Ecoutez le morceau Nuit Sécuritaire
La loi passe, que le Sénat puisse encore la modifier, la procédure accélérée – une procédure bien commode aux mauvais coups, limitant singulièrement les perspectives. Les psychiatres en relation avec la psychanalyse mesurent leur faiblesse dans un univers où le monde psy a changé de bases idéologiques et politiques, et où la psychiatrie s’engloutit dans la neurologie. Si l’on veut faire front, il faut le faire ensemble, et non se réjouir lâchement du projet d’élimination des ex psychothérapeutes, au nom de la pureté d’une psychanalyse elle-même en perte de vitesse.
Cela devra servir de leçon à tous. Un pour tous tous pour un et non tous contre un comme ce fut le cas quand l’un en question c’était nous. Nous avons changé de nom, on ne change pas de nom de baptème aussi facilement que cela, notre défaite relative c’est aussi celle de nos amis psychiatres psychanalystes aveuglés par le corporatisme.
Ex psychothérapeutes nous voici psychopraticiens relationnels, nous survivrons, et ferons même beaucoup mieux que cela. Préservons ce qui reste de sain an sein du Carré psy. Dont l’unité d’action et de combat pour l’humanisme contre un univers d’hommes machines d’un autre âge qui revient très fort, pour la défense d’une citoyenneté intelligente, qui ne place pas la folie là où certains se plaisent à situer les Roms.
Philippe Grauer
Il a suffi d’une journée de débat pour statuer sur le sort réservé à la folie. Il n’est plus question d’accueil pour les patients en souffrance psychique. Quelle place dans notre société leur donne cette Loi ?
Les députés de la majorité ont validé la vieille représentation populaire, l’image du fou errant et dangereux. Ils ont oublié la souffrance et privilégié la dangerosité. Ils viennent par leur vote de semer les graines de milliers de futurs malades en errance.
Cette Loi prétend répondre à la demande des familles, mais elle se focalise sur la peur du fou. Elle fait d’événements dramatiques, l’ordinaire de la folie.
Les maladies psychiques sont très souvent longues, les crises sont comme dans toute vie, des moments ponctuels. L’état de crise, de délire grave, voire dangereux est loin, très loin d’être un état permanent.
La Loi se focalise sur la crise, un pic dans l’intensité des symptômes dans le déroulement de la vie d’un sujet.
Elle prend des dispositions qui vont transformer, ou plutôt rendre impossible toute thérapeutique.
Or, la crise doit être désamorcée en amont. La thérapeutique est justement là pour travailler à en diminuer (le nombre,) la fréquence, l’intensité. Ce sont avant tout des états de souffrances psychiques, d’angoisse extrême pour la personne qui les vit. L’administration d’un médicament a des vertus- et aussi des effets secondaires importants. Il n’a pas de pouvoirs magiques.
Cette Loi ne s’occupe pas du soin. En réalité, elle instaure une psychiatrie de la seringue, une psychiatrie de la surveillance, qui répondra à l’urgence, mais pas au quotidien d’une vie dans la cité pour une personne malade.
La psychiatrie est une spécialité médicale spécifique par la place donnée à la qualité de la relation avec le patient, et son entourage dans la réussite du soin. Le soin nécessite une présence, une disponibilité auprès des familles et des patients, au quotidien et dans un climat de confiance. La disponibilité doit être continue et humaine. Cela implique des moyens sanitaires, sociaux, médico-sociaux.
Seul un tel réseau cohérent permet d’accueillir les patients et leurs familles.
Si des patients sont seuls dans la rue, si des familles n’ont personne pour les aider, c’est que ce réseau de soin n’a pas de moyens suffisants ( en personnel, en formation, en temps).
Pour le fortifier, il n’est pas besoin d’un nouveau cadre juridique, cette Loi est donc inutile. Pire, elle est contreproductive car elle ne s’appuie en rien sur la réalité clinique du soin en psychiatrie. La technologie et l’informatisation ne peuvent remédier aux carences de moyens. À un problème grave, la solution apportée est totalement erronée.
L’urgence avec laquelle ce projet de Loi est validé -sans deuxième lecture à l’Assemblée Nationale- révèle l’importance idéologique, démagogique que le gouvernement lui donne. L’hospitalité pour la Folie est véritablement le cadet de ses soucis. La contrainte est instaurée comme principe de soin. Les soignants sont mis dans l’obligation d’exercer une surveillance et un contrôle sur les patients.
On échange la possibilité d’une relation soignante contre l’assurance d’une méfiance réciproque.
Ne sommes-nous pas légitimés à craindre que les patients se cachent des soignants, qu’ils dissimulent leur angoisse le plus longtemps possible ?
Ne sommes-nous pas légitimes de dénoncer la fonte des moyens d’accueil ambulatoire ?
Tout le monde sait que pour s’approcher de l’intimité de quelqu’un, il faut gagner sa confiance. Cela demande du temps, de la continuité, de la disponibilité, mais surtout une formation spécifique (qui soit adéquate avec) sous-tendue par une conception humaniste de la folie.
Après des années d’abandon, la psychiatrie est dans un état catastrophique. Toutes les catégories de professionnels luttent pour donner un accueil humain, des soins. Les nombreuses réformes successives ont déjà beaucoup réduit leurs marges de manoeuvres. De nombreux lieux ont repris les couleurs sombres du grand renfermement. L’usage des contentions se banalise. La contrainte devient par la Loi un mode de traitement de l’humain, au mépris de toute connaissance clinique. Le soin psychique mérite mieux.
Il y a plus de 200 ans Jean-Baptiste Pussin a libéré les fous de leurs chaînes. Philippe Pinel a accompagné son geste et a ouvert une nouvelle voie pour la psychiatrie. Qu’en est-il aujourd’hui ?
La journée de mobilisation du 15 mars lancée par le collectif des 39 a donné lieu à un rassemblement inédit des syndicats et associations de citoyens, de patients et de familles. Nous continuons la mobilisation. Une nouvelle réunion à notre initiative s’est déroulée ce vendredi 25 mars, avec l’ensemble des organisations syndicales et associatives opposées à cette Loi. Cette réunion a confirmé l’organisation du rassemblement du 09 avril devant la statue de Pinel. Nous vous communiquerons dans les prochains jours le programme de cet événement.
Le collectif des 39 soutien l’appel à la manifestation du 2 avril lancé par le mouvement de défense de l’hôpital public.