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11 août 2014

La psychiatrie de secteur réhabilitée ? Guy Baillon

Ce texte mérite commentaire, et peut-être réserves.

Nous commençons par l’éditer. Voici selon l’auteur ressuscitée la psychiatrie, de plus installée au centre du dispositif soignant tout entier. Après l’excès d’indignité l’excès d’honneur. Le dieu Esculape n’en croît pas ses oreilles.

Un point fort à remarquer, en effet, c’est la reconnaissance des associations d’usagers. Qui peuvent aller, soumis à des jeux de force et d’intérêt, jusqu’à prendre parti pour telle méthode contre telle autre, dans des termes plus politiques que scientifiques, laissant parfois bien cois les professionnels qui eux aussi ont à être entendus.

Quand à la fumosité du concept OMS de bien-être nous demandons à en voir développer l’argumentation. Pourquoi donc l’idée de santé n’irait-elle pas jusqu’au vécu de bien-être ?

Enfin vive le secteur et à bas les directives Sarkozi. Quant au déploiement de l’Utopie, voyons voir.

PHG


Guy Baillon

Mediapart

Édition : Contes de la folie ordinaire

LA PSYCHIATRIE DE SECTEUR, CETTE UTOPIE FRANÇAISE OFFICIELLEMENT MISE EN SCÈNE PAR LE GOUVERNEMENT HOLLANDE

30 juin 2014 |


par Guy Baillon

La Ministre de la Santé Marisol Touraine le 19 juin 2014 lors de son discours présentant les orientations de la loi de santé a évoqué en priorité le vieillissement et les grandes maladies chroniques. La Ministre a d’abord situé la prévention comme « socle », puis le service territorial comme outil majeur de son plan. Pour expliciter ce ‘service territorial’ la Ministre a précisé : « Il y a 40 ans la psychiatrie a eu l’intuition du territoire !»
C’est en effet dans les années 70 que le Ministre de la Santé de l’époque a mis en place la sectorisation dans l’ensemble de la France comme cadre de l’application de la Nouvelle Politique pour la psychiatrie, la Politique de Secteur (circulaires des 14 et 15 mars 1972).

Lucien Bonnafé, 1960

Certes le projet avait été élaboré par un groupe de psychiatres et d’administrateurs entre 1939 et 1945 au lendemain des terreurs de la guerre et en plein espoir de solidarité nationale pour l’avenir, puis officialisé par la circulaire du 15 mars 1960 : « une équipe pluridisciplinaire pour une population de 66.666 habitants, un ‘secteur’ ». Rappelons que le terme de territoire plus simple avait été d’abord utilisé, c’est celui de secteur moins connu qui a été choisi car correspondant alors à la division d’activité des Assistantes Sociales, il a été conservé alors que le sens plus précis de cette politique abandonnant la psychiatrie asilaire hospitalière, aurait dû être « la Psychiatrie dans la Cité ».

annulation du discours démolisseur de Nicolas Sarkozy du 2 décembre 2008

Ainsi le service public de Psychiatrie est remis officiellement à l’honneur en 2014 par la Ministre de la Santé qui annule ainsi le discours démolisseur de Nicolas Sarkozy du 2 décembre 2008 ( celui-ci avait tenté d’effacer d’une phrase 50 ans de psychiatrie de service public, ne parlant que de danger et d’enfermement, ceci avait été concrétisé par la triste loi du 5-7-2011 désignant le malade mental comme un délinquant potentiel à enfermer préventivement avec un traitement sans consentement et sous contrôle familial).

continuité, disponibilité, proximité

La psychiatrie au lieu d’être centrée sur le judiciaire est ici réinscrite dans le champ médical. De plus le modèle de la psychiatrie de secteur est promu comme étant la ‘démarche’ qui sera celle de l’ensemble de ce champ, explicitée par le rappel de ses trois principes : « continuité, disponibilité, proximité »

La continuité des soins, ou la capacité des soignants à montrer les liens qu’il est utile de tisser entre les étapes successives des divers soins de la même personne quelle que soit leur durée.

La permanence de la disponibilité des mêmes soignants, garants de la mémoire des soins, ou la mise en place d’une veille prête à toute éventualité dans son évolution au long cours et constituant ainsi une part de prévention et de traitement.

La proximité, ou la nécessité pour les soignants à se situer « prés de chez eux », proche du lieu de vie du patient.

Rappelons que ces trois principes avaient été conçus par un groupe de psychiatres et d’administrateurs lors de l’expérience de la Résistance à la recherche de ce qui, dans le projet de la société solidaire espérée pour l’avenir, allait « accueillir » cette politique de soin, où la présence et le rappel de « l’humain » paraissaient si absents et pourtant si essentiels.

N’est-il pas évident aujourd’hui que dans notre société de plus en plus technique, standardisée ces principes prennent la force de valeurs autour de la dimension humaine de tout soin !

Les réponses thérapeutiques à toute maladie sont en effet à réaliser dans une permanence qui utilise clairement comme appui la « proximité » de la famille, des proches, des voisins, de tous ceux qui « ont des liens » avec la personne qui souffre, son contexte proche.

Ainsi non seulement la Politique de Secteur est reconnue officiellement et de façon plus claire et plus affirmée que par tous les gouvernements précédents, mais elle est mise à l’honneur puisque ses principes vont guider le projet de l’ensemble de la médecine.

associations et collectifs de patients

Certes pour la psychiatrie il reste à aborder les différentes étapes de son application. Il appartient à tous d’être vigilants, car par le passé il y a déjà eu là des quiproquos, voire des erreurs, et pas seulement du fait de l’Administration, mais des différents acteurs.

Sur ce point la Ministre va plus loin que précédemment car elle donne à l’ensemble de la médecine donc à la psychiatrie deux indications pour mener à bien cette application : « l’implication des patients », regroupés en associations, à cette élaboration, à son évolution et « le bien fondé des ‘groupes’ » et collectifs pour les défendre.

Ainsi la Ministre de la Santé reconnaît cette réalité que tout homme est membre de groupes (famille d’abord et substituts) et de collectifs qui sont des appuis, tout comme le fait que des souffrances psychiques sont toujours présentes dans un corps qui souffre, tout autant que des troubles physiques accompagnent toutes les maladies psychiques (l’expérience du SIDA, du diabète, des rhumatismes, des cancers, des psychoses et névroses graves en témoignent).

Ce texte souligne que l’écoute de la souffrance psychique et des grands troubles psychiques invite à ce que chacun s’intéresse autant à la personne qui souffre qu’à son entourage (sa famille d’abord laissée pour compte par la psychiatrie classique) et que tous les traitements psychiques ont une part collective (car l’homme n’a pas seulement un corps et une vie psychique, mais il est aussi fait de ‘liens’ à l’autre).

démocratie sanitaire vs. « idée fumeuse de bien-être de l’OMS »

Le texte invite pour cela à approfondir la notion de ‘démocratie sanitaire’ et celle de santé mentale (il ne cherche à promouvoir ni l’égalité des traitements ni l’idée fumeuse de ‘bien-être’ soutenue de façon démagogique et anti politique par l’OMS). Il indique que les patients doivent être informés « permettant aux patients de co-construire davantage les politiques de santé, et d’être associés, impliqués pour bâtir un système à leur image ». Ils « doivent être représentés dans toutes les agences nationales de santé. Une commission des usagers doit être créée ». « Le débat public doit être renforcé » (nous connaissons le poids de la stigmatisation constante que les médias font peser sur la psychiatrie et le bénéfice à tirer de ces débats).

D’où l’importance que revêt l’annonce par ce texte de la volonté de la Ministre de « reconnaître les associations de patients » (nous savons à quel point certains, comme la Fédération d’Associations de Patients de la PSYchiatrie, la FNAPSY, ont été malmenés par les précédents gouvernements).

Le texte inclut dans la santé mentale à côté des soins « l’insertion et la coordination des acteurs, » ce qui intègre habilement les apports complémentaires aux soins de la loi de 2005 sur les handicaps, en particulier le handicap psychique.

Nous pouvons penser que le rapport Robiliard, même s’il n’y est fait aucune référence, a éclairé ces derniers points. Il est clair aussi que la Ministre de la Santé va beaucoup plus loin.

pour la première fois la psychiatrie au centre de la médecine

La Ministre apporte non seulement une reconnaissance à la Politique de Secteur, mais elle cherche à stimuler la démarche médicale française dans son ensemble avec les valeurs sur lesquelles la psychiatrie a été expérimentée pendant 40 ans. Pour la première fois la psychiatrie dans cet ensemble n’est ni annulée ni exclue (elle a été souvent méprisée même par une part du corps médical comme inférieure, secondaire) elle est au centre de la médecine, distincte de la chirurgie, de la médecine, de l’obstétrique, avec ses spécificités, et inséparable.

reste la mise en application

Mais, maintenant, une fois les principes de la Psychiatrie de Secteur reconnus par ce texte, reste son application. Elle doit être préparée. Comment ?

Permettez moi d’affirmer, ce qui va provoquer de vives réactions chez bon nombre de mes collègues, que la Psychiatrie de Secteur est une grande UTOPIE !

Elle risque fort d’être à nouveau une coquille vide si, sur le terrain, elle n’est pas l’objet d’une profonde mobilisation, comme je l’ai affirmé à plusieurs reprises avec d’autres amis, ces dernières années dans les colonnes de Médiapart.

Je voudrais évidemment m’expliquer sur cette « Utopie » et sur l’Urgence qui serait alors la nôtre, je tenterai de le faire dans deux prochains textes à paraitre dans l’édition de Médiapart.