L’alternative à la psychanalyse est aussi modeste qu’elle apparemment. Eh bien restons modestes. Pas de quoi fanatiser la situation, la méthode miracle n’est pas disponible. 50 % – e taux de réussite qu’annoncent les chercheurs – c’est déjà ça, et ça n’est tout de même que la moitié. Il reste du jeu, et de la place pour les « autres » !
Chaque autre est criticable, les comportementalisme pour leur vieillerie (années 50-60) et leur idéologie mécaniste ignorant l’humanité des êtres humains, les psychanalystes pour leur dogmatisme impavide et leurs théories psychologisantes délavées sur les mères coupables et le père séparateur exprimées dans la langue des médecins de Molière. Le fanatisme mutuel n’arrangera rien.
Il serait raisonnable de faire feu de tout bois en la circonstance, chaque conviction méthodologique apportant sa contribution, car si l’éducation peut aider, même dure, allant jusqu’à la punition comme il est indiqué dans un autre texte (neuvième intertitre), l’accompagnement psychothérapique d’inspiration psychanalytique non dogmatique et psychocorporel (enveloppement humide) s’avère bien utile dans des affections où la violence sévit (qu’attestent les automutilations) et où le relationnel bien entendu si souvent prime.
Philippe Grauer
Marc Oeynhausen
Article publié le 11/04/2012
En mars 2012, la Haute autorité de Santé (HAS) rend public son rapport sur l’autisme et les autres troubles envahissants du développement (TED). Si ce document sonne comme un désaveu de la psychanalyse dans la prise en charge de l’autisme, parallèlement, les auteurs recommandent explicitement une prise en charge du trouble par des méthodes éducatives et comportementales, tels les programmes ABA et TEACCH. À l’appui de cette recommandation, la HAS dévoile un argumentaire scientifique détaillant dix années de recherches menées aux États-Unis et en Europe du Nord sur l’efficacité de ces programmes (1).
Souvent posées comme une alternative à la prise en charge psychanalytique de l’autisme, les méthodes éducatives et comportementales se scindent en deux approches : les méthodes à référence comportementale (de type ABA), et celles à référence développementale (de type TEACCH). Quelles sont leurs particularités ?
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Les travaux de Burrhus Frederic Skinner sur le conditionnement opérant en 1953 sont à l’origine des programmes comportementaux. Selon Skinner, un comportement donné est toujours influencé par la conséquence qui s’ensuit. Ainsi, un comportement qui aura pour conséquence un renforcement positif aura plus de chances d’être reproduit. À l’opposé, un comportement ignoré ou puni s’estompera peu à peu.
Dans les années 1960, le psychologue Ivar Lovaas crée aux États-Unis le premier programme comportemental s’appuyant sur la théorie du conditionnement opérant. Le programme Lovaas évoluera ensuite pour donner naissance à l’ABA (Applied behaviour analysis, littéralement analyse appliquée du comportement), aussi nommée IBI (Intensive Behavioral Intervention) ou EIBI (Early Intensive Behavioral Intervention) (2).
Le principe du modèle ABA consiste à favoriser l’apprentissage de comportements élémentaires (imitation, attention visuelle, langage), en utilisant des «renforçateurs», des récompenses auxquelles l’enfant est sensible (bonbons, jouets, activité favorite).
Les exercices sont réalisés sur le modèle suivant : instruction – réponse – conséquence. L’exercice est répété jusqu’à ce que l’enfant réponde par le comportement attendu. C’est cet aspect du programme qui peut donner l’impression d’un «conditionnement».
L’environnement d’apprentissage doit être protégé des perturbations extérieures (bruits, mouvements) pour aider l’enfant à fixer son attention sur les exercices. Lorsque l’enfant s’est approprié le comportement recherché, le thérapeute visera sa généralisation dans d’autres milieux (environnement familial, école). La HAS préconise d’intervenir le plus tôt possible, idéalement avant l’âge de 4 ans, au moment où les progrès observés sont les plus importants. Selon Scania de Schonen, directrice de recherche émérite au CNRS et co-auteure du rapport de la HAS, le programme ABA a évolué ces dernières années dans le sens d’une plus grande flexibilité, et s’inscrit aujourd’hui dans une perspective davantage développementale et interactionniste. Mais pour quelle efficacité ?
Des études récentes citées par la HAS ont conclu à une amélioration du comportement pour environ 50 % des enfants traités, sauf pour ce qui est des comportements adaptatifs (autonomie, propreté) où les progrès sont moins importants. «Même si les progrès en terme de communication permettent de diminuer les angoisses, ces enfants auront toujours une autonomie limitée et besoin d’un accompagnement spécifique», résume ainsi Scania de Schonen.
Le recours à l’ABA représente par ailleurs un coût financier important pour les parents, dû à l’intensité du programme et au caractère individuel de la prise en charge. Scania de Schonen évoque des pistes actuellement envisagées en vue de réduire ce coût : «La durée d’intervention, initialement de 40 heures par semaine, a été revue à la baisse pour passer à 25 heures par semaine, dont une partie pourrait être assurée par les parents, préalablement formés à cette technique. Par ailleurs, une partie de l’enseignement ABA pourrait se faire en petit groupe de 4 enfants maximum.»
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Les programmes développementaux TEACCH (Treatement and Education of Autistic and Related Communication Handicapped Children, littéralement programme pour le traitement et l’éducation d’enfants autistes ou avec handicap dans le domaine de la communication) et Denver (Early Start Denver Model) s’attachent davantage aux intérêts et motivations naturelles de l’enfant qu’à son seul comportement. Créé par le psychologue américain Eric Schopler et mis en œuvre pour la première fois en Caroline du Nord en 1972, TEACCH propose une prise en charge qui se veut au plus proche du fonctionnement des personnes autistes, adaptée à leur manière de penser et de traiter l’information. Le programme promeut l’autonomie de l’enfant en enseignant des routines et activités structurées, souvent à l’aide de matériel visuel (photos, images, objets concrets) (3). La communication, réceptive ou expressive, est au cœur des préoccupations. Contrairement aux programmes comportementaux, TEACCH peut être utilisé à tout âge et quel que soit le niveau intellectuel de la personne autiste.
Le Early Start Denver Model s’adresse plus particulièrement aux enfants de 2 ans à 6 ans. Ce modèle insiste sur l’importance des interactions sociales et émotionnelles, qu’il cherche à renforcer notamment via le jeu. Une étude américaine de 2010 a montré des améliorations en termes de comportements adaptatifs, de QI et de sévérité du diagnostic d’autisme pour les enfants ayant suivi ce programme (4). Il a aussi l’avantage d’être économique, «car il inclut davantage les parents, qui peuvent assumer 15 heures du programme à la maison, » note Scania de Schonen.
Les programmes développementaux ont fait l’objet de moins d’études scientifiques que les méthodes comportementales. Quatre recherches évaluant la méthode TEACCH (5) mentionnées par la HAS témoignent de progrès dans les domaines moteurs et cognitifs. Cependant, selon Scania de Schonen, «il n’y a pas suffisamment d’études correctes pour avancer des résultats chiffrés».
Si l’efficacité des méthodes globales pour certains enfants a été démontrée par la quasi-totalité des études, la généralisation des progrès et leur maintien dans le temps n’ont pas été prouvés à ce jour. Aussi, d’après la HAS, «l’absence d’un corps de connaissances suffisant empêche de comprendre si et comment ces interventions sont liées à des changements cliniques spécifiques» (6). L’heure est donc toujours à l’évaluation de ces programmes. «D’autres études sont en train d’être menées pour améliorer les programmes et mieux cerner le fonctionnement autiste, notamment en ce qui concerne les 50% d’enfants qui ne tirent pas profit des interventions proposées», conclut Scania de Schonen. En attendant, la HAS a proposé des recommandations de grade B pour les programmes ABA et de Denver («présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve»), et de grade C pour le programme TEACCH (« faible niveau de preuve »). Mais pas de grade A («preuve scientifique établie»).
NOTES
(1) HAS, ANESM, « Autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent », Argumentaire scientifique, mars 2012.
. (2) Pour des détails sur les travaux de Lovaas, voir l’article de Victoria Shea, « Revue commentée des articles consacrés à la méthode ABA (EIBI : Early Behaviour Intervention) de Lovaas, appliquée aux jeunes enfants avec autisme », La Psychiatrie de l’enfant, Vol. 52, 2009/1.
(3) Le PECS (Picture Exchange Communication System), méthode visant à favoriser l’apparition du langage à travers l’utilisation de représentations visuelles (cartes), peut être utilisé dans ce cadre.
(4) Geraldine Dawson et al., « Randomized, Controlled Trial of an Intervention for Toddlers With Autism : The Early Start Denver Model », Pediatrics, Vol, 125, n°1, janvier 2010.
(5) Panerai (2009), Tsang (2007), Mukaddes (2004), Probst (2008). (6) HAS, ANESM, op. cit., p.117.