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14 septembre 2010

Roms unique objet de mon ressentiment Gustave Flaubert, Jacques Hochmann, Michel Tubiana, Cécile Canut

Gustave Flaubert, Jacques Hochmann, Michel Tubiana, Cécile Canut

Un collègue nous fait parvenir une lettre que nous ne résistons pas au plaisir de publier ici. Nous y joignons une autre lettre, ouverte celle-ci, au Président de la République, par une autorité en matière d’autisme.

Nous y joignons a posteriori

– l’adresse de la pétition touche pas à ma nation lancée le 13 septembre par SOS Racisme.

– Un article de Médiapart insistant qu’il y a bien {discrimination qualifiée.

– Un billet de Cécile Canut, toujours dans {Médiapart : « À bas les MOR’S ! »

Paraphrasons Flaubert :  » Du jour où je ne serai plus indigné  » par ce genre de violation du droit humain, je deviendrai indigne de mon humanité, a fortiori de ma belle profession.

Philippe Grauer}}


1 — du jour où je ne serai plus indigné

« Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule, en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.

C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au Solitaire, au Poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton. »

Gustave Flaubert, lettre à George Sand, 12 juin 1867 (Correspondance, éd. de la Pléiade tome 5, pp. 653-654)

cliquez ici pour voir une illustration post-moderne du propos de Flaubert.


2 — Lettre ouverte au président de la République

Monsieur le Président,

Comme vous je suis un fils d’immigré (polonais, en ce qui me concerne). Mon père est venu étudier en France, en 1925, il est retourné se marier au pays, en 1932. Je suis né en France, en 1934 et nous avons, mes parents et moi, été naturalisés français, en 1936, sous le Front Populaire.

Bien que mon père, ingénieur dans une usine métallurgique, ait participé à l’effort d’armement de la France et ait toujours été respectueux de la loi, nous avons, en 1942, en tant que juifs, été déclarés déchus de la nationalité française par le Gouvernement de Vichy, et, de ce fait, mis en danger immédiat d’être arrêtés et déportés. Nous n’avons dû la vie, comme beaucoup d’autres juifs résidant en France, qu’au dévouement et parfois à l’héroïsme de ceux qui, alors, nous ont cachés et aidés, en nous procurant de faux papiers et en nous hébergeant.

Vous êtes né après cette sombre époque. Vous n’avez pas connu, dans la presse et à la radio, le déchaînement de la haine xénophobe. C’est la seule excuse que je peux trouver à ce que j’oserais appeler votre irresponsabilité, si je n’étais tenu au respect par la haute fonction que vous incarnez.
Vous n’êtes pas seulement, en effet, le chef d’une majorité qui conduit une politique choisie par les électeurs. Vous occupez une place symbolique, que reconnait la loi, en vous déclarant au dessus d’elle pendant la durée de votre mandat. En se dotant d’un Président de la République, en décidant, il y a presque un demi-siècle, de l’élire au suffrage universel, pour renforcer son image et son pouvoir, le Peuple souverain s’est cherché à la fois un guide à moyen terme et un arbitre transcendant les passions populaires.

Celles-ci sont promptes à s’échauffer, en particulier dans les périodes de crise économique, comme celle que nous traversons. La passion conduit à l’abolition de la réflexion, au passage à l’acte, à la décharge immédiate des désirs les plus primitifs. Quoi de plus passionnel, de plus irréfléchi et de plus primitif que la haine ou la peur de l’étranger. Surtout, s’il vit parmi nous, s’il s’infiltre à travers des frontières, érigées pour nous protéger, s’il viole ainsi continuellement le sentiment du chez-soi, l’étranger, quoi qu’il fasse ou ne fasse pas, est, en lui-même, une source potentielle d’insécurité. Il engendre inévitablement, dans les sociétés humaines archaïques comme dans les sociétés animales, la violence.

Dans les moments difficiles, il devient le bouc émissaire. Le Juif, le Romanichel et aujourd’hui le Noir ou le Beur, quelle que soit sa nationalité formelle, incarne ainsi, en lui-même, le danger voire le mal, indépendamment de son comportement objectif.

Il suffit de lire actuellement les commentaires des internautes et de suivre les sondages d’opinion pour s’assurer du large écho positif rencontré par vos propositions de Grenoble et par leurs applications immédiates. Vous surfez sur une vague porteuse. Mais c’est justement ce qui m’inquiète. L’histoire n’est pas avare d’exemples qui montrent jusqu’où peut conduire le débordement passionnel et avec quelle facilité peut craquer l’enveloppe de civilisation qui tente de les contenir, en s’appuyant sur les valeurs de solidarité, de tolérance et d’hospitalité qui font partie aussi de l’héritage humain.

Par delà votre personne, vous êtes le représentant de ces valeurs, vous avez pour mission, et vous l’avez rappelé dans un de vos anciens discours, en citant Edgar Morin, de faire œuvre de civilisation. Un Président de la République doit renforcer le sentiment de sécurité en faisant un travail de pédagogue (ce qu’avait fait votre prédécesseur François Mitterand, en demandant au Parlement d’abolir la peine de mort, contre le sentiment prévalent dans la majorité de la population).

Les réponses au jour le jour que vous donnez, avec la fougue qui vous caractérise, aux problèmes actuels d’insécurité sociale, économique et d’ordre public, n’ont rien de rassurant. Vous avez déclenché, justifié par avance, des réflexes sociaux que vous risquez de ne plus maîtriser. Le Front national se réjouit de voir valider, au plus haut niveau de l’État, certaines de ses propositions.

Comble d’ironie, c’est d’un pays sans grande tradition démocratique, la Roumanie, où, comme d’ailleurs en Hongrie et en Bulgarie les Roms n’ont jamais joui d’un statut enviable, que vous viennent aujourd’hui les accusations de populisme et l’appel à une réflexion plus calme et plus inscrite dans la durée.

Veuillez agréer, monsieur, le Président, l’expression de la haute considération dans laquelle je tiens votre fonction.

Chronique d’abonnés journal LE MONDE

par Jacques Hochmann, professeur émérite de psychiatrie à l’Université Claude Bernard ( Lyon). 18 août 2010


3 — Une politique ouvertement xenophobe

Pour faire bonne mesure voici un article de Michel Tubiana provenant de Médiapart, en date du 11 septembre (1).

Que n’avons-nous entendu, quand nous avons dit et écrit que les pouvoirs publics, et le chef de l’État le premier, menaient une politique ouvertement xénophobe. Nous souvenons-nous de ce cœur des vierges, la main sur le cœur, nous affirmant que jamais le président de la République n’avait voulu stigmatiser une communauté, lors de la réunion qu’il avait convoquée en son palais le 28 juillet 2010? Propos excessifs et scandaleux, «gauche milliardaire», etc.

Pourtant, les documents sont là, écrits sous la responsabilité du Ministre de l’Intérieur, faisant explicitement référence aux «objectifs précis (fixés), le 28 juillet dernier» par le président de la République.

La circulaire du 5 août 2010, signée de Brice Hortefeux, enjoint aux préfets de procéder à l’évacuation d’au moins trois cents campements illicites sous trois mois, « en priorité ceux des Roms », formulation réitérée à plusieurs reprises ensuite.

Et de poursuivre: «En particulier, les opérations menées depuis le 28 juillet contre les campements illicites de roms n’ont donné lieu qu’à un nombre trop limité de reconduites à la frontière».

Est-ce par connivence ou par ignorance, le gouvernement lui ayant caché cette circulaire, que la Commission européenne s’est déclarée satisfaite des explications données par les autorités françaises ?

Et voulant, enfin, se prémunir de l’inévitable, la circulaire s’attarde ensuite sur les moyens pour empêcher « l’installation de nouveaux campements illicites de Roms ».

L’article 225-1 du Code pénal définit la discrimination comme « toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur appartenance ou de leur non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie.

Si les mots ont encore un sens, mais en ont-ils un pour Brice Hortefeux, comme qualifier autrement sa circulaire du 5 août 2010 que d’ouvertement discriminatoire ?

Si les faits ne subissent pas les distorsions de ces faiseurs de vérité manière «1984», comment qualifier autrement la réunion du 28 juillet 2010 convoquée part le président de la République que comme la stigmatisation d’une communauté à raison de son origine et de sa situation sociale ?

Il y a quelque chose qui va bien au-delà du scandale dans ce verbe administratif. Il y a l’angoisse de constater que d’auvergnats en maghrébins, de musulmans français forcément « accueillis » dans le pays où ils sont nés en Roms pique-assiettes de notre système social et gens du voyage forcément délinquants, se dessine le portrait d’une politique qui n’hésite pas à s’en prendre à des communautés entières sur la base de leur origine ou de leur religion.

Sans éthique, sans principes, l’actuel pouvoir politique se dispense de plus en plus de faux semblants au point de mettre par écrit ce qui hante ses pensées.

Michel Tubiana, Président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme. 14 septembre 2010


4 — « Nouvelle politique » : préoccupante

Roms : après le tollé, Hortefeux retire la circulaire et maintient sa politique

Le ministre de l’intérieur a signé hier une nouvelle circulaire aux préfets sur les évacuations de campements illicites, sans mention de l’ethnie des occupants, après deux jours de tollé sur une précédente circulaire visant explicitement les Roms. Ce nouveau texte administratif demande aux préfets de « poursuivre » les évacuations de camps « quels qu’en soient les occupants ». Cette circulaire, que M. Hortefeux a « tenu à signer personnellement », est destinée à « lever tout malentendu sur une éventuelle stigmatisation » des Roms, a déclaré l’entourage du ministre. Ce texte visant les Roms avait valu à Paris de nouvelles critiques à l’étranger et des menaces d’ONG de recours en justice. La Commission européenne a répété qu’aucune catégorie de population ne pouvait être visée en Europe du fait de son origine ethnique. À Genève, la haute commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Navi Pillay, a qualifié de « préoccupante » la « nouvelle politique », « qui ne peut qu’exacerber la « stigmatisation » de Paris envers les Roms et leur « extrême pauvreté ».

Le Monde, 14 septembre 2010


5 – L’intolérable a changé de nature : à qui la suite ? exit les MOR’S !

Dans un papier de Cécile Canut repris par Médiapart et intitulé « L’intolérable a changé de nature« , cette professeure analyse la perversité croissante des gouvernants français actuels. Elle explique comment des personnes dont la caractéristique commune est la pauvreté ont été affublés de noms divers : roms, romanichels, gens du voyages, etc…dans le seul but de leur coller une identité qui permettrait de les stigmatiser et de les désigner à la vindicte populacière.

Imaginons que la recette soit généralisée en France pour se débarrasser de tous ceux qui, non seulement rapportent peu d’argent, mais en coûtent.

Ainsi les SDF, les chômeurs, les gagnent-petit, les sans-papiers, les clandestins… tout ce monde de misère, seraient regroupés sous une appellation dite d’origine, disons par exemple en langage verlan les MOR’S.

À bas les Mor’s ! donc et d’ordonner aux préfets de les expulser, loin, très loin, sur le champ.