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16 novembre 2010

Psychothérapie et misère : pauvre France !

Ils ne risquent pas d’encombrer nos cabinets, ces pauvres vivant dans des conditions terribles tout autour de nous. Si la loi ne nous traitait pas en psycho exclus, au sein des structures de soins de quartier nous pourrions apporter notre savoir-faire à ceux qui ne connaissent pas d’autre recours pour recevoir l’aide nécessaire.

C’est bien dans un tel environnement que nous exerçons, que nous nous battons pour maintenir la dignité de notre exercice professionnel et par delà l’agression de la médecine nous ayant dépouillés de notre nom mais non délogés de nos appartements place du Carré psy – le côté Est vous savez, poursuivre notre mission humaniste d’écoute professionnelle en prenant le temps qu’il faut, d’écoute de beaucoup de gens qui souffrent, et souffrent aussi du porte-monnaie. Ce que pourquoi mine de rien nombre d’entre nous, en libéral, les prennent à des prix de séance en rapport avec leurs faibles revenus.

Philippe Grauer


Chaque année, le Secours catholique rédige un rapport annuel sur l’état de la pauvreté dans la société française. Dans ce document publié la semaine dernière, on peut lire qu’en 2009, celle-ci s’est accrue et étendue à de nouvelles populations aux revenus réguliers, mais faibles. Au cours de l’année, plus d’un million et demi de personnes ont eu recours à cette association. Leur point commun est l’extrême faiblesse de leurs ressources, insuffisantes pour faire face aux dépenses courantes, encore plus aux dépenses imprévues. « Toutes ces personnes en difficulté ne sont pas de mauvais gestionnaires« , souligne Pierre Levené, secrétaire général du Secours catholique : c’est « l’insuffisance de leurs ressources, absolument criante« , qui est en cause. « On est proche du scandale de laisser autant de gens avec si peu« , dénonce-t-il. Ainsi, malgré les discours sur le «travailler plus pour gagner plus » , ceux qui vivent au quotidien avec nos concitoyens les plus fragiles ne peuvent que constater une inexorable montée de la pauvreté et de la précarité dans notre pays, et notamment de l’accroissement de ceux qu’on appelle « les travailleurs pauvres ».

Afin d’affiner la compréhension de la situation, le Secours Catholique a joint à son enquête annuelle une étude sur la situation budgétaire de 1163 ménages aux revenus modestes, mais réguliers. L’étude montre que, malgré l’intervention du Revenu de Solidarité Active (RSA), le déficit mensuel moyen est de l’ordre de 141 euros après le paiement des frais incontournables. Commentant ces chiffres, François Soulages, Président de l’association, déclare : « Je suis très surpris de ce résultat. Je pensais qu’ils étaient à zéro en fin de mois. La situation est très grave. C’est tout notre système des minima sociaux qu’il faut revoir » (1).

Plus préoccupant encore, les auteurs du rapport notent l’augmentation du sentiment de désespérance chez ces personnes au point de les amener à négliger les aides dont elles pourraient bénéficier. « Les familles précaires, déclare encore François Soulages, ne croient plus à la capacité des dispositifs publics de les épauler dans leurs difficultés. Cela explique en grande partie le non-recours au revenu de solidarité active. En juin 2010, le RSA activité a concerné 174 000 personnes. Or on pensait qu’il y en aurait 600 000 ou 700 000. Plus de la moitié des gens qui viennent au Secours Catholique, et qui pourraient en bénéficier, n’en font pas la demande ».

Une société se juge à la façon dont elle traite ses exclus. L’inflation médiatique des beaux magazines, des belles images et des belles réussites cache trop souvent cette désespérance quotidienne qui atteint des millions de nos concitoyens. Plus que jamais, nous devons savoir qu’une société humaine ne se construit pas dans une jungle économique où la dévotion à la « main invisible du marché » pourrait nous dispenser d’inventer au quotidien plus de fraternité.

Chronique hebdomadaire de Bernard Ginisty diffusée sur RCF Saône & Loire le 13/11/2010

(1) In journal La Croix, 9 novembre 2010, page 3