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16 juillet 2009

Psychothérapeute ni plus ni moins Marie-José Sibille

Marie-José Sibille

Avril, mai, juin 2009, Le Printemps des psychothérapeutes

Ce bloguistique témoignage d’une psychothérapeute relationnelle nous vient d’un horizon institutionnel différent de celui de notre référence. Un peu de variété aérera notre été. L’imaginaire des années 70 marque ce texte, quand le Mouvement du potentiel humain relevait des grandes espérances, expectations en anglais, souvenons-nous de Dickens, pas vraiment de la grande promesse tant les terres de promesse si souvent connaissent la désolation. Donc va provisirement pour Psycho Jurassic Park.

La présentation très Potentiel humain « un mercredi banal de mère de famille nombreuse, psychothérapeute, formatrice, conférencière, auteure, accompagnatrice d’ânes, de chèvres et de chiens, femme, amie, fille, collègue, citoyenne », sympathique, date aussi un peu. Nous sommes devenus bien plus professionnels que ça et n’arguons plus depuis longtemps dans nos curriculums de nos talents de brodeurs sur papier recyclé et d’accompagnateurs de chèvres larzaciennes.

Il est constant que les médecins savent commettre des bévues fâcheuses s’agissant de notre mortalité et affectionnent parfois la fréquentation de Temples plus ou moins solaires, plus virulents dans l’art de la secte que bien des pseudo psychothérapeutes plombiers polonais du psychisme si chers à l’argumentaire populiste. Cela n’empêche d’avoir à se soucier, comme légitimement le législateur, de la qualité des psychothérapeutes au sens générique du terme, de la qualité de leur formation et de leur caution institutionnelle.

Là où nous interpelons le politique c’est quand, sous la pression des psychologues et médecins sans compter l’appui de certains psychanalystes, il refuse de considérer ou d’examiner le sérieux d’Écoles soigneusement agréées ni de prendre en compte les institutions historiques responsables et le considérable travail de mise en ordre par elles effectué pour certaines (SNPPsy) depuis un tiers de siècle.

La terminologie FF2P reste traditionnaliste en ce sens que dire les psychothérapeutes, sans plus, de nos jours, cautionne la terminologie ministérielle et permet de confondre ceux qui pratiquent une psychothérapie prescriptive et ceux qui la pratiquent relationnelle, avec ressort déterminant de l’interaction entre deux sujets dont l’un, le professionnel, a longuement travaillé sur lui-même et a fréquenté une École dont le mode de transmission conjoint formation et transformation, ce qui lui permet de jouer de sa subjectivité comme instrument d’exploration de l’entre-deux psychique processuel.

Quant à l’idée de nous réunir toutes méthodes confondues cela implicitement ramène la psychothérapie relationnelle à une réunion de méthodes, conception que nous ne partageons pas car nous pensons que notre métier se situe bien au-delà des méthodes et que la qualité d’un psychothérapeute relationnel tient à sa capacité psychothérapique plus qu’aux disciplines, je préfère ce terme c’est moins restreignant, à partir de quoi il l’exerce.

Enfin si mes souvenirs sont exacts, Zorro est un personnage positif, combattant à la pointe d’une élégante épée contre l’oppression. Notre ministre de la Santé dans son rôle d’agent du père de la loi qui mériterait si jamais elle est adoptée en définitive de porter son nom, faisait dans sa prestation tranquillement arrogante davantage penser à Joseph Pruhomme et son sabre qu’au héros de notre jeunesse.

Tel quel nous vous soumettons ce document comme matière à réflexion. Lisez et vivez.

Philippe Grauer


Imaginez une nouvelle île, nourrie des forces du magma, veut sortir de la mer : tremblements de terre, éruptions volcaniques, réveil d’improbables dinosaures, tambours ancestraux et chants de guerre des tribus primitives. L’île jaillit, saluée par le soleil levant de tous les possibles. Les terres alentour vacillent, puis finissent par s’apaiser pour accueillir avec joie cette sœur émergente, porteuse de nouvelles promesses, d’une nouvelle biodiversité, qui ne peut qu’enrichir l’ensemble de l’archipel. Archipel que nous nommerons “Les Psys”, île que nous nommerons “Les Psychothérapeutes”. Beau rêve ? Nous sommes bien sûr, malgré les cinquante ans d’existence de notre profession, dans la phase de réveil des improbables dinosaures.

Notre île est-elle suffisamment solide pour ne pas s’affaisser sous son propre poids, sabordée par ceux-là mêmes qui ont été ses premiers colons, partis vers d’autres cieux plus connus, ceux des psychanalystes par exemple, ou des psychologues, abandonnant leur progéniture aux sons des tambours de guerre ?

Merci aux sectes. Grâce à elles, la Psychothérapie(1) a eu largement sa place dans les médias récemment. Elles font des dégâts, mais moins que les milliers d’erreurs médicales qui tuent chaque année de nombreuses personnes en France. Ce qui n’empêche pas, heureusement, les médecins d’exercer. Moins que les entreprises et leur taux de suicide en croissance constante ; moins que les familles avec leurs propres enfants ; moins que les couples soumis au règne de la violence conjugale ; et bien sûr moins que les pouvoirs politiques eux-mêmes, où qu’ils soient dans le monde.

Mais comme le gendarme dans les vieux théâtres de Guignol, dans l’avalanche de faits internationaux, nationaux ou plus familiers sordides à laquelle nous sommes soumis chaque jour, le mot secte continue à faire peur aux petits enfants… Et il effraie davantage les praticiens, dans leur peur de l’amalgame, que la plupart des usagers, c’est un comble.

Quelques semaines après ce débat sur les sectes, la ratification par le Sénat du texte de loi nous concernant(2) est tombée. L’analphabétisme émotionnel, l’absence de pensée complexe et la violence pulsionnelle que montrent le discours de notre ministre, devraient être une formidable opportunité pour prendre confiance en nous. Ainsi d’ailleurs que les remarquables interventions des sénateurs qui ont défendu notre position.

Mais les psychothérapeutes, c’est un fait, peinent à prendre leur place, non dans le social, où ils sont de plus en plus présents, mais dans le champ de la reconnaissance sociale. C’est leur force, ils sont partis du besoin. C’est aussi leur faiblesse, ils sont peu armés pour prendre d’assaut les forteresses du pouvoir social.

Quel crédit accorder à cette loi ?

Nous savons tous qu’elle est destinée à défendre des intérêts particuliers. Ce n’est donc pas une loi dans le sens d’une autorité légitime, mais bien une prise de pouvoir.
Censée protéger le titre [générique NdlR] de Psychothérapeute, elle interdit à une profession bien spécifique d’exister. Bien spécifique, mais peut-être ne l’avons-nous pas encore assez spécifiée ? Et ce malgré le travail remarquable et la clarté de communication de nos associations les plus représentatives.

C’est ce genre d’attitude excluante et brutale qui provoque l’émergence des sectes, c’est-à-dire étymologiquement des “coupures”, des îlots qui revendiquent une existence séparée du social commun, se mettant alors dans certains cas à fonctionner comme des républiques bananières, avec tous les abus que cela peut engendrer. Ces abus, encore une fois, existent tout autant voire beaucoup plus dans la société, mais ils y sont noyés dans la masse du consensus politique le plus large à un moment donné.

La loi est passée [pas encore, rien n’est sûr, elle est soumise actuellement au Conseil constitutionnel — note de la Rédaction] sous prétexte de la protection des usagers, Madame Bachelot se protégeant derrière sa cape de Zorro chaque fois que quelqu’un essayait de lui apporter un avis contradictoire ; or la plupart n’en demandent pas tant. Ces personnes qui viennent nous consulter sont considérées comme a priori fragiles, et victimes potentielles de toutes sortes de charlatans, comme si l’Université avait jamais protégé quiconque des abus de pouvoir(3). Pourquoi faudrait-il faire semblant d’y croire ?

Ces personnes, j’ai plutôt tendance à les considérer comme porteuses d’une liberté d’être leur permettant, malgré ou grâce à leur souffrance acceptée, d’oser de nouveaux territoires.

Cette loi les victimise et les infantilise. C’est un grand classique : la victimisation permet de garder soumises, sous l’emprise du supposé “sauveur” les populations concernées. Cela n’a rien à voir avec le processus indispensable qui consiste à accueillir, reconnaître, et nommer la victime d’un abus ou d’une maltraitance.

Comme on l’a dit un millier de fois, les lois françaises sont suffisantes en l’état pour protéger les personnes abusées. Elle n’est malheureusement pas suffisante pour nous protéger des criminels financiers et écologiques. Les meurtriers de la Terre, les tueurs des Arbres et des Animaux, les assassins de l’Homme peuvent encore sévir en toute impunité, eux.

La seule violence intolérable dans notre société, c’est encore et toujours celle qui menace les pouvoirs établis.

Quelles réactions attendre des psychothérapeutes ?

Certains collègues sont tentés de s’appuyer sur la réalité bien établie de leur clientèle pour éviter les conflits de pouvoir et, bien sûr, la violence psychique, qui accompagne l’émergence d’une profession nouvelle dans le champ social. Je les comprends.

Compétents dans leur pratique, mais peu sûrs d’eux face aux pouvoirs étatiques, psychiatriques ou universitaires, ils retournent dans leur forêt, en continuant d’exercer le même métier, mais en renonçant à ce titre dont ils sont pourtant les représentants les plus spécifiques. Ils se déclinent alors comme thérapeutes de tous ordres, accrochés à une de leur méthode ou école d’origine, voire en se protégeant derrière le titre de psychanalyste, ce qui est, de mon point de vue la négation de tout le travail de différenciation accompli jusqu’alors.

Mon parcours et mes formations, toutes volontaires, universitaires ou non, ainsi que mon temps de praticienne me permettront sûrement de rester psychothérapeute. Mais je pense aux jeunes collègues[4] qui ont dépensé, le plus souvent sans rien demander à personne, des milliers d’euros pour suivre des psychothérapies personnelles et des formations initiale et continue sur des années avant d’oser, trop récemment pour la loi, se nommer psychothérapeutes. Et je pense bien sûr à tous ceux qui sont encore en formation dans l’optique de le devenir. Je pense à leur angoisse, à leur sentiment aussi d’avoir été abusés, par la loi, certes, mais aussi, voire surtout, par les “anciens”, leurs écoles, leurs formateurs, leurs superviseurs, si ceux-ci arrêtent de se mobiliser pour soutenir la spécificité de cette profession. Nous devons veiller sans cesse, et individuellement, à ne pas basculer insidieusement dans l’autre camp, sous prétexte de ne pas se radicaliser. Regardez ce que cette attitude a donné pour le parti socialiste. La conflictualisation, et donc la négociation et la pacification, ne peuvent réellement intervenir qu’entre adversaires de force égale. Sinon il s’agit simplement de cannibalisme.

Le temps est donc venu de se soumettre ou de se battre. Ce métier doit être soutenu par des personnalités reconnues, par les médias, par les usagers motivés et conscients des enjeux. Mais il doit être porté aussi et surtout par ceux qui l’exercent ! Que faire si ils sont les premiers à renoncer ?

Ce qui est en train de se passer est d’une grande violence sociale et symbolique, même si nous ne sommes bien sûr pas au bout des recours et des débats. En ce qui me concerne j’espère tenir jusqu’au bout dans le positionnement que je soutiens dans cet article.

Il est important de ne pas se laisser abuser quand l’on fait partie de ceux qui vont être « autorisés » à rester psychothérapeute. C’est une tentation de laisser les autres crever dans leur coin ou se désocialiser, et une grande manœuvre réussie de manipulation sociale par l’intermédiaire de la clause du grand-père. Les chefs de tribus africaines recevaient aussi des contreparties pour vendre leurs enfants aux esclavagistes.

Une autre attitude possible ?

Il va falloir arrêter de se réfugier derrière le vocable fourre-tout de psys, ou plutôt le laisser à l’usager qui n’a pas à justifier son choix, et revendiquer encore davantage notre spécificité.

La psychothérapie est un formidable espace de liberté, qui a pu se socialiser et se médiatiser, se légitimer à de nombreux niveaux, en particulier auprès des usagers, mais pas encore se faire reconnaître, ni se légaliser. Contrairement à ce qui peut parfois être dit, elle n’est pas un outil de davantage de repli sur soi narcissique.

Elle est au contraire une contre-culture, un moteur de changement social : en permettant au sujet de s’affirmer, malgré ses souffrances, de sortir de son statut familial et social d’enfant soumis, elle participe à une véritable transformation culturelle et politique.
Il peut paraître dans un premier temps plus simple aux pouvoirs établis de fermer des écoles pour ouvrir des prisons, d’interdire les psychothérapeutes indépendants pour ouvrir des asiles… et des sectes ! Mais cette intolérance à la complexité débouche toujours inévitablement sur plus de violence sociale à moyen et long terme.

Qu’ont réussi les psychanalystes que nous n’avons pas (encore) réussi ? Cela reste une question d’importance. Pourquoi et comment ont-ils produit suffisamment de légitimité pour pouvoir se servir de ce titre de psychothérapeute sans que l’adoubement universitaire leur soit exigé ? Je vous proposerai simplement quelques éléments de réflexion. Auraient-ils mieux réussi à :

➢ ÉCRIRE

Nous devons spécifier, définir, témoigner, expliquer, en notre nom, et pas en utilisant le champ du développement personnel, ou la promotion d’une méthode unique. Les premiers ouvrages spécifiques écrits et promus par la FF2P par exemple posent des jalons fondamentaux. Mais il est nécessaire que de plus en plus d’ouvrages portent témoignage de ce métier en charge de l’intime. L’écriture a été fondamentale dans l’histoire de la psychanalyse, le langage, je parle de celui des mots, est leur thème central. La psychothérapie par complémentarité avec la psychanalyse, laisse une place prépondérante au corps et à l’émotion, ainsi qu’à la relation.

Les mots quittent la toute puissante première place pour être inclus dans un ensemble. Or les mots, la tradition écrite, sont indispensables pour faire état d’une pratique professionnelle, culturelle et humaine telle que la psychothérapie, celle qui se pratique depuis longtemps hors de l’hôpital et de l’université. Sinon elle risquera vraiment de ne pas prendre sa place dans le champ social de la reconnaissance et de la loi, un champ souvent confondu avec celui du symbolique, et donc du légitime.

Beaucoup des psychothérapeutes ayant écrit sont passés par le développement personnel qui n’a pas suffisamment été nommé, quand c’était le cas, comme biais de communication de la psychothérapie indépendante. Nombre de ces thèmes passionnent les gens, mais ne sont pas clairement identifiés comme porteurs des bases de la psychothérapie.

➢ SE DIFFERENCIER

Nous devons continuer à nommer pourquoi nous ne sommes pas, et ne voulons pas être, des psychiatres, des psychologues, des psychanalystes. Nous devons dire et redire tout ce que nous apportons de nouveau qui jamais ne pourra être enseigné à l’Université : le travail avec l’intégralité de la personne, le corps, l’émotion, la relation, la psychothérapie de groupe, la mobilisation de l’intelligence émotionnelle, et de celle de l’intime, la reprise de contact avec la nature, et j’en passe. L’approche intellectuelle et conceptuelle, certes structurante sur un plan, de l’Université, réduit l’homme à son mental. Et qui plus est, la plupart du temps, à la partie rationnelle de ce mental. C’est ainsi d’ailleurs que beaucoup de personnes ayant passé des années à ne nourrir que cette partie d’eux-mêmes, “explosent” en plein vol à un certain âge et deviennent d’excellents clients potentiels de toutes sorte d’illuminations plus ou moins sectaires, qu’ils font résolument passer à travers leur titre de médecin ou de scientifique. La rationalité seule est aride, et peu sage à long terme.

➢ SE PROTEGER

Nous devons nous fédérer, nous réunir, dialoguer, à travers nos associations et syndicats, comme c’est déjà le cas, mais aussi dans nos villes, à travers des associations locales de rencontres et d’actions entre collègues, toutes méthodes confondues. Nous sommes parfois notre pire ennemi, quand nous nous battons entre nous au lieu de mettre temporairement de coté nos divergences, et leur richesse potentielle, pour faire front face au danger commun.

➢ S’AFFIRMER, DEVELOPPER UNE BONNE ESTIME D’EUX-MÊMES

Rappelons-nous, et rappelons à Madame Bachelot et consorts, que les titres de psychiatre, psychologue et psychanalyste n’étaient pas inscrits au silex dans les grottes de Lascaux. A un moment donné, ces professions ont dû se battre elles aussi pour être reconnues. Et certaines très récemment, comme les psychologues, à la fin du siècle dernier … C’est à notre tour de dire que nous avons notre place.

Notre espèce en voie d’apparition, issue de la mutation évolutive de nombreux ancêtres éminemment respectables, doit occuper sa niche écologique pour ne pas disparaître avant que d’avoir pu produire tous ses fruits.

J’écris ce texte un mercredi, un mercredi banal de mère de famille nombreuse, psychothérapeute, formatrice, conférencière, auteure, accompagnatrice d’ânes, de chèvres et de chiens, femme, amie, fille, collègue, citoyenne …. Je le boucle dans un gymnase pendant le cours de judo des enfants, une musique héroïque prépare le spectacle de fin d’année, et me donne envie de hurler : debout peuple des psychothérapeutes ![5]
Je partage cela avec vous, car le, et plus souvent la, psychothérapeute exerce un métier de la complexité humaine et vivante, loin de la technicité prévisible, de l’espace bétonné, du temps balisé. Un métier qui souffre peut-être de ce qui a été sa force, le respect des valeurs féminines. Et donc comme tous les métiers hautement féminisés, dans leurs effectifs comme dans leur pratique, il peine à émanciper sa pensée des grands ancêtres masculins, ou féminins adoubées par eux, il doute, il investit peu le champ de la reconnaissance sociale, préférant exercer son métier dans la proximité et le quotidien, loin des enjeux de pouvoir qui menacent l’accès à l’intelligence de l’intime, à la subtilité émotionnelle, à l’empathie, à la créativité relationnelle.

Regardez les métiers du care, les sages-femmes, les infirmières, omniprésentes dans les soins, inexistantes dans la reconnaissance financière et sociale ; mais regardez aussi les psychologues et les enseignants pourtant rassurés par une autorisation paternelle d’exercer, sous la forme d’un diplôme universitaire. Regardez les mères de familles, les assistantes maternelles et les employées de maison … La parité, et même le simple respect, sont loin de régner. Même dans notre profession. Surreprésentées dans les praticiennes, sous-représentées dans les instances dirigeantes, les écrits, les débats…
Il faut donc trouver le moyen d’écrire, d’agir, de dire, de penser par nous-mêmes ; il faut développer une estime de nous qui ne nous fera plus baisser la tête trop vite face à ces abus de pouvoir. Car nous avons beaucoup de choses à dire, des choses essentielles, non seulement pour l’individu courageux qui vient explorer avec nous son monde intime le plus vulnérable, mais aussi pour l’avenir de la société, et n’ayons pas peur de le dire, de l’humanité.

Il faut poser notre pierre, et graver sur cette pierre les fondements théoriques de notre pratique psychothérapeutique, en renonçant à nous cacher derrière les portes closes des écoles et des chapelles, où derrière les portes trop grandes ouvertes du développement personnel. A quand la révolte des nonnes, et celle des prostituées ? Je sais à quel point beaucoup d’entre nous sont peu armé(e)s pour ce type de combat. Et bien nous irons avec nos propres armes, notre cœur, nos convictions humanistes, nos résultats cliniques, notre originalité de pensée. Nous ne risquons plus la mort pour nos idées, c’est une chance ; nous risquons juste la mort sociale … par décapitation ou par noyade dans le déjà existant.

➢ SORTIR DU CHAMP ET DU MODELE PSYCHOPATHOLOGIQUE

les psychanalystes, comme d’ailleurs le développement personnel, ont réussi à se différencier du champ de la pathologie mentale en devenant une vraie démarche de maturation individuelle, dont en fait tout le monde aurait besoin, sinon le monde ne serait pas ce qu’il est. Ils ont développé une véritable contre-culture à partir d’un modèle anthropologique et non psychopathologique [6] ; c’est-à-dire qu’ils ont fait la promotion d’une vision de l’homme, et non d’une vision de sa maladie. Ils n’ont d’ailleurs pas hésité à se positionner sur tous les débats d’actualité, la guerre, la politique, la violence, l’éducation.

Sûrement, au cœur de notre modèle anthropologique, trouverons-nous la souffrance. Mais la souffrance n’est pas la maladie. Il va falloir se retrousser les manches pour que le message passe davantage, y compris auprès de gens qui ont rigidifié totalement leur personnalité pour justement ne pas avoir à supporter leurs émotions, à accéder à leur douleur, comme c’est souvent le cas dans le monde du pouvoir politique. Mais pas toujours.

Par rapport à tout cela, nous sommes vraiment trop timides. Et la solution n’est pas, j’en suis certaine, de revenir dans le giron de ces glorieux ancêtres psychanalystes, mais bien au contraire d’oser nous aussi conquérir cette Agora, cet espace de parole publique, et aussi les lieux de pouvoir, simplement pour pouvoir garantir notre existence.

Les psys, c’est une vraie cour des miracles ! Et que continue à vivre cette diversité.
Pour finir temporairement, vous trouverez ci-dessous l’animal totem que j’ai trouvé pour m’inspirer dans ce travail. Il s’appelle l’Oreille volant. Ses oreilles, qui me font penser aux nôtres, lui permettent de s’envoler vers d’autres cieux, et il rebondit en permanence sur son nez, qui a la forme d’une patte de canard, lui permettant donc aussi de nager dans les eaux profondes ! Bien sûr c’est un animal chimérique, une extraordinaire histoire de biologistes imaginatifs[7], mais j’y ai cru un instant quand je l’ai vu dans un magazine pour enfants. Et les chimères peuvent être conquises, elles nous parlent toutes de la complexité de l’être humain et de son devenir.

Marie-José Sibille

Psychothérapeute intégrative

Publié dans Le métier de Psychothérapeute


[3] Ne voulant pas perdre de temps à nommer les centaines de plaintes formulées à l’encontre de certains psychiatres, psychologues et psychanalystes, non mises en parallèle avec les plaintes concernant les psychothérapeutes qui sont pourtant utilisées pour nous évincer, je vous invite à aller voir sur Internet, par exemple « Victimes des psychiatres ». Même en divisant par 2 et en tenant compte des transferts négatifs mal gérés, c’est impressionnant.

[4] J’entends jeunes par le temps de pratique car comme cela a été dit de nombreuses fois le métier de psychothérapeute est un métier de la maturité.

[5] Pour ceux qui veulent la musique allant avec cet article, allez donc vous mettre Pirates des Caraïbes sur Utube. Ça ne s’invente pas ! Quand je vous parle d’une île émergente.

[6] Dans le spécial Sciences Humaines sur les psychothérapies on voit bien la difficulté qu’à la psychothérapie à se définir autour d’un modèle anthropologique et non pathologique.

[7] Que vous pouvez découvrir sur Wikipedia, ordre des Rhinogrades.