Par Philippe Grauer
[18 janvier 2012]
Il faut en finir avec les haro sur Untel ! réservés pas à n’importe quel Untel. En l’occurrence à une intellectuelle de valeur (les sociologues considèrent que dans certains cas la valeur serait directement proportionnelle à la quantité d’insultes récoltées) qu’un mouvement psychanalytique embarqué dans le sectarisme a pris le méchant parti de vouer aux gémonies. La virulence des dirigeants de la Cause, le parti des ayants droits de Lacan, est insensée. La famille est bien organisée : le feu a été ouvert par Jacques Alain Miller, notre ancien camarade en état maniaque qui a glapi partout en insultant le Seuil, son PDG et Roudinesco la démone, avant de retomber dans un mutisme absolu. Puis son fils, Luc Miller s’est répandu en délations et interventions dévastatrices sur le wikipédia de l’historienne. Enfin, Judith Miller qui va de procès en procès : un coup les historiens, un autre l’autisme où l’on traite les mères de crocodiles dans un film de Sophie Robert (quelle honte). Tout cela ne donne pas une très belle image de la psychanalyse. Tout cela pourrit l’ambiance dans l’univers de la psychanalyse et de la psychothérapie relationnelle
La trahison des clercs se joue de nos jours sur une autre scène, et ceux qui restent fidèles au poste il importe de ne pas les oublier, ils sont là ils font leur travail et avancer la recherche, ils publient régulièrement des ouvrages intéressants, ils prennent position pour les valeurs indépendamment de la mode, ils restent fermes sur l’humanisme
Ils ne démordent pas de leur objet, et si c’est la psychanalyse, aujourd’hui décriée après avoir été idolâtrée à la période précédente, ils tiennent bon, restent mesurés et dignes. Je viens de décrire une catégorie à laquelle appartient Élisabeth Roudinesco.
Qu’un jugement qualifie de diffamatrice une phrase dont le subjonctif ne prête même pas à caution, située dans un excellent ouvrage, que tout le monde salue, ne doit pas aveugler « l’opinion éclairée ». Lisez Lacan envers et contre tout, protégez Delion qu’on tente de disqualifier parce qu’il applique une méthode psychocorporelle tout à fait intéressante dans certains cas d’autisme, restez fermes sur vos principes et continuez d’user de votre jugement pour évaluer choses et gens, restez humanistes et le monde n’en tournera qu’un peu plus rond.
Par Denis Reserbat Plantey
sur le blog de Pascale Robert Diard
Ce qui me sidère est la virulence, la violence brute qui anime certains commentaires, contre Élisabeth Roudinesco si souvent ou bien dans d’autres « débats » que les tenants d’une ou d’une autre école échangent. Je travaille en psychiatrie depuis plus de trente ans, et la psychanalyse est en train de finir et de disparaître des discours, des références et des pratiques, sous l’effet conjugué des modes, des laboratoires et des partisans d’une rationalité apparente qui serait évidente : un trouble, une molécule…
Élisabeth Roudinesco a toujours permis, au travers de ses livres et de ses films, à des générations de jeunes professionnels de penser librement, de découvrir des enjeux au sein de l’histoire de la pensée autour du psychisme, de la folie etc. Pour certains elle l’a fait avec des erreurs, pour d’autres avec malice, pour d’autres avec rigueur. Qu’importe après tout. ce que j’aime chez elle est sa ténacité, sa capacité à relativiser les choses, et y compris son propre discours, sa capacité à faire vivre autrement que dans l’insulte et la dépréciation les points de vue. Elle est au niveau mondial, n’en déplaise à certains, une référence.
Je ne l’ai jamais sentie dans la haine, dans ces fureurs malsaines que je lis ici ou là. Je n’ai jamais pris comme évangile ses propos, ses avis et je n’ai jamais confondu son élocution assurée avec des sentences dogmatiques. Sa rigueur est aussi dans le ton de sa voix.
Et je la remercie pour sa capacité à réconcilier les jeunes professionnels de la santé mentale avec l’histoire de la pensée, de la psychanalyse en général, avec ces débats complexes et parfois peu établis.
Je n’aime pas les statues et je ne cotiserai pas pour qu’elle lui soit érigée. Mais du fond du cœur, merci en tous les cas pour ce que vous avez fait, dit, écrit et que vous continuez à défendre.
Les persiflages et les attaques genre tracts et journaux des Croix de feu d’avant guerre, il faut les laisser simplement d’où ils viennent, de pas bien haut.
Alors un jugement de tribunal, la considération d’un propos, sa qualification juridique, etc. ne constituent jamais une appréciation de fond mais une considération circonstanciée, au final assez subjective.
Que l’on puisse envisager le revirement de l’avis d’un homme à la fin de sa vie, en matière de croyance, est-ce plus insultant et diffamatoire que de prétendre, lorsqu’on est son héritier, héritier de sa « marque », défendre sa mémoire.
Ne salit-on pas Lacan et « sa liberté » en se livrant à ce type de « défense » ?
Après tout je m’en fiche un peu, quand Élisabeth Roudinesco parle dans le poste, j’écoute et je me sens plus intelligent. Alors je continuerai, n’en déplaise aux fâcheux !