RÉUNION DU 7 AVRIL 2006
ORGANISÉE PAR
LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ
EN VUE DE LA RÉDACTION
DES DÉCRETS D’APPLICATION
SUR L’USAGE DU TITRE DE PSYCHOTHÉRAPEUTE
Verbatim 3
Rédigé par Philippe Grauer
XAVIER BERTRAND, Ministre de la Santé : je voudrais vous remercier d’être venus participer à cette réunion et réagir au document qui vient de vous être remis. Deux réunions ont précédé celle-ci, au cours desquelles vous avez fait un certain nombre de remarques dont j’ai souhaité tenir compte. Je sais la difficulté des questions qui se posent, mais je suis persuadé qu’il existe une voie de passage, difficile mais pas impossible. Je ne reviendrai pas sur l’article 52. J’ai essayé de comprendre les motivations des uns et des autres. La loi vous le savez n’a pas vocation à créer une nouvelle profession de santé. Il y a pour les psychologues, médecins, psychanalystes une inquiétude.
Le projet de texte que vous avez sous les yeux apporte un certain nombre de garanties. Je souhaite qu’au cours de cette réunion nous puissions tout nous dire.
Ma conviction est qu’il y a une voie de passage, qu’elle ne rencontrera pas forcément l’unanimité, mais on doit pouvoir avancer. Que la parole soit libre lors de cette réunion. Depuis le grand nombre d’années que je suis engagé dans l’action publique, j’ai toujours eu à cœur d’essayer de comprendre et d’entendre. Je viens ici dans un esprit d’apaisement, à la recherche de solutions pragmatiques, acceptables par les uns et les autres.
Je laisse pour commencer la parole à Éric Rance en sa qualité de juriste, puis la parole vous reviendra.
ÉRIC RANCE : je vais commenter rapidement les modifications par rapport à texte passé. Ce nouveau texte comporte deux modifications essentielles.
a) elles concernent d’abord le contenu de la formation. Cela se trouve aux Articles 6 & 7. Le précédent avant-projet comportait un certain nombre de thèmes, les grandes théories, et les principales approches, ce qui a donné lieu à débat. On s’y référait à quatre approches. Nous avons modifié cela. Comme vous pouvez le constater nous avons désigné de façon plus large les principales approches en psychopathologie.
Par ailleurs avons indiqué que cette formation doit comporter au moins 150 heures de formation théorique et pratique en psychopathologie et un stage de quatre mois. Ce qui différencie le nouveau texte de l’initial qui renvoyait à un master.
b) ensuite nos modifications concernent l’application du texte aux différentes catégories visées. Sont inscrits de droit les titulaires d’un diplôme en médecine, en psychologie, ainsi que les psychanalystes régulièrement enregistrés associations.
Pour les autres, à l’article 3, se trouve un dispositif en trois temps.
— suivre la formation prévue aux articles 6 et 7 permettra de se réclamer du titre
— pour les professionnels déjà installés depuis plus de 5 ans, le texte décrit un système de production des attestations sans obligation de la formation décrite aux articles 6 & 7. L’idée pourrait être de prévoir que ces personnes ont effectivement bien l’expérience professionnelle, mais qu’il serait utile et nécessaire pour elles de procéder à une formation continue des 150 heures sans les 4 mois de stage
— enfin pour ceux exerçant depuis moins de 5 ans, il est prévu de leur donner un délai pour suivre la formation prévue aux articles 6 et 7, dans le cadre d’une autorisation temporaire allant jusqu’en 2010.
LILIA MAHJOUB (École de la Cause freudienne — ECF) : Monsieur le Ministre, après avoir lu le texte que vous nous avez distribué ce matin, je me permets de vous adresser toutes mes félicitations pour l’effort de clarté que j’ai pu y noter, ainsi que pour son orientation nouvelle qui tend vers une transparence et ne laisse personne de côté. Je voudrais vous faire part des points positifs que j’y ai trouvés.
XAVIER BERTRAND : évoquez je vous prie les autres aussi !
LILIA MAHJOUB : Oui, rassurez vous, Monsieur le Ministre, je compte bien y venir, car il y en a qui le sont un peu moins, en effet. Les points positifs sont donc :
— Tout d’abord, qu’il n’y a plus de référence au Ministère de l’Éducation nationale et que cela veut donc dire qu’il n’est plus envisagé de création d’un nouveau diplôme, un nouveau master, et que, par conséquent, il n’y aura pas non plus de nouvelle profession.
— Ensuite que les inscrits de droit sont bien des inscrits de droit. Il n’y a pas de conditions supplémentaires les concernant, comme dans le précédent avant-projet. Ainsi, même si nous n’approuvons pas la loi qui a été votée, en l’occurrence l’article 52, ce nouveau texte du projet de décret est fidèle à la loi. Il en respecte le texte.
— Un autre point positif est encore à souligner concernent le cahier des charges. Celui-ci est décrit de façon bien plus raisonnable. L’article 7 gagnerait cependant à être allégé. Je remarque que les « quatre approches » du précédent avant-projet ont disparu — ce que j’approuve hautement — et font place aux « principales approches », et ce sans qu’il soit fait mention de quoi il s’agit.
— Maintenant, j’aborderai ce qui est moins positif, à savoir qu’il y a un flou dans le titre même de la Section II : « La formation commune théorique et pratique en psychopathologie clinique pour user du titre de psychothérapeute ». Cette formation concerne l’article 3 et plus précisément, dans celui-ci, les points I et III, c’est-à-dire les points qui visent ceux qui n’ont pas encore les cinq années d’expérience. Je trouve que ce titre de la Section II, comporte un élément contradictoire, le mot commune, dans « la formation minimale commune », étant donné que celle-ci ne concerne pas l’ensemble de ceux qui voudraient user du titre de psychothérapeute, et qu’il y a une différence, à ce niveau, entre les inscrits de droit et ceux qui ne le sont pas.
— Une autre remarque maintenant, dans l’article 6, sur cette phrase : « Cette formation peut être confiée à l’université ou à des organismes passant convention avec l’Université », et qui s’applique toujours à ceux que ne seraient pas inscrits de droit. C’est la formulation même que je trouve floue, et plus précisément la construction de la phrase entre le « peut être confiée » et le « ou à des organismes (…) ». L’université, c’est en effet quelque chose de très large et, vu son autonomie juridique, ainsi que je l’avais dit à la précédente concertation, elle peut avoir un pouvoir discrétionnaire, et notamment à l’égard de ces organismes de formation avec lesquels elle pourrait passer convention.
— Enfin, pour terminer, toujours à propos de ceux qui ne sont pas inscrits de droit, je dirais que l’introduction, ici, de la clause du grand-père qui s’avère généreuse pour ceux qui ont cinq années d’expérience, avec une déclaration sur l’honneur à faire, l’est bien moins pour ceux qui n’ont pas ces cinq années, et ce même s’ils ont déjà l’usage du titre. Je pense qu’on pourrait améliorer les choses, afin que la clause du grand-père soit aussi généreuse à leur égard. Voici ce que j’avais à dire pour le moment, Monsieur le Ministre. Je vous remercie de votre attention.
GÉRARD BAYLE (Société psychanalytique de Paris — SPP) : merci de nous recevoir et de nous faire travailler sur un document qui a été bien avancé.
Je vais partir de la section 2. Je suis d’accord avec la critique de la formulation de l’article 6. On pourrait se contenter de dire « confié à l’université », sans peut-être et ou, qui rend le texte mou.
À l’article 7 : 4 mois, il conviendrait de préciser le nombre d’heures, 150 heures de stage serait intéressant. Ainsi nous aurions un stage substantiel comportant des exigences que nous pouvons comprendre.
À la fin de la première page, concernant l’attestation d’inscription à un annuaire de psychanalystes, il eut été utile de pouvoir faire en sorte que les associations existant déjà reconnaissent les émergeantes, ce qui nous garantirait contre l’autoproclamation de nouvelles sociétés indésirables.
Autre chose : quand je vois les praticiens de droit, ils ont en général une assurance professionnelle. Pour s’inscrire dans une préfecture, il serait opportun d’avoir une attestation d’assurance et d’en déposer la preuve.
DANIEL SECHTER (Conseil national des universitaires en psychiatrie — CNUP) : en premier lieu, j’émets les mêmes remarques concernant l’Article 6, supprimer le peut être écrire est confiée à l’université ou à des organismes passant conventions.
Ensuite, la durée minimale de quatre mois du stage pratique me paraît largement insuffisante. Nous devons nous souvenir qu’il y a mission de protéger des patients qui vont être soignés. M Vasseur avait demandé quatre ans, du type internat spécialisé ; un an serait intéressant.
Je voudrais soulever un deuxième point. Quelle que soit l’orientation psychothérapeutique, que l’attestation de formation en psychopathologie clinique soit exigée pour tout un chacun. Pour tous ceux qui doivent prendre en charge des patients, cette attestation devrait être exigible ; la VAE pourra permettre qu’elle soit obtenue dans les cas particuliers. Ce n’est pas en effet parce qu’on est docteur en médecine ou psychologue du travail ou autre qu’on a une formation en psychothérapie.
ANNICK CRAIGNOU (AFTCC) : effectivement on s’aperçoit que la loi qui prévoyait au départ que toute personne faisant « acte de soin auprès d’un patient », etc, cet alinéa disparaît. Ainsi il suffira de dire je me suis autoproclamé psychothérapeute depuis 5 ans, pour que je continue de n’offrir aucune protection.
Cela représente une formation même pas a minima ! comment peut-on être psychothérapeute en 150 heures ! Et à partir de quel niveau ? ça n’est pas précisé. Il y a des points à revoir, cette rédaction représente une dangerosité pour les patients.
Par ailleurs, concernant l’article 7, lorsqu’il est écrit : « une reconnaissance des principales approches utilisées en psychothérapie ». Je proposerai de spécifier au moins : « des principales approches validées scientifiquement ». Il faut éviter l’émergence de n’importe quelle psychothérapie avec de gens insuffisamment formés.
MIREILLE BOUSKELA (Syndicat des psychologues en exercice libéral — SPEL) : ce décret ne change rien à la situation actuelle. Tous les pseudo psychothérapeutes et pseudo professionnels continueront d’exercer. Cinq années est-il mentionné, mais de quel exercice ? Nous savons très bien qu’il y a des « professionnels » formés en un week-end, qui vont ainsi se trouver validés facilement. Si je me résume, il n’y a plus de master à 5 ans, ce décret ne change rien à la situation actuelle, ce qui rend ce texte favorable aux phénomènes sectaires.
Il faut par ailleurs demander au moins un double de la déclaration auprès de l’Urssaf pour corroborer la déclaration. Tout professionnel en libéral doit procéder à une déclaration auprès de l’Urssaf, ce qui atteste qu’il s’agit bien d’une activité officielle. Comme plus de la moitié des praticiens en ville ne sont pas déclarés, on peut mesurer la difficulté. Nous avons adressé des lettres à Bercy : on nous propose de dénoncer les professionnels non déclarés. Nous nous y refusons, mais prévenons les ministres de cette situation de travail au noir.
XAVIER BERTRAND : mais nous ne sommes pas là au cœur du débat actuel. Il s’agit simplement dans le cas que vous évoquez d’appliquer la réglementation en vigueur. Revenez au vif du sujet.
MIREILLE BOUSKELA : certes, mais l’inscription à l’Urssaf constituerait la preuve qu’un professionnel a travaillé.
CHRISTIAN VASSEUR (syndicat national de psychiatrie — SNP) : je vous remercie Monsieur le Ministre (…) Je voudrait intervenir sur l’obligation de formation à la psychopathologie théorique et pratique comme sécurité. La formation en psychopathologie constituait la sécurité répondant au projet de l’article 52. Je propose une revue à la hausse. L’encadrement se trouve là très allégé. Il ne répond pas aux exigences. Il faut se soumettre à des contraintes, si l’on s’affiche comme soignant. C’est l’esprit de la loi sur la formation en France.Cela rend les pouvoirs publics responsables sur le titre. Ainsi, une attestation d’assurance, peut-être à rajouter, la précédente rédaction, à laquelle je n’étais pas tout à fait étranger, stipulait l’obligation d’une formation à la psychopathologie de niveau master. Je ne vois pas de raison que le niveau de ce qu’on est en devoir de requérir d’un psychothérapeute soit allégé de cette façon-là.
C’est à un stage de quatre ans que j’aurais pensé, il existe déjà des UFR de psychologie qui exigent quatre ans, l’équivalent de l’Internat, qui permet la formation par imprégnation dans le milieu de la souffrance psychique. C’est cela que nous visions quand nous avons voulu introduire le pré-requis de la psychopathologie.
XAVIER BERTRAND : 4 ans si vous êtes sévère, combien si vous êtes juste ?
CHRISTIAN VASSEUR : deux ans serait juste. Les psychologues se plaignent de ne pas avoir de formation, d’expérience pratique. Avec deux ans ils pourraient l’acquérir.
ALAIN BLANCHET (Société française de psychologie — SFP) : la SFP que je représente compte parmi les sociétés savantes les plus anciennes ici, ce qui lui confère quelque autorité. La Section 2 de ce document suscite de ma part un certain nombre de réflexions. Il faudrait d’abord enlever le peut être.
La formation à la psychothérapie implique la mise en œuvre de connaissances extrêmement importantes. Comme au Québec où il existe un clinicat de psychologues, nous souhaiterions un doctorat d’exercice. Il y a là une littérature considérable et mondiale. Or ce texte donne l’impression d’une véritable dépréciation.
J’ajoute que je comprends assez mal qu’un docteur en médecine, un inscrit sur une société de psychanalyse (il y a toutes sortes de telles sociétés, certaines ne m’inspirent pas forcément confiance quant au niveau de formation) soit de droit considéré comme psychothérapeutes. Il y a là selon moi nécessité de reprendre les choses et de donner un niveau européen au titre.
ROGER LÉCUYER (Fédération française des psychologues et de psychologie — FFPP) : il est clair qu’il ne s’agissait pas de créer une nouvelle profession de santé. Du point de vue du fait vous allez créer une nouvelle profession, de sous-psychologues. 150 heures ! Comment donner une formation digne de nom en 150 heures ?
La clause du grand-père généreuse, il le faut dans toute profession de ce type, mais si les conditions normales d’accès au titre sont beaucoup plus rigoureuses.
Je reviens sur l’article 2, tout le reste ne sert à rien si l’attestation d’inscription auprès d’une société de psychanalyse fonctionne de telle façon que n’importe qui puisse créer une telle société pour les besoins de la cause. Là on manque de sérieux.
MARC STRAUSS (École de psychanalyse des forums du champ lacanien — EPFCL) : Dans le fil de ce qui vient d’être dit, je demande une précision. L’inscription à un annuaire d’association de psychanalystes. Il faudra bien d’une manière ou d’une autre arriver à définir la liste des listes. Est-ce que cette tâche se verra confiée à des associations de psychanalystes ou non ? d’après ce que je sais des associations de psychanalystes, la formation en psychopathologie y est sérieuse et assez forte.
XAVIER BERTRAND : le juriste que je suis à l’origine me fait vous assurer qu’on ne revient pas sur la loi de 1901. Il n’y aura pas d’autorisation.
MARC STRAUSS : une association de psychanalystes qui se déclare comme telle sera donc reçue comme telle au ministère. Vous vous référez à la pratique psychothérapique, serait-ce une reconnaissance de toutes les formes de psychothérapie quelles qu’elles soient, une légitimation ? Vous affirmez que ce texte ne crée pas une nouvelle profession, voulez vous bien justifier cela ?
XAVIER BERTRAND : on n’est pas très loin de la frontière de la zone où nous nous remettrions à refaire ce débat. Je sais qu’avec les précédentes versions, on a frôlé la psychothérapie d’État. Un certain nombre d’avancées peuvent lever un certain nombre de préventions en la matière. Nous ne parviendrons pas forcément à des points de vue unanimes, je le sais bien, mais je crois que nous pouvons définir une issue.
BRUNO DAL-PALU (Psy en mouvement) : je suis président de Psy en mouvement, organisme qui regroupe les quatre profession psys. Je tiens à vous remercier pour votre arbitrage qui prend en compte nos débats avec Messieurs Brunelle et Basset.
Toutefois je voudrais attirer votre attention sur une seule crainte, c’est le dernier alinéa de l’article 2 page 1 de votre texte. En effet lors de notre première réunion de concertation, M. Basset nous a rappelé qu’en France tout le monde avait le droit de créer une association de psychanalyse. Dès lors avec la rédaction de cet alinéa, nous risquons d’assister à un déplacement de symptôme, c’est-à-dire que si les charlatans dénoncés par le législateur ou qualifiés de pseudos psys par d’autres, créent une association avec un annuaire de psychanalystes, ils auront de droit la double compétence : psychanalyste-psychothérapeute, à moindre frais, avec en prime comme effet pervers celui de discréditer la psychanalyse.
JACQUES MERMONT (Société française de thérapie familiale) : c’est la quadrature du cercle, le problème étant complexe …
XAVIER BERTRAND : je vous remercie de cette entrée en matière !…
JACQUES MERMONT : … je suis soucieux, sur le terrain du soin, de tous les travailleurs qui ne sont ni psychologues ni psychanalystes, les infirmiers, travailleurs sociaux, etc. Du fait qu’ils suivent des formations en thérapie familiale sur cinq ans, ils devraient accéder au même titre que les autres au titre de psychothérapeute. Ils travaillent, œuvrent dans le soin, au terme de formations souvent longues, il est légitime qu’ils puissent être reconnus.
ROLAND GORI : je m’associe également aux félicitations pour l’écoute et l’attention que vous avez bien voulu porter à toutes ces affaires complexes. Mon souci est le suivant.
1) je me fais l’écho des inquiétudes des psychologues et étudiants en psychologie. Ils sont inquiets du point de vue de leur formation en psychopathologie, d’un décret qui pourrait déboucher sur une nouvelle profession.
2) j’en viens aux articles 6 & 7, définissant le contenu de la formation. À partir du moment ou l’article 6 est flou, d’un flou dans le fond, l’article 7 définit étrangement les modalités de la formation en psychopathologie clinique. Il existe déjà des cursus balisés en psychologie et en psychiatrie. Je continue de formuler mes remarques concernant l’autonomie de l’université, qui propose des masters à habilitation, périodiquement révisées, ce qui devrait suffire. Or on a déjà dans cet avant-projet la feuille de route pour un nouveau master, une maquette de ce que pourrait être la formation à la psychologie clinique.
Aujourd’hui nous n’avons pas la présence des représentants de l’enseignement supérieur : qu’est-ce que cela signifie dans le dispositif de cette rencontre ? qu’est ce qui vous pousse à vouloir définir à l’article 7 les modalités d’une formation universitaire ?
Il suffirait de renvoyer aux formations à la psychopathologie clinique telles qu’elles existent en psychologie.
XAVIER BERTRAND : on ne va pas se battre pour trouver la solution dans d’autres ministères qu’ici. Et prendre plus de temps ne facilitera pas forcément la chose.
ROLAND GORI : oui bien sûr, on va dire « tels qu’ils existent dans le champ de l’université ». Mais j’insiste, il existe une communauté qui définit régulièrement ce qu’est la psychologie clinique. Ce qui n’empêche pas de passer des conventions avec des organismes hospitaliers.
XAVIER BERTRAND : étant donnée l’instance que je représente ici, cette formation sera confiée à l’université, avec ouverture vers les milieux existants, hospitaliers ou organismes de formation.
ROLAND GORI : « Tels qu’ils existent déjà dans différents cursus ». Ensuite par le moyen de la VAE il sera toujours loisible d’obtenir des équivalences. Pourquoi nous donner une feuille de route posant plus de problèmes qu’elle n’en résout ?
Le consensus d’une communauté scientifique est réglé régulièrement par les systèmes d’habilitation. Certes il n’y a jamais d’accord unanime, mais un système d’expertise c’est fait pour cela, et à un moment donné c’est tranché.
GÉRARD BAZALGETTE : je voudrais vous adresser quelques remarques de bon sens. Il me semblait que toutes les catégories devaient se voir soumises à une formation en psychopathologie. On le comprend très bien. La loi disait que toutes les catégories étaient concernées par la formation en psychopathologie. Est-ce qu’il suffirait d’être médecin ophtalmologiste pour s’inscrire de plein droit comme psychothérapeute ? Ça ne va pas. La notion de master ne suffit déjà pas, et là on est à un niveau encore plus flou. De toute façon la psychothérapie ne s’enseigne pas à l’université.
Une deuxième remarque de bon sens. 40 000 psychologues en France ont le désir de faire de la psychothérapie. À leur place je m’inscrirais dans une formation de 150 heures et 4 mois de stage.
Enfin parler des « principales approches » va mieux ; mais une nouvelle profession implicite se trouve créée, une sous-formation de psychologue, et ça, c’est extrêmement grave.
XAVIER BERTRAND : quelle est votre position ?
GÉRARD BAZALGETTE : un master de psychopathologie ou la thèse de psychiatrie, plus la VAE, qui offre le passage par des passerelles, conviendrait.
PATRICK AVRANE (Société de psychanalyse freudienne — SPF) : effectivement la formation universitaire est essentielle à mon sens, et d’un niveau conséquent nécessaire.
Je suis inquiet que l’inscription à une association de psychanalystes suffise. À partir du moment où cela représenterait l’intérêt d’éviter toute formation à la psychothérapie de s’inscrire à une société de psychanalyse, nous sommes dans une situation catastrophique. À l’heure actuelle les associations s’autoreconnaissent entre elles en réalité, mis à part l’École de la Cause. Il existe un consensus. Si vous ouvrez la porte à des sociétés qui ne seront faites que pour éviter le cursus, cela constitue un effet pervers grave pour les sociétés de psychanalystes ici présentes.
HEINEKEN (Fédération française de psychiatrie — FFP) : c’est difficile à comprendre par la majorité des psychiatres. Vu la législation (loi 4 mars 2002 et loi sur assurance maladie), comment les psychiatres pourraient admettre que le cœur de leur pratique puisse être réglementée par une formation aussi faible que celle que vous proposez !
Il est par ailleurs évident que cette formation doit être confiée à l’université, être je le répète au niveau actuel, et qu’elle doit s’appliquer à tous les médecins.
SERGE GINGER (FF2P et responsable de l’harmonisation européenne des formations à l’EAP) : nous tenons d’abord à vous féliciter Monsieur le Ministre pour votre synthèse remarquable, et vous exprimer combien nous apprécions que vous ayez surmonté la difficulté de faire tenir ensemble des points de vue souvent divergents.
Je constate avec plaisir le prestige croissant du titre de psychothérapeute — que tout le monde revendique ! Je voudrais reprendre les points principaux de ce document qui répondent aux attentes des psychothérapeutes certifiés (et je le souligne, pas autoproclamés) que sont ceux que nous représentons.
— il souligne la pluralité des approches sans constituer de liste arbitraire.
— il comporte mention des formations suivies en psychothérapie avec copie des certificats publics et privés.
— il reprend l’idée d’une formation en psychopathologie de durée raisonnable, compatible avec une formation en cours d’emploi de professionnels déjà engagés dans la vie active, sans en fixer le niveau, ce qui prévient le corporatisme.
— il évoque la possibilité de contrats de formation entre instituts privés et universités.
— il laisse entendre l’importance de la VAE, aujourd’hui en France inappliquée contrairement à la loi dans le secteur des psychologues, qui se sont arrogés ainsi un monopole illégal je le souligne.
— il comprend des mesures transitoires souples pour les professionnels travaillant depuis plus de 5 ans à la date du décret.
Tout ceci est de nature à rassurer nos membres. Je tiens à rappeler que pour nous la psychopathologie ne représente qu’une petite partie de la formation à la psychothérapie, qui compte non pas 150 h, mais plus de dix fois davantage, puisque nous exigeons 4 à 5 années de formation à partir d’un niveau bac + 3, cette formation comportant :
— une psychanalyse ou psychothérapie personnelle ;
— une sélection sévère à l’admission (50 % de refusés) ;
— une formation théorique et méthodologique approfondie à une méthode scientifique de psychothérapie ;
— une pratique de 2 années sous supervision régulière ;
— un engagement déontologique ;
— une accréditation par une commission nationale de pairs.
Je confirme que nous exigeons aussi, bien entendu, une déclaration officielle à l’URSSAF et une assurance professionnelle (ces dernières dispositions pourraient se voir ajoutées dans le décret).
Quant au CEP (Certificat européen de psychothérapie), il implique 3 200 h de formation en 7 ans. À ce sujet, je voudrais signaler avant de m’arrêter, que nous faisons partie de l’Europe et qu’il serait curieux que la France marche à reculons. Ken Evans nous signale que la Grande Bretagne est en train de préparer une loi, ouverte à toutes les professions d’origine, basée sur les exigences qui sont les nôtres. Il en est de même en Belgique. Les Pays-Bas viennent de réviser leur loi qui réservait l’accession au titre aux seuls psychologues et médecins. Quant au Conseil d’État italien, il vient de casser un jugement en appel qui voulait interdire l’exercice de la profession à un autrichien titulaire du CEP, au motif qu’il ne répondait pas aux conditions restrictives de la loi italienne : la décision du Conseil d’État s’appuie sur une directive européenne de liberté de circulation des professionnels et de reconnaissance internationale des diplômes. Il est donc heureux que la France se rapproche maintenant des directives européennes, au lieu de légiférer à contre-courant.
JEAN-MICHEL FOURCADE (Association fédérative française des organismes de psychothérapie — AFFOP) : je remercie Monsieur le Ministre et MM. Brunelle et Basset pour l’énorme travail accompli. La nouvelle rédaction du projet de décret constitue un progrès considérable parce qu’elle met fin à une confusion qui rendait le premier projet inacceptable : la formation à la psychopathologie ne représente qu’une partie de la formation à la psychothérapie. Le premier projet confondait les deux en créant un master de psychopathologie, c’est-à-dire cinq années d’études, ce qui créait ainsi le métier de psychopathologue —qui n’est nullement le métier de psychothérapeute. Je rappelle que selon les critères européens une formation de Bac plus cinq c’est la durée de formation à une profession.
D’autre part ce projet prévoit explicitement le rôle des instituts privés de formation — à la psychothérapie mais aussi de fait à la psychanalyse — en coopération avec l’Université. Ceci est légitime car on ne forme pas des psychanalystes et des psychothérapeutes relationnels à l’Université. Ce projet de décret ramène la formation à la psychopathologie à sa juste mesure dans la formation à la psychothérapie.
En ce qui concerne l’inscription sur les listes départementales, M. Rance a indiqué au début de cette réunion qu’il faudrait peut-être ajouter au texte du projet des conditions supplémentaires, qu’il s’agisse des grands-pères ou des débutants. Nous serons vigilants à ce que ne se reproduisent pas les barrages mis en place par les psychologues. Nous nous souvenons très bien de la façon dont ceux-ci ont procédé afin qui que l’homologation pour les psychothérapeutes au titre de psychologue prévue par le ministre soit tout simplement neutralisée.
JEAN COTTRAUX : je soutiendrais deux ans d’internat. Ce qui me chiffonne c’est que le terme « scientifique » manque pour qualifier les approches. Je pense qu’il faut maintenir l’idée d’un pluralisme, contrairement à ce que soutient M. Roland Gori. C’est à l’université de faire ce travail d’exposer l’ensemble des approches, c’est son métier.
XAVIER BERTRAND : vous inscririez est plutôt que peut être ?
JEAN COTTRAUX : doit, même !
B. VANDERMERSCH (Association lacanienne internationale — ALI) : j’aimerais appuyer la nécessité que la formation soit confiée à l’université, il n’y a d’ailleurs pas lieu de dire scientificité, rationalité suffirait, quoique ce ne soit pas dans l’usage.
Les méthodes utilisées en psychothérapie ne constituent pas une science, c’est bien pour cela qu’il faut obliger le passage par l’université.
MICHÈLE CLÉMENT (SNP) : Monsieur le Ministre, merci de votre présence qui atteste de votre intérêt pour la santé publique des Français qui, vous le savez, n’est pas très bonne.
Depuis 50 ans, le SNP participe activement à tous les travaux concernant la profession de psychologue et a contribué à beaucoup d’avancées. Nous travaillons actuellement, et ce depuis plusieurs mois avec Mr. Brunelle, et aujourd’hui, vous nous voyez très surpris par le nouveau projet de décret de l’article 52 que vous nous soumettez. Rien ne laissait augurer un tel texte de « qualification » à une forte baisse qui, pour nous, est encore moins acceptable que celui de janvier. L’absence de garanties pour le public, alors que l’intention première du législateur était de lutter contre les dérives sectaires, est flagrante. Plus de formation obligée à l’université, mais « sous convention avec », 150 heures (environ 4 semaines) de formation théorique, et un stage de 4 mois dont la durée en heures n’est pas fixée.
La DES a disparu des attendus, le cahier des charges étant du ressort du ministre de la Santé. Les médecins de droit, ont-ils une formation, ne serait-ce qu’en psychologie ? A ma connaissance, elle est de l’ordre d’une soixantaine d’heures. Les psychanalystes, s’ils sont inscrits dans l’annuaire de leur association, votre argument de garantie contre déclaration en préfecture interroge un peu. Quant aux contours des autres, hormis les psychologues et les psychiatres, bien sûr, nous restons plus qu’inquiets.
Nous défendons le concept de santé globale avancé par l’OMS et nous ne pouvons accepter que le public ne puisse bénéficier de prestations de haute qualification. Ces professionnels existent déjà, formés par les universités, qui d’ailleurs diplôment 3 000 psychologues par an qui, tous, ne trouvent pas de travail. Il ne nous est pas possible de souscrire à vos propositions. Il vous a été confié la résolution de la quadrature du cercle, vous n’y êtes pas parvenu et c’est bien normal, donc nous ne vous décernerons pas un diplôme pour réussite. Nous allons retourner auprès des élus de la Nation, à l’origine de la loi, cela vous soulagera, pour les informer de la non-réalisation de leurs intentions premières. Nous appelons d’ailleurs à une mobilisation générale de tous les mécontents de cet avant-projet de décret.
XB : Je n’ai pas besoin d’être soulagé et je repose la question : peut-on avancer ou non l’un vers l’autre ?
MC : Sur la reconnaissance, pleine et entière, des compétences des psychologues, y compris sur la question des psychothérapies. Compétences qui pourraient être encore mieux garanties, consolidées, par la légalisation de leur Code de Déontologie et la mise en lumière de leur spécificité qui est du champ des ressources humaines et non du champ médical, ainsi que de les structurer en un espace juridique autre que celui du Code de la Santé.
XB : Vous ne répondez pas à ma question.
CATHERINE MATHELIN (Espace analytique) : merci pour le travail difficile que vous avez effectué et d’avoir tenu compte de nos remarques. Nous sommes étonnés que l’université, assez grande pour proposer elle même ces formations-là, ne se voie pas confier la charge de les définir. Il me semblerait logique que les responsables en débattent ensemble. Par ailleurs le cahier des charges nous a semblé étonnant. Vous nous voyez inquiets à propos des 150 heures et du stage pratique, extrêmement léger ; un niveau master, correspondant au niveau international de psychologie, représenterait quelque chose de beaucoup plus sérieux.
Quand on voit des gens qui travaillent déjà depuis cinq ans comme psychothérapeutes, mais tout le monde peut faire cela !
ALAIN NAISSANT (PSYG) : Nous représentons le Groupement syndical des praticiens de la psychologie, psychothérapie, psychanalyse en exercice libéral. Nos membres sont des psychologues, des psychothérapeutes et des psychanalystes. Créé il y a 40 ans, notre syndicat a eu le temps de réfléchir à ce qu’est une formation de psychothérapeute et d’en examiner la réalité.
La formation d’un psychothérapeute c’est :
— une formation en psychopathologie
— une formation approfondie dans au moins une technique de psychothérapi
— un travail personnel, c’est-à-dire une psychanalyse ou une psychothérapie, car il est indispensable de travailler sa personne en tant qu’outil thérapeutique, et ce volet représente un outil considérable.
Ainsi, concernant la formation initiale de psychothérapeute l’avant-projet de la loi ne prévoit qu’une formation en psychopathologie. C’est évidemment insuffisant. Résultat :
— il s’agissait de lutter contre les personnes insuffisamment formées, la loi en produirait des milliers avec un titre officiel
— il s’agissait de lutter contre les sectes, la loi permettrait à leurs adeptes d’obtenir sans difficulté ce titre et de pratiquer, sans avoir de compte à rendre à personne et sans méfiance du public, selon des techniques sectaires puisque la pratique reste libre et que l’on ne peut la réglementer.
Il ne faut d’ailleurs pas ignorer qu’en psychothérapie ce n’est pas tant la technique qui compte, mais la façon de la pratiquer et les objectifs que l’on souhaite atteindre.
DANIÈLE LÉVY (Cercle freudien) : j’appartiens au Cercle freudien, j’aimerais ici évoquer le nom de Freud, peut-être vaudrait-il mieux se taire. Il y a des choses cependant sur lesquelles un freudien ne peut pas ne pas insister.
— je parlerais de rationalité plutôt que de scientificité : l’université la garantit. C’est pourquoi il faut confier à l’université la mission de dispenser la psychopathologie.
— la psychothérapie, elle, ne s’enseigne pas à l’université, la responsabilité doit en revenir aux organismes professionnels.
— si les sociétés de psychanalyse ont quelque chose à proposer concernant la question des dérives, elles devront s’adresser à l’État pour régler ce genre de question.
PHILIPPE GRAUER (Syndicat national des praticiens en psychothérapie — psychothérapeutes relationnels et psychanalystes — SNPPsy) : je vous remercie Monsieur le Ministre, et je remercie Monsieur Brunelle pour le travail de dégagement effectué depuis la dernière fois. Effectivement nous sommes en place depuis plus de trente ans, nos institutions sont solides, responsables, respectables. Les écoles agréées par nos soins forment des étudiants à la psychothérapie relationnelle en cinq années universitaires et davantage. Nos étudiants ont effectué une psychothérapie relationnelle, ou une psychanalyse d’ailleurs, selon des parcours personnels qui peuvent atteindre la dizaine d’années, on est assez loin des 150 heures dont se gaussent certains ici. Nos cursus et filières répondent au critère de rationalité. Nous disposons par ailleurs d’un système de titularisation par les pairs qui complète et valide l’édifice . Nous n’avons par conséquent rien à voir avec les sous-psys avec lesquels il faut arrêter de nous confondre. Nos organisations se considèrent comme responsables de la qualité des psychothérapeutes relationnels qu’elles regroupent. Ce projet de décret peut prendre tout cela en compte.
Il me reste deux soucis à évoquer. Le premier concerne l’inscription sur des listes. Nous avons déjà fait l’expérience du passage au crible par les psychologues lors de l’affaire de l’homologation au titre de psychologue, à la suite de la loi de 1985. Nous avons été selon le propos même du Conseiller du ministre, l’objet d’un règlement de compte parfaitement scandaleux, et souhaitons que toute disposition soit prise pour que la loi ne soit pas bafouée une seconde fois à notre détriment par les mêmes.
Mon second point est le suivant. Il est connu que la psychologie est la discipline qui ne respecte pas la loi dans ce domaine. Nous ne pouvons strictement pas faire confiance aux institutions universitaires en psychologie pour délivrer honnêtement des VAE, pas davantage dans beaucoup de lieux pour établir des partenariats et contrats relatifs à la formation entre nos écoles et des UFR de psychologie. Que ce champ reste problématique ne laisse pas de nous inquiéter.
VIVIANE THIBAUDIER (Société française de psychologie analytique — SFPA) : je voudrais souligner l’importance de l’engagement déontologique, qui garantit une éthique en conformité avec la législation en vigueur.
XAVIER BERTRAND : nous sommes ici pour que soient signalées les dérives possibles.
DOMINIQUE CUPA (SPP) : il s’agit dans ce projet d’une formation à la psychopathologie bien entendu et non à la psychothérapie. Nous aimerions davantage de stages qu’actuellement. L’habilitation en psychologie par master existe déjà. La formation en psychopathologie devrait mobiliser les deux ministères, ce serait bien qu’ils interviennent ensemble lors de l’habilitation de nos diplômes.
GÉRARD BAZALGETTE : que va-t-il advenir de tout ce que nous sommes en train de nous dire ? Le grand ensemble des intervenants à l’exception des associations de psychothérapeutes et pour cause, a dit la même chose, qu’il fallait respecter l’esprit de la loi. Que tout le monde doit faire de la psychopathologie pour être psychothérapeute. L’esprit de la loi est qu’on ne parle pas de formation à la psychothérapie. Cette discipline ne peut pas être enseignée à l’université, ce serait absurde. Les associations de psychothérapeutes ouvrent à une formation de psychothérapeutes qui allège singulièrement la formation à la psychopathologie. Mais la plupart des gens ici ne s’y retrouvent pas.
XAVIER BERTRAND : quand vous me dites tout le monde ici est d’accord sauf Untel Untel et Untel, ça ne fait plus du tout tout le monde. Je suis attaché par éthique au service après vote. Mettre la poussière sous le tapis en laissant aux suivants le soin de la découvrir quand ils le soulèveront n’est pas mon fait. On n’est pas dans le laisser-faire non plus. Je ne suis pas sûr qu’au-delà des arrières-pensées et de ce que l’on craint, il y ait vraiment à craindre.
BERNARD BASSET : je rappelle qu’on demande un apport de connaissances sur les pratiques et qu’on ne propose pas de formation à la pratique. On demande à ceux qui l’ont déjà parcouru, de décrire leur cursus.
GÉRARD BAZALGETTE : si j’ai dit ce que j’avais à dire, c’est pour soutenir qu’il serait juste d’introduire de la cohérence dans ce texte, contre la satisfaction de certains autres ici.
Ainsi la connaissance des principales approches dans la formule légale suppose une formation professionnalisante dans ces diverses approches. Il y a quelque chose là qui peut être modifié facilement. On pourrait parler des diverses théories psychothérapiques sous-tendant les diverses psychothérapies.
ALAIN ABELHAUSER (SIUEERPP) : je voudrai saborder la question de la VAE en psychologie. J’entends bien le souci que vous avez eu d’inscrire une formation minimale en psychopathologie : ne pas trop par là participer à la création d’une nouvelle profession. J’entends qu’il ne suffit pas d’être médecin ou psychologue pour pouvoir prétendre au titre de psychothérapeute. Votre base minimale requise, avec une formation minimale en psychopathologie, pose problème. Avec les trois premières années d’études de la licence, tout psychologue en se référant à votre base, pourra se prétendre psychothérapeute, c’est contraire à ce qui avait été prévu par la loi.
ANNICK CRAIGNOU : cette loi n’évoque pas la formation à la psychothérapie. On sait que l’université ne forme pas à la psychothérapie, qu’au moins dans le cadre de la loi, la formation en psychopathologie à l’université, est l’équivalent d’un niveau master, ce qui est différent.
Nous tenons aussi à insister qu’effectivement il existe diverses approches. Il faut les porter au moins à la connaissance des étudiants, ce qui n’est pas fait, on le sait bien. Porter à leur connaissance les grands courants scientifiquement validés. Si ça ne figure pas dans la loi ça continuera exactement comme c’est à l’heure actuelle.
On recommande également (à la DGS) l’évaluation des pratiques. Il faudrait avoir en ce domaine les compétences nécessaires. Si on ne produit pas de professionnels de qualité, cela nous mettra en difficulté.
MICHEL MEIGNANT (FF2P) : je vous remercie beaucoup d’avoir reçu les psychothérapeutes, ce qui n’était pas le cas autrefois, vous nous reconnaissez aussi dans clause de grand-parentage, en maintenant en exercice des psychothérapeutes compétents et bien formés.
Je voudrais dire une deuxième chose. J’ai fait partie de la commission permanente des psychologues européens, nous avons établi ensemble qu’ils devaient pratiquer deux ans de psychologie et ensuite trois ans d’école de psychothérapie. On sort actuellement de bons psychologues mais qui ne sont pas encore psychothérapeutes.
JEAN-JACQUES LABOUTIÈRE (Fédération française de psychiatrie — FFP) : la Fédération française de psychiatrie se félicite de la suppression de l’article 8 du projet de décret, notamment de l’énumération des « psychothérapies scientifiquement validées ».
En revanche, la FFP demeure attachée à ce que le titre de psychothérapeute suppose un niveau de formation élevé en psychopathologie. Cette formation doit être confiée à l’Université, qui décidera ensuite de passer ou non des conventions avec des organismes privés.
En outre, à une époque où les exigences des tutelles sur la qualité des pratiques médicales imposent aux médecins sans cesse plus de contraintes, les psychiatres auront du mal à comprendre que l’on puisse prétendre au titre de psychothérapeute avec une formation préalable à la psychopathologie aussi faible que celle qui est proposée dans cette nouvelle version du décret.
C’est pourquoi la FFP considère que les seules formations à la psychopathologie valides pour autoriser le titre de psychothérapeutes sont le D.E.S. de psychiatrie ou le master de psychopathologie existant déjà et qu’il n’y a nul besoin de créer d’autres formations. De ce fait, les médecins non psychiatres, qui ne bénéficient au mieux que d’une soixantaine d’heures de formation en psychologie et en psychiatrie au cours du tronc commun des études médicales et d’un stage de quatre mois en psychiatrie non obligatoire ne sauraient bénéficier de droit du titre de psychothérapeute.
JACQUES SÉDAT : (Espace analytique, secrétaire du Groupe de contact) : j’ai un souci. L’article 2 comportant l’attestation d’inscription sur un annuaire de psychanalyse. L’effet pervers, c’est que n’importe quelle association voie le jour et invalide l’ensemble de la référence à la psychanalyse.
PATRICK AVRANE : il faut réintroduire la formulation précédente : formation en psychopathologie pour tous !
XAVIER BERTRAND : revenir en arrière ne permet pas forcément d’avancer.
ALAIN ABELHAUSER : l’usage du titre pourra-t-il donner lieu à des emplois dans la fonction publique ?
XAVIER BERTRAND : il y a des textes là-dessus. Je comprends les questions que vous pouvez vous poser mais on est en train de travailler en permanence sur des activités qui existent.
LILIA MAHJOUB : Monsieur le Ministre, je voudrais donner mon avis, brièvement, à propos de l’un des trois points sur lesquels vous avez souhaité que nous nous exprimions. Il s’agit de celui concernant les dérives possibles, mais je voudrais dire avant, vu que l’École de la Cause freudienne a été stigmatisée il y a un instant, que j’ai salué d’entrée de jeu, au nom de celle-ci, le fait que ce nouveau texte respectait la loi et ne l’excédait en aucun cas.
Je voudrais maintenant reprendre une distinction que vous avez vous-même évoquée, Monsieur de Ministre, pour bien la souligner. Il est, en effet, important de faire la différence entre tout d’abord la déclaration d’une association selon la loi 1901, que chacun est toujours libre de faire, et dans un second temps l’autorisation, ce qui fonde une association, en rapport avec la formation dont elle se réclame. Il est en effet important de rappeler qu’aucun diplôme ne pourra garantir une formation relative à l’objet qui nous intéresse, c’est-à-dire cette matière que nous appelons pour notre part réalité psychique, mais à laquelle d’autres noms pourraient être donnés, comme celui d’inconscient.
Bref, aucune garantie ne peut être fournie dans ce domaine à partir d’un diplôme, et l’Université a été jusque-là raisonnable en ne délivrant pas de titre de psychothérapeute. Ce sont les associations s’autorisant à cette formation qui ont à régler cela, concernant également les questions de déontologie, et tout ce qui pourrait surgir comme litige, puisqu’on parlait tout à l’heure de dérive. Ce sont à elles d’en juger et même aussi de se donner les moyens de se faire reconnaître, et partant de pouvoir s’adresser elles-mêmes à l’État. Si je dis cela, c’est parce que je suis pour la liberté.
ROGER LÉCUYER : aucune association de psychologues n’est satisfaite …
XB : ce n’est pas ce que j’ai entendu.
ROGER LÉCUYER : nous représentons 40 000 psychologues, et les formons à raison de 5000 par an. Ce projet constitue une attaque frontale contre ces professions.
XAVIER BERTRAND : je n’ai pas le sentiment qu’elles soient complètement oubliées, il me semble que les textes présentés offrent un certain nombre de prises en compte.
ROGER LÉCUYER : un master à 150 heures !
XAVIER BERTRAND : cela ne requiert pas la fermeté que vous demandiez à l’instant.
CHRISTIAN VASSEUR : vous n’assistez là à rien de nouveau sous le soleil éthique et scientifique mêlé de corporatisme. Ce dont il est question dans cette affaire, c’est le titre et une fonction sous garantie d’État. À quoi l’État s’engage-t-il ? nous avons un garde-fou, la formation à la psychopathologie. Donner au psychothérapeute lui même une capacité à avoir une sécurité interne, cela n’est pas négociable. Il s’agit bien de préparer le soin psychique de notre société, le soin en santé mentale. Le repère à un tronc commun en psychopathologie toujours reconnu, voici un noyau dur lui-même non négociable.
XAVIER BERTRAND : je ne voudrais pas donner le sentiment qu’il puisse y avoir une déclaration commune, mais quand vous dites il faut qu’aucun de nous ne soit remis en cause, c’est une phrase pour moi à méditer.
Je n’ai pas pour habitude du retour en arrière. Ce que j’ai vu aujourd’hui m’a permis de bien identifier les besoins de chacun. J’aimerais sous quinzaine recevoir vos propositions d’amélioration du texte.
Ce que je vous demande sincèrement c’est de voir si vous avez envie d’avancer, et alors faites-le. Vers une position commune, pas consensuelle ni unanime, mais dans l’intérêt du patient, et du principe de liberté de choix, de qualité également. Je n’ai pas envie de mettre en place un système étatique en la matière. J’ai le sentiment que nous pouvons trouver une voie de passe et une solution, qu’avec de la bonne volonté on peut faire progresser les choses.
Je ne peux pas m’empêcher de penser que si vous êtes ouverts sur ce sujet on peut encore améliorer les choses. Je suis content de cette réunion.