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13 avril 2016

Psychothérapie relationnelle – relation de la personne à sa problématique Par Yves lefebvre

Guérir dit-elle

par Philippe Grauer

Guérir dit-elle

Ce titre à la Duras pour accompagner le texte de l’ami Yves Lefebvre, face-booké ce crois-je au bénéfice du SNPPsy.

profession de santé non médicale

Tout le monde sait ça, on ne guérit pas de la condition humaine, la psychothérapie relationnelle se définissant comme discipline de soin non médical ne procure pas la guérison par surcroît, comme la grâce selon Pascal, parce que guérir au sens médical du terme signifie revenir au bon état antérieur à la maladie, et qu’évoluer psychiquement signifie progresser dans son existence, devenir autre, donc nécessairement faire autre chose qu’opérer un retour à l’état ante.

Bien entendu les personnes qui entreprennent une psychothérapie le font souvent au départ pour se débarrasser de leurs problèmes et de leur souffrance. Yves Lefebvre explique très bien qu’on n’extirpe pas une partie encombrante de soi, un symptôme – un ensemble complexe protecteur encombrant, psychochirurgicalement. Le travail psychothérapique en relation, en interaction dialoguée, peut transformer la donne, rendre le symptôme intelligible sur le mode sensible, et du coup conduire à du changement. Le système de défense et d’expression pathologique peut bouger, la problématique se résoudre, ou prendre un tout autre sens. Cela ne signifie pas une exonération de la souffrance, rassurez-vous, l’humanité demeurant inguérissable.

rééquilibrage relationnel

La belle expression médecines de l’âme, d’origine psychiatrique, devrait-elle nous conduire à la revendication concurrente de guérison ? Le soin chez nous, le soin pris de soi, le souci de soi, ne cherche pas à rétablir, mais à faire advenir, et devenir. Il demeure que ceux qui s’adressent à la psychothérapie relationnelle, celle qui opère ("soigne" ?) par la relation, lui demandent d’aller mieux, donc moins mal, donc de la guérison : va mal, va psy, va mieux !

Au moins va en paix, ou moins follement, va d’un meilleur équilibre, vis mieux, selon tes propres valeurs réexaminées par toi-même dans le cadre du dialogue relationnel. Alors, peut-être un beau jour ta répétition douloureuse te lâchera-t-elle, au moins partiellement. Après tout, évoluer en mieux, ordinairement ça s’appelle aller mieux : guérir dit-elle ? quand on sait comment les héroïnes de Duras finissent, on voit qu’il y a de la marge.


Par Yves lefebvre

Psychopraticien relationnel®, membre titulaire du SNPPsy, Commission de déontologie.

[…] Finalement la psychothérapie relationnelle va modifier le sens et la relation de la personne à sa propre problématique. Il faut comprendre que celle-ci, d’abord perçue comme un objet extérieur à éradiquer telle une maladie, se teinte en fait d’attachement, comme en éthologie. C’est pourquoi la guérison au sens médical n’est pas le véritable projet.

En effet, non seulement les résistances au changement et la compulsion de répétition entretiennent les pathologies malgré la souffrance qu’elles occasionnent et malgré la volonté consciente de s’en débarrasser, mais surtout les systèmes qu’on croit vouloir quitter sont aussi ceux qui nous ont fait vivre et qui ont construit notre identité, auxquels nous sommes fidèlement attachés.

On pourrait les appeler « la couleur du lien ». Ils sont en effet signifiants des liens relationnels qui ont constitué le moi psychique, comme un lien d’amour perverti, qu’il n’est pas possible de considérer sous l’angle du seul symptôme médical parce qu’il fait partie des matériaux qui ont construit l’identité du moi. Tout sujet y est attaché comme à la propre matrice d’où il est issu. On ne peut les éradiquer sans créer une sorte de schizophrénie artificielle. Il s’agit plutôt de les comprendre, c’est-à-dire les prendre avec soi, les réintégrer au lieu de les percevoir comme étrangers à soi, et de partir d’eux pour évoluer jusqu’à devenir un sujet libre.

Les psychothérapies relationnelles vont donc mettre l’accent sur une progressive mutation qui favorise le processus de subjectivation et non sur une hypothétique guérison de type médical. Il s’agit bien de devenir sujet et non plus objet, assumer son moi, s’approprier son désir et retrouver sa créativité personnelle. La guérison des symptômes surviendra de surcroît par évolution de la psyché dans une conception subjective, et non par éradication de symptômes dans une conception médicale et objective.

Le but est de devenir soi-même par soi-même. Le psychopraticien relationnel permet ce processus par l’instauration d’une qualité de présence attentive et d’une relation éthique fondée sur l’altérité et non sur la fusion. Cette relation spécifique s’avère différente et renouvelée par rapport à ce qui a conduit aux dysfonctionnements dont souffre la personne en psychothérapie, ce en quoi elle crée le climat nécessaire à un renouveau.

Si la personne découvre d’abord une origine historique de ses difficultés qu’elle va attribuer à ses parents dans un premier temps, en rester là ne résout rien. C’est pourquoi certaines psychothérapies relationnelles peuvent aller jusqu’à minimiser l’anamnèse et l’interprétation des causes de la souffrance psychique, pour passer plus rapidement aux étapes suivantes. La personne ne peut en effet évoluer vers sa maturité qu’en s’appropriant ses propres réactions, ses parts d’ombre formées de pulsions meurtrières, de haine, de désirs incestueux etc. sans tout attribuer à autrui.

Les actes et événements ont été ce qu’ils ont été, mais ce qui a compté le plus c’est la réaction de la personne face à eux, réaction qui a été à l’époque sans doute la meilleure possible mais qui n’est plus adaptée dans les répétitions d’aujourd’hui. Ce faisant la personne redevient actrice de sa vie et non plus victime.

Elle va alors pouvoir entendre le sens de l’attachement. Ses symptômes lui parlent d’un lien d’amour qui a pris cette forme là, fût-ce une forme haineuse. Je me souviens d’une femme qui reprenait toujours les mêmes comportements jugés pathologiques chaque fois qu’une difficulté surgissait dans sa vie, ce contre quoi elle luttait avec une inefficacité constante, jusqu’au jour où elle comprit qu’elle reproduisait un comportement de sa mère. C’était en fait la seule façon qu’elle connaissait d’exprimer un besoin de maternage et de vivre le lien vital qui les unissait, même si elle croyait la détester.

Le symptôme devint alors le signe d’un besoin qu’elle apprit à accueillir et gérer autrement, un langage plutôt qu’une pathologie, et aboutit finalement à la reconnaissance d’un amour masqué et d’une identification vitale. Il n’était que la couleur particulière du lien maternel avec lequel elle s’était construite. Cette prise de conscience non pas intellectuelle mais ressentie marqua un tournant important dans sa vie, vers l’état de sujet responsable et libre.