Par Philippe Grauer
Dominique Strauss-Kahn a perdu de sa crédibilité. Politiquement celui qui se savait un boulevard pour accéder à la Présidence de la République, a ruiné et son avenir prometteur et l’espérance qui s’était attachée à lui. Regrettable gâchis.
L’ex directeur du FMI, qui a conduit avec talent sa mission jusqu’à sa brutale interruption, est venu dire aux français qu’il regrettait sa faute morale. Elle ne réside pas particulièrement dans les détails du mystère de la suite 2000 et quelque, mais dans le fait d’un débordement du public par l’intime, un intime qui heurte le sens moral par le fort indice d’abus de pouvoir qu’il comporte dans la relation humaine tout simplement, par quelque chose qui s’en prend à la dignité, à l’imprescriptible considération de l’autre. DSK n’en a toutefois pas le monopole, mais que diable fait-il de plus que tant d’autres ? Christophe Barbier (L’Express) parle justement d’un comportement contestable envers les femmes et du danger que [sa] vie privée faisait peser sur [sa] vie publique. C’est solidairement avec ces lignes que nous exprimons notre désaccord sur une attitude qui fait offense à ce que relation veut dire.
À part cela, que des femmes soient maltraitées au quotidien par un machisme qu’il convient de combattre d’abord par la manifestation de l’indignation, sans nécessairement traiter de viol un comportement qui n’a pas besoin de cette qualification pour disqualifier celui qui s’y livre, nous tombons d’accord avec le sentiment largement partagé que le respect est une valeur, de surcroît radicalement républicaine.
On peut être irrespectueux sans être Mister Hyde. Attention aux mots et à leur charge émotive. Il demeure qu’une jeune femme costaude face à une homme plus lourd, plus court, et nettement plus âgé, dispose raisonnablement des moyens de faire face à une agressivité sexuelle appuyée mais non délictueuse, sans qu’on ait recours, au stade de la baffe qui calme le jeu ou du coup de genou bien connu qui rafraîchit les idées, au concept de conduite criminelle. Attention à ne pas dans le domaine sensible de la sexualité recourir hors pertinence par idéologie féministe au concept de viol – accompagné de menace physique lourde, de l’usage de la force en groupe, du maniement d’une arme et/ou de la mise en œuvre d’une confrontation véritablement athlétique au désavantage de la victime qui alors l’est sans conteste.
Philippe Grauer
Lire aussi l’article du Monde (1)
Il fallait trouver la formule magique : un mot-clé capable d’exprimer le regret sans évoquer l’accusation de viol. Capable d’admettre la réalité d’une relation sexuelle en évacuant toute connotation délictuelle. De limiter la gravité des faits à la morale familiale, en éliminant toute agression physique présumée.
Bref, un tour de force. Sur TF1, dimanche 18 septembre, pour sa première intervention publique et plus de quatre mois après son arrestation à New York, Dominique Strauss-Kahn a opté pour la » faute morale « .
Il ne pouvait plus invoquer » l’imprudence « , comme il l’avait fait lorsqu’il avait été mis en cause dans l’affaire de la MNEF ; il ne pouvait plus utiliser » l’erreur de jugement « , comme il l’avait osé pour s’excuser de sa relation sexuelle avec Piroska Nagy, cette économiste du Fonds monétaire international (FMI) dont il était le directeur général. Il ne pouvait pas inventer un adjectif » abracadabrantesque « , comme se l’était permis en d’autres temps le président Chirac. Il ne pouvait pas non plus se contenter d’imiter le président américain Bill Clinton, qui avait jugé » inappropriée » sa relation avec Monica Lewinsky. » Relation inappropriée, mais plus que ça : une faute morale « , a donc fini par dire l’ex-probable candidat socialiste à l’élection présidentielle.
Au bout de vingt-cinq minutes d’entretien face à Claire Chazal, M. Strauss-Kahn, costume noir et visage grave, a eu ce geste étrange : il a fermé les yeux très longuement. La terrible épreuve de contrition publique, avidement regardée par 13 millions de téléspectateurs, était terminée.
Il a réussi à ne jamais prononcer les mots » sexe « , » agression « , » viol « . Les larmes aux yeux, il a fait une promesse : » Cette légèreté – vis-à-vis des femmes – , je l’ai perdue. Pour toujours. » Il a évacué en une phrase l’affaire Tristane Banon. Il a achevé sa prestation sur une démonstration brillante de politique économique en exhortant les pays européens à assumer la dette de la Grèce.
Tout en se disant » candidat à rien « , il a laissé ouvertes les portes de son retour, fait savoir son désir d’être » utile au bien public « , sa disponibilité au service de l’Europe. Tout en affirmant ne pas vouloir s' » immiscer dans les primaires « , il a réussi à faire le contraire : ignorer François Hollande et saluer Martine Aubry, son » amie » avec qui il a reconnu un » pacte « .
L’agence de communication Euro RSCG, qui conseille M. Strauss-Kahn, a permis à la première chaîne de télévision privée d’exploser l’audimat en lui offrant la plus attendue des personnalités. L’affaire DSK a tous les ingrédients pour fasciner : politique, sexe, crime, mystère conjugal, sans compter la police new-yorkaise, comme dans une série américaine.
Que s’est-il donc passé avec Nafissatou Diallo, femme de chambre, dans la suite 2806 du Sofitel ? M. Strauss-Kahn a répondu par la négative : » Ce qui s’est passé ne comprend ni violence, ni contrainte, ni agression « . Et cette très brève relation, sa » faute « , n’a pas été tarifée, assure-t-il.
Dès lors, deux questions restent entières : comment une relation de neuf minutes, non tarifée, entre un homme aisé et une femme de chambre peut-elle avoir lieu sans une forme de contrainte ? La contrainte comporte-t-elle nécessairement des traces de violence physique ?
M. Strauss-Kahn a évité ces considérations en répliquant par l’offensive. » Piège « . » Complot « . Deux autres mots-clé destinés à marquer les esprits. Ses avocats l’avaient déjà laissé entendre. L’ancien ministre des finances se fait désormais menaçant. » Un piège, c’est possible. Un complot, nous verrons… » Dans un premier temps, ce sont le Sofitel et le groupe français Accor qui sont clairement mis en cause.
» Exemple de zone d’ombre « , selon les termes de M. Strauss-Kahn, ce détail pointé par le procureur de New York lui-même, Cyrus Vance, dans sa requête en non-lieu : au cours d’une incise discrète, celui-ci note que l’enregistrement électronique des badges de la chambre a été transmis au bureau du procureur, » et aussi directement à l’avocat de la plaignante par quelqu’un d’extérieur à ce bureau « . Traduction de M. Strauss-Kahn : au Sofitel, voire en plus haut lieu, on aurait cherché à favoriser son accusatrice. » Je me demande pourquoi on a voulu aider celle qui voulait m’accuser « , note-t-il.
Ce rapport du procureur, Dominique Strauss-Kahn le brandit plusieurs fois devant Claire Chazal. La preuve, selon lui, de son innocence. » Le rapport du procureur dit quoi ? lance-t-il. Ce ne sont pas mes avocats qui le disent, ce n’est pas moi. Il dit : Nafissatou Diallo a menti sur tout, elle a menti sur les faits, elle a présenté tellement de versions différentes que je ne peux plus en croire un mot, elle a menti à chaque entretien. «
Ce résumé est pour le moins sélectif. La requête en non-lieu du procureur Vance n’exonère pas Dominique Strauss-Kahn. Il ne dit pas que » Nafissatou Diallo a menti sur tout « , mais qu’elle a donné des versions contradictoires de ce qui s’était passé après 12 h 26, heure a laquelle elle a quitté la suite occupée par DSK. Il ne conclut pas qu’une agression sexuelle n’a pas eu lieu, mais que » les doutes sérieux sur la crédibilité de la plaignante » ne permettent pas de se fonder sur son témoignage.
Aux Etats-Unis, la clôture de la procédure pénale n’empêche pas la procédure civile. Or celle-ci obligera M. Strauss-Kahn à affronter un procès et à répondre préalablement sous serment à des questions consignées par écrit. Un cauchemar. D’où l’issue tentante : négocier avec la plaignante. Autant dire un semi-aveu de culpabilité. M. Strauss-Kahn préfère assurer : » Je n’ai pas l’intention de négocier. «
Marion Van Renterghem
© Le Monde
Une affaire sensible pour professionnels de son sang-froid
Par Philippe Grauer
En bons professionnels, si l’on commençait par réfléchir, écouter, peser – tout peser ? L’affaire DSK a profondément déstabilisé l’opinion de notre pays, qui attendait l’homme devant l’emporter sur l’actuel Président de la République. Que dire de ce gâchis par hypermédiatisation précipitée ? Que dire du comportement d’un homme politique réputé « à femmes » sans prendre en compte dans la relation incriminée celui de la femme avec laquelle il s’est passé quelque chose que la justice a renoncé à qualifier comme crime(1) ? Il serait anti éthique de se faire le psy de quiconque ne l’a pas sollicité, et certainement pas en public. Que dire aussi bien des mensonges de celle qui se dit victime ? Comment conclure qu’il y a eu viol dans l’état actuel de notre information, biaisée de toutes parts, pourtant aussi complète que contradictoire ? la justice a besoin de preuves plus que d’intimes conviction. En l’occurrence on ne saurait revenir sur la chose jugée qui affirme expressément le contraire.
À partir de là, à chacun son humeur, mais méfions-nous des mouvements d’humeur en phase médiatique. L’indignation style cause des femmes, « shame on you« , ne devrait pas selon nous se ficher sur DSK embourbé mais non convaincu de crime, mais plutôt prendre de la hauteur et rappeler qu’en tout état de cause le sexisme est toujours présent au cœur de l’actualité dans notre monde, requérant notre active et intelligente indignation, indignation qui ne devrait pas oublier de se tourner également du côté de la capacité manipulatoire d’un certain type de médiatisation.
Indignation à double face sinon partielle et partiale. Nous assistons à une levée vertueuse, puritaine même, sachant que le puritanisme représente l’exact envers de la perversion, une levée de boucliers psys. Renforcés par les psys amateurs. Ainsi le bon docteur Rocard y est allé de son diagnostic de maladie mentale. Dans le lancer de boue les psys féministes en ce moment déchaîné(e)s à 80% de leur effectif ne rechignent pas à un argumentaire gauchiste extrême droitier qui nous invite à plonger dans les eaux troubles du populisme. Veillons à ce que le remède ne soit pas pire que le mâle, et que le cauchemar ne mobilise nos surmois déchaînés. Gare à la populacerie, notre vertu est aussi subversible.
Claudine Schalck dispense à l’occasion au CIFP de la formation avec un talent et une capacité d’engagement que nous apprécions. Pas une raison pour participer dans l’impulsion à notre tour à un jet de pierres ou de gadoue, mais dix raisons de réfléchir aux enjeux de cette ténébreuse et particulièrement pénible affaire. Mutatis mutandis, cette affaire fait penser à celle qui déstabilisa Clinton. Il convient en l’occurrence de rester dignes. Au motif de la protection des femmes ne les laissons pas s’embarquer dans un ordre moral populiste qui se moque bien de leurs légitimes intérêts. Et n’absorbons pas au passage le poison du puritanisme.
Pour se perpétrer le sexisme a besoin du silence. Certes qu’on peut acheter à l’occasion mais rien n’est si simple et les diffamations rampantes sentent mauvais. L’actuel tintamarre ne doit pas nous rendre sourds au simple sol du diapason de la raison. Dans le concert de casseroles actuel concernant DSK, un peu comme en psychothérapie relationnelle, il faut ménager pour s’y retrouver un peu de silence pour commencer. Cela ne veut pas dire qu’on doive s’installer en complicité, car notre métier requiert que devant l’injustice en activité nous fassions savoir ce qui ne se fait pas, nous ne lâchions pas la loi morale. La même morale requiert que nous nous refusions à tout psycho lynchage, galvaudant notre profession.
Tel quel voici l’appel de Claudine Schalck, document significatif publié dans Le Monde du 31 août 2011 sous le titre Machisme sans frontière, à consulter pour examen, conjointement à d’autres(2), pas pour vous contaminer de l’air du temps. On n’a pas le droit de traiter DSK de violeur et nous ne nous associons pas à cette pétroleuse accusation. La justice en a décidé autrement, précisément parce que manquent les preuves, tout de même ! Prenons ce texte comme une occasion de continuer de réfléchir dans cette zone ultra sensible ravagée par la tempête médiatique.
Ce que dit le rapport : «Après une enquête poussée, il est clair que la preuve de deux éléments cruciaux -l’usage de la force et l’absence de consentement -ne peuvent reposer que sur le témoignage de la plaignante au procès. Les preuves physiques, scientifiques et autres établissent que l’accusé a eu un rapport sexuel hâtif, précipité, rapide, avec la plaignante, mais elles ne démontrent pas de manière indépendante qu’il s’agissait d’un rapport forcé et non-consenti. En-dehors de la plaignante et de l’accusé, il n’y a pas d’autre témoin oculaire de l’incident. Par conséquent, indéniablement, un jury de procès ne peut déclarer l’accusé coupable que s’il est persuadé au-delà de tout doute raisonnable que la plaignante est crédible. En effet, l’affaire repose entièrement sur son témoignage.»
DSK : «Le rapport du procureur ne m’accuse en rien en matière de trace de blessure.» «Dans le rapport officiel, il n’y a rien, ni griffure, ni blessure, ni aucune trace de violence, ni sur elle, ni sur moi.»
Ce que dit le rapport : «Les preuves physiques, médicales et d’autres preuves disponibles dans ce cas sont d’une valeur limité pour les points contestés d’un usage de la force et d’une absence de consentement. Ces preuves établissent de manière conclusive que l’accusé a eu un rapport sexuel avec la plaignante le 14 mai 2011. Cependant, elles ne prouvent ni ne corroborent le fait qu’il y ait eu un rapport forcé et non consenti, et ne confirment pas certains aspects du récit de la plaignante.»
DSK : «Ce rapport (…), il dit: Nafissatou Diallo a menti sur tout.»
Ce que dit le rapport : En réalité, les mensonges de Nafissatou Diallo, répertoriés par le rapport, ne portent pas sur ce qui s’est passé dans la chambre, mais ce qui s’est passé après: «Le fait qu’un individu ait menti dans le passé ou commis des actes criminels ne le rend pas nécessairement indigne de foi vis-à-vis de nous en tant que procureurs, ni ne nous empêche d’amener un tel individu à la barre des témoins lors du procès. Mais la nature et le nombre des mensonges de la plaignante nous rendent incapables d’accorder crédit à sa version des faits au-delà du doute raisonnable, quelle que soit la vérité sur la rencontre entre la plaignante et l’accusé. Si nous ne la croyons pas au-delà du doute raisonnable, nous ne pouvons pas demander à un jury de la croire. (…) En bref, la plaignante a fourni des versions divergentes et contradictoires des événements qui auraient accompagné l’agression présumée, et le résultat est que nous ne pouvons pas être suffisamment certains de ce qui s’est réellement produit le 14 mai 2011, ni de la manière dont la plaignante rendrait compte de ces événements lors d’un procès. Dans quasiment tous les entretiens importants avec les poursuivants, malgré nos adjurations de se montrer véridique, elle n’a pas dit la vérité, aussi bien sur de grands sujets que sur des points de détail, dont beaucoup se rapportaient à son passé et certains aux circonstances de l’incident lui-même. (…) Au cours de nombreuses auditions, la plaignante a livré des récits incompatibles de ce qui se serait passé immédiatement après sa rencontre avec l’accusé, nous laissant incapable de vérifier ce qui s’est réellement produit ou de nous appuyer sur un témoignage fiable à cet égard. Elle a aussi fait de nombreuses fausses déclarations, à la fois aux procureurs et dans le passé. Certaines de ces déclarations ont été faites sous serment et sous peine de parjure ; elles constituaient des actes frauduleux.»
Nous avons le plaisir de vous convier à la journée découverte de notre école de formation de psychopraticien, conduite par Pascal Aubrit et Henry Kisiel, qui aura lieu :
L’objectif de cette journée consiste à découvrir et à expérimenter le programme de l’école, les formations que nous dispensons et notre méthodologie reliée à la psychothérapie relationnelle. Elle se déroulera dans une alternance de séquences expérientielles et de temps d’élaboration. Une présentation du cursus de formation au CIFPR sera suivie par un temps de questions-réponses.
Lieu : Centre de Psychologie Biodynamique du Père Lachaise
Salle ALIZE
59 boulevard de Ménilmontant, 75011 Paris
Code immeuble : 19 B 60
Code BLOC 1 : 1519