commentaire d’un post qui sonne juste
Une formation insuffisante, par simple accumulation hétéroclite, dans le goût du développement personnel, propose un environnement tourbillonnaire hétéroclite de méthodes, de concepts, de techniques, de systèmes contradictoires approximativement juxtaposés. Les mots pour désigner ce qui en résulte manquent, au sens de manquent leur cible, et manquent, comme sol sous les pas. Des psychothérapeutes à l’abri de leur nouveau titre d’exercice obtenu par confiscation ne se gênent pas pour y recourir également. Comment le public peut-il s’y retrouver ? Un blablapsy peut envahir l’espace pratique et théorique inconsistant dit des psychopraticiens trop courts comme nous disons — en l’occurrence à court d’idées clairement définies.
À distinguer des psychopraticiens relationnels, ce déterminant faisant la différence, que complète notre multiréférentiel pour afficher notre identité spécifique. L’exactitude terminologique étant ici requise pour savoir de qui et de quoi l’on parle.
C’est le moment d’aller regarder la tour de Babel, peinte par Breughel. Elle « semble composée d’un étrange réseau de galeries voûtées en berceau qui ne mènent à rien », où la verticale n’impose pas sa cohérence à une pente mal fondée. Une Allégorie de l’empire des Habsbourg ? applicable au monde psy méconçu ? Quel est l’objectif des constructeurs de la tour ? s’agirait-il plutôt d’une tour intégrative approximative ? faut-il en matière multiréférentielle parler de quartier, de complexe d’édifices ? l’évitement par un recours aux quantas ne nous tirera pas d’affaire. Comment entreprendre de penser un univers psychothérapique sérieux que l’hétérogène ne ruine pas mais nourrit ? comment échapper à la désolante médiocrité de l’éclectisme ? comment penser notre diversité avec audace et élégance ?
Pascal Aubrit s’y attaque et le modèle de tours qu’il nous propose, clairement fondé sur la pensée de Jacques Ardoino, de Guy Berger, de Miguel Benasayag, et comme on dit de quelques autres (Max Pagès et Jean-Michel Fourcade se situent du côté de l’intégratif, un autre volet ; ils jouent dans la cour à côté, on ne va ni se disputer ni tout confondre — ne pas laisser tomber le M final de FFrAPIM), ma foi tient debout, et fait plaisir à considérer. Quelle satisfaction de se sentir en bonne compagnie à maintenir le dispositif intellectuel d’une formation, d’une réflexion et d’une pratique justes, prenant en compte notre psycho variété engagée en relation bien tenue.
Le thème de boîte à outil est du genre paresseux, intellectuellement irresponsable, procédant par insuffisance conceptuelle. Cet attrape tout — on ne saurait en l’occurrence parler de concept, consacre l’idée que par simple addition sans principe autre que celui de l’agrégat, d’une accumulation superficielle, on pourrait nonchalamment se constituer comme professionnel en faisant l’économie de penser une rigoureuse pratique du multiple et du complexe. Il manque à tout cela un geste inaugural à la Descartes décidant d’entreprendre de fonder l’édifice en raison, et, nous concernant, en raison psychopratique éclairée par une supervision à facettes solidement conduite.
Merci à Pascal Aubrit d’arriver avec un sain contre-plan à l’accumulation démoralisante du fourre-tout contemporain, bas de gamme qui peut convenir au développement personnel, certainement pas à nous. Enfin un peu d’air. Nous y reviendrons, mais d’ores et déjà saluons ce tonifiant article. Voyez plutôt :
Approche multiréférentielle en psychothérapie, le fantasme de la boîte à outils
"Il y a cinq ans lorsque j’ai commencé à publier sur ce blog, j’avais décidé d’écrire sur l’approche multiréférentielle en psychothérapie, ayant été formé au CIFPR, école qui place la multiréférentialité au centre de son cursus. Je l’avais même annoncé dans ce billet prometteur. Cinq ans plus tard, je ne me suis pas encore attelé à cette tâche, mais en relisant le dossier de parcours que j’ai présenté à la fin de mon cursus de formation, j’en ai tiré cet extrait qui m’a semblé pertinent pour aborder le sujet de la multiréférentialité.
Lorsqu’autour de moi on me demande en quoi consiste ma formation, et quel psy devient-on lorsqu’on fréquente une école interdisciplinaire éprise de multiréférentialité, j’ai d’ailleurs invariablement la désagréable sensation de me prendre les pieds dans le tapis.
Quand j’évoque un fertile entrecroisement des savoirs et des pratiques, mes interlocuteurs – fussent-ils du métier – me répondent aussitôt sur le versant des techniques, qu’il serait utile de posséder en quantité importante, tel un jeu de cartes bien fourni en atouts. Si je tente alors de recentrer le débat sur le parti pris épistémologique, à promouvoir le choix sur l’exhaustivité, la complexité sur l’addition, à évoquer l’émergence et l’auto-organisation, l’énaction au sens que lui donnait Francisco Varela[1], on me répond le plus souvent par un hochement de tête contrit et une moue dubitative.
J’en suis venu à douter fortement de ma capacité à partager l’enthousiasme auquel me convoque cette multiréférentialité chérie, et à rendre les armes, ce qui pour un escrimeur est un renoncement aussi douloureux qu’on peut se le figurer."
et donnez-m’en des nouvelles.