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7 novembre 2013

éthique & psychothérapie : de la psychopathologie à l’autoproclamation par Philippe Grauer

Philippe Grosbois nous fait l’amitié de nous permettre d’éditer sur notre site son excellent article intitulé Éthique et psychothérapie : principe de parité versus principe de compétence. Nous venons de l’installer et préparons un commentaire car les questions que soulève l’auteur sont de nature à éclairer la réflexion au sein du carré psy et dans le public, concerné au premier chef puisqu’il s’agit si l’on suit bien l’auteur en quelque sorte d’une imposture universitaire et d’État dont il se trouve, le public, le premier à pâtir.

Les quelques §§ qui suivent ne constituent qu’une amorce pour laquelle nous sollicitons l’indulgence de nos lecteurs. Commencez déjà par prendre connaissance de l’article lui-même ! Nous vous promettons d’y revenir.


par Philippe Grauer

éthique & psychothérapie : de la psychopathologie à l’autoproclamation

À propos d’un récent article de Philippe Grosbois à consulter absolument en cliquant sur l’hyperlien ci-contre.

par Philippe Grauer

trompe-l’œil

Psychopathologie, dénominateur commun, prérequis à une formation psychothérapique ultérieure qui ne vit jamais le jour, dénonce Philippe Grosbois. On peut considérer que ce trompe-l’œil nullement indéchiffrable affichait dans sa fausse perspective dès sa création la politique des psychologues français. N’oublions pas que ce qui constitua durant près d’un demi siècle l’essentiel de l’enseignement (nous ne parlons ni de formation ni de transmission) de la psychothérapie [question de la définition du terme] aux psychologues en France s’effectua par l’intermédiaire des représentants de la psychanalyse universitaire ayant pris pied en psychologie (et en psychiatrie à partir du nouvel élan que représenta le lacanisme) au cours des décennies 50-60.

sous-traitance boiteuse

Étrange sous-traitance. Les maîtres psychologues-psychanalystes rappelaient sans cesse à leurs étudiants en psychologie que la psychanalyse demeurait la véritable référence, la « discipline reine », la psychologie représentant bien peu de chose en vérité sur l’échelle des valeurs cliniques. Bien entendu passer soi-même par la psychanalyse était facultatif (d’où les incitations de type aristocratique), la formule devant être bâtarde dans le cadre d’une université du type de la nôtre. Le grand événement existentiel étant le stage en hôpital où l’on était soudain confronté au monde de la folie, souvent encadré par la médecine locale, elle-même ne l’oublions pas non formée à la psychothérapie, du à la va comme je te pousse. Méchant système boiteux soutenu par pas mal d’arrogance et une dose non négligeable de corportatisme. C’était le temps du mépris qu’évoque souvent Michael Randolph.

enfin débarrassée

Dès que la psychologie comme discipline eût récupéré sa souveraineté scientifique et idéologique, réintégré son identité de psychologie scientifique détachée de toute « philosophie » (phénoménologie et psychanalyse), résolument réorientée vers une psychiatrie ayant clos son épisode psychanalytisant et recentrée sur l’organicisme, il n’était plus question pour elle de concevoir un enseignement de la psychothérapie autrement que sur le mode « scientifique » : neurologique, comportementaliste, ancillaire à la médicalisation de l’existence.

psychopathologie et surtout rien de plus

Pour cela, aucun besoin d’une psychothérapie fondée sur le ressort méthodologique de la relation et d’une intersubjectivité engagée, à dimension philosophique de surcroît, fondée sur une réflexion anthropologique, requérant un type de transmission inconcevable dans les conditions universitaires actuelles. Le plus petit commun multiple représentant la formation à la psychothérapie s’avéra être la psychopathologie et surtout rien de plus. Cela autorisait un accord momentané entre puissances universitaires, les psychanalystes du SIUEERPP récupérant le minimum psychanalytique syndical grâce aux postes encore détenus dans ce secteur.

émancipation épistémologique et méthodologique

Philippe Grosbois se scandalise après coup d’une situation qu’il a le privilège d’analyser de l’intérieur. Précieux témoignage, analyse impitoyable. Cette situation c’est celle que les-psychothérapeutes ont analysée et entrepris de modifier par tout un travail d’émancipation épistémologique et méthodologique, entrepris en France par les deux syndicats historiques, en particulier au plan idéologique par le SNPPsy, travail recoupé par la déclaration de Strasbourg, à laquelle succéda l’institution des deux fédérations. Cette déclaration d’indépendance de la psychothérapie en 1990 changea la donne. Il s’agissait de définir, précisément… la psychothérapie.

mais qu’est-ce que la psychothérapie ?

En quoi consiste-t-elle ? où s’enseigne-t-elle comment se transmet-elle ? à l’instar de la Trinité chère aux grecs, consiste-t-elle, si jamais elle consiste, en une(1) ou en plusieurs « personnes épistémiques » ?

Quelle saine prudence de ne pas l’avoir définie ! le législateur soucieux de la séparation des pouvoirs pour ne pas dire des savoirs n’avait pas défini non plus la psychologie en 1985. Il ne relève évidemment pas des attributions de l’Assemblée nationale de définir une discipline, elle s’est déjà compromise dans des prises de positions délicates relatives à l’Histoire, avec le colonialisme puis le génocide arménien, laissons la responsabilité du savoir à l’Université.

Pour la définir de façon suffisamment lâche pour qu’elle convienne à l’ensemble de ses modes et variantes allant du plus médicalisé au non médical, il faudrait la décrire en termes de recours par une personne en souffrance psychique auprès d’un praticien professionnel qui l’écoute et lui propose un cadre, un espace de soin (thérapie = cure, mais soin n’est pas souci, ça se complique rapidement) par la parole [protocolisé en thérapie brève comportementaliste ou pas du tout] accompagné ou non de prescriptions. En France c’est à Hippolyte Bernheim chef de file de l’École de Nancy, médecin des pauvres, auteur en 1891 d’un ouvrage intitulé Hypnotisme, suggestion, psychothérapie que nous devons le premier emploi du terme.

déclinaison de la psychothérapie

On peut répartir la psychothérapie entre quatre champs disciplinaires qui la déclinent différemment. Ces champs se nomment, par ordre d’entrée en scène historique la psychiatrie, la psychologie, la… psychothérapie, la psychanalyse (2). Une distribution cardinale dans le cadre du concept de carré psy permet toutes sortes de combinaisons et assemblages, plus ou moins légitimes cela peut s’examiner – précisément à partir du moment où l’on procède d’un principe classificateur et organisateur.

Le carré psy est régi par le couple disciplinaire psychiatrie-psychologie. La psychanalyse, discipline extra universitaire – il peut exister des disciplines hors les murs universitaires, intéressante curiosité, se souvenir de Eitingon à Berlin –, dispose d’une métapsychologie rien que pour elle. La psychothérapie relationnelle issue de la psychologie humaniste américaine comporte un petit nombre d’Écoles, disons méthodes, réparties selon une dizaine de domaines.

psychanalyse et psychothérapie relationnelle

Ces deux dernières disciplines non universitaires ont connu des destins différents. La psychanalyse constitue l’une des doctrines majeures ayant influencé les sciences humaines au XXème siècle. À tel point que la psychothérapie relationnelle qui par ailleurs lui doit beaucoup dut attendre pour se déployer que cette dernière institutionnellement décline, progressivement éliminée des territoires de la psychiatrie et de la psychologie au sein desquelles elle s’était installée en hôte influent en Occident à l’issue de la seconde guerre mondiale. Psychanalyse et psychothérapie relationnelle partagent le principe de la dynamique de subjectivation et de la relation (le transfert en constituant une variété) comme moteur de la démarche. Elles partagent également le fait de se transmettre et superviser de façon extra académique.

Ainsi donc cette loi fonctionna en marché de dupes, s’agissant officiellement de dépouiller les psychothérapeutes d’alors de leur nom de métier pour en faire un titre paramédicalisé sans bien entendu s’occuper davantage d’une psychothérapie que Philippe Grosbois conçoit sur le modèle psychanalytique alors que pour ses pairs le mode DSM suffit largement, enseigné et non transmis, académique pour tout dire. Les psychologues-psychanalystes manœuvrés ont perdu la partie jouée contre eux alors qu’ils se l’imaginaient montée contre nous. Il est temps de s’en rendre compte. Facts are friendly disait Rogers. Les reconnaître en tout cas est bien utile. Lisez dans le détail le beau travail auquel s’est livré notre collègue. l’Histoire ne s’arrête pas à l’issue d’une bataille. Nous nous sommes bien battus, le reste reste à accomplir.