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30 août 2008

Quinze médecins dénoncent l’abus d’antidépresseurs en France Paul Benkimoun

Paul Benkimoun

LE MONDE | 25.08.08

É. Zarifian l’a publié sans relâche, la surconsommation de psychotropes en France est anormale. Et dans de très nombreux cas ça n’est pas la prescripition par un généraliste d’une rafale de quinze séances à protocoles d’inspiration cognitiviste administrée par un sous-psy qui arrangerait les choses.

Au moment où le décret d’application de l’impossible article 52 d’une loi mal équilibrée de naissance arrive devant le Conseil d’État, cette nouvelle alerte d’autorités médicales et psychiatriques sonne comme une urgence. Il y a lieu d’arrêter le massacre, de cesser d’avoir à rembourser le faux colmatage de l’angoisse et de se préoccuper d’écouter et entendre que nos concitoyens en difficulté psychique ont besoin d’attention et de sens, beaucoup plus que de psychotropes trop facilement renouvelés pour alternativement les endormir le soir les éveiller le matin et les sortir de la torpeur en milieu de journée, pour désangoisser en fin de compte leur médecin. Il s’agit souvent d’un malaise qui a besoin d’être pensé, par l’intéressé lui-même, dans un cadre rigoureux et suffisamment puissant, bien davantage que sommairement pansé, qu’on nous pardonne ce jeu de mot à 10 centimes.

Les psychothérapeutes relationnels, sur le terrain au contact avec le malaise de leurs contemporains, dans le cadre de leur code de déontologie et de leurs institutions historiques responsables, font déjà vaillamment face à la situation, aux côtés naturellement des psychologues cliniciens (1) et en travaillant en réseau quand il le faut avec les psychiatres. Quand les pouvoirs publics, au lieu de tenter de leur faire la chasse, comprendront-ils qu’ils ont là sous la main des alliés à une politique de santé psychique saine et économique ?

Philippe Grauer


Quinze médecins, dont treize psychiatres, lancent un appel contre l’abus des antidépresseurs en France. Publié dans le numéro de septembre du mensuel Psychologies Magazine, le texte est signé notamment par Gérard Apfeldorfer, Boris Cyrulnik, Serge Hefez, William Lowenstein, Marcel Rufo et David Servan-Schreiber. Destiné à interpeller la société française, il dénonce « un triste record » et met en avant les dangers de cette surmédicalisation.

En s’appuyant sur une enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la période 2001-2003, les signataires rappellent que « 21,4 % des Français ont consommé des médicaments psychotropes dans l’année, contre 15,5 % des Espagnols, 13,7 % des Italiens, 13,2 % des Belges, 7,4 % des Néerlandais et 5,9 % des Allemands« .

Cette surconsommation a notamment été soulignée, en juin 2006, par une étude sur l’usage de médicaments psychotropes en France commandée par l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé et cordonnée par Hélène Verdoux et Bernard Bégaud, tous deux chercheurs à l’Inserm et à l’université Bordeaux-II.

« ALTERNATIVES EFFICACES »

Les « troubles mentaux » représentent le quatrième poste des dépenses pharmaceutiques de l’assurance-maladie et se situent – avec 122 millions de boîtes vendues en 2005 – au deuxième rang en termes de prescriptions, derrière les antalgiques. De 300 millions d’euros en 1980, le montant remboursé par l’assurance-maladie pour ces produits a atteint 1 milliard d’euros en 2004. Un adulte sur quatre utilise un psychotrope au moins une fois par an. De plus, une vaste étude publiée au début de l’année a montré qu’en dehors des dépressions très sévères, les antidépresseurs les plus récents ne sont pas plus efficaces qu’un placebo.

Face à une surconsommation qui « augmente chaque année« , les signataires de l’appel indiquent que leur « objectif n’est pas de remettre en question l’aide majeure apportée par ces molécules dans le traitement des pathologies mentales ni dans les situations de crise aiguë. Mais il nous semble nécessaire et urgent d’alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur les dangers de cette surmédicalisation du mal-être et sur l’existence d’alternatives non médicamenteuses aussi efficaces« . Ils précisent que « les techniques ayant fait leurs preuves pour soulager la douleur psychique non pathologique ne manquent pas : psychothérapie (2), phytothérapie, relaxation, méditation, activité physique…} »