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23 février 2011

Réforme de la psychiatrie : où se tient la dangerosité ?

Nous venons de diffuser une première analyse du Collectif des 39(1), qui se et nous mobilisent un peu tard après avoir laissé faire l’opération charlatans conduite contre les organisations qui précisément luttaient pour autoréglementer le champ pratique de la psychothérapie relationnelle, qui se mobilisent à présent donc, contre un nouveau mauvais coup en préparation attentant à la fois aux libertés fondamentales et au concept même de soins pour des personnes atteintes de maladies mentales qui les rendent fragiles et requièrent qu’on les protège plutôt que les embastiller.

Bien entendu il faut se joindre à leur protestation. Tout en les rappelant au devoir corrélatif de solidarité envers nous, toujours d’actualité.

Les enjeux sont considérables. Comment une civilisation traite ses citoyens les plus fragiles, quel statut d’altérité de la folie construit-elle ? quelle mise aux normes chutant dans l’hénaurme propose-t-elle ? qu’est-ce qu’une néo démocratie aux couleurs du gestionnarisme, du tout contrôle en route vers un risque zéro qui conduit tout droit au pire des risques ? qu’avons-nous à dire de tout cela, nous psychopraticiens relationnels partenaires du Carré psy, co-responsables des éthiques qui s’y affichent et développent ? Tout discours sur la folie nous affecte directement et se situe à l’horizon de notre pratique et recherche. Il importe de ne pas le laisser déraper par des politiques aveuglés par le spectre d’une évidence fondée sur la médecine (quelle évidence, quel type de preuves, quelle médecine ?) parfaitement inquiétante.

Voir également l’article de Yves Guigou.


Un ami psychanalyste m’adresse le commentaire suivant, que je n’hésite pas à partager ici avec vous.

Une circonstance récente m’a amené à vérifier, non sans consternation,
que les milieux intellectuels les plus brillants ne sont pas exempts
d’une ignorance proprement ahurissante des conditions dans lesquelles se
déroule un internement psychiatrique.

Un père aimant, convaincu qu’un hôpital psychiatrique est un lieu où
l’on entre – et d’où l’on sort – facilement, n’a pas hésité à faire
interner son enfant majeur, bien entendu pour le mettre à l’abri de sa
propre dangerosité. Avec cette nouvelle loi, la suite aurait été
autrement plus dramatique, et l’excellence du service de Psychiatrie
concerné a permis une fin heureuse.

Le projet de Loi ici concerné vise en effet à dépouiller la psychiatrie
de son pouvoir de décision fondé sur son savoir thérapeutique, pour lui
substituer un pouvoir de coercition: lisez ci-dessous: « les préfets
discréditent les avis des psychiatres, décident contre leur avis » et
pourraient désormais contremander une fin d’internement.

Si les citoyens de ce pays laissaient passer cette loi scélérate.

Philippe Grauer


Signer la pétitionVoir les signataires

Appel du Collectif des 39 contre la Nuit sécuritaire

Trente mille personnes ont signé avec nous l’Appel contre La Nuit sécuritaire, lancé en réaction au discours du Président de la République le 2 décembre 2008 qui assimilait la maladie mentale à une supposée dangerosité. À nouveau, le Collectif des 39(2) en appelle à l’ensemble des citoyens.

Ce discours promettait un traitement sécuritaire des malades mentaux.

Il a depuis largement pris corps dans la pratique quotidienne : les lieux de soins psychiatriques sont désormais truffés de caméras de surveillance et de chambres d’isolement, des grillages ont été disposés, des protocoles de neutralisation physique des patients ont vu le jour, les préfets empêchent les levées d’internements caducs.

Un projet de loi propose aujourd’hui un cadre juridique à cette dérive sécuritaire. Adopté le 26 janvier 2011 en Conseil des Ministres, il sera discuté au Parlement le 15 mars après un simulacre de concertation.

– Dans un vocabulaire relevant du code pénal, il cautionne la défiance à l’égard de citoyens souffrants.

– Dans ce dispositif, seul le trouble à l’ordre public est pris en compte.

– Il instaure un changement paradigmatique sans précédent : l’institution des « soins » sans consentement en ambulatoire. En effet, le projet de loi n’identifie plus seulement l’hospitalisation comme contraignante, mais les soins eux-mêmes, à l’hôpital comme à l’extérieur, avec le risque majeur de la mise en place d’une surveillance sociale planifiée.

Ainsi, pour répondre à l’inquiétude légitime des patients et de leurs familles, ce projet de loi, sous couvert de déstigmatisation, va instituer une logique de dérive sécuritaire induisant un contrôle inédit de la population. Il s’appuie sur un principe de précaution inapproprié.

La mystification est totale :

Il ne s’agit pas d’un projet de soins, mais d’un engrenage portant atteinte aux libertés fondamentales dans un état démocratique.
Prétendant améliorer « l’accès aux soins » et leur « continuité », ce projet propose uniquement un accès à la contrainte sans limite de durée.
Il détourne la fonction des soignants vers une orientation de dénonciation, de rétention, de « soins » sous contraintes et de surveillance.
Il impose aux patients d’accepter des « soins » stéréotypés, protocolisés, identiques pour tous. Ils seront sous surveillance, associée à un contrôle de leur dignité : ainsi se met en place une police de l’intime. Il instaure un fichier national, « un casier psychiatrique ? », de toute personne ayant été soumise ne serait-ce qu’une seule fois aux soins sans consentement.
Il institue un mensonge en laissant penser que seuls les médicaments psychotropes administrés sous contrainte suffisent à soigner les patients gravement atteints : enfermés chez eux, malgré eux.

Une partie des citoyens a été désignée à la vindicte médiatique. Le mot schizophrène, jeté à tort et à travers, en bafouant le secret médical, n’est plus un diagnostic mais une menace, qui accable les malades et leurs familles, effraie jusqu’à leur voisinage.

Penser que ce projet de loi va améliorer cette situation est une déraison d’État. Bien plus, il risque de s’opposer frontalement à toute réforme sanitaire digne de ce nom, qui aurait pour principes élémentaires de reposer sur une fonction d’accueil, une logique ouverte et déségrégative, des thérapeutiques diversifiées centrées sur le lien relationnel et la confiance, dans la durée.

Ce projet va à l’encontre d’une politique de soins psychiatriques respectueux des libertés, offrant une hospitalité pour la folie au cœur du lien social, qui allierait sécurité publique et soins à la personne.

Il institue la défiance envers les professionnels dans une démarche politique analogue à celle appliquée récemment aux magistrats et à la Justice, comme à d’autres professions.

– Nous voulons que les budgets subventionnent des soins et non des aménagements carcéraux, la formation des personnels, des effectifs conséquents, pour une conception humaine de l’accueil de la souffrance.

– Nous rejetons les réponses démagogiques qui amplifient délibérément l’émotion suscitée par des faits-divers dramatiques. Ces réponses ne font qu’accroître et entretenir la peur de l’autre.

– Nous voulons résister, nous opposer, avec une élaboration citoyenne de propositions pour une politique de soins psychiatriques au plus proche des réalités de terrain. La psychiatrie est l’affaire de tous.

Nous soignants, patients, familles, citoyens appelons
au retrait immédiat de ce projet de loi.

* Mathieu BELLAHSEN,
* Selma BENCHELAH,
* Philippe BICHON,
* Hervé BOKOBZA,
* Loriane BRUNESSAUX,
* Marie CATHELINEAU,
* Patrice CHARBIT,
* Franck CHAUMON,
* Patrick CHEMLA,
* Guy DANA,
* Alexandra DE SEGUIN,
* Roger FERRERI,
* Sarah GATIGNOL,
* Yves GIGOU,
* Michaël GUYADER,
* Serge KLOPP,
* Émile LUMBROSO,
* Antoine MACHTO,
* Paul MACHTO,
* Bénédicte MAURIN,
* Simone MOLINA,
* Françoise NIELSEN,
* Sylvie PRIEUR,
* Pierre SADOUL,
* Olivier SCHMITT,
* Pedro SERRA,
* Bruno TOURNAIRE-BACCHINI,
* Anne TUFFELLI,
* Monique VINCENT,
* Élie WINTER

Signer la pétition – Voir les signataires