La psychothérapie, multiple et divisible, est servie par plusieurs corporations psys. Deux universitaires, deux extra universitaires : 1) La psychologie clinique, servie à l’université par des cours de psychopathologie, naguère colonisés par la psychanalyse. Survivance mixte, les psychologues-psychanalystes. La psychothérapie psychologique y est enseignée comme théorie. En particulier en psychopathologie dont la psychanalyse espérait faire son cheval de Troie universitaire (politique Roland Gori). Références scientifiques dominantes : cognitivisme, comportementalisme, et neurosciences. 2) La psychiatrie, médecine des maladies mentales (psychopathologie médicale). Référence, le DSM, outil statistique sophistiqué finalement décevant, après avoir rendu le service de délivrer la psychiatrie du boulet de la psychanalyse. Découpe malade et maladie en tranches de troubles médicamentables. Psychothérapie sur ordonnance : la psychiatrie envisage de sous-traiter avec les psychologues, ainsi paramédicalisés. 3) la psychanalyse a révolutionné arts, lettres, philosophie, et imprégné psychiatrie et psychologie avant de s’en voir expulser. Ses praticiens sont soit psychologues soit psychiatres. Compliqué ! 4) la psychothérapie relationnelle, discipline issue de la psychologie humaniste, relève avec la psychanalyse de la dynamique de subjectivation. Problème du libre usage du terme libre de psychothérapie (n’est protégé que le titre d’exercice de psychothérapeute) ? dos rond ou tête haute ? "La" psychothérapie se décline en 4 champs scientifiques diversifiés (4 côtés du carré psy), où la dimension relationnelle se révèle de nature radicalement différente : sujet/objet ou sujet/sujet. S’en prendre à l’un de ces 4 acteurs majeurs représenterait une impraticable aberration doublée d’un acte de persécution et de suppression de la liberté. D’exercer d’une part, de recourir au psy de son choix d’autre part.
Reste à oser être soi. Kurt Lewin a démontré à la veille de la guerre qu’une minorité bien organisée et assertive était plus efficace pour soutenir son identité menacée que disséminée, docile et inutilement adaptative. Appuyons-nous sur notre expérience et riche savoir historique. N’oublions pas que nous avons toutes les raisons d’être fiers de l’héritage que nous portons et apportons au monde.
Devant la médicalisation de l’existence et l’hyper réglementation qui menacent en particulier notre profession en voulant réduire la psychothérapie à un acte paramédical, mais qui menace plus globalement la qualité de la vie sociale, les relations humaines et la culture, notre premier devoir est de résister. Ce n’est pas le temps des compromis.
Il nous appartient de faire valoir les deux formes de la psychothérapie, prendre soin de l’âme dans l’origine grecque du mot, Une forme médicale s’occupe des troubles mentaux pour aider les personnes à recouvrer la santé psychique. Une autre forme, qu’il convient de qualifier de philosophique, vise à accompagner une personne dans la réalisation d’elle-même, c’est-à-dire lui permettre d’advenir comme sujet de sa propre vie pour réaliser sa propre forme d’être. Quand le sujet advient, les symptômes guérissent de surcroît selon le mot de Lacan. Là se trouve l’objectif de la psychanalyse, méthode qui date un peu bien qu’elle ait fait ses preuves, et de la psychothérapie relationnelle sa cousine contemporaine en plein développement, riche d’un avenir prometteur si on ne lui coupe pas les ailes.
Ces deux sens du mot psychothérapie, le médical et le philosophique, ont chacun leur valeur et leur nécessité dans la société. Ces deux formes s’adressent à des publics souvent différents dans leurs motivations profondes, ceux qui souhaitent surtout guérir d’un symptôme gênant et ceux qui veulent d’abord ou aussi trouver un sens à leur vie. Elles se complètent ou s’entremêlent quand la réglemento-mania ne s’en occupe pas. Le monopole d’une forme au détriment de l’autre serait une perte inestimable. Je préfère au restaurant fromage et dessert plutôt que fromage ou dessert et surtout plutôt que fromage tout seul ; fromage qu’espèrent certaines corporations qui voudraient bien le monopole du mot psychothérapie à leur seul avantage, au risque de l’asphyxier en le réduisant à un seul de ses poumons, sous contrôle médical remboursé par la Sécurité sociale.
Il y a donc une psychothérapie non médicale à faire redécouvrir au public en quête de sens, qui conduit à la responsabilisation et l’accomplissement de soi par soi-même et à une nouvelle qualité relationnelle, plus nécessaire que jamais dans une société sans repères.
Au SNPPsy nous sommes dépositaires du sens originaire du mot psychothérapie comme soin de l’âme, dans le sens de la philo sophia, l’ami de la sagesse. Cette psychothérapie-là née dans une liberté de pensée visant à faire advenir un sujet libre et autonome, ne peut pas se voir réglementée par le ministère de la Santé sur un simple cursus universitaire à base de psychopathologie qui ne confère pas la capacité thérapeutique relationnelle, au sens d’acquérir l’expertise d’une relation particulière qui déclenche le processus de subjectivation, processus où l’on ne peut accompagner autrui sans l’avoir expérimenté sur soi.
« Connais-toi toi-même et deviens qui tu es », voire même « et tu connaîtras l’univers et les dieux » devient aujourd’hui vital pour que chacun retrouve un sens à sa vie et s’accomplisse dans sa forme d’être personnelle en relation à d’autres sujets vivants et parlants. Là se trouve notre psychothérapie relationnelle, notre meilleur soin de l’âme, excellent contrepoison aux maux de notre société.
Résister, c’est chacun selon ses compétences faire valoir ces idées, en parler à son député, aux journalistes, le dire de toutes sortes de façons sur les réseaux sociaux, diffuser les livres La Psychothérapie relationnelle, L’Éthique relationnelle en psychothérapie, Manifeste pour une psychothérapie relationnelle ou d’autres livres traitant du même sujet, etc. Chacun selon ses possibilités et ses initiatives contribuera à empêcher que la psychothérapie se retrouve un jour bornée, limitée et paramédicalisée, tandis que les psychopraticiens formés, compétents et soucieux d’éthique, seraient renvoyés dans une nébuleuse subalterne d’aides à la personne ou counseling (il paraît que ça fait mieux en américain) mais interdits de nommer et de pratiquer la psychothérapie. En effet le mot et la chose ni réglementés ni définis juridiquement à ce jour pourraient passer sous les restrictions du contrôle administrativo-médical. Déjà la jurisprudence prend en compte l’existence de manœuvres susceptibles de créer une confusion dans l’esprit du public et certains espèrent pouvoir en profiter pour dénoncer l’usage du mot « psychothérapie » par des psychopraticiens non inscrits sur les listes ADELI de psychothérapeutes au prétexte de cette confusion.
Sans résistance et sans promotion de la psychothérapie relationnelle non médicale, ce beau métier si exigeant et si vivant se verra menacé. Dans ce contexte, ceux qui rêvent aujourd’hui de caresser le lion pour qu’il les reconnaisse c’est-à-dire les réglemente, finiront dans son assiette !
Yves Lefebvre est psychopraticien relationnel® et membre titulaire du SNPPsy