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9 mai 2011

Titre de psychothérapeute : « pourquoi je ferai la demande » Vincent Benoist

Vincent Benoist

Instantanés de l’InterCoPsychos – N°308

lundi 9 mai 2011


À son tour, Vincent Benoist témoigne de sa position à propos de l’inscription sur la liste des psychothérapeutes. Il fait état de son expérience avec l’inscription sur la liste ADELI.

Jean-François Cottes


« 
On a donc témoigné, dans les Forums, dans la presse, de notre solidarité avec les psys au sens large, y compris avec les ni-ni. C’est une position qui a fait débat chez les collègues extérieurs à l’École. Mais le résultat est là, la psychanalyse a été reconnue officiellement comme une pratique distincte de la psychothérapie, par ailleurs, les commissions qui décerneront le titre de psychothérapeute incluront deux psychanalystes sur les six membres titulaires (cf. texte de J.-C. Maleval). »

La Cause prend la parole. Nous avons obtenu gain… de Cause, adieu ni-nis, rangeons-nous dans le nouveau cadre ordonnateur du champ psy – attention, différence significative avec le Carré psy ! – en manifestant notre réticence juste pour dire que nous avons dit, et que nous voulons pas laisser tout de même le champ (psy ?) libre aux TCC ni à la psychiatrie.

Fort heureusement nos psychopraticiens relationnels n’ont pas à pâtir de ces états d’âme institutionnels qui sont le lot de nos malheureux (mais triomphants) collègues psychanalystes psychologues. En tant que libéraux, point de répertoire ADELI.

Savourons (provisoirement ?) la différence entre nos deux professions, psychologues vs. psychoninis.

En attendant, nous éprouvons de notre côté du Carré psy les mêmes réticences, amplifiées, envers ce titre de psychothérapeute paramédical, et ne se décideront à y aller que ceux qui estiment pouvoir un jour pâtir de ne pas l’avoir demandé. Soyons comme eux, soyons prudents. Notez qu’on peut aussi l’obtenir et ne pas ensuite l’exhiber.

Philippe Grauer


Pourquoi je ferai la demande

Par Vincent Benoist

Du collectif d’Angers

Les questions qui se posent actuellement sur le fait de faire ou pas la démarche pour demander le titre de psychothérapeute quand on est orienté par la psychanalyse et donc a priori pas intéressé pour porter ce titre – surtout quand on ne l’a jamais revendiqué jusque-là –, me rappellent les questions qui se sont posées lors de la mise en place du fichier ADELI.

À cette époque, on entendait dire ici ou là que cette inscription, sans être obligatoire, était fortement recommandée pour les psychologues travaillant en libéral, sans qu’on sache précisément en quoi cet enregistrement purement formel des diplômes universitaires par cette instance de « veille et sécurité sanitaire » était décisif pour notre exercice. Je me souviens l’avoir fait en renâclant, en 2003, parce que je ne voyais pas en quoi cette certification « sanitaire » pouvait d’une façon ou d’une autre valider un diplôme que j’avais déjà.

c’est bien mais ça ne suffit pas

Or il me semble que cette invitation, quoiqu’elle fût plus soft, était en même temps déjà tout à fait révélatrice de ce désir insidieux des instances gouvernementales de contrôler le champ « psy ». Comme si la DDASS avait pu refuser de valider ces diplômes tout à fait officiels ? C’était juste une façon de formuler la chose suivante : vous êtes psychologue, formé par l’Université, c’est bien mais ça ne suffit pas, il faut que vos diplômes soient en plus validés par nous… Désagréable et énigmatique !

Mais je l’ai fait, j’ai eu mon numéro ADELI et je me suis demandé pendant longtemps à quoi ça pouvait bien servir (ça n’a jamais été demandé pour s’inscrire à la rubrique « psychologue » dans l’annuaire des télécoms, par exemple). Or il me semble que, les années passant, c’est devenu dans certains cas un label nécessaire. C’est-à-dire que, au fur et à mesure que s’écoulait le temps depuis la mise en place du fichier, ce numéro a fini par faire partie du paysage.

Ainsi, l’an dernier, alors que j’étais en période probatoire pour obtenir mon inscription sur la liste des experts agréés par la cour d’appel d’Angers, après avoir déjà effectué une bonne cinquantaine d’expertises et témoigné lors d’un procès d’Assises, j’ai reçu un mail du Tribunal me demandant expressément de produire mon n° ADELI. L’explication était sibylline : « vous comprenez, on s’est rendu compte après coup que tel expert ne l’avait pas… ». Je l’ai produit immédiatement, et ça a été fini. Je n’en ai plus entendu parler. J’ai obtenu depuis mon inscription après examen par un jury composé de magistrats de mon travail durant cette première année. Il faut noter que, pour que ma demande fut agréée de rentrer en période probatoire, j’avais dû produire un C.V., un extrait de casier judiciaire ainsi que mes diplômes universitaires et mon dossier avait été étudié pendant un an. A quoi donc pouvait bien leur servir ce numéro ? Pourtant, c’est ainsi : je ne l’avais pas, je ne pouvais plus prétendre à faire partie des experts agréés.

Jacques-Alain Miller nous a convaincus

Le rapport que je fais avec le titre de psychothérapeute est le suivant : il me semble que lorsque J.-A. Miller nous a convaincu de nous intéresser de près à la chose, il a tranché en faveur de la participation des psychanalystes à un débat qui ne les concernait pas directement sauf à voir, dans cette régulation du titre de psychothérapeute, une tentative déguisée des instances gouvernementales de contrôler le champ « psy » dans son ensemble. Il a été convaincant.

On a donc témoigné, dans les Forums, dans la presse, de notre solidarité avec les psys au sens large, y compris avec les ni-ni. C’est une position qui a fait débat chez les collègues extérieurs à l’École. Mais le résultat est là, la psychanalyse a été reconnue officiellement comme une pratique distincte de la psychothérapie, par ailleurs, les commissions qui décerneront le titre de psychothérapeute incluront deux psychanalystes sur les six membres titulaires (cf. texte de J.-C. Maleval).

ce qui peut sembler une nouvelle profession

Les conditions d’exercice des psychologues sont pourtant de fait rendues plus difficiles, pas tellement sans doute pour ceux qui sont déjà en poste ou pour ceux qui vont pouvoir faire valoir la clause du grand-père que pour ceux qui vont devoir chercher du travail dans des institutions dont les directeurs vont être encore plus déboussolés par l’apparition de ce qui peut sembler une nouvelle profession. Les psychiatres, eux, sont, préservés de cette inquisition, apparemment… Rappelons quand même qu’ils ne sont pas à l’abri des réglementations ubuesques et que leurs conditions d’exercice actuelles ne sont pas exemptes de diktats. Il suffit d’aller lire sur internet l’introduction du « plan autisme 2008-2010 » pour comprendre que – pour ce qui concerne les TED –, la psychiatrie n’a pas la cote, tandis que les psychologues formés aux « pédagogies structurées », oui. Or il n’y a aucune raison que les comportementalistes ou les cognitivistes obtiennent l’exclusivité de l’exercice thérapeutique aux yeux du grand public ou aux yeux de toutes de tous ces organismes qui peuvent faire appel aux psys sans bien comprendre de quoi il s’agit.

Voilà pourquoi je vais faire la demande pour obtenir le titre de psychothérapeute, même si je ne m’inscrirai certainement jamais sous cette rubrique de ma propre initiative.

Angers, le 08/05/2011