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8 décembre 2008

Violence cognitiviste : dépistage prédictif de la mauvaise graine Philippe Grauer

Philippe Grauer

On connaissait depuis Musil l’homme sans qualités, voici venir avec le post-modernisme ultra libéral l’individu porteur de risque (1). Le malheureux ignore qu’il est porteur de déviance comportementale et de délinquance potentielle. Heureusement que la neuropsychiatrie (2) — qui s’affaire de tout, en particulier de normalisation psychosociale, de sa conformité quoi, une neuropsychiatrie Precog, veille sur lui. Nous vivons la merveilleuse époque de la santé mentale, qui gère les populations à risques. Nous vivons à l’ère du film Brazil.

Car il doit absolument se faire suivre, notre homo gestionnicus, pas par une police politique comme au temps de Salazar ou de l’Allemagne de l’Est, le totalitarisme scientiste est soft, tout soft, non il doit se faire — au plus vite et le plus tôt sera le mieux, vers trois ans c’est bon, à treize on bouclera les récidivistes — observer et ficher le comportement. Qu’il en tombe d’accord de lui-même. On disposera grâce à sa collaboration convaincue de sa traçabilité. Il ne s’ensuivra que du bonheur. Ainsi vivra-t-il félice et aura lui-même beaucoup d’enfants parfaitement conformes, modélisés, corrigés, sédatés, calmes, gentils.

La société à risque zéro, la vie sans risques, la vie heureuse, la vie sans merdes (3) ni emmerdes se profile à l’horizon, à conflits lissés, assistée par la génétique et la neurobiologie d’État, souriantes et pleines de sollicitude scientifique, n’oubliez pas ce mot magique. D’ici peu la société psycho hygiénisée NN, gérant son stock de handicaps et d’handicapés consolidés aura maîtrisé ces centaines de troubles du comportements que grâce aux DSM à venir elle aura répertoriés quasi intégralement.

Voici la violence éradiquée dans l’œuf, dès le berceau, c’est là qu’on la diagnostique et pronostique le mieux, en cochant sur des fiches. C’est également là qu’on vous fichera un destin, l’effet pygmalion c’est pas fait pour les chiens, heureusement qu’on est scientifique, « chiffres à l’appui », risque d’erreur proche de zéro, pour les bavures on remboursera, comme à Outreau.

Dépister, prévenir les risques dont vous seriez porteur à votre insu, la formule est presque au point, vos enfants vont pouvoir bénéficier des avancées conjointes de l’hyper science et de la police, des nouvelles méthodes de gestion et neutralisation des flux de violence. L’hypersécurité à portée de main, la subjectivité devient inutile, cela périme psychanalyse et psychothérapie relationnelle, sciences par trop humaines, frappées d’imprécision chronique, non domesticables par les gens du Chiffre.

Un sémillant professeur de psychologie à la canadienne vient chez nous récolter de bien mérités lauriers. L’IntercoPsycho nous signale l’événement et désigne des lieux de riposte. Nous sommes heureux de répercuter. La liberté est un combat, la subjectivité est en train d’en devenir un autre, à la première corellée. Nous sommes une profession de la dynamique de la subjectivité, la machinerie comportementalo neurologique nous trouvera toujours en travers de sa route.

Il suffit pour l’enrayer de grains de sable. Enfant on me priait de ne pas venir mettre mon grain de sel dans la conversation des adultes. Maintenant je vous invite à mettre votre grain de sable dans les projets de mise au pas avec votre consentement dont les professeurs Tremblay figurent les ambassadeurs d’apocalypse en douceur. Ensemble sachons leur résister, nous pouvons maintenir et préserver l’humanité en nous et alentour, en commençant par éprouver notre désaccord avec leur folie scientistique.

Philippe Grauer


Des nouvelles de l’offensive cognitivo-comportementaliste

qui se déploie à nouveau en France à propos des petits enfants.

– 1) La publication en français par le Professeur de psychologie Richard Tremblay de son ouvrage Prévenir la violence dès la petite enfance vient de lui valoir le prix René-Joseph Laufer, de l’Académie des sciences morales et politiques de France. Vous lirez ci-dessous la présentation dithyrambique que fait le site web eurekalert.org de cet évènement.

– 2) Un des trois porte-paroles de l’UMP en appelle à la détection des troubles du comportement chez le petit enfant. Article du Monde.

– 3) Pasde0deconduite répond immédiatement à ces déclarations du parti au pouvoir. Communiqué.


1 —

Voici déjà le dithyrambe. Appréciez-le :

Le professeur Richard Tremblay de l’Université de Montréal : récipiendaire d’un prestigieux Prix de l’Académie des Sciences morales et politique de France (4)

Montréal, le 18 novembre 2008 – Richard E. Tremblay, professeur aux départements de pédiatrie, psychiatrie, et psychologie de l’Université de Montréal et chercheur au CHU Sainte-Justine, a reçu hier à Paris, sous la coupole de l’Institut de France, le prestigieux Prix René-Joseph Laufer de l’Académie des Sciences morales et politiques de France, une des cinq Académies de l’Institut de France.

M. Tremblay a reçu cet honneur pour son livre Prévenir la violence dès la petite enfance , publié récemment par les éditions Odile Jacob. Le prix René-Joseph Laufer est remis aux deux ans pour un livre qui contribue à la prévention de problèmes sociaux.

« Je suis très heureux d’avoir reçu cette distinction de l’Académie, car l’objectif de ce livre était de sensibiliser le public et les responsables de politiques publiques des pays francophones de l’importance d’agir dès la petite enfance pour prévenir la violence. C’est dans les premières années de vie que les interventions sont le plus efficaces, tant pour prévenir les problèmes de santé physique que ceux de santé mentale et d’adaptation sociale », a déclaré M. Tremblay.

Dans son livre, M. Tremblay montre, chiffres à l’appui, que la violence apparaît dès la tendre enfance et qu’elle peut s’installer si l’on n’intervient pas.

Ce prix suit de près la remise d’une autre grande distinction internationale. Le 4 novembre à Santiago, Chili, la Présidente du Chili Michèle Bachelet a conféré à M. Tremblay le titre de Grand Officier de l’Ordre du mérite Gabriela Mistral pour sa contribution au développement de politiques à la petite enfance et à la diffusion des connaissances sur la petite enfance.

Membre de la Société royale du Canada, M. Tremblay dirige le Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants — CEDJE, le Centre du savoir pour l’apprentissage chez les jeunes enfants — CSAJE, et le Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant — GRIP, à l’Université de Montréal. À une époque où les pays civilisés sont toujours aux prises avec des problèmes de violence physique, particulièrement chez les jeunes, le professeur Tremblay a consacré sa carrière à la compréhension du développement de ces comportements violents et à l’expérimentation de programmes éducatifs pouvant favoriser le développement moral et social.


Renseignements :

Gabrielle Collu, Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants
514 844-7338 | 514 943-6557 | mailto:https://cifpr.fr/collug@videotron.ca

Julie Gazaille, Université de Montréal | 514 343-6796 | mailto:https://cifpr.fr/j.cordeau-gazaille@umontreal.ca


2 —

Le Monde du 1er décembre 2008

L’UMP relance l’idée du dépistage précoce des comportements agressifs

Frédéric Lefebvre, le porte-parole de l’UMP, a relancé lundi 1er décembre l’idée d’une détection des troubles du comportement chez l’enfant dès le plus jeune âge, en complément d’un abaissement de la responsabilité pénale à 12 ans, pour faire face à la délinquance des mineurs.

«  Cela a été dans beaucoup de rapports. On dit qu’il faut le faire dès l’âge de 3 ans pour être efficace « , a déclaré M. Lefebvre sur Europe 1. «  Je ne suis pas un spécialiste, donc je ne déterminerai pas à quel âge il faut le faire « , mais «  quand vous détectez chez un enfant très jeune, à la garderie, qu’il a un comportement violent, c’est le servir, c’est lui être utile que de mettre en place une politique de prévention tout de suite « , a-t-il ajouté.

« En 1945 un mineur sur 166 était mis en cause dans une affaire pénale, aujourd’hui c’est un sur trente, il faut réagir », a déclaré le député des Hauts-de-Seine. « Je ne pense pas » que ce soit trop tôt, a-t-il dit à propos de la proposition d’abaisser la responsabilité pénale de 13 à 12 ans faite par la commission Varinard chargée par la garde des sceaux Rachida Dati de réformer la justice pénale des mineurs. « Moi je souhaite qu’on aille même sans doute un peu plus loin », sur « la question de la détection précoce des comportements », a-t-il ajouté.

En 2006, des projets de détection précoce des troubles du comportement dès le plus jeune âge pour prévenir la délinquance, s’appuyant sur un rapport de l’Inserm, avaient suscité un tollé chez les professionnels de la petite enfance, éducateurs et « psys ». Une pétition intitulée « Pas de zéro de conduite pour les enfants de 3 ans », avait recueilli plus de 46 000 signatures.


3 —

Pasde0deconduite

Communiqué de presse du 2 /12/2008

Oui à la prévention, non à la prédiction

Le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, a fait rechuter le gouvernement le 1er décembre 2008.

Il a re-proposé la détection précoce dès trois ans des  » troubles du comportement de l’enfant  » pour faire face à la délinquance. Il a indiqué  » cela a été dans beaucoup de rapports « .

En 2006, le ministre de l’Intérieur d’alors voulait déjà mettre en oeuvre une telle mesure, en expliquant que  » tous les pédiatres et pédopsychiatres le disent… « .

Près de 200 000 signataires lui répondaient  » pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans « , à l’appel de la grande majorité des professionnels de la petite enfance, sociétés savantes dans le domaine de la pédopsychiatrie, de la santé publique, de la santé des adolescents, associations et syndicats du champ de la santé, de la psychologie, de l’éducation, etc. Tous refusaient l’amalgame entre difficultés psychologiques chez certains jeunes enfants et risque d’évolution vers la délinquance, tous dénonçaient la confusion entre prévention et prédiction.

Prenant en compte le débat scientifique et de société qui s’en suivit, lors du colloque de l’Inserm le 14 novembre 2006, le ministre de la santé Xavier Bertrand affirmait  » la question du dépistage précoce de ces troubles [des conduite chez l’enfant et l’adolescent], ont pu faire naître le sentiment d’un amalgame entre troubles des conduites et délinquance des mineurs.

Je refuse fermement cet amalgame. (…) Toute association systématique entre troubles du comportement et délinquance est non seulement infondée, mais elle amène forcément à des réponses qui ne sont pas les bonnes. « .

Le Comité national d’éthique rappelait, dans son avis du 11 janvier 2007 qu' » Une médecine préventive qui permettrait de prendre en charge, de manière précoce et adaptée, des enfants manifestant une souffrance psychique ne doit pas être confondue avec une médecine prédictive qui emprisonnerait, paradoxalement, ces enfants dans un destin qui, pour la plupart d’entre eux, n’aurait pas été le leur si on ne les avait pas dépistés. Le danger est en effet d’émettre une prophétie autoréalisatrice, c’est-à-dire de faire advenir ce que l’on a prédit du seul fait qu’on l’a prédit. « .

Le collectif  » Pasde0deconduite  » qui a tenu deux colloques scientifiques et publié trois ouvrages sur ces questions depuis son appel de Janvier 2006, signifie vigoureusement que le débat a bien eu lieu, et rappelle que les instance professionnelles, politiques et éthiques se sont finalement rejointes dans un refus de confondre la prévention et la prédiction.

Mobilisé,  » Pasde0deconduite  » demande au gouvernement de tenir ces engagements.

« Pasde0deconduite » appelle les parents, les professionnels et les citoyens à refuser la mise en pratiques de ces dépistages sur les enfants et à s’opposer collectivement à toute nouvelle tentative de criminaliser de façon prédictive le destin des enfants de trois ans.

Contact : contact@pasde0deconduite.ras.eu.org

Site à visiter : www.pasde0deconduite.ras.eu.org


Cliquez sur ce lien pour plus d’infos sur le site InterCoPsychos.