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27 février 2020

Henri VERMOREL(Ed. Philippe Grauer)

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Élisabeth Roudinesco

Mots clés : Henri Ellenberger, psychanalyse américaine, analyse institutionnelle, Harold Searles, psychanalyse école anglaise, Fairbairn, Romain Rolland, romantisme allemand,

Disparition d’Henri Vermorel, 25 février 2020.

Bulletin de la SIHPP

27 février 2020

Chers amis

Nous venons d’apprendre la disparition de Henri Vermorel.

Vous trouverez ci-dessous l’article dans lequel Élisabeth Roudinesco lui rend hommage.

Bien à vous

HR

PS : ne ratez pas

l’interview de Henri Vermorel en cliquant ici 

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Henri Vermorel (1927-2020)

Né le 17 juillet 1927, membre de la Société psychanalytique de Paris (SPP) et fondateur du Cercle d’études psychanalytiques de Savoie (CEPS), éminent psychiatre et psychanalyste, médecin des hôpitaux, enseignant et universitaire, germaniste, Henri Vermorel est mort à Chambéry le 25 février 2020. Passionné d’histoire,  il avait participé à la fondation de la SIHPP et avait joué un rôle majeur avec Jacques Postel en 1974,  dans  la traduction et la première publication du grand livre de Henri Ellenberger, Histoire de la découverte de l’inconscient,  chez SIMEP, petit éditeur lyonnais. A cette époque, Ellenberger était méprisé par toute la communauté psychanalytique française, jugé jungien par les freudiens et freudien par les jungiens.

Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, avec sa femme Madeleine qui sera toujours à ses côtés, il travaille à l’hôpital de Lorquin puis de Bassens, participant ainsi à l’essor de la psychothérapie institutionnelle : « Parmi les activités proposées aux patients à cette époque, dit-il, il y avait le travail à la ferme, à la serre et à la terre. La plupart d’entre eux faisaient la cuisine et l’institution fonctionnait en autarcie. La Savoie était encore largement rurale.  Ce travail permettait notamment aux patients schizophrènes d’avoir une activité sociale et de reconstruire des liens qui avaient été détruits (…) À l’arrivée des traitements chimiques, nous les avons ajoutés aux autres approches thérapeutiques. »

Vermorel s’est toujours inspiré de l’expérience américaine de la Chesnut Lodge Clinic et de la tradition de Frieda Fromm-Reichmann et Harry Stack Sullivan, même s’il connaissait sur le bout des doigts toute la culture psychanalytique et psychiatrique de l’école anglaise et française.  Magnifiquement éclectique, il refusait les dogmatismes, à la manière d’Ellenberger, et avait beaucoup d’admiration pour Harold Searles  – célèbre auteur de L’effort pour rendre l’autre fou (Gallimard 1977) – dont il connaissait les thèses et l’expérience à travers son ami Michael Woodbury. C’est dire à quel point il refusait le chauvinisme des psychanalystes français qui méconnaissaient l’école américaine.

Vermorel était aussi un érudit et un savant, grand connaisseur de l’œuvre de Freud. On lui doit la première publication en français de la correspondance entre Freud et Romain Rolland (rééditée en 2018 chez Albin Michel) et dédiée à sa chère Madeleine, germaniste elle aussi. Il en avait eu connaissance  par la thèse de médecine de Colette Cornubert (1966), première source sur cette question, utilisée par tous les historiens.

Il défendait l’idée, et dans la droite ligne de Thomas Mann, que Freud était un héritier du romantisme allemand et de la Naturphilosophie de Goethe et de Schiller, et qu’il n’était pas simplement un rationaliste : « Freud descend directement de la philosophie idéaliste allemande mais, à travers un retournement, parce qu’après Schelling et Müller il y a eu une réaction matérialiste. Cependant, dans cette réaction matérialiste, Freud a gardé des éléments romantiques. Par exemple, le concept de force, « Kraft », c’est une conception qui n’est pas seulement physique, c’est une dynamique qui se rapproche de la psychanalyse. Quand il crée la psychanalyse, Freud reprend les romantiques. Dans  L’interprétation du rêve, par exemple, toute la première partie se réfère aux auteurs qu’il a étudiés, les médecins, les littérateurs, les philosophes romantiques. On ne peut pas comprendre ce qui est valable dans la psychanalyse sans comprendre ce qui vient du romantisme qui s’était opposé aux excès rationalistes. Aux yeux des romantiques, le rationalisme est desséchant. Donc, il faut conserver l’affect, la religion. On retrouve cela dans la discussion entre Freud et Romain Rolland sur l’illusion. »

Vermorel est l’auteur de plusieurs autres ouvrages sur Fairbairn et Winnicott, sur la judéité de Freud, sur l’histoire de la pratique psychiatrique et psychanalytique. Il a publié de nombreux article dans la Revue internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse, fondée par Alain de Mijolla.

Je n’oublierai pas l’accueil chaleureux qu’il m’avait réservé, en 2016, lui, Alain Ferrant et tous les membres du CEPS, lors de la publication de ma biographie de Freud dont il partageait l’orientation.

Élisabeth Roudinesco

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Petite bibliographie

Henri Vermorel : Sigmund Freud et Romain Rolland, Correspondance 1923-1936 (rééd. Albin Michel 2018)

Madeleine  Vermorel, Anne Clancier  Henri Vermorel :  Freud, Judeité, lumières et romantisme (Delachaux et Niestlé 1995)

Madeleine et Henri Vermorel De la psychiatrie à la psychanalyse: Cinquante ans de pratique et de recherches (L’Harmattan 2013)

On trouvera une longue et passionnante interview de Henri Vermorel ici 

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