif devant la gravité de la situation.
Il appelle toutes les forces vives de ce pays à se rassembler pour demander le retrait de ce projet.
Le temps presse : nous avons l’immense responsabilité d’organiser cette riposte ensemble.
Nous restons à l’écoute des propositions. Nous en ferons également. Bien cordialement à vous,
pour le Collectif des 39 :
Dr Mathieu Bellahsen, Selma Benchelah, dr Philippe Bichon, dr Hervé Bokobza, dr Loriane Brunessaux, Marie Cathelineau, dr Patrice Charbit, dr Franck Chaumon, dr Patrick Chemla, dr Guy Dana, dr Alexandra De Seguin, dr Roger Ferreri, dr Sarah Gatignol, Yves Gigou, dr Michaël Guyader, Serge Klopp, Émile Lumbroso, dr Paul Machto, Antoine Machto, Bénédicte Maurin, Simone Molina, Françoise Nielsen, Sylvie Prieur, dr Pierre Sadoul, dr Pedro Serra, dr Olivier Schmitt, dr Bruno Tournaire-Bacchini, dr Anne Tuffelli , Monique Vincent, dr Élie Winter.
Collectif des 39 : yglns39@orange.fr
Dr Hervé Bokobza : 06 85 31 71 61
Yves Gigou : 06 60 48 98 84
Dr Paul Machto : 06 80 65 47 79