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4 août 2010

Psychothérapeutes : cafouillage autour d’une loi Pauline Fréour (Figaro) présentée par Philippe Grauer

Pauline Fréour (Figaro) présentée par Philippe Grauer

Dans l’article qui suit le SNPPsy et l’AFFOP sont absents des références de base de la profession, sans compter le Psy’G, on ne saurait tout savoir quand on est journaliste. Il eût été bon qu’elle sût que le GLPR regroupe Psy’G, SNPPsy, FF2P, AFFOP, dans l’ordre d’entrée en scène institutionnelle historique, et que ça représente tout ce qui compte vraiment en la matière.

Psychopraticiens /psypraticiens

Ces quatre organismes ont décidé de se concerter en septembre sur le nom à donner à leur profession rebaptisée à la suite du coup de force légal médicalisant le titre (1) de psychothérapeute. Sont en lice parmi d’autres psychopraticien (à quoi le SNPPsy et l’AFFOP accolent relationnel, déterminant auquel ils tiennent beaucoup), déjà adopté par ces deux organisations, ou psypraticien certifié, choix organisé tout récemment par la FF2P. Ça, c’est du débat interne qui regarde principalement les professionnels entre eux.

Universitaires / reconvertis

Ce qui concerne tout le monde c’est que dans tous les cas les professions de la psychothérapie se scindent :

universitaIres d’un côté, axés sur la psychopathologie d’inspiration médicale, — côté diagnostic et thérapies brèves à protocole d’inspiration TCC mais pas uniquement ;

reconvertis (2) de l’autre — côté relation, ces derniers centrés sur la dynamique de subjectivation, tout comme la psychanalyse, ce qui les situe dans son voisinage quand on se réfère au Carré psy, avec un accent sur la dimension phénoménologique et émotionnelle.

Casse des métiers

En dehors des ex ou ci-devant psychothérapeutes (relationnels) — ex pour expulsés de leur titre — les psychologues scandalisés de se voir dépouillés par la médecine du vol de notre nom qu’ils avaient organisé avec elle protestent unanimement auprès de la Ministre qui va bien entendu les rassurer. N’empêche qu’on s’avance à grands pas vers une médicalisation du psychisme, comme de l’existence, et qu’on assiste comme le dit le Roland Gori de l’Appel des appels, à une véritable casse des métiers.

Celui de psychopraticien relationnel et/ou psypraticien certifié rebondira bien, avec ses environ 5500 professionnels organisés sur 7500 (nous renonçons à la gonflette des chiffres), un record quant on songe au taux de base de la syndicalisation en France. Il n’offre pas du tout le même service dans la même ambiance, les offres se complèteront.

Le côté positif de l’affaire

c’est que l’organisation

– soit universitaire — diplôme de psychothérapeute ou de psychologie révisé médecine

– soit associative — auto réglementation des Écoles agréées et des praticiens à titularisation professionnelle de société savante ou syndicale professionnelle

encadre sérieusement les professionnels du psychisme — mais nous c’était déjà fait et les psychologues c’est ni fait ni à faire.

Laissant les « autoproclamés » de Bernard Accoyer sur le bas-côté de la route, à la fameuse rubrique « Soins hors d’un cadre réglementé » des Pages jaunes. L’affaire n’est pas achevée loin de là, les remaniements en cours se prolongeront des années durant. Qu’on songe que la psychiatrie s’est séparée de la neurologie en 1968, pour y revenir trente ans plus tard. Chaque génération remanie les configurations, tant la matière psy est explosive, fissible, insaisissable. Comme l’âme humaine dont elle s’occupe.

La psychothérapie relationnelle

se verra administrée par les ex psychothérapeutes relationnels renommés(3), les étudiants sortis de leurs bonnes écoles car il y en a de bonnes personne ne le conteste, et les praticiens des institutions historiques indépendantes et reliées dans le cadre du GLPR. Longue et bonne vie à elle et ses serviteurs dévoués.

Le public les connaît de longue date et n’est pas près de renoncer à leurs services,, uniques et précieux, centrés sur la relation, le dialogue, une implication mutuelle maîtrisée, une pratique éthique hautement professionnalisée.

Le côté négatif

Un embrouillamini phénoménal. On n’y comprenait déjà pas grand chose, la clarté style ministère de l’intérieur qui vient vous aveugler quand vous considérez la nouvelle lampe qu’on vient d’allumer est ravageuse pour pratiquement tout le monde — à l’exception notable des psychiatres reneurologisés et de droit divin : « {un psychiatre est par essence psychothérapeute

 » — ce qui fait tout de même beaucoup. Le désir d’éradiquer notre profession et la psychanalyse par dessus le marché, s’il est probablement du style yeux plus gros que le ventre, reste à intention nociceptive.

Franchir l’obstacle

Nous y ferons face et franchirons l’obstacle, aidés par le public, le soin de citoyenneté et le développement constant de notre souci de qualité humaine et scientifique, par notre détermination humaniste.

Note

Attention aux notes. Le diable est dans le détail. Nous avons annoté le texte figarelien à l’endroit des chiffres qu’il produit. Surmontez votre phobie des chiffres au cas où, ne vous laissez pas embarquer dans des comptages ayant un coup de pouce dans l’aile.

Philippe Grauer


Depuis début juillet, les personnes souhaitant user du titre de psychothérapeute doivent répondre à des critères stricts. Une réglementation attendue depuis longtemps mais qui laisse une grande partie des professionnels insatisfaits.

Près de 4 millions de Français suivent, ou ont suivi, une psychothérapie (ou une psychanalyse). Or, jusqu’au 1er juillet dernier, aucun diplôme ni expérience n’étaient exigés pour se revendiquer « psychothérapeute ». Ce flou juridique laissait notamment le champ libre aux charlatans et aux sectes pour profiter de la faiblesse de certains patients mal renseignés. Inquiets, professionnels et autorités ont lancé il y a plus de dix ans des travaux pour réglementer l’usage du titre. Après des années de négociations, on aurait pu croire le problème réglé avec la publication, le 20 mai dernier, d’un décret listant les compétences requises pour les psychothérapeutes désireux de se présenter comme tels. Mais la fronde lancée par une partie des professionnels concernés, insatisfaits de la nouvelle réglementation, risque de rendre la situation encore moins lisible pour le grand public.

Au cœur du problème, les nouvelles exigences de formation, qui vont contraindre certains psychothérapeutes, psychanalystes, psychologues ou médecins non psychiatres à revenir sur les bancs de l’école s’ils souhaitent exercer en tant que psychothérapeutes. Le décret d’application de la loi HPST prévoit en effet que seuls les psychiatres puissent revendiquer cette appellation d’emblée, toutes les autres professions devant se soumettre à une formation théorique complémentaire plus ou moins longue (de 100 à 400 heures), assortie d’un stage de plusieurs mois dans des établissements accrédités par les Agences régionales de santé. Une dérogation totale ou partielle est toutefois possible pour ceux qui exercent depuis au moins cinq ans, après décision de commissions régionales (non encore nommées).

« On ne tient pas compte de la réalité du terrain »

En première ligne des insatisfaits, les organisations professionnelles de psychothérapeutes, qui déplorent que l’on renvoie en formation des gens ayant en moyenne « bac +7 ». « Les psychothérapeutes certifiés inscrits dans nos annuaires professionnels ont suivi en moyenne quatre ans d’études dédiées uniquement à la psychothérapie (dans des instituts privés, NDRL). Ils sont reconnus par une commission nationale de pairs, sont supervisés par d’autres professionnels plus expérimentés, et ont eux-mêmes suivi une thérapie », rappelle Serge Ginger, secrétaire général de la Fédération française de psychothérapie et psychanalyse (FF2P), qui représente près de 5 000 psychothérapeutes certifiés, sur les 7.000 (4) estimés en France.

Pour lui, la formation exigée par la loi « ne tient pas compte de la réalité du terrain ». « Elle fait la part belle aux diplômes universitaires, mais ceux-ci ne permettent pas de sélectionner une personne équilibrée, alors que c’est un critère essentiel pour accéder à la formation en psychothérapie. En outre, elle se concentre trop sur le diagnostic (psychopathologie), et pas assez sur les méthodes pour soigner. C’est comme si on accordait le permis de conduire juste après les épreuves théoriques du code ».

Le ministère relativise

Les psychologues cliniciens s’indignent pour leur part de l’obligation qui leur est faite de suivre une formation redondante avec leur master. Une intersyndicale, soulignant sa « mobilisation sans précédent », a été reçue fin juillet par le cabinet de Roselyne Bachelot. « Nos interlocuteurs on pu entendre nos remarques et se sont engagés à y chercher des solutions. Les discussion sont ouvertes », précisent les organisations dans un communiqué.

D’une façon générale, le cabinet de Roselyne Bachelot tente de minimiser la grogne. « C’est une opinion vraiment minoritaire, relativise-t-on. La formation minimale exigée par la loi a été définie en concertation avec les professionnels. Elle est consensuelle ».

Un psychiatre est par essence psychothérapeute

Les psychiatres, qui n’ont, eux, aucune obligation nouvelle, sont les seuls à juger la loi « légitime ». « Un psychiatre est par essence psychothérapeute », affirme François Kammerer, vice-président du Syndicat français des psychiatres, regrettant l’image de « pharmacologue » dont souffre parfois la profession. Il juge en revanche nécessaire que les autres professionnels aient l’obligation de suivre des stages dans des établissements certifiés. « Le stage prévu n’est pas très long, la formation théorique non plus, mais ça servira au moins à acquérir une certaine culture générale commune, estime-t-il. Il ne serait pas normal que l’on puisse être psychothérapeute sans avoir vu des cas graves, des névroses, même si on n’y est pas confronté tous les jours ».

En attendant, la fronde autour de ce décret risque d’avoir des effets contre-productifs pour le grand public en termes de lisibilité. La FF2P s’apprête par exemple à faire inscrire ses membres dans les pages jaunes sous une autre désignation, vraisemblablement « psypraticien certifié ». Psy en mouvement, une autre organisation professionnelle de psychothérapeutes (4 000 membres (5) – dont un certain nombre sont aussi membres de la FF2P), a de son côté consulté ses troupes de manière informelle. Bilan : une majorité se dit prête à une « désobéissance civile collective » en gardant sa plaque, même si 60 % envisagent de s’enregistrer sur les listes pour revendiquer le titre officiellement.

Pauline Fréour
Journaliste. Le Figaro.