par Philippe Grauer
PMA puis GPA, encadrer la procréation pour éviter les dérapages dans un nouveau « commerce des femmes » et sans confusion des corps, une question grave à la clé du changement du statut du mariage.
Chaque avancée(1) se voit dénoncer par les traditionalistes, cela se comprend sinon ils ne le seraient pas, chaque futur pas en avant même soigneusement conçu se voit dénoncé à l’avance comme projet diabolique du novateur.
À nous qui voyons arriver à nous simplement des cas humains de débattre entre nous de notre propre système de valeurs et de la façon de les accueillir dans le cadre de la loi.
Se mettre hors la loi est toujours dur la loi est faite pour ça. Il convient d’en examiner les fondements et l’éventuel bien-fondé. On peut toujours faire évoluer la loi, c’est précisément ce qui se passe en ce moment-même. En un tel domaine une démarche précautionneuse s’impose.
PHG
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par Gaëlle Dupond
RÉGULIÈREMENT, la voix de Matthieu se brise tandis qu’il raconte l’histoire de son couple et de son fils.«Faire un enfant en se sachant hors la loi, je peux vous assurer que c’est dur», articule-t-il. Il a 46 ans, son compagnon Pierre 48. Tous deux ont eu Alexei, 17mois, en recourant à une mère porteuse en Russie. À la demande des intéressés, tous les prénom sont été modifiés, car garder l’anonymat reste de mise. La gestation pour autrui (GPA) est interdite en France. Leur enfant est un citoyen russe.
Matthieu et Pierre ont attendu longtemps avant de se lancer : cela fait vingt ans qu’ils vivent ensemble. Ils ont pensé adopter, mais ne se voyaient pas mentir et déguiser leur intérieur pour effectuer la démarche en célibataire, seule voie possible pour eux. Un jour de 2007, ils ont entendu un couple d’hommes qui attendait des jumelles raconter son expérience. En s’en souvenant, Matthieu pleure et interrompt son récit. «L’expression “droit à l’enfant” est vide de sens, reprend-il. Il est possible d’avoir un enfant dans le respect de tout le monde. Nous sommes fiers de ce que nous avons fait. Nous raconterons son histoire à notre enfant, sans omission.»
Ils sont d’abord allés aux États-Unis, puis, découragés par le coût potentiel du système de soins américain si des jumeaux ou des triplés naissaient, ils se sont tournés vers la Russie. Ils ont rencontré la «maman de naissance», comme l’appelle Matthieu, par le biais d’une agence repérée sur Internet. L’ovule d’une donneuse anonyme a été fécondée par les gamètes de Pierre, avant d’être implanté dans l’utérus d’Angela. L’enfant porte un prénom russe, celui du frère d’Angela. Pierre et Matthieu voulaient maintenir le lien entre elle et l’enfant. «Elle était en phase avec cette approche.» Quelles étaient ses motivations ? «Nettement financières, répond Matthieu. Elle voulait s’acheter un appartement pour elle et sa fille. Est-ce choquant? Au moins c’est clair. Elle était complètement libre.» Le jeune père ne veut pas dire à combien s’élève «l’indemnisation». «Le débat est tellement hystérique sur le
Les deux pères ont récupéré l’enfant quand il avait trois jours. Au bout de deux mois, ils sont rentrés en France avec un laissez-passer du consulat. Au départ, ils se sont consacrés à l’enfant, entourés d’amies et de la mère de Matthieu. «Mais les papas arrivent aussi à s’occuper des enfants», dit-il dans un rire. Puis ils ont fait la demande de retranscription de l’acte de naissance russe, qui désigne le père biologique et la mère de l’enfant, à l’état civil français. Réponse négative : le consulat français en Russie soupçonne une GPA. La justice s’oppose à la retranscription. L’enfant n’a ni carte d’identité ni passeport français. Il est en revanche inscrit à la Sécurité sociale, à la CAF, etc. Mais ses parents préfèrent ne pas voyager hors d’Europe, pour ne pas risquer un contrôle d’identité. «Je ne comprends pas pourquoi on lui refuse la nationalité, alors que son père biologique est français», interroge Matthieu.
Avec la circulaire annoncée par Christiane Taubira, Alexei devrait pouvoir obtenir des papiers grâce au certificat de nationalité française, sans pour autant être inscrit à l’état civil. Ses deux pères se marieront probablement bientôt afin que Matthieu puisse adopter l’enfant, avec lequel il n’a aujourd’hui aucun lien officiel.
Ga. D.