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18 janvier 2010

Traité de Psychothérapie comparée. Sous la direction de Nicolas Duruz et Michèle Gennart Ed. Médecine et Hygiène, Genève 2002. Claude R. JULIER

Claude R. JULIER

Traité de Psychothérapie comparée Sous la direction de Nicolas Duruz et Michèle Gennart Ed. Médecine et Hygiène, Genève 2002. Note de lecture de Claude R. JULIER.

Alors que dans tous les secteurs d’activité de nos sociétés modernes, le morcellement de la pensée et des pratiques pollue notre capacité à penser multiple, et que dans le domaine de la psychothérapie un vif débat est engagé pour sa reconnaissance et sa réglementation, ce traité de psycho-thérapie comparée me paraît tout à fait opportun, dans la mesure où il permet une réelle confrontation « sans rien ajouter, faire émerger un plus qualitatif de la confrontation des orientations psychothérapeutiques existantes ». Le pari me paraît réussi.
Il faut dire que N. Duruz n’en est pas à son premier essai. En 1994, il nous proposait déjà

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une réflexion serrée sur deux questions :

* En quoi consiste une thérapie ? Peut-on dire autre chose que V. Raimy « la psychothérapie est une technique indéfinie, appliquée à des cas non spécifiques avec des résultats imprédictibles. Pour cette technique, un training rigoureux est requis ?»
* La convivialité est-elle possible entre les différentes orientations psychothérapeutiques ?

Dans l’ouvrage présenté ici, Duruz et Gennart ont demandé à 14 psychothérapeutes, de décrire la méthode thérapeutique qu’ils pratiquaient selon une grille

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de traitement commune permettant une étude comparée.

* Les méthodes retenues :
* La psychanalyse selon Freud
* La psychologie analytique de Jung
* La psychologie individuelle d’après Adler
* Psychiatrie phénoménologique et Daseinanalyse
* L’analyse du destin selon Szondi
* La psychothérapie intégrative selon Baudouin
* De l’analyse bioénergétique aux thérapies psycho-corporelles analytiques
* La Gestalt-thérapie
* L’analyse transactionnelle
* La psychothérapie selon l’approche centrées sur la personne de Rogers
* L’approche cognitive et comportementale en psychothérapie
* La thérapie d’orientation systémique
* L’hypnose
* La programmation Neuro-Linguistique (P.N.L.)

Impossible de résumer ces présentations : toutes sont décrites avec clarté et sans langue de bois. Si la plupart sont bien connues, d’autres, tel l’analyse du destin de Szondi, la psychothérapie intégrative de Baudouin ou la Daseinanalyse méritent notre attention. Chacune, dans son originalité et sa spécificité nous renvoie à notre propre orientation pour découvrir divergence et convergences, emprunts et création, filiations et perspectives.
Le but de cet ouvrage ne se limite toute-fois pas à cette description comparative. Les commentaires de Nicolas Duruz au fil des présentations, comme la postface de François Roustang sont des repères pour nous aider à comparer.
Dans l’introduction, N. Duruz distingue quatre grands courants :

1. L’éclectisme : « choisir parmi plusieurs orientations de pensée ou de pratique, leur meilleurs éléments ». Il semblerait que 40 à 60% des psychothérapeutes américains et européens se reconnaissent dans cette orientation.
2. L’intégration : réagissant à l’insuffisance de l’éclectisme, chercher « à définir un modèle général de la psychothérapie ».
3. La pensée d’école : antithétique à l’éclectisme, ses partisans veulent s’en tenir à un seul modèle.
4. L’articulation épistémologique différentielle, voie privilégiée par N. Duruz et M. Gennart, que l’on pourrait résumer ainsi :

* chaque modèle est une construction basée sur un ensemble d’hypothèses ou de prémisses se validant elles-mêmes (Bateson). Le rôle des présupposés est donc capital dans cette construction comme dans son application
* « chaque méthode, en fonction de ses présupposés conceptualise et actualise pour le client et son thérapeute une manière d’expérimenter le dysfonctionnement psychique et sa transformation, une manière d’être en relation thérapeutique, une manière de faire partie de la société, etc. qui lui sont propres » (p. 7).
* Conséquence : « le réel dialogue entre psychothérapeutes repose selon nous sur le repérage de leurs présupposés compatibles et incompatibles, grâce auquel chacun est censé pouvoir situer sa méthode dans une articulation épistémologique à celles des autres » (p. 7).

Pour le lecteur qui se fatiguerait en cours de route, qu’il n’hésite pas à sauter tel ou tel chapitre, mais ATTENTION à ne pas rater la postface de François Roustang !
Et pourquoi donc ? Un petit extrait en avant-goût :
« Nous nous comportons en spectateur et nous ne voyons pas comment nous pourrions connaître quelque chose si nous n’en étions pas, non seulement distincts, mais séparés. Tout cela ne fait aucun doute. Il existe pourtant une autre manière d’appréhender les objets, les êtres et l’environnement… c’est l’appréhension du fond par rapport à la figure, du contexte par rapport à la phrase…. » (p. 407)
« La relation, celle qui transforme, n’est ni objective ni subjective. Comme elle est toujours les deux à la fois, elle n’est ni l’une ni l’autre. Elle est la mise en oeuvre de la singularité du patient. Mais comment s’opère cette apparition ? Encore une fois par la prise en compte de la totalité de la personne… » (p. 411).
« Elle (la théorie) ne pourra s’élaborer que dans la mesure où les thérapeutes auront le souci de dire les certitudes informulées qui président à leur travail… chaque thérapeute y reconnaîtra des évidences. Il verra qu’il ne s’agit ni de sa personnalité, ni de ses caractéristiques propres, mais des dimensions humaines qu’il incarne : l’attente qui est provocation, le non pouvoir qui est puissance, le vide de soi qui ouvre à la plénitude, la force de l’existence dépouillée, l’indifférence au succès ou à l’échec. Car c’est cela sans doute le fondement du non spécifique qui soigne. Il restera aux thérapeutes à confronter ces expériences personnelles le plus souvent méconnues et oubliées. Ainsi sera manifestée, non pas une théorie, mais la rigueur d’une intelligence de la pratique. C’était le but recherché par ce livre »(p. 413).
But atteint avec efficacité !
PS : lisez les chapitres sur la Gestalt, richement décrite, d’un côté par Alexis Burger et de l’autre par Serge Ginger : si la comparaison entre méthodes peut être instructive, ce qui se dit – au sein d’un même modèle – l’est tout autant.