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22 octobre 2014

DANIEL RAMIREZ : éthiques de l’environnement. Penser le défi écologique de notre époque par Daniel Ramirez

Chers ami(e)s,

Depuis la fin de ma thèse en 2011, je me consacre à des champs nouveaux de questionnement philosophique, et parmi eux, l’écologie, une éthique pour habiter la Terre. C’est une préoccupation que beaucoup d’entre nous partageons, mais étrangement, ni nos comportements de tous les jours en tant qu’individus, ni nos contrats sociaux/politiques en tant que communautés humaines, ne changent fondamentalement. Nous savons pourtant que cela serait crucial. Á mon avis, c’est – en partie – faute d’une pensée générale, compréhensible pour notre intellect et intégrable pour notre sensibilité. Beaucoup d’idées éparses et un flot d’informations, parfois catastrophistes (ce qui a un effet anesthésiant) ne font pas une pensée, ni une éthique (éthos : mode de vie). Cela explique aussi en partie l’échec persistant de l’écologie politique. C’est pourquoi je tente d’apporter ma goutte d’eau (selon la métaphore du colibri), dans la pensée philosophique.

éthique de la terre

Dans cette deuxième conférence dédiée à l’éthique de la Terre (c’est l’expression que je préfère), mon but sera de vous apporter un maximum de clarté sur cette dimension de la vie qui a vocation à devenir centrale, et de vous proposer quelques outils pour vaincre les résistances que nos anciennes façons de penser ne cessent de lui opposer. Je crois que l’ouverture vers une vision et une pratique de l’avenir, joyeuse et passionnante, est à notre portée, pourvu que nous apprenions à la penser.

C’est pourquoi je serai particulièrement heureux de vous voir à cette occasion.

Daniel Ramirez

CONFÉRENCE-DÉBAT

Les éthiques de l’environnement. Penser le défi écologique de notre époque.

par Daniel Ramirez
philosophe, docteur en éthique et en philosophie politique de l’Université Paris-Sorbonne

Le mardi 4 novembre à 19:00

Mairie du 10e arrondissement de PARIS – Salle des fêtes.
72 rue du Faubourg Saint Martin Paris, 10e (M° Château d’eau).

Entrée libre.

relation et respect

par Philippe Grauer

La psychothérapie et l’écologie ont partie liée. Elles parlent toutes deux du respect, c’est-à-dire de la distance juste. Elles parlent du sujet. Du sujet humain. & maintenant du sujet animal. Élémentaire, si l’on a décidé d’avoir pour ami un animal, cela veut dire que la philia s’étend aux autres êtres de ce monde. Non seulement ceux que nous avons domestiqués, assimilés à notre univers, mais ceux auprès de qui nous allons, respectueusement, pour apprendre d’eux (et pas seulement les « étudier » comme des objets), ceux vers qui nous allons pour le bonheur et le profond intérêt de la relation.

colocataires

Bref, nous voici engagés dans notre relation aux êtres de notre planète commune, et la relation, notre psychothérapie relationnelle a quelque chose à en dire. La logique étroitement économiste du productivisme (capitaliste ou autre) met en place le triomphe du mode opératoire qui depuis les abattoirs a permis d’imaginer les camps. Il y a lieu d’y réintroduire la morale. Après tout nous sommes nous aussi une espèce. Langagière cela fait la différence. Est-ce que cela légitimise la barbarie appliquée à la nature ? il y a bien des manières de différer, dont certaines plus humaines, plus attentives, que d’autres. Pourrions-nous aller jusqu’au concept de droits de l’animal ? ce qui conduit logiquement au respect de son milieu naturel d’évolution. La relation, si l’on y songe, ça va chercher loin, l’autre, sans le respect duquel je cours à ma perte, en ravageant l’échosystème dont je procède. Transporter les villes à la campagne relève du jeu de massacre. Ne nous comportons pas en exterminateurs. Inventeurs du droit, ayons la sagesse de nous en appliquer la logique à titre de colocataires.

les vies

Buber distinguait Je & Tu, de Cela, l’objet. Il faut réanimer sa classification pour inclure le vivant, les vies, comme on dit en hébreux, dans le circuit des entités partenaires de l’équilibre au sein de notre planète, assez heureuse pour avoir engendré la vie, jusqu’à la conscience, jusqu’à nous, maintenant responsables et solidaires – comme dans les civilisations premières(1) mais sur notre mode désenchanté, ce qui ne veut pas dire cynique –, cela peut nous grandir.

élargir l’éthique

Daniel Ramirez nous rappelle que l’éthique tout court se révèle être une éthique trop courte.


par Daniel Ramirez

Les éthiques de l’environnement. Penser le défi écologique de notre époque.

par Daniel Ramirez

un devoir moral du citoyen du monde d’aujourd’hui

L’écologie est dans tous les discours. Chacun sait que les questions environnementales sont des enjeux fondamentaux, pour la politique, l’économie, la santé, l’avenir des sociétés humaines. Mais on ne pense pas assez que c’est aussi un enjeu éthique et philosophique, peut-être le plus important de tous. La philosophie a pensé la nature, le monde, l’homme, la technique. Mais aujourd’hui elle doit repenser de fond en comble ces rapports. Cette pensée a une histoire et une actualité. Aborder la question de l’écologie est un passionnant défi intellectuel mais aussi un devoir moral du citoyen du monde d’aujourd’hui.

[Image : Sans titre]

éthique au pluriel ?

L’écologie est d’abord une science, l’étude des interactions et interdépendances des systèmes vivants. Elle a conduit au constat et aux prises de conscience des différentes crises environnementales, certaines dues à l’action de l’homme : la dégradation des écosystèmes, la contamination des milieux, la perte de biodiversité, les changements climatiques, avec leur cohorte de menaces. Cela a donné lieu à l’éthique de l’environnement, qui, malgré les durables résistances, est une réalité dans la pensée actuelle ; même si certains, avec diverses raisons d’ailleurs, contestent l’intitulé, lui préférant « éthique de la Terre » (J. Baird Callicott) , « écologie profonde » (Arne Næss), « éthique du futur » (Hans Jonas) ou « éthique de l’écoumène » (A. Berque). Nous reviendrons sur ces terminologies.

Que pouvons-nous nous permettre de faire dans notre rapport au monde matériel et vivant qui nous entoure ?

Si l’éthique en générale est l’ensemble d’idées et questions sur l’agir humain, et principalement sur l’action envers autrui par rapport à des valeurs et des normes, selon nos intuitions, pensées et sentiments au sujet du bien, du mal, du juste ou du préférable, du bien-fondé ou du faussé de nos actions ; alors chacun de ces questionnements peut être référé aux conséquences pour l’environnement de nos choix. La question kantienne de la morale : « que devons-nous faire ? » devient ainsi : « Que pouvons-nous nous permettre de faire dans notre rapport au monde matériel et vivant qui nous entoure ? ». Et il se trouve, – nous prenons de mieux en mieux conscience – que ce que nous faisons à notre milieu vital, nous nous le faisons nous-mêmes et nous l’infligeons aux générations futures.

Il s’agit donc de l’inclusion des conséquences environnementales de nos actes, et au premier lieu notre action technique, industrielle, agricole, urbanistique et économique. Autant dire, c’est tout notre mode de vie qui se voit questionné par cette nouvelle dimension de la pensée.

les seuls à avoir des droits ?

L’éthique de l’environnement peut être vue sous deux angles : comme une extension du domaine de questionnements de l’éthique tout court. Ou alors comme une remise en question de l’ensemble de notre façon de vivre, dans la mesure où en grande partie elle s’était centrée historiquement sur le sujet humain comme seul pouvant faire l’objet de considération morale. Nous pouvons ainsi opter pour un accroissement de notre attention aux conséquences environnementales de nos actes (c’est, par exemple ce que nous faisons quand nous ajoutons l’information sur « l’empreinte charbon » d’un voyage ou d’un artefact), pour diminuer les nuisances pour la vie humaine, qui en dernier terme garde son statut de seul lieux des valeurs, les êtres humains étant les seuls à avoir des droits.

notre devoir de protéger et d’épargner les espèces et les individus vivants

Nous pouvons aussi remettre à plat cette ontologie encore anthropocentrée [C’est nous qui soulignons] et dire que certaines réalités non humaines ont une valeur en elles-mêmes, que la disparition due à notre action d’espèces entières est une perte majeure, non pas seulement parce que « cela va nous tomber dessus », mais parce que c’est notre devoir de protéger et d’épargner les espèces et les individus vivants, non seulement humains. On dira alors que ces êtres ont, non seulement une valeur d’utilité pour nous (alimentaire, économique, etc.) mais aussi une « valeur intrinsèque. »