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22 août 2012

Roms : idées reçues, bidonvilles, accueil Cordélia Bonnal, Linération 22 août, Mustapha Saha, L’Express, Stéphanie Maurice, Libération 23 août, Élise Vincent, Le Monde.

vers une saine hospitalité

par Philippe Grauer

Nous avons fait part de l’émotion qui suivit le démantèlement de bidonvilles que des roms avaient installés en plusieurs lieux, et nous y sommes associés. La question était, puisque vous avez l’intention de traiter la question avec humanité, pourquoi ne pas commencer tout de suite en attendant la Rentrée pour démanteler des bidonvilles plutôt que de continuer à charteriser ou disperser dans la nature ces pauvres gens pour discuter ensuite ? Le propos gouvernemental ne change pas : il faut commencer par exécuter les décisions de justice, c’est qui se fait de mieux dans un pays de droit. Nous continuons là-dessus d’exprimer nos réserves et de maintenir notre protestation. Y avait-il à ce point urgence ? Nous voici à présent avec le volet humaniste et social (pour ceux qu’on n’a pas réexpédiés), abolition des mesures transitoires (périmées en 2013 de toute façon), négociation avec les associations amies des Roms.

pas de fermeture charter

Il demeure que, pour reprendre le propos d’Hervé Gattegno dans Le Point : « Le sort des Roms est un casse-tête qui ne date pas d’hier et qui ne se pose pas qu’à la France. On peut supposer que le gouvernement essaiera de renvoyer le mistigri à la Bulgarie et à la Roumanie, où les Roms sont victimes de persécutions qu’ils sont bien obligés de fuir. Cela dit, ils sont aussi victimes, en France, d’une discrimination officielle dans l’accès à l’emploi, qui peut facilement être abrogée. Il reste que les aider à travailler tout en fermant leurs campements, ça ne fait pas une politique très cohérente. Et ça ne règle pas toute la question. » Fermer leurs campements mais pas sans concertation et réinstallation décente, pas de fermeture charter ou fermeture dispersion.

changement de mentalité gouvernementale

Le ton a considérablement changé depuis le sinistre Guéant, qui lançait sa police sur ces nouveaux envahisseurs, au nom du chiffre, des statistiques d’expulsions, le tout ponctué de clins d’yeux à l’extrême droite. Pas facile à tenir, la patate chaude. Facile par contre d’attaquer un gouvernement socialiste façon ultra gauche, mais il serait bon de ne pas dépasser l’objectif et se faire une vertu de discours dont l’outrance recélerait des traces de mauvaise foi. Manuel Vals n’est ni UMP ni FN, il faut savoir ce que parler veut dire, on reste calme. Triste, et attentif à tout ce qui se passe.

Si ce gouvernement, ou un autre, pouvait aussi aisément remettre en ordre le brigandage des banques.

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SOS Roms


Cordélia Bonnal, Linération 22 août, Mustapha Saha, L’Express, Stéphanie Maurice, Libération 23 août, Élise Vincent, Le Monde.

Non, les Roms ne sont pas nomades… et autres clichés

par Cordélia Bonal

À l’occasion de la réunion interministérielle sur les Roms prévue ce mercredi, revue de quelques idées reçues qui ont la vie dure.

Pour deux tiers des Français, les Roms sont un « groupe à part« , si l’on en croit un sondage mené cette année par la Commission nationale consultative des droits de l’homme. À part comment ? Revue de quelques clichés qui collent à la peau des Roms.

Cliché numéro 1 : ils sont nomades par nature

«Il n’y a pas de Roms ou de Tsiganes nomades. Du tout.» Martin Olivera, anthropologue membre de l’Observatoire européen Urba-rom et formateur en Seine-Saint-Denis auprès de l’association Rues et Cités, est clair : «Il n’y a qu’une petite minorité de groupes qui ont une tradition de mobilité saisonnière, sur de petites distances et toujours à partir d’un point d’attache, lié à leur travail : ferronnerie, musique… Mais l’immense majorité d’entre eux est sédentaire.» D’où vient alors ce cliché du bohémien de grands chemins ? Il n’a pas toujours existé. «Ce n’est que récemment que l’étiquette « nomade » a été accolée aux Roms», rappelle le sociologue rom Nicolae Gheorghe dans une tribune publiée en 2010. «Dans les années 1930, l’Union soviétique a commencé à interdire aux artisans roms et à leurs familles de se déplacer à travers le pays pour chercher du travail. Les autorités soviétiques recouraient au qualificatif de « nomades » pour justifier la répression de ces Roms itinérants. Dans les années 1950, cette étiquette était reprise dans toute l’Europe centrale et orientale


Des personnes de la communauté rom dans un camp de Lyon, le 29 juillet 2010.
(Photo Jeff Pachoud. AFP)

le régime des nomades – 1912

Le Rom éternel errant est une pure construction politique, abonde Martin Olivera : «Cette image a été formée par les élites du XIXe siècle, au moment où s’est fabriquée l’identité nationale. Une identité liée à l’idée d’autochtonie, de filiation nationale. Par opposition, les Roms, appelés Tsiganes à l’époque, ont été désignés comme les étrangers, ceux « qui ne sont pas comme nous », qui seront toujours « d’ailleurs ». Peu importait qu’ils soient implantés en France depuis le XVe siècle.» Par la suite, l’instauration de lois et du «régime des nomades» en 1912 pour contrôler ces populations n’ont fait que figer ce stéréotype du nomadisme, poursuit le chercheur.

Quant à l’idée de peuple, bien des Roms se définissent d’abord par leur appartenance à leur pays ou localité d’origine plutôt qu’à une minorité supranationale mal établie. «Un Rom de Transylvanie ne va pas se sentir particulièrement proche d’un gitan de Perpignan», résume Martin Olivera.

Cliché numéro 2 : ils déferlent sur l’Europe

Il résiste mal aux chiffres. Certes, on dénombre entre 10 et 12 millions de Roms en Europe, dont six millions au sein de l’Union européenne. Ces chiffres, retenus par le Conseil européen, regroupent des communautés hétérogènes : «les Roms, les Sintés (Manouches), les Kalés (Gitans) et les groupes de population apparentés en Europe, dont les Voyageurs et les branches orientales (Doms, Loms).» Beaucoup sont Roumains (entre 500 000 et 2,5 millions de Roms) et Bulgares (environ 700 000).

500 000 – Français / 15 000 « migrants », dont 50% d’enfants

En France, ensuite : on estime cette population rom, gens du voyage compris, à 500 000 personnes, essentiellement Français et installés. Les Roms «migrants», ceux dont il est question dans le débat public, seraient 15 000, dont une moitié d’enfants, selon diverses estimations, dont celle du collectif Romeurope. Présents pour la moitié en région parisienne, les autres principalement autour de Lille, Lyon et Marseille, ils sont pour la plupart Roumains et Bulgares. Or, ce chiffre est stable depuis plusieurs années malgré les politiques d’expulsions. Autrement dit, ce sont les mêmes groupes qui vont et viennent, via le système, critiqué, des aides au retour. Ce qui invalide l’idée, chère au Front national, d’un réservoir inépuisable de millions de Roms prêts à débarquer.

D’autant que «tous les Roms de Roumanie ne sont pas pauvres et marginaux», rappelle – si besoin est – Martin Olivera. Car les Roms migrants sont d’abord des migrants économiques comme tant d’autres, comme l’ont été les Portugais et Italiens par le passé. Le chercheur en veut pour preuve que le taux d’émigration est le même chez les Roms et chez les Roumains (environ 10%). Enfin, les Roms ne sont pas des populations sans attache. «Ce sont des gens qui ont des lieux d’origine, on n’a pas affaire à un peuple qui aurait vocation à se déverser vers l’ouest comme si l’Europe était en pente

Cliché numéro 3 : ils s’entassent dans des bidonvilles

ils aspirent à se disperser, s’installer et sortir de la stigmatisation

Les Roms n’ont ni pour idéal de vie ni pour tradition de s’entasser à 40 dans des squats. Ni de camper dans des recoins urbains. Pas davantage en Roumanie ou Bulgarie qu’en France. C’est une résultante de la précarité dans laquelle il sont plongés, recadrent de concert les associations. «Bien des Roms vivent le plus normalement du monde en appartement, dans des maisons, mais ceux-là sont « invisibles » aux yeux de la société. Il y a donc un effet de loupe sur les autres, qui sont en bidonville parce qu’ils n’ont pas d’autre lieu où aller», souligne Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des droits de l’homme et cofondateur de Romeurope. «Leur idéal de vie ce n’est pas de constituer des immeubles de Roms ! Ils aspirent à se disperser, à s’installer et à sortir de la stigmatisation

Le regroupement ? Un réflexe d’entraide et de sécurité. «Il y a chez les Roms une culture familiale forte, mais pas plus que chez les migrants chinois ou africains, sans que pour ces derniers on ne parle de clanisme», note Malik Salemkour.

Cliché numéro 4 : tous des voleurs de poules

Ou de tuyaux de cuivre. On se souvient des «problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms» érigés priorité nationale par Nicolas Sarkozy en juillet 2010. Ou des impressionnantes statistiques du ministère de l’Intérieur d’où il ressortait une subite explosion de la «délinquance impliquant des ressortissants roumains», comprendre Roms.

profilage ethnique

Là encore, conséquence de la précarité et de la stigmatisation, répondent les associations. Les ressortissants roumains et bulgares, citoyens européens depuis 2007, font l’objet jusqu’au 31 décembre 2013 de «mesures transitoires» qui, de fait, les excluent du marché du travail. S’ajoute à cela la faible qualification globale de ces familles, même s’il y a toujours des exceptions. D’où le développement, chez les Roms migrants des bidonvilles, d’une économie parallèle où coexistent mendicité, travail au noir, mais aussi, aucun observateur ne le nie, revente de ferraille, vols et trafics. «Là-dessus, on a construit des statistiques par une politique de profilage ethnique», dénonce Malik Salemkour. «Évidemment, quand on crée un délit de mendicité et qu’on arrête une famille qui a l’air de ressembler à des Roms, on fait du chiffre

Cliché numéro 5 : ils ne veulent pas parler français

Dans les bidonvilles, la plupart des enfants, quand ils sont scolarisés comme le prévoit la loi française pour les moins de 16 ans, apprennent assez vite le français. Les choses se compliquent avec les expulsions, qui entraînent une rupture de la scolarisation. Même difficulté chez les parents, qui sont généralement accompagnés dans leur apprentissage du français par des associations, comme pour beaucoup de primo-arrivants. Les Roms migrants parlent souvent deux langues : le romanès et la langue de leur pays d’origine. Reste que l’illetrisme est, chez eux, une réalité. Ainsi, en Roumanie, 30 % des Roms adultes sont analphabètes et n’ont jamais été scolarisés en raison de leur situation de pauvreté, selon une étude de l’Unesco. En France, leur apprentissage de la langue est facilité par la proximité du roumain, langue latine, avec le français.


Roms : Ayrault favorable à une évolution des mesures transitoires de l’UE

Libération, 22 août 2012 à 09:47

Ces mesures limitent l’accès à l’emploi des ressortissants de Bulgarie et de Roumanie.

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, s’est dit «favorable à une évolution» des mesures transitoires de l’Union européenne qui restreignent jusqu’à fin 2013 l’accès au marché du travail des ressortissants de Roumanie et de Bulgarie d’où viennent en majorité les Roms.

«Je suis favorable à une évolution» de ces mesures qui considèrent les Bulgares et les Roumains comme des ressortissants non communautaires alors que leurs pays sont membres de l’Union européenne, a répondu Jean-Marc Ayrault interrogé à ce sujet par RMC/BFM-TV.

Les mesures transitoires limitent le marché de l’emploi à seulement 150 métiers dits «en tension», après la délivrance d’un permis de travail et le versement d’une taxe à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) par l’employeur. Leur levée dépend d’une simple décision du gouvernement comme l’ont fait déjà l’Italie ou l’Irlande.

soutien à Manuel Vals

Par ailleurs, Jean-Marc Ayrault a défendu son ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, critiqué à gauche pour avoir fait évacuer des campements de Roms cet été. «Il faut regarder les choses en face: des bidonvilles se sont développés», a observé le Premier ministre en jugeant cela «inacceptable». «Les décisions de justice doivent être appliquées. Mon devoir c’est de trouver des solutions dans la clarté, la fermeté et l’humanité», a-t-il affirmé.

entrevue avec le collectif Romeurope

Jean-Marc Ayrault doit présider mercredi après-midi à Matignon une rencontre sur les Roms qui réunira plusieurs ministres, dont Manuel Valls et Cécile Duflot (Logement). Il reçoit ensuite le collectif Romeurope.


POUR EN FINIR AVEC LA XÉNOPHOBIE ENVERS LES ROMS

par Mustapha Saha

L’Express publié le 22/08/2012

Alors que le gouvernement doit trancher ce mercredi sur la question des Roms, le sociologue Mustapha Saha et l’urbaniste Benoit Joseph, membre du Conseil national du PS, expliquent l’origine des peuples nomades. Ils mettent en garde contre le « délit d’appartenance ethnique » dont sont victimes les Roms.

ROMS- Le socialogue Mustapha Saha explique « le nomadisme structure l’histoire des civilisations, des origines aux temps présents. »


AFP/PHILIPPE HUGUEN

mondes en devenir

[Express Yourself] Le nomadisme structure l’histoire des civilisations, des origines aux temps présents. Aux quatre coins de la planète, la transhumance demeure le mode d’organisation des peuples qui véhiculent les marchandises, transmettent les savoirs et les techniques, dynamisent les diversités culturelles. Jamais les mouvements migratoires n’ont été aussi intenses qu’en cette époque de transition où les technologies de pointe raccourcissent les distances et accélèrent le temps. Le nomadisme a préservé, tout au long des siècles, cette « société transversale en réseaux« , qui alimente sans cesse le sang nouveau, les mondes en devenir.

Aujourd’hui encore, les maisons transportables aux États-Unis incarnent cet « ethnos anamnésique » de la mobilité perpétuelle. Le mouvement hippie, inspiré par Mai 68, animé par les enfants gâtés de la bourgeoisie, n’est-il pas un rappel historique de cette évidence? Le nomadisme s’inscrit, plus que jamais, dans les mutations sociétales impulsées par la révolution numérique, qui refaçonne les comportements et balaie les charpentes vermoulues de l’archaïque « société pyramidale« .

le grand fleuve des cultures universelles

L’information nomade circule d’ores et déjà, irrésistiblement, sur la Toile universelle. La « société-laboratoire » expérimente au quotidien la démocratie interactive en mouvement. Les Roms, les gens du voyage, et tous les peuples nomades, sont parties intégrantes de l’entité européenne depuis sa genèse. Leur créativité irrigue de multiples rivières, depuis des millénaires, le grand fleuve des cultures universelles. Ces peuples nobles et fiers ont toujours affirmé, contre les persécutions endémiques et les discriminations systématiques, leur indéracinable attachement aux principes républicains des libertés individuelles et collectives.

Le délit d’appartenance ethnique dont les Roms sont victimes génère les pires crimes contre l’humanité

consensus de rejet

Les tziganes, irréductibles citoyens du monde quand les totalitarismes verrouillaient leurs frontières, boucs émissaires du nazisme quand les monstrueuses chambres de la mort les engloutissaient avec des millions de juifs, resteront à jamais d’admirables symboles de résistance. Leur colère d’outre-tombe résonne encore, plus jamais ça! Le « délit d’appartenance ethnique » dont les Roms sont victimes, surfant sur les bas instincts grégaires du « consensus de rejet« , a généré dans le passé, et génère encore dans les horribles guerres de purification ethnique, les pires crimes contre l’humanité.

la libre circulation des Roms sur les territoires communautaires ne saurait souffrir d’aucun régime d’exception

Les campements provisoires, aux périphéries malfamées des villes, marquent invariablement les gens du voyage du sceau de l’exclusion. Toute population frappée par des réglementations particulières, progressivement muées en statut spécial, finit son chemin du calvaire sur les bûchers. Les sentiers ténébreux de l’inquisition mènent toujours aux camps d’extermination. La citoyenneté européenne, comme la citoyenneté française, est indivisible. La libre circulation des Roms sur les territoires communautaires ne saurait souffrir d’aucun régime d’exception. Il n’est d’autre principe égalitaire, applicable à tous les citoyens, sans exclusive, que le droit commun. Que les vagues nauséabondes de l’ostracisme se brisent sur les digues inexpugnables de la laïcité !

Mustapha Saha : sociologue, artiste peintre. Benoit Joseph : urbaniste, membre du conseil national du Parti Socialiste.


CAMPEMENTS DÉMANTELÉS À LILLE : ROMS CHASSÉS, LEURS ANIMAUX PROTÉGÉS

par Stéphanie Maurice Libération 23 août

Correspondante à Lille – Reportage 22.08.2012

Bien triste n’empêche, et l’on ne distingue pas clairement la concertation dans tout cela. Que les intéressés vivent mal c’est sûr, que les nuisances importunent, c’est bien possible. Que cela aboutisse à des décisions de justice est imparable, qu’il faille les exécuter, certes, que les journalistes compatissent et les étudiants en archi s’ingénient, que tout cela engendre un beau gâchis, jusque là tout est dans l'{ordre naturel des choses. Et maintenant on fait quoi ? PHG}

Les personnes évacuées le 9 août vivent dans des conditions encore plus précaires qu’avant.

Ce n’est pas très loin du tout neuf Grand Stade de Lille, fierté de la maire socialiste Martine Aubry. Un bosquet au bord d’un champ, que rien n’indique à part un sentier dans les herbes. Les dix tentes qui s’y trouvent sont invisibles depuis le boulevard. Les rabats sont relevés, laissant voir les matelas aux couvertures bien tirées. Peu d’affaires personnelles : les Roms qui vivent ici depuis deux semaines n’ont eu le temps de prendre que l’essentiel. Ils ont été expulsés du campement d’Hellemmes le 9 août, à 6 heures.

Police ! Dégage, dégage !

Ils vivaient à 150 sur cette friche de 10 hectares en face de l’école d’architecture, certains depuis plus de deux ans. Les Roms imitent les cris des CRS : «Police ! Dégage, dégage !» Ils sont une trentaine, la moitié sont des enfants. Pas d’eau potable. Des toilettes sèches ont été improvisées. Des bénévoles font de leur mieux pour les aider, apportent des bouteilles d’eau minérale, des fruits, mesurent la taille des chaussures qui manquent pour deux petites filles aux pieds nus.

chalets de l’Atelier solidaire

les cabanes ont été démontées

Avant son expulsion, le groupe vivait dans les cabanes construites grâce à l’Atelier solidaire, fondé par des étudiants en architecture. «C’était en mai 2010. On organisait deux fois par an une fête sur la friche. C’était dégueulasse, on était là pour nettoyer, et c’est comme ça qu’on a rencontré les Roms qui s’étaient installés là. Ils nous ont aidés», se souvient Yann Lafolie, président de l’association. Puis arriva août 2010 et le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, durcissant la lutte contre l’immigration illégale et les expulsions massives. Pour les étudiants, c’était l’occasion de mettre leurs cours en pratique en construisant six petits chalets en bois. Le projet a pris de l’ampleur. Un jardin partagé a vu le jour, avec potagers pour les habitants du quartier et les Roms. Des chèvres, des poules pondeuses, un cochon y ont été installés. «Plus aucun enfant des chalets n’allait mendier car ils étaient scolarisés, on prévoyait un atelier d’alphabétisation pour les adultes. La Fondation de France était prête à nous aider», se désole Yann Lafolie, qui voit dans l’expulsion un «gâchis». Les cabanes ont été démontées par les services de la communauté urbaine de Lille, et les bêtes prises en charge par la Ligue de protection des animaux. «Eux, ils ont eu tout de suite un toit», ironise une bénévole de l’Atelier solidaire. Au contraire des familles, dont certaines avec des enfants en bas âge.

voisinage : épaisses fumées noires – sonos à fond la caisse

D’autres campements tout aussi précaires que celui qui accueille désormais le groupe sont disséminés dans la métropole lilloise, sur un terrain prêté par l’évêché ou près d’une voie ferrée. Les associations ne les connaissent pas tous : certaines familles ont choisi la discrétion en attendant que l’orage passe. Martine Aubry n’apprécie guère la situation. Certes, la «grande chef de Lille», comme l’appellent les Roms, avait demandé l’expulsion de la friche. Une décision qu’elle assume, à cause de tensions avec le voisinage. «Nous ne pouvons pas accepter que les populations autour payent le prix fort pour leur présence», a-t-elle martelé lundi. À Hellemmes, le collectif la Voie perdue, créé par un des voisins, tenait un blog recensant les nuisances. Principalement, le brûlage des câbles électriques pour récupérer le cuivre – ce qui provoque d’épaisses fumées noires – et les sonos à fond la caisse. Y avait-il urgence à agir ? L’évacuation est intervenue juste après le discours musclé du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, sur les Roms. Aubry soutient le gouvernement, le démantèlement était impératif : «Rappelons qu’un monsieur a tiré sur les Roms un soir», a-t-elle justifié. L’argument laisse sceptique le collectif Solidarité Roms, qui y voit une dramatisation inutile. Les tirs en l’air provenaient d’un pistolet d’alarme.

Fourrière

des conditions qui ne me satisfont pas

À en croire Martine Aubry, légèrement gênée aux entournures, son seul point de désaccord avec Valls porterait sur la manière de faire : «Cette évacuation d’urgence s’est passée dans des conditions qui ne nous satisfont pas.» La première secrétaire du PS tacle les services de l’État, qui n’auraient pas prévu de terrain où réinstaller les familles en dehors de la métropole lilloise. Ce qui devrait être fait dans les prochains jours, a-t-elle promis, avec aménagement minimum, sanitaires et bennes à ordures vidées régulièrement. Encore faudrait-il que les Roms puissent se loger. Les caravanes impossibles à déplacer ou celles sans papiers ont été placées à la fourrière. Avec toutes les affaires à l’intérieur.

Samir a pourtant tout perdu

La préfecture indique ne pas avoir connaissance «de difficultés concernant la reprise d’effets personnels ou papiers administratifs dans les véhicules saisis». Samir a pourtant tout perdu. Sa caravane de récup n’était pas en règle, il n’a même pas essayé de négocier sa reprise. Sa femme explique, par gestes, qu’elle n’a plus que les vêtements qu’elle porte sur elle. Ils dorment tous les trois, avec leur petite de 7 ans, dans leur voiture. Samir, bac +3 en informatique décroché en Roumanie, vit, comme tous les autres, de la ferraille, des machines à laver ramassées dans la rue. Mais il est fatigué de la France et envisage de passer en Angleterre. Via les jungles de Calais, comme les Soudanais ou les Afghans, lui qui est citoyen européen.


Libération

No Comment

27 août 2012

Un camp de Roms à Evry, le 23 août 2012 (AFP)

La police a procédé lundi au petit matin à l’expulsion d’un campement occupé par plus de 70 Roms le long de voies ferrées à Evry, ville dirigée jusqu’en juin par le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. Sur Europe 1, celui-ci a justifié cette opération au vu d’une situation sanitaire du bidonville qu’il a qualifiée d’«insupportable».

«La politique que nous avons fixée, c’est d’évacuer des campements quand il y a une décision de justice (ce qui n’était pas le cas à Evry lundi) ou quand la situation sanitaire en matière de sécurité est insupportable», a rappelé le ministre. Selon lui, à Evry, «c’est le cas, avec des baraquements sur le bord de la ligne RER», a-t-il précisé.

Chargés de valises, sacs plastiques, bassines, poussettes et accordéons, une quarantaine de Roms, dont plusieurs enfants en bas âge, ont quitté la zone bloquée par les forces de l’ordre.

Selon l’Association de solidarité de l’Essonne avec les familles roumaines Roms (ASEFRR), 72 personnes vivaient dans des cabanes de fortune depuis quatre mois le long des voies du RER, derrière un hôpital désaffecté. «La police est arrivée vers 5 heures», a rapporté Lakatos, un Rom de 22 ans en France depuis trois ans, qui vivait dans le campement depuis trois mois. «Je ne sais pas» où aller : «peut-être en hôtel, peut-être dans une association», a-t-il poursuivi.

Selon une source policière, l’opération s’est déroulée dans le calme et deux occupants ont accepté d’être pris en charge par les autorités. Ils ont été emmenés à bord d’une camionnette. «Je suis arrivé après 5 heures, la police bloquait déjà. La Croix-Rouge est à l’intérieur mais elle n’a pour solution que des hôtels d’urgence», a dénoncé sur place Serge Guichard, de l’ASEFRR.

«On leur a dit d’aller en hôtel social, mais pour trois ou quatre jours maximum», a ajouté M. Guichard, selon lequel il n’y a eu «aucune concertation: il n’y a que la police qui est venue les voir».
«Dangerosité de ce site»

L’arrêté d’expulsion pris par le maire socialiste d’Evry, Francis Chouat, avait été notifié aux Roms samedi. «Outre l’insalubrité, la dangerosité de ce site, qui se trouve quasiment en surplomb des voies de la ligne D du RER, m’a amené à prendre cet arrêté en accord avec la préfecture», avait-il affirmé.

Selon un homme de 30 ans résidant dans le camp avec sa femme et ses deux enfants, la police est venue dimanche soir prévenir de l’expulsion. «C’est la deuxième fois que je suis expulsé», a-t-il raconté.

Selon Serge Guichard, 19 enfants vivaient dans le campement. «Tous étaient scolarisés. On risque d’interrompre l’école, de les remettre à la rue», a-t-il dénoncé.

Egalement dans l’Essonne, une centaine de Roms ont quitté pendant le week-end leur campement de Massy pour devancer une procédure d’expulsion d’un terrain dont le ministère de l’Intérieur est propriétaire.

A l’issue d’une réunion interministérielle mercredi à Matignon, le gouvernement a annoncé un assouplissement des conditions d’embauche des Roumains et Bulgares, principales nationalités des Roms. Parallèlement, le gouvernement a réaffirmé une logique de «fermeté» qui a suscité un malaise au sein de la gauche.

Selon Médecins du Monde, 15 000 Roms vivent en France.

(AFP)


[Document : Sans titre]

L’ONU interpelle la France au sujet du traitement des Roms

mer, 29/08/2012 – 22:24 Par Médiaterranée (avec agences)

L’Onu demande le respect des normes européennes et internationales des droits de l’homme relatives à la non-discrimination (DR)

Des experts de l’ONU chargés de la situation des minorités, des migrants, du logement et du racisme interpellent le gouvernement Français au sujet du traitement des Roms. Ils demandent le respect des normes européennes et internationales des droits de l’homme relatives à la non-discrimination, lors des opérations de démantèlement des campements.

«Les expulsions continuent et menacent de mettre des familles dans des situations de grande vulnérabilité», ont condamné les rapporteurs spéciaux, rapporte l’AFP.

«Les évacuations forcées ne sont pas une réponse appropriée, des solutions alternatives conformes aux standards de droits de l’homme doivent être recherchées. Des mesures contraignantes de protection, y compris la mise à disposition d’alternatives pour se loger décemment, doivent être mises en place», a déclaré Raquel Rolnik, rapporteure spéciale sur le droit au logement, cité par l’AFP.

«Ces informations sont préoccupantes, en particulier parce que ce n’est pas la première fois que les Roms sont collectivement expulsés de France», s’est émue de son côté Rita Izsák, experte indépendante sur les minorités.

Les expulsions collectives interdites en droit international

«Les Roms sont des citoyens de l’Union européenne, et la minorité la plus marginalisée d’Europe. De façon regrettable, ces actes démontrent que les Roms ne jouissent pas toujours des mêmes libertés de circulation et d’établissement et continuent de subir des traitements discriminatoires».

Le rapporteur spécial sur les droits des migrants, François Crépeau, s’est indigné pour sa part que «l’objectif ultime semble être l’expulsion des communautés migrantes roms de France».

Il a relevé que «les expulsions collectives sont interdites en droit international, et que les rapatriements doivent être volontaires, en conformité avec le droit international, et basés sur des évaluations individuelles et une surveillance indépendante».

Constat similaire pour le rapporteur spécial sur le racisme, Mutuma Ruteere, pour qui «ces évacuations et expulsions alimentent inévitablement le climat d’hostilité – déjà préoccupant – à l’égard des Roms en France».

En août, plusieurs évacuations ont eu lieu en France, notamment dans les villes de Lille, Lyon, Paris, Evry et Stains, où deux campements ont été évacués mercredi 29 août matin.

Les experts des Nations unies ont rappelé que des actions similaires avaient été entreprises en août 2010, et avaient soulevé des critiques généralisées aux niveaux international et européen, rapporte l’AFP.


LE YIN ET LE YANG DE MANUEL VALS

par Élise Vincent

© Le Monde – 1er septembre 2012

S’il est une ligne politique en matière d’immigration que Manuel Valls, ministre de l’intérieur de François Hollande, semble avoir choisi de faire valoir, c’est celle qu’il martèle dès qu’il le peut :  » fermeté et humanisme « . Une ligne qui fait penser à un titre de conférence de Connaissance du monde, façon  » Le Japon, entre tradition et modernité « . Mais qui pourrait aussi s’avérer le pendant prometteur, Place Beauvau, de la présidence  » normale « .

Nul ne sait si ce concept a été élaboré par un as en communication. Mélange de pragmatisme teinté de progressisme, il offre de nombreux avantages. À commencer par celui d’être, sur le sujet épineux des flux migratoires, consensuel auprès de l’opinion. Preuve en est, l’enthousiasme des Français pour lesquels M. Valls est devenu la personnalité préférée du gouvernement.

Depuis son arrivée Place Beauvau,  » l’humanisme  » a ainsi été récompensé par l’abrogation de la circulaire du 31 mai 2011 restreignant les conditions de séjour des étudiants étrangers. Même chose, le 7 juillet, avec la suppression de la rétention systématique pour les familles. A contrario, et afin de ne laisser douter personne de sa  » fermeté  » – notamment à droite, toujours prompte à dénoncer le  » laxisme  » de la gauche –, le ministre de l’intérieur a vite assumé le mot  » expulsion « , plutôt tabou, ces dernières années, au Parti socialiste.

un véritable écart

Mais le concept de  » fermeté et humanisme « , le yin et le yang de M. Valls, a aussi l’avantage d’autoriser toutes les attitudes. L’affaire des Roms, qui a débuté fin juillet, en est l’exemple le plus abouti. La formule a en effet permis à M. Valls – adoubé par Matignon et l’Elysée – de justifier ce qui apparaît comme un véritable écart d’avec les postures politiques traditionnelles de la gauche.

décisions de justice qui s’accumulaient

Était-ce pour anticiper des décisions de justice qui s’accumulaient sur les bureaux des préfets depuis l’élection de François Hollande que M. Valls a choisi d’assumer en amont les évacuations de campements ? Ou était-ce pour conforter son yang de  » fermeté « , sachant que la majorité des Français y étaient  » favorables  » – y compris les sympathisants du PS ? La publication, le 29 août, d’une circulaire levant partiellement les mesures restreignant l’accès des Roms au travail lui a en tout cas permis de laver l’affront fait à son yin  » humaniste « .

Parmi les ministres de l’intérieur de gauche de la Ve République, M. Valls n’est pas le premier à se laisser tenter par cette approche. À l’exception de Gaston Defferre (1981-1984), qui a procédé à une large régularisation des sans-papiers, avant de s’occuper surtout de décentralisation, presque tous les anciens patrons socialistes de la Place Beauvau n’ont eu de cesse de chercher à réaffirmer, une fois les campagnes électorales terminées, une ligne relativement ferme sur l’immigration.

Si, dans la forme, M. Valls reste plus proche de Jean-Pierre Chevènement (1997-2000), ce qui le sépare de Pierre Joxe (1988-1991), de Philippe Marchand (1991-1992) ou encore de Paul Quilès (1992-1993) ne réside que dans les mots. On parlait alors plutôt de recherche de  » consensus  » ou de besoin d' » équilibre « . Une posture qui avait déjà amené Pierre Joxe, en mai 1989, à l’Assemblée nationale, à expliquer comment il souhaitait expulser les étrangers irréguliers  » dans la dignité « .

Le concept de  » fermeté et humanisme  » de M. Valls a aussi l’intérêt de faire passer pour progressistes des annonces qui pourraient relever d’un farouche conservatisme. Et vice et versa. Il pourrait ainsi habilement servir le ministre sur le gros dossier immigration du quinquennat : la révision des critères de régularisation des sans-papiers, une promesse de campagne de M. Hollande.

cas par cas

Sur ce sujet, M. Valls assure vouloir  » clarifier  » les critères d’examen des dossiers déposés, mais jure parallèlement qu’il n’y aura pas de  » régularisation massive « . Une ligne qu’il résume – comme la droite – par une volonté de traiter les demandes  » au cas par cas « . Or dans les faits, le  » cas par cas  » permet tout et son contraire. Serrer la vis comme cela a été progressivement fait durant les dix années de mainmise de Nicolas Sarkozy sur la politique d’immigration. Mais aussi desserrer l’étau. Chose que pourrait être tenté de faire M. Valls, beaucoup plus libéral sur ce sujet que l’image de  » Sarkozy de gauche  » qu’il s’est construite.

Or, tout l’enjeu du passage de M. Valls au ministère de l’intérieur réside là : dans sa capacité à s’émanciper du seuil des 200 000 entrées annuelles en France sur lequel s’était focalisée la précédente majorité, au risque de s’y casser les dents. Une barrière difficilement tenable en effet, du fait des mécanismes migratoires. Sauf à rogner les droits fondamentaux, comme le  » vivre en famille  » notamment, régis par le droit international.

formule magique

Les défenseurs des droits des étrangers l’ont bien compris. Malgré tous les démantèlements de campements de Roms durant l’été – sans les solutions alternatives de relogement promises -, ils ont réagi de manière bien moins virulente qu’en juillet 2010 après le discours de Grenoble de M. Sarkozy qui marquait un nouveau tournant sécuritaire. A rebours de l’opinion publique, beaucoup de militants veulent en effet croire que les desseins de M. Valls seront moins fermes qu’humanistes. Mais sur ce point, seul l’avenir dira si, pour satisfaire ces attentes opposées, sa formule peut s’avérer magique.

par Élise Vincent

elise.vincent@lemonde.fr

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2 septembre 2012 – © Le Monde

ENTRETIEN AVEC VIVIANE REDING

situation des Roms

Vice-présidente de la Commission européenne et commissaire à la justice, Viviane Reding sera, lundi 3 et mardi 4 septembre, à Paris pour rencontrer plusieurs membres du gouvernement et évoquer la crise de la zone euro et la situation des Roms, mais aussi celle des droits fondamentaux dans l’Union.

Que pensez-vous du démantèlement de campements de Roms et des expulsions qui ont créé la polémique en France, deux ans après vos démêlés avec Nicolas Sarkozy sur ce thème ?

La situation est différente. La France a, à notre demande, modifié sa législation pour renforcer les garanties procédurales en cas d’expulsion. Elle a adapté ses lois aux standards européens. Cette fois, la circulaire qui encadre les récentes décisions préfectorales a été signée par sept ministres et le problème n’est pas résumé à la seule répression. Désormais, les éloignements font, à ma connaissance, l’objet d’une décision préalable de la justice. Les personnes concernées sont informées individuellement et il ne s’agit pas d’éloignements en masse. Le démantèlement de camps illégaux et insalubres reste une question nationale, il n’y a pas de droit européen en la matière. La France s’est par ailleurs engagée à reloger ces populations, à scolariser les enfants et à ouvrir une partie de son marché du travail aux ressortissants roumains ou bulgares. Bref, elle cherche à intégrer et c’est un changement d’attitude.

Vous avez toutefois envoyé un courrier demandant des explications au gouvernement Ayrault

Une réunion de travail a eu lieu vendredi 31 août à Bruxelles entre mes services et des experts français pour finaliser les réponses de Paris. La France va devoir modifier la stratégie d’intégration des Roms esquissée par le gouvernement précédent, afin de concrétiser son souci d’intégration. Nous allons l’aider par le biais d’un échange de bonnes pratiques entre les pays de l’Union, au sein d’un groupe que je veux mettre sur pied en octobre. La question des Roms reste un vrai problème européen et je veux que la France s’en saisisse. Nous ne pouvons être confrontés, chaque été, aux mêmes questions.