RechercherRecherche AgendaAgenda

Actualités

Revenir

12 août 2011

Mais c’est un homme ! Ghislaine Rivet, précédé de Psychiatrique mais sans la trique par Philippe Grauer

Psychiatrique mais sans la trique

Par Philippe Grauer

L’affaire de la réforme des soins sans consentement, qui peut livrer n’importe qui pieds et poings liés au complexe juridico administrativo psychiatrique pas forcément toujours prêt à lâcher ses proies si facilement, confère soudain à la pseudo racine -trique postponée à psychia- une valeur plus inquiétante que celle d’un méchant jeu de mots.

La citoyenneté est en danger, c’est à l’honneur des premiers protestataires de manifester publiquement que cette loi dingue cloche. Les fous n’ont pas besoin d’une loi folle elle-même pour se tirer d’affaire mais de soins humains très humains. La santé mentale constitue un dispositif inquiétant. C’est en son nom que la loi HPST (La loi du 24 juin 2009 « Hôpital, patients, santé et territoires » ) comporte l’article 91 édictant la loi Accoyer(1) nous privant de notre légitime titre de psychothérapeutes alors qu’il existait des solutions. C’est toujours en son nom qu’on assiste à la mise en liquidation d’une psychiatrie digne de ce nom.

Certains psychiatres, après nous avoir bien oubliés tant qu’il s’agissait de médicaliser le secteur psy et de s’efforcer d’éliminer tout ce qui ne semblait pas pouvoir se prêter à l’opération, se sont mobilisés une fois leur première boulette faite. Ce fut l’Appel des 39. Il n’est jamais trop tard pour bien faire (ni pour reconnaître ses erreurs mais n’en demandons pas trop), et nous appuyons le mouvement citoyen qui s’amorce avec Mais c’est un Homme, afin de donner davantage d’ampleur politique au mouvement qu’ils ont impulsé.

Nous le répétons, le Carré psy, structure solidaire, tout ce qui le tiraille d’un côté ne peut que retentir de tous les autres, dont le nôtre. Prenez connaissance de ce mouvement qui s’amplifie, et ne vous gênez pas de l’appuyer, si le cœur – et la raison ! – vous en disent.


Les intertitres sont de notre Rédaction.


Ghislaine Rivet, précédé de Psychiatrique mais sans la trique par Philippe Grauer

ouvert à la signature

La loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge est entrée en vigueur le 1er août 2011.

Cette loi complexe impose la contrainte à tous, aux acteurs de santé comme aux patients. Le manque de moyen humain ou matériel, ajoute encore un peu plus d’incohérence à ce texte.

Face à l’ampleur de cette déconstruction du soin et de l’éthique, et afin de dénoncer cette loi et ses insoutenables déclinaisons, la Ligue des droits de l’Homme vous invite à signer la « Déclaration du 1er août – Citoyenneté, liberté, psychiatrie » lancée par le Collectif Mais c’est un Homme. Ce, afin que l’ensemble des professionnels sanitaires, sociaux ou judiciaires puissent promouvoir la dignité humaine au travers de chacune de leur action.

Vous trouverez ci-dessous la « Déclaration du 1er août 2011 – Citoyenneté, liberté, psychiatrie » avec la liste des premiers signataires. Cette déclaration est ouvert à la signature sur le site Mais c’est un Homme

Bien cordialement

Ghislaine Rivet – Membre du Bureau national de la LDH et responsable du groupe de travail LDH Santé, bioéthique


Déclaration du 1er août 2011

Citoyenneté, liberté, psychiatrie – déclaration d’entrée en résistance

La loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge et ses décrets d’application entrent en vigueur. Le mouvement fort de lutte contre cette loi peut et doit se poursuivre après sa promulgation.

Cette loi, dans la même veine que celles sur les étrangers, l’immigration, la récidive, la rétention de sûreté, la justice des mineurs, la sécurité intérieure, etc., participe des atteintes considérables portées aux libertés et aux droits sociaux. Elle organise la surveillance sociale des vulnérables et précaires stigmatisés en « classes dangereuses ». À l’exemple du fichage généralisé de tout fauteur de trouble et mauvais élève potentiel, elle ouvre même un casier psychiatrique des malades mentaux, sans véritable droit à l’oubli.

Cette loi est fondamentalement inacceptable car elle impose la contrainte et le contrôle social comme organisation du soin en psychiatrie, de l’hôpital au domicile, sous la nouvelle appellation aberrante de soins sans consentement. La position soignante dans sa qualité relationnelle y est dégradée en expertise de dangerosité, ce qui aggrave la situation actuelle faite de souffrance psychique et de désillusions dans de nombreuses équipes, avec pour résultat d’amplifier les errements de sens du soin à domicile.

L’« entrée » en observation et soin se fera désormais par une garde à vue psychiatrique de 72 heures, sans même les garanties arrachées récemment dans le cas de la garde à vue policière.

La psychiatrie contemporaine a remis en cause significativement le grand renfermement. Les luttes organisées par les professionnels, les usagers, les militants des droits de l’homme ont obtenu le développement des droits et mis en cause la légitimité de l’enfermement et du statut d’exception du « fou ».

Nous n’acceptons pas que la psychiatrie et la santé mentale soient embrigadées comme faisant partie des polices de la société. Nous récusons la politique de la peur.

un véritable soin psychique ne peut se concevoir sans le consentement

Faisant fi de tout débat sur l’obligation de soin et le droit au refus de traitement, le pouvoir impose des dits soins sans consentement jusqu’au domicile : assignation à résidence, programme de soins imposé et appelé à fonctionner sur le mode du chantage ou du marchandage, traitements médicamenteux contraints y compris à domicile, géo localisation, etc. Nous dénonçons l’hypocrisie du législateur et la duperie de la loi : un véritable soin psychique ne peut se concevoir sans le consentement.

orientation répulsive

À cette orientation répulsive donnée au soin psychiatrique s’adjoignent les effets et conséquences de la logique entrepreneuriale à l’œuvre à l’hôpital et dans le système de santé en général ; plus généralement de la casse du service public. Nous refusons le type de moyens supplémentaires attribués après le discours d’Antony de décembre 2008 pour « sécuriser ». Nous – usagers, familles, soignants, travailleurs sociaux, magistrats, élus, citoyens – exigeons une orientation et des moyens qui relancent la psychiatrie de secteur, assurent et pérennisent les pratiques fondées sur l’éthique de la complexité, du prendre soin, de l’accueil, de l’hospitalité, du rôle des tiers sociaux et familiaux, de l’accompagnement, d’une réelle réhabilitation, et du droit.

pour un débat national

Pour en former contours et contenus, nous sommes favorables à un débat national dont l’objet soit :

– l’abrogation de la loi du 27 juin 1990 et celle du 5 juillet 2011. l’abrogation de la loi du 27 juin 1990 et celle du 5 juillet 2011. La nécessité d’une loi qui en finisse avec l’exception psychiatrique et qui relève du soin psychique bien conçu articulé au droit commun : c’est-à-dire de l’autorisation et du contrôle du juge civil.

– la mise en chantier d’une loi programmatique pour une psychiatrie démocratique dont l’objet et l’éthique sont proposés dans notre manifeste initial, qui soit à l’opposé des gouvernances de mise au pas gestionnaire dont sont représentatifs les plans de santé mentale actuels et annoncés.

refus d’une application servile de la loi

Il nous faut débattre, mais il nous faut également agir. Nous ne devons respecter les lois que si elles mêmes respectent le droit, en l’occurrence les libertés individuelles et l’intimité de la vie privée. La loi, qui dans la tradition est libératrice, est désormais un instrument du contrôle social. Elle formate, arrêtés et certificats à l’appui. La tradition de désobéissance civile, c’est depuis 1789 de s’opposer aux lois, mais c’est aussi désormais de combattre la loi par le droit. L’application servile de la loi ne créerait pas seulement l’injustice ou l’aberration psychiatrique ; elle créerait l’illégalité. La loi est celle d’une majorité conjoncturelle, mais le droit, construit dans le temps, est l’œuvre de tous. Où allons nous ? Vers ce qui n’est pas écrit, et seule la radicalité de l’analyse permet de s’extirper des modèles bien-pensants, déjà prêts à nous ensevelir.

plan d’action et de résistance éthique

Dans l’immédiat et à cette date du Premier août qui marque l’entrée en vigueur de la loi, nous proposons un plan d’action et de résistance éthique :

– le refus des psychiatres et des soignants, dans la mesure du possible, de mettre en place des mesures de contrainte. Et notamment, le refus des collectifs soignants de tout programme de « soin contraints » à domicile contraires à la déontologie et aux droits fondamentaux. De même, il faut opposer un refus de tout avis médical sans avoir pu examiner le patient.

– la saisie systématique du juge des libertés et de la détention, le patient devant être entendu hors visioconférence.

– Développer l’information, notamment lors des 72 heures, afin que les personnes ne tombent pas dans la trappe psychiatrique que cette loi organise, mais accèdent aux soins psychiques auxquelles elles ont droit.

– Le soutien des recours et défenses des patients soumis à ces « soins sans consentement », y compris les QPC qui ne manqueront de survenir. La création d’un collectif d’avocats et juristes sera essentielle en ce sens.

– La construction d’un observatoire national de suivi de l’application de cette loi qui assure le recueil de données, l’alerte aux droits des personnes soumises aux « soins sans consentement », qui rapporte au législateur, au contrôleur des libertés et des lieux de détention, à la commission nationale consultative des droits de l’homme et au public les atteintes aux droits de l’homme et à l’éthique du soin psychique.

Nous sommes et demeurerons mobilisés pour concrétiser une œuvre de démocratie et de professionnalité.


organisations signataires membres du collectif Mais c’est un Homme

Advocacy France, Les Alternatifs, Alternative Libertaire, Association des Médecins Urgentistes de France (AMUF), ATTAC, Cercle de Réflexion et de proposition d’actions sur la Psychiatrie (CRPA), La coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics, Europe Écologie Les Verts, Fédération Alternative Sociale et Écologique (FASE), Handi-Social, Ligue des droits de l’Homme, Nouveau Parti Anticapitaliste, Parti Communiste Français, Parti de Gauche, République et Socialisme, Solidaires, SUD santé sociaux, SNPES PJJ/FSU, Syndicat de la Magistrature, Union Syndicale de la Psychiatrie