ÉMILIE HACHE est maîtresse de conférence au département de philosophie de l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense. Spécialiste en philosophie pragmatique et en écologie politique, elle est l’autrice de l’essai Ce à quoi nous tenons. Propositions pour une écologie pragmatique. Elle publie à l’automne 2016 aux éd. Cambourakis Reclaim, un recueil de textes écoféministes.
à MARSEILLE à la Librairie l’Odeur du Temps, le Vendredi 13 janvier – 19:00.
« Le capitalisme consacre en parallèle la destruction généralisée de la nature. Dans The Death of Nature (1980), l’historienne des idées et philosophe américaine Carolyn Merchant rappelle qu’avant la modernité, le charbon n’est prélevé qu’en toutes petites quantités, parce que le sous-sol était considéré comme un ventre précieux et sacré. Mais cette vision de la nature a été progressivement défaite par les philosophes, poètes et hommes de science au cours des XVIe et XVIIe siècles en parallèle d’un changement de comportement effectif à son égard.
Merchant cite ainsi Descartes ou Bacon. Tous plus misogynes les uns que les autres, ils utilisent en permanence des métaphores sexistes à l’égard de la nature pour expliquer comment passer d’une épistémé de la nature sacrée, considérée comme un tout vivant, à quelque chose qu’on peut complètement détruire, en considérant que la nature est féminine. L’articulation de la destruction de la nature et de l’oppression des femmes ressemble à un ruban de Möbius : les femmes sont inférieures parce qu’elles font partie de la nature, et on peut maltraiter la nature parce qu’elle est féminine.
Les écoféministes ont donc une réflexion critique à l’égard de l’idée de nature telle qu’elle a été élaborée dans la modernité ainsi que sur la façon de concevoir la féminité à cette même période. Mais, pour ces femmes, il ne s’agissait que d’une étape. Elles ont proposé ensuite de se réapproprier aussi bien l’idée de nature que ce qui relève de la féminité. Ce geste de réappropriation/réhabilitation/réinvention peut se traduire par reclaim, le concept majeur des écoféministes.