le religieux ne fait pas retour, contrairement aux fausses prophéties de Malraux. Ce qui fait retour c’est la menace fasciste d’une rhétorique de la haine teintée d’une nostalgie moyenâgeuse affichée par des maffieux qui "charrient" la charia et manipulent des 15-25 ans en errance, en déshérence.
► Cette mise en ligne appartient à une série d’une dizaine de publications et références en cours, s’efforçant de faire le tour de la question, tant est engagée notre responsabilité scientifique et professionnelle de praticiens de la psychothérapie relationnelle dans la question du terrorisme djihadiste qui continue de choquer notre pays, l’Europe et une importante partie du "reste du monde".
► Mots clés : religion, charia, foi, surmoi, djihadisme, apocalypse, millénarisme, terrorisme, fondamentalisme, sécularisation, autonomie, fanatisme, surmusulman, radicalisme, quête de sens, laïcité, psychanalyse, détresse humaine.
On nous les a tellement rebattues, les oreilles, de la prophétie d’André Malraux sur le XXIème siècle comme religieux, qu’on finirait par y croire, au son des Allahou akbar illustrant les forfaits terroristes. Il n’en est rien. La manipulation par une rhétorique religieuse de la haine ne doit pas nous induire en erreur.
Nous assistons bel et bien dans le monde qui vient à un recul général de la religiosité, qui n’épargne pas les pays musulmans, au profit de la centration sur l’individu et les libertés individuelles. Partout la question du dogme et de la foi tend à faire place à celle des valeurs. Mouvement de fond, la mondialisation lancée par les Lumières continue de progresser irrésistiblement.
Du coup évidemment les contraintes existentielles comme on dit en psychothérapie existentielle, la déréliction originaire dont parle la psychanalyse, bref les données ontologiques fondamentales de la condition humaine, engendrent une détresse sui generi risquant de surdimensionner le surmoi, dont se souvenir que la psychanalyse constitue une sorte de cure d’amaigrissement. À quoi ajouter un nihilisme générationnel plus général gonflant le discours d’aspect religieux d’une secte ayant compris comment faire basculer l’islamisme politique vers une nostalgie d’âge d’or d’islam du califat.
On constate que le Marcel Gauchet soutenant déjà ici même en novembre 2015 que le fondamentalisme constituait le signe paradoxal de la sortie du religieux, se voit corroboré par le dialogue Roy-Benslama. Ce qui n’empêche pas, dans le cadre géopolitique de l’embrasement du Moyen-Orient attisé et provoqué par le conflit régional Iran/Arabie saoudite préférant se tenir sur le théâtre Syrie-Irak, une rhétorique religieuse à caractère manipulatoire (et même incantatoire : le pays de Cham, davantage mirage que rêve ?) de se développer. Aux mains d’une secte millénariste locale qui procède à des pêches miraculeusement assassines dans cette eau trouble, opacifiée par le sang versé, qu’on appellera la djihadisme. Sans oublier que ses assassins veulent la mort, dont la leur absolument, ce qui ne fait pas trop militant pour une utopie à promouvoir.
Lire également
► Fehti Benslama, « Les médias ne devraient pas publier les photos du tueur« , 17 Juillet 2016.
► Philippe Grauer, « L’affaire Érostrate », 17 Juillet 2016.
► Jean-Pierre Filiu "L’auteur de l’attaque s’est converti au djihadisme, pas à l’islam", Le Monde 17 juillet 2016.
En quoi le XXIe siècle est-il religieux ? Le politologue Olivier Roy et le psychanalyste Fethi Benslama dialoguent sur une religiosité qui, faute de progresser, gagne en visibilité.
Débat du 21 juillet 2016 publié dans le Monde le 6 août 2016.
Force est de constater que le crépuscule des dieux n’a pas eu lieu. Et que l’Europe – et la France en particulier – est frappée en son cœur par l’obscurantisme meurtrier du terrorisme islamique. Mais assistons-nous pour autant à un retour du religieux ? Et pourquoi la religion est-elle si persistante au XXIe siècle ? Telles sont les questions auxquelles le psychanalyste Fethi Benslama et le politologue Olivier Roy ont répondu le 21 juillet, lors des Controverses du Monde en Avignon, conversations menées en partenariat avec le Festival d’Avignon destinées à éclairer les questions qui taraudent notre modernité.
pourquoi le religieux ?
Le XXIe siècle se retrouve-t-il véritablement dominé par une religion qui aurait pris le relais des grandes utopies du précédent ? La sécularisation est-elle inéluctable ou au contraire marque-t-elle le pas ? Âge de la science et foi sont-ils conciliables ? Quelles relations politique et sacré entretiennent-ils et quelle place la spiritualité occupe-t-elle désormais ? Six points de vue et débats permettent de mieux comprendre la fonction et les évolutions de l’expérience et du sentiment religieux dans le monde actuel.
Assiste-t-on à un retour, voire à une expansion du religieux ?
Olivier Roy (O. R.) Les pratiques religieuses qui sont visibles aujourd’hui ne sont pas celles d’il y a soixante ans. Ce ne sont pas les formes traditionnelles du religieux qui font la » une » des journaux. Ce sont des formes néofondamentalistes. Assiste-t-on néanmoins à une expansion de la religiosité ? Les chiffres démontrent le contraire. Partout, y compris dans les pays musulmans, la pratique religieuse baisse. La sécularisation a gagné, ce qui a entraîné un divorce entre la culture dominante et le religieux, qui a commencé dans les années 1960 et qui porte sur les valeurs.
Quand Jules Ferry en 1880 écrivait sa fameuse Lettre aux instituteurs pour expliquer ce que c’était que l’école laïque, il leur disait : ce n’est pas un débat sur la morale parce que nous avons tous la même sur la famille, le rôle de la femme, la séparation des sexes, qu’on soit catholique ou athée. À partir des années 1960, un nouveau référentiel de valeurs s’impose dans lequel la liberté individuelle devient le centre de tout, qui aboutira au mariage homosexuel, à la procréation assistée, à la gestation pour autrui, en rupture totale avec les valeurs religieuses. Donc nous n’assistons pas qu’à un débat sur le dogme ou sur la foi, ce qui était le cas en 1905, mais à une controverse sur les valeurs qui fondent notre société. Il n’y a pas de retour du religieux.
Fethi Benslama (F. B.) De quoi la religion s’occupe-t-elle ? Du point de vue de la psychanalyse, son objet est d’abord la détresse native des humains, leur sentiment d’abandon dans le monde, contre lesquels elle offre le bouclier de l’espérance. Elle s’occupe ensuite de leur mode de jouissance, en leur imposant des obligations communes, donc une morale. Est-ce que ces problèmes relatifs à l’angoisse d’être n’existent plus ? Evidemment non, et la religion reste pour la majeure partie de l’humanité le principal traitement de cette angoisse. En revanche, le mode d’administration du traitement a changé à cause de la diffusion de la conception scientifique du monde et avec elle de la sécularisation.
Dès lors que la religion ne constitue plus le socle commun unique de la conception du monde, le traitement religieux a tendance à se privatiser en suivant le processus moderne de l’autonomie. De plus en plus d’individus choisissent de se convertir à l’intérieur même de leur religion. C’est le phénomène de la reviviscence et de ce qu’on appelle les born again. Il ne leur suffit plus d’hériter de leur tradition religieuse, il faut qu’ils l’acquièrent par eux-mêmes. Il s’agit d’un processus d’autodéfinition qui est le propre du sujet moderne.
Quand la religion traditionnelle est dominante, les individus lui délèguent la part de leur angoisse de conscience ; ils s’appuient sur un dieu qui prend sur lui leurs fautes et leur pardonne. Ce que nous appelons le surmoi est partagé avec Dieu. La religion constitue un surmoi de prothèse pour l’humanité. Lorsque le sujet se détache de la conception religieuse du monde et s’autonomise, il doit supporter seul son angoisse de conscience, il devient plus surmoïque. C’est pour cette raison que nous avons aujourd’hui un accroissement des névroses obsessionnelles partout où la religion décroît. D’autres choisissent de revenir à des formes religieuses fondamentales, plus à même de lutter contre la privatisation des tourments surmoïques.
Pourquoi le religieux nous semble-t-il davantage visible aujourd’hui qu’hier ?
Les communautés de foi – des catholiques intégristes aux juifs orthodoxes en passant par les salafistes musulmans – se sentent agressées par la société et la culture laïques. Ce sentiment d’avoir été expulsé de l’espace social fait naître soit un désir de reconquête (il faut que la France revienne à ses racines chrétiennes, il faut prêcher, etc.), soit au contraire un complexe obsidional : on est menacé, on est attaqué, il faut qu’on nous accorde un statut d’exception. On voit de plus en plus de communautés religieuses, aux États-Unis par exemple, qui demandent à être protégées par la loi contre les nouvelles lois, par exemple avoir le droit de ne pas célébrer un mariage homosexuel ou être dispensé de financer la contraception dans des accords avec la Sécurité sociale. Donc aujourd’hui le religieux s’autonomise de la société et entre même en sécession avec elle, parce que Mai 1968 est entré dans la loi.
Pourquoi est-ce au nom de l’islam que les processus de » radicalisation » sont aujourd’hui les plus massifs ?
Et la troisième dimension, c’est ce que j’appelle le formatage du religieux, c’est-à-dire la façon dont le religieux relève le défi de cette sécularisation. Toutes les religions ont rencontré ce problème-là. Pour l’Église catholique, ça s’est fait en un siècle. Aujourd’hui, l’islam doit accomplir sa mutation et son adaptation à la sécularisation du monde en quelques décennies, c’est-à-dire à partir des années 1970. La pression est énorme pour adapter les religiosités musulmanes au changement de nos sociétés. Donc il y a ceux qui s’adaptent et ceux qui vont au contraire se dire : non, nous n’acceptons aucun compromis, nous voulons l’islam pur et dur. Et là, il y a deux versions, l’une salafiste, qui porte uniquement sur le religieux, et l’autre djihadiste, qui repose sur le mythe de créer un califat, un Etat islamique. Nous vivons donc le moment islamique de la transformation du religieux.
Je considère cet épisode comme la scène originaire du fondamentalisme musulman. C’est une réponse défensive à la conquête guerrière occidentale et à la puissance technoscientifique qu’elle porte et à travers laquelle elle perfore le savoir absolu de Dieu. Il en résulte ce que j’appelle le » surmusulman » qui se veut encore plus musulman pour sauver son Dieu, afin qu’il soit sauvé par lui. D’où la surenchère de signes, de marques, de rites que l’on observe aujourd’hui. Cette angoisse de sauver le sauveur est la souffrance de beaucoup de musulmans.
Comment expliquer que le nihilisme meurtrier d’une fraction de la jeunesse française issue de l’immigration se fasse au nom de Dieu ?
D’abord je constate que, depuis 1995, tous meurent : soit ils se font sauter, soit ils attendent que la police les tue. Ceux qui partent en Syrie y vont pour mourir. La mort est intégralement liée à leur projet. Daech déclare vouloir établir un califat, établir une société islamique pure et juste. Or quelque chose cloche : si vous pensez que vous rejoignez un mouvement qui va créer la société juste, vous ne vous tuez pas, ou alors vous êtes prêt à vous sacrifier mais vous aimeriez bien quand même vivre dans la société bonne et juste, etc. Mais aucun d’entre eux ne le souhaite. Quand ils vont en Syrie, ils y vont pour le djihad, ils y vont pour la mort. Dans le fond, ils ne croient pas au projet utopiste que Daech met en avant. Et même Daech, à y regarder de près, ne met pas en avant de projet utopiste dans ses textes, mais l’apocalypse et l’annonce de la fin des temps.
Pour une part, ils ressemblent à ces adolescents suicidaires qui vous disent : » Je voulais mourir mais pas me tuer « , lorsqu’ils en reviennent. Mais, parmi eux, il y a ceux qui ne veulent pas en revenir et qui ont définitivement fusionné leur pathologie personnelle avec l’idéologie de la terreur et sa destructivité.
Y a-t-il un risque que le religieux se sépare davantage de la société, ou bien une réconciliation est-elle possible ?
Nous avons le plaisir de vous convier à la journée découverte de notre école de formation de psychopraticien, conduite par Pascal Aubrit et Henry Kisiel, qui aura lieu :
L’objectif de cette journée consiste à découvrir et à expérimenter le programme de l’école, les formations que nous dispensons et notre méthodologie reliée à la psychothérapie relationnelle. Elle se déroulera dans une alternance de séquences expérientielles et de temps d’élaboration. Une présentation du cursus de formation au CIFPR sera suivie par un temps de questions-réponses.
Lieu : Centre de Psychologie Biodynamique du Père Lachaise
Salle ALIZE
59 boulevard de Ménilmontant, 75011 Paris
Code immeuble : 19 B 60
Code BLOC 1 : 1519