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6 janvier 2010

Psychologie clinique ravagée par l’expertise Pr. Jean-Claude Maleval, Pr. Marie-Jean SAURET

Pr. Jean-Claude Maleval, Pr. Marie-Jean SAURET

Oui ces sigles ne disent rien à ceux qui ne sont pas de la partie. Ces sigles disent simplement que des professeurs en psychologie par ailleurs psychanalystes (SIUEERPP) et psychiatres, répondent à la guerre que leur ont déclaré les experts d’une agence d’évaluation (AERÈS), au nom d’âneries sans non comme l’Impact Factor, dont nous vous avons déjà souvent entretenus ici.

Nous avons bien de la chance, nous autres simples psychothérapeutes relationnels, de ne pas avoir affaire à ce genre de persécution administrativo politique, de ne pas vivre de cauchemar universitaire positiviste. Les psychanalystes qui avaient pensé naguère tirer leur épingle du jeu en jouant celui de nos persécuteurs du temps du Groupe de contact et de l’accusation de charlatanerie portée contre nous, se retrouvent iniquement traités à leur tour, bien plus tôt qu’ils auraient pu le prévoir.

Le professeur Maleval a toujours soutenu notre combat. Nous soutenons le sien. Il n’est pas bon pour la France de jouir d’une université brillant par sa stupidité. Il n’est pas bon pour le Carré psy d’assister à la tentative de démantèlement de pans entiers de savoir relatif au processus de subjectivation. Il n’est pas bon pour le public de voir mettre à mal des secteurs entiers de la recherche universitaire en sciences humaines cliniques.

Structurellement abrités de la destructivité des experts zélateurs de la scientistique, nos Écoles continueront de développer leur enseignement, recherche et transmission indépendants, couverts par le mépris de n’être pas universitaires. Secteur paradoxalement protégé, nous continuons d’accueillir et nourrir la pensée psychanalytique et néo-humaniste, une réflexion et clinique libres dans le domaine du processus de subjectivation.

Et nous continuerons d’appuyer le juste combat des professeurs de psychologie clinique aux prises avec les fonctionnaires d’Ubu.

Philippe Grauer


Pourquoi la liste de revues promue par l’AERES pour évaluer les publications des chercheurs en psychologie est-elle inéquitable et inacceptable ?

Parce que leur activité réelle de recherche, quand elle se traduit par la publication d’articles, n’est prise en compte que de façon marginale.

Prenons deux exemples sommaires, mais indicatifs de l’essentiel, ceux de deux universitaires cliniciens, appartenant à deux universités différentes, reconnus par leurs pairs (Professeurs 1re classe), ayant une certaine notoriété nationale (20 livres publiés pour l’un, 5 pour l’autre) et internationale, attestée par 28 articles en langues étrangères pour l’un, 33 pour l’autre, par des traductions de certains de leurs ouvrages, et par la participation à plusieurs ouvrages collectifs. L’un a commencé à publier en 1975, l’autre en 1977. Quelle est la part de leur production réelle d’articles actuellement prise en compte par la liste des revues AERES pour le domaine Psychologie-Éthologie-Ergonomie, mise à jour le 14-10-2009 ?
8, 84 % pour l’un ; 17, 21 % pour l’autre.
Pour le premier 10 articles évaluables sur 113 publiés.
Pour le second 26 articles évaluables sur 151 publiés.
(Dans les deux cas en négligeant certaines revues trop confidentielles).

On constate que la majeure partie de l’activité réelle de publication de ces chercheurs (91,12% et 82,79 % ) est ignorée de ceux qui prétendent l’apprécier avec pertinence. Quant à la plupart de leurs articles évaluables, ils ont été publié dans des revues au facteur d’impact « non déterminé », plus rarement « modéré », jamais au-delà. Malgré cela les deux enseignants-chercheurs sont parvenus à franchir les différentes étapes d’une carrière normale. Qu’en conclure? Que les évaluations antérieures étaient mieux adaptées? ou que les cliniciens doivent publier beaucoup plus que leurs collègues pour obtenir de leurs pairs une reconnaissance équivalente?

Bref, bien que leurs travaux possèdent une reconnaissance internationale (nombreux livres, chapitres d’ouvrages et articles traduits en plusieurs langues) de tels chercheurs constituent un handicap pour l’évaluation de leurs équipes de recherche. Bien entendu, dans ces conditions, en ce qui concerne les conséquences de l’évaluation des travaux de collègues plus jeunes, il faudrait trouver un mot plus fort que handicap.

Que l’on compare avec les enseignants-chercheurs qui situent leurs travaux dans le paradigme des sciences cognitives, ceux-là atteignent à des taux avoisinant 70% quant à la prise en compte de l’évaluation de leur production d’articles, lesquels sont de surcroît publiés dans des revues dont les facteurs d’impact sont plus élevés. On compare pourtant sans vergogne les uns et les autres.

Notons le paradoxe selon lequel les cliniciens publient en moyenne plus que les chercheurs du paradigme cognitiviste sans que cela ait une incidence positive sur leur évaluation. Il s’agit d’un effet de cultures éditoriales différentes méconnu par l’AERES.

Ceux qui imposent une évaluation méthodique, en elle-même fort contestable, ont pour premier devoir de la rendre équitable. Or la manière d’évaluer actuellement les productions d’articles des deux paradigmes, clinique et cognitif, est sans commune mesure. Elle est si disproportionnée, qu’accepter ou refuser l’évaluation de l’AERES n’est même plus un choix pour les cliniciens : dans les deux cas l’issue les concernant ne peut être que péjorative. Par la pré-évaluation de la psychologie clinique à laquelle procède la liste actuelle de l’AERES, chacun sait qu’elle est porteuse d’un projet de mort pour cette sous-discipline. Dans de telles conditions comment l’AERES peut-elle prétendre chercher à être « consensuelle »? L’inégalité d’évaluation méconnue entre sous-disciplines peut parfois n’être pas moindre que celle reconnue entre disciplines.

Pourquoi une telle situation ? Par la vertu d’une liste contraignante de revues édictée par des commissions dans lesquelles les cliniciens étaient soit minoritaires, soit non représentatifs de leur communauté. La liste actuelle de revues de l’AERES ignore la spécificité du champ clinique. Procéder à un nouveau toilettage de celle-ci serait sans effet : le gouffre entre l’évaluation des deux paradigmes resterait béant. Ce sont les critères mêmes qui doivent être reconsidérés. Les revues du champ clinique n’ont pas la même culture, ni les mêmes fonctionnements, ni les mêmes diffusions, ni les mêmes langues dominantes que celles de l’autre paradigme. (Ci-joint une liste de 56 revues dans laquelle les deux chercheurs pris en exemple ont publié. Une majorité de celles-ci devrait être considérée comme évaluable pour que dans leurs cas soient rétablis les équilibres – liste qui serait bien entendu à compléter et qui ne vise pas à être représentative.)

Pourquoi une sur-représentation écrasante (90% !) des revues anglo-saxonnes dans la liste Psychologie-Ethologie-Ergonomie? Au nom de l’impact factor, dont chacun reconnaît pourtant la niaiserie, mais qui reste déterminant dans la constitution de la liste, et dans le classement interne des revues. Il aboutit à faire équivaloir la diffusion de la langue anglaise avec la qualité des revues. Or le paradigme positiviste qui prévaut dans leurs comités de lecture oppose un filtre épais aux publications du champ clinique. La situation est très différente dans les revues de langue espagnole et portugaise. Une évaluation « consensuelle » de la psychologie clinique ferait à ces dernières une place beaucoup plus large. Pour les deux chercheurs considérés, ils publient quatre fois plus en espagnol et en portugais qu’en anglais (29 articles contre 7). Plusieurs de leurs livres sont traduits en espagnol et portugais, voire en italien ou en grec, aucun en anglais.

En psychologie clinique, la situation actuelle est comparable à celle qui imposerait à des historiens des critères issus de la physique. Dans ces conditions soit une rupture s’effectue, soit l’évaluation se discrédite.

Un pas décisif ne peut passer que par l’élaboration de critères nouveaux adaptés au champ considéré.

Un indice de leur acceptabilité serait qu’ils prennent en compte une majorité des revues de la liste ci-jointe. Par exemple en se fondant sur l’ancienneté de la revue, sur le nombre de numéros déjà publiés, attestant ainsi d’un certain champ de diffusion. De surcroît un rééquilibrage des langues est incontournable : est-il légitime de considérer que les articles produits en français, en espagnol et portugais représentent moins de 4% de la recherche en psychologie ! Sachant que le paradigme clinique y trouve son champ majeur d’expression, ce chiffre donne un nouvel indice de l’incommensurabilité d’évaluation des deux paradigmes. Une authentique représentativité des divers courants de pensée du champ clinique ne pourrait être obtenue qu’en minimisant le poids de l’idéologie positiviste véhiculée par la recherche anglo-saxonne. Les évaluateurs se défendent de tout choix idéologique, arguant d’une impartialité, alors qu’ils la prouvent !

Bref, pour sortir de la situation actuelle, nous demandons :

– l’élaboration d’une liste de revues par les cliniciens eux-mêmes, en fonction de critères propres à leur sous-discipline.

– la scission de la 16e section du CNU, ou sa division en deux sous-disciplines, comme cela existe déjà en d’autres sections.

MALEVAL J.-C.
Professeur de psychologie
clinique à Rennes 2
Membre du SIUEERPP
.
SAURET M.-J.
Professeur de psychologie
clinique à Toulouse 2
Membre du SIUEERPP


P.S. Exemple d’une liste de revues ignorées (56) pouvant accueillir des publications du champ clinique :

1. Analysis . Australian Center for Psychoanalysis. Melbourne.
2. Ancla. Universidad de Buenos-Aires.
3. Annales de Médecine Interne.
4. Apertura. Cuadernos de Psicoanalisis. Barcelona.
5. Archives de Sciences sociales des religions.
6. Capiton. Caracas. Venezuela.
7. Che vuoi ? Revue de psychanalyse.
8. Clinica y pensamiento
9. Confluencias. Barcelona.
10. Confrontations psychiatriques.
11. Connexions.
12. Cuadernos de Psicoanalisis. Bilbao.
13. Desde ell Jardin de Freud.
14. Essaim. Paris.
15. Estudos e Pesquisas em Psicologia. UERJ, Rio Janeiro.
16. Etudes psychothérapiques.
17. Freudiana. Revista psicoanalitica publicada en Barcelona.
18. Filigranne, Ecoutes psychothérapiques, Santé mentale au Québec.
19. Hurly-Burly. The International Lacanian Journal of Psychoanalysis.
20. Jahrbuch für klinische Psychoanalyse.
21. L’information psychiatrique.
22. L’ippogrifo. (Italie)
23. La Cause freudienne. Revue de psychanalyse.
24. La Clinique lacanienne.
25. La petite girafe. Revue de la Diagonale francophone du nouveau réseau CEREDA.
26. La Règle du jeu. Revue Littérature/Philosophie/ Politique/Arts. Paris.
27. Latusa. Rio de Janeiro.
28. Le Nouvel Âne. Paris.
29. Les feuillets du Courtil. Belgique.
30. Les Temps Modernes. Paris.
31. Malentendido. Buenos-Aires.
32. Médecine. De la médecine factuelle à nos pratiques. John Libbey Eurotext.
33. Mental. Revue Internationale de Santé mentale et de Psychanalyse appliquée.
34. Nervure. Revue de psychiatrie.
35. Ornicar? Revue du champ freudien.
36. Opçao lacaniana, Revista Brasileira Internacional de Psicanalise.
37. Pas tant, Revue de la Découverte Freudienne, Toulouse.
38. Préliminaire. Bruxelles.
39. Psicologia USP (Instituto de Psicologia de Sao Paulo)
40. Psychanalyse.
41. Psychiatries.
42. Psychoanalytical Notebooks of the London Circle.
43. Psychologie clinique.
44. Psychologie Médicale.
45. Quarto. Revue de psychanalyse. Belgique.
46. Raison Présente.
47. Revista de la Asociacion Espanola de Neuropsiquiatria.
48. Question d’orientation. Revue de l’ACOP France. (Association des Conseillers d’orientation psychologues).
49. Revue des Collèges cliniques du Champ lacanien.
50. Revue québécoise de psychologie.
51. Revue Internationale de Criminologie et de Police Technique et Scientifique.
52. Stylus, Revista de psicanalise
53. Synapse. (France).
54. Sud/Nord – Folies & cultures, Revue internationale.
55. Trazos, Departamento de Psicologia, Universidad de Antioquia.(Colombie).
56. Vertex. Revista Argentina de psiquiatria.