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21 mai 2009

SECTES ET PSYCHOTHÉRAPIE : amalgame de campagne Philippe Grauer

Philippe Grauer

[Document : Rapport Miviludes 2008]

À part cela, continuer de suivre l’état de la question au Sénat en cliquant sur les mots soulignés ci infra.

Miviludes. Rapport au Premier ministre, rapport 2998. Paris, La Documentation française, 199 p.-

Georges Fenech — Miviludes : accusations graves sur fond d’études manquant de sérieux

À première lecture, le rapport Fenech nous a paru un peu léger en ce qui concerne la question de la psychothérapie (au sens générique du terme). Son rideau de fumée satanique masque mal une étude guère approfondie. Qu’on nous pardonne mais la recherche n’est pas une affaire de Renseignements généraux. La littérature est pourtant abondante. Va-t-il falloir que nous publions nous une bibliographie de référence pour orienter nos chercheurs administratifs dans un champ où ils paraissent bien désorientés ? Le fait de parler avec l’autorité de l’État crée obligation scientifique et de rigueur. On attendait du sérieux, on se voit offrir du médiatique. Pas forcément du meilleur.

Un vrai bazar

Consultez les pp 107-110 du rapport Fenech joint à cet éditorial sous forme de document PDF consacrées à la psychothérapie (au sens générique). Ce travail de la Miviludes, s’appuyant sur un inventaire à la Prévert juxtaposant un répertoire de méthodes de la FF2P à une liste de méthodes de bien-être englobant l’ayurvéda, la catharsis glaudienne, eh oui ! le jeûne et la supervision, nous n’inventons rien, en conclut, que conclure d’un pareil objet, en conclut que des « psychothérapeutes » aux parcours hétérogènes, comment le dire mieux, suscitent l’interrogation sur leurs parcours de formation.

Question de méthode

C’est le moins qu’on puisse penser. Ce qu’on pourrait également en dire c’est que l’étude de la Miviludes ne nous semble pas assise scientifiquement de façon bien sérieuse et que nous sommes en droit de nous interroger à notre tour sur sa méthodologie. Apparemment il s’agit de picorage dans des lieux de référence fourre-tout, sans travail critique ni référence sociologique ni psychothérapique ou psychanalytique solides(1). De plus, ça n’est pas tant les méthodes qu’il devrait s’agir de qualifier ou disqualifier, mais bien davantage les praticiens. Là encore, c’est le moment de le répéter, question de méthode.

Nous n’avons jamais été approchés

Nous n’avons jamais en ce qui nous concerne été approchés, alors que nous figurons au centre de la nébuleuse psy dans laquelle l’auteur du rapport ne voit que fumées sataniques et brouillards dignes de méchants films de revenants ou de possession. Notre site est consultable, et facilement identifiable, on peut lui poser autant de questions qu’on veut, et nos programmes s’étalent sur l’équivalent de 100 pages. Nos textes et documents sont consultables, et même plutôt souvent consultés, mais apparemment pas par les fonctionnaires chargés de s’intéresser à notre profession et responsables devant la nation de lui en parler en connaissance de cause. Le SNPPsy a pignon sur rue, et sur internet, et est interrogeable, tout comme l’Affop : nada !

Allo l’Inserm ?

Seule l’Inserm, qui s’est mis le doigt dans l’œil en évaluant de façon parfaitement non scientifique la psychanalyse au début de la crise Accoyer, est considéré par l’auteur du rapport comme enquêteur fiable. Soit. Que ne nous a-t-il approchés ?

Qui veut noyer son chien

Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. À partir d’un concensus facile à obtenir sur la peur légitime de sectes antidémocratiques et antihumanistes, on engendre un syndrôme de purification apparenté aux fantasmes et méthodes intellectuelles de la Sainte Inquisition, c’est du Bush. Au nom de la République on lance une chasse aux sorcières vers la psychothérapie relationnelle, AVANT d’avoir fait sur elle la moindre enquête un peu sérieuse, ou plutôt en ignorant les protagonistes et interlocuteurs institutionnels dont on se propose de nettoyer le paysage psy. Les Verbatims des réunions tenues au ministère de la Santé sont pourtant à disposition, en tout cas sur notre site et celui du SNPPsy, et tant d’autres études et ouvrages !

Purification psychique

Que signifient ces procéures et ces procédés ? Prenons garde à la purification psychique. Page 104 Delphine Guérard, psychologue de son état et plutôt rigoureuse dans sa démarche, liste d’après un article de l’excellent Journal des psychologues cinq caractéristiques permettant d’identifier de la dérive sectaire. Saisissons-nous de cet outil, le seul dont dispose le rapport pour mesurer ce danger, et jugeons les Écoles et organisations historiques de la psychothérapie relationnelle à son aune.

Malhonnêteté républicaine

Au lieu de crier à tout hasard au voleur en plein milieu du marché et de risquer de faire lyncher le premier gamin aperçu en flagrant délit de courir pour rattraper son chien. N’ajoutons pas une dose de maladresse républicaine à un dossier suffisamment sensible comme cela, car il y a sûrement mieux à faire. Par exemple s’occuper des vraies sectes malfaisantes, et s’appuyer sur les psychothérapeutes honnêtes et honnêtement formés, inscrits auprès d’institutions responsables et respectables(2), pour contraindre les autres à cesser leurs pratiques pseudopsys ou à se former sérieusement sans délais avant de les reprendre dûment encadrés, s’ils en ont les moyens intellectuels et humains (long travail sur soi, et pas n’importe quoi, c’est notre métier, nous savons de quoi nous parlons et savons l’évaluer).

Grosses évidences contre grossières agressions

Ce billet ne constitue qu’une toute première approche. Qu’on nous le pardonne, encore que par les temps qui courent, dans certaines sphères, hautes ou médiatiques, l’ambiance n’est pas, envers nous, à la mansuétude. Après tout, c’est peut-être un honneur qu’on nous fait. De grâce qu’on cesse immédiatement tout amalgame diffamatoire et tout mot d’ordre persécutif contre les bons psychothérapeutes relationnels, ayant passé par des filières identifiables et évaluables, et qu’on fasse les gros yeux aux vrais malfaiteurs. Il est regrettable de devoir aligner ainsi des évidences grossières, mais elles se mesurent à des agressions mal venues qui le sont tout autant. De grâce, revenons-en à la rationalité et à la démocratie. Revenons-en à la présomption d’innocence, à un peu de jugeotte, et tout simplement à quelque humanisme.

De 450 heures à 5 ans : doublement de « peine”

Certes faire des études n’est pas une punition. C’est pourtant ce que l’obligation inique prévue par la loi en débat se prépare à mettre en place mettre en place, au motif fallacieux de la lutte antisectes. Entre 450 heures de psychopathologie clinique universitaire obligatoire pour accéder à l’usage du titre générique de psychothérapeute si l’on est sorti d’une bonne École, proposé par le précédent ministre Xavier Bertrand, et l’actuel dispositif de la double formation imposée à sens unique : tout psychothérapeute relationnel dûment formé devra effectuer une formation complète supplémentaire de cinq années en psychologie, mais non l’inverse, un gouffre bée.

Accoyer – Terminator, le retour

Celui de l’inflexible volonté du vengeur suprême Bernard Accoyer, adossé au corporatisme des psychologues. Le rapport de la Miviludes, en pratiquant un amalgame populiste avec la question des dérives sectaires, dont précisément les institutions historiques de la psychothérapie relationnelle se sont en se fondant même, clairement démarquées, en rend pas service à sa propre cause. Il n’est jamais de bonne politique de traquer les ennemis de la démocratie et de l’humanisme là où on sait bien qu’ils ne sont pas.