Le combat contre la médicalisation de l’existence et la protocolisation comportementaliste du soin, en Belgique comme en France, comme en Europe, continue.
Psychologues et médecins se partagent la dépouille.
La Chambre a adopté jeudi soir le projet de loi sur les professions de soins de santé qui limitera à l’avenir la psychothérapie à un type de traitement spécialisé réservé, dans un premier temps, aux psychologues cliniciens, aux orthopédagogues cliniciens et aux médecins ayant suivi une formation complémentaire.
La psychothérapie ne sera plus à l’avenir une profession, mais un acte spécialisé.
La majorité a soutenu le projet de la ministre de la Santé Maggie De Block (Open Vld) alors que le cdH, le PP et les écologistes se sont abstenus, à l’exception d’une élue Ecolo, Muriel Gerkens, et un élu de Groen, Kristof Calvo.
Le PS, le SPA, le PTB et DÉFI ont voté contre.
La grogne ne fera donc que s’amplifier devant le cabinet de la ministre de la Santé où les bacheliers et étudiants en psychomotricité ont prévu de manifester ce vendredi.
Car pour eux, ce projet de loi signifie que les bacheliers en psychomotricité ne pourront pas travailler en hôpital ou dans leur propre cabinet. La pilule est difficile à avaler pour les étudiants fraîchement diplômés
On vous le disait ici même il y a peu, le chant du cygne de JP Lebrun a marqué l’agonie de la profession libre de psychothérapeute en Belgique. Que va-t-il rester en France et en Europe (je parle de l’Europe des peuples, de l’Europe sociale toujours attendue) comme plate-forme de soutien de notre profession ? Il restera nous ! et ça n’est pas rien, sachant que les intéressés, nos patients, obstinément, continuent de s’adresser à nous, secteur de dernier recours de la parole libre et de la relation qui soigne. Le système de la médicalisation de l’existence jamais ne pourra dissoudre la psychothérapie relationnelle.
Vous et moi souvenons-nous en.
Nous avons fait des clairs de lune
Chante le poète, oui, la médecine organiciste a fait des miracles. Les clairs de lune n’abolissent pas le soleil. Les progrès de la médecine scientifique ne constituent nullement une raison pour entreprendre de nous éradiquer. Science n’est pas scientisme. L’homme ne vit pas seulement de science mais de parole.
Qu’importe à présent qu’on nous tue, poursuit Aragon. Il importe si bien que, increvables, nous sommes décidés à vivre et faire vivre notre psychothérapie à visage humain, irremplaçable. Au plus vif de notre métier, de nos valeurs, de notre savoir faire-être, de nos organisations historiques responsables, il importe si bien que la médecine jamais n’aura notre peau. Aucun Round up ne saura venir à bout du chiendent que nous sommes au bord des chemins de la vie, et entendons demeurer mordicus, consolidateurs du terrain et tissu social, agents d’une profession de santé non médicale, plus que jamais alternatifs, obstinés comme la vie même, plus que jamais indispensables, combatifs, incontournables, déterminés.
La psychothérapie belge a perdu une bataille, la guerre contre un néolibéralime plaçant l’humanité à la merci d’une réglementation galopante dépourvue d’humanité, contre le biopouvoir tôt discerné par Foucault, contre l’arrogance d’une profession corporatiste mange-tout, contre l’idéologie du conformisme hégémonique d’une médecine organiciste positiviste (la religion de la science reste une religion), contre l’intolérance. La lutte pour la psychodiversité, se poursuit, et nous la mènerons jusqu’à son issue démocratique. En ces temps difficiles il est de notre devoir d’annoncer notre irrésistible victoire finale (oui je sais, finale peut-être mais non définitive). Cela nous coûtera et constitue un lourd dommage pour la santé publique qu’on prétend protéger, pour notre profession, pour ceux pour qui elle constitue un précieux recours. Nous organiserons la nécessaire Résistance, qui correspond aux intérêts d’une politique de santé humaniste, au service du public.
Pour finir comme a commencé cet article avec Victor Hugo, n’oublions pas que ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent. La pugnacité pour un système de valeurs juste en matière de santé mentale publique, pour la liberté de choix de son psychothérapeute, sécurisée par les organisations historiques responsables de chaque pays, pour limiter l’hypermédicalisation de l’existence, c’est comme diraient nos arrogants médecins confiscateurs, très bon pour la santé.