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22 juin 2007

Europsy-neuropsy Par Marie-Hélène Bigot

Épistémès quand vous nous tenez !

Par Philippe Grauer

L’Europe dit que …. Depuis vingt ans les directives européennes se succèdent en matière de professions du psychisme et les États continuent de légiférer diversement. Le maillage européen ne saurait contraindre en la matière et la politique de la psychothérapie au sens générique du terme continuera sans nul doute dans notre pays de se déterminer dans le cadre national.

Cela dit ce document nous procure un moment de pur bonheur administratif, déployant sous nos yeux une logique de fonctionnaire, comptable sur les bords, donnant dans l’idéologie de la fausse mesure — de l’anti-mesure devrait-on dire, sous le vocable d’évaluation, air québécois bien connu. Le Québec nous a habitués par le passé à une poésie chantée d’une tout autre valeur.

Le scientisme pousse jusqu’à accorder 100 heures de formation là où il en faut au minimum 1500 plus les primes (la longue démarche personnelle) pour former un « psychothérapeute », la confusion maintenue entre psychothérapie au sens générique, psychothérapie relationnelle sans le dire, et ce qu’il vaudrait mieux appeler thérapies psychologiques ou à protocoles que psychologie clinique, continuant de jouer.

Ce fouillis mérite qu’on le visite, et qu’on mette un peu d’ordre dans des concepts chamboulés, pas forcément qu’on s’y attarde. Pour le reste, le paradigme psychanalytique se trouve évoqué mais on ne comprend pas bien comment tout cela pourrait s’organiser. C’est la question que pose Sauvons la clinique. On distingue en tout cas le déroulement d’une logique différente, celle de la psychologie telle qu’aujourd’hui elle se conçoit. Et elle a certainement la responsabilité de se penser elle-même comme elle l’entend, là n’est pas le souci.

Si cet écrit peut contribuer à ce que se distingue qu’il s’agit de deux domaines aux épistémès nettement disjointes, qui peuvent collaborer mais ne sauraient prétendre se régir mutuellement, la lecture de ce document n’aura pas été inutile. Sinon, parcourez puis passez votre chemin.


Par Marie-Hélène Bigot

MARIE-HÉLÈNE BIGOT (1)

EUROPSY-NEUROPSY

(2)

Quelque chose de crucial se joue pour les psychologues, pour la psychologie, avec la question de l’Europe. Il suffit de chercher à connaître les tenants et les aboutissants de ce projet pour en saisir l’importance.

Quand on parle de l’Europe ou des psychologues en Europe, des dates, des lieux ou des chiffres sont souvent avancés, comme si leur poids avait une consistance particulière. Les articles sur le sujet peuvent mettre l’accent sur certains plutôt que d’autres, comme s’ils pouvaient à eux seuls venir justifier de l’aventure et sa suite. C’est oublier que la référence ne peut tenir lieu d’argumentation, qu’elle ne peut venir en lieu et place de l’exposé des thèses à l’origine d’une démarche.

Les déclarations qui se sont succédées sur le rôle et l’organisation de l’Enseignement supérieur en Europe comportent des variations qu’il s’agit de repérer, pour saisir de quoi relèvent les objectifs en question, cela pour pouvoir opérer des choix.

Europsy

C’est ainsi que le traité de Rome est mentionné quand on veut vanter la mobilité des individus, que la déclaration de Bologne de 1999 est citée avec ses 29 pays signataires, ou bien pour la psychologie, que les 32 pays (ou plus ?) annoncés derrière l’EFPA sont appelés à la rescousse, et avec eux la vision de divisions de psychologues en marche : 170 000, 200 000, 270 000… selon les auteurs et le moment, pour sonner la charge et emporter l’adhésion.

Il est de notre responsabilité d’interroger ce sujet pour savoir si le cadre qui se dessine avec EuroPsy autorise une possibilité de formation et d’exercice dans le champ qui est le nôtre, celui de la psychologie clinique avec la psychanalyse. Il est effectivement crucial d’établir comment notre clinique, qui s’éclaire de la psychanalyse, pourra prendre la place qui doit être la sienne dans le champ qui se construit ici. Regardons de près l’espace que l’on nous invite à rejoindre.

L’Europe et l’enseignement

Avant Bologne il y avait eu la Convention de Lisbonne en 1997. Elle mettait l’accent sur un droit à l’éducation pour les habitants de la région européenne et faisait le constat de “diversités culturelles, sociales, politiques, philosophiques…”. Elle les concevait comme une “richesse exceptionnelle” qu’il s’agissait de “respecter pleinement”.

Elle insistait pour cela sur la nécessité de “l’autonomie des établissements”. Dans cet esprit, “le droit à l’évaluation” ne concernait que le droit de chacun à faire valoir et reconnaître son parcours d’étude et ses diplômes au sein de l’Europe. (1)

La déclaration de Bologne opère un renversement et elle introduit un argumentaire tout à fait différent. Il ne s’agit plus ici de préserver des diversités mais de construire un “espace social et culturel commun” et, nous dit-on, d’enrichir la citoyenneté. Le but n’est plus la reconnaissance du droit de chacun à l’éducation mais la mise en place d’un système permettant la comparabilité des diplômes, leur harmonisation, en vue de l’intégration sur le marché du travail et l’amélioration de la compétitivité.

Les changements qui se profilent pour les psychologues en Europe sont à replacer dans ce débat. Les conventions, les programmes, viennent redéfinir un champ, celui de leurs connaissances, de leurs pratiques et celui des moyens qui leur seront alloués pour les acquérir et les mener.

Les psychologues travaillent avec le langage, avec la parole et ses effets sur les sujets et sur les groupes. Ils ont à considérer les mots mais ils le savent également, leur contexte et les significations qui leur sont attribués. La richesse, l’unité, la mobilité, l’évaluation… pour quel propos, avec quelle perspective, au bénéfice de quoi, de qui ?

L’EFPA et la formation des psychologues

L’EFPA travaille la question de la place des psychologues en Europe. Cette Fédération, qui s’est nommée Fédération européenne des associations de psychologues, opte pour certaines solutions, et le cadre qu’elle propose nous mènera à en faire certains commentaires. J’exposerai les positions qu’elle défend et les remarques que je peux y apporter.

C’est la FFPP qui a été déclarée association représentative de la France, par l’EFPA elle-même à Grenade en 2005, bien que le SNP s’en soit retiré après le Congrès qui avait eu lieu la même année.

L’EFPA a mis sur pied avec EuroPsy la trame d’un diplôme européen de psychologie (DEP). Ce diplôme est présenté comme “un premier niveau” de formation, ceci parce qu’il existe un projet de spécialisation en psychothérapie, d’ailleurs déjà rédigé (2).

Le diplôme de base paraît proche à première vue du cursus actuel français : obtention d’une licence en 3 ans, obtention d’un master en 2 ans, avec cours théoriques et temps de stages. Il est prévu en outre une année supplémentaire dite “de pratique professionnelle supervisée”.

L’obtention du titre et le droit d’exercice sont subordonnés à des obligations qui ne sont pas sans importance :
– Enregistrement du candidat dans le registre européen tenu par l’EFPA.
– Engagement écrit de souscrire aux principes du Code européen et du code de déontologie national.
– Formation permanente obligatoire d’au moins 80 heures par an.

Les diplômes EuroPsy sont temporaires, ils valent pour 7 ans. Une demande de renouvellement doit être faite auprès du Comité national d’accréditation des diplômes de l’Association nationale des psychologues, accréditée par l’EFPA.

La psychologie clinique apparaît dans la dernière mouture du programme EuroPsy. Elle a longtemps été absente. Le canevas présenté en 2001 pour la formation des psychologues en Europe n’en parlait pas comme d’un corps théorique, mais la qualifiait de psychologie appliquée. Dans la dernière mouture, elle apparaît dans les théories explicatives, en duo avec la psychologie de la Santé (3).

Ce n’est pas anodin, car il s’agit de savoir si cette partition, décidée par les concepteurs d’EuroPsy, fait place ou non à un psychologue qui s’oriente de la psychanalyse, et qui se veut psychothérapeute [au sens générique ou psychologique du terme, note de la Rédaction]. L’ensemble clinique/santé est défini comme ayant pour objectif de “promouvoir la santé mentale et physique des individus et des familles”(4).

À la lecture il apparaît que la psychologie clinique “nécessitera habituellement une formation post-universitaire ”, soit une spécialisation. Il est précisé qu’un “guide de supervision” sera publié prochainement pour promouvoir “la diffusion de ces pratiques appropriées”(5). L’idée de faire de la psychologie clinique et de la santé une spécialisation est mentionnée également dans le dernier rapport de l’EFPA (6)

Le domaine de la psychologie

Les questions auxquelles la psychologie aurait à répondre sont formulées à partir de comportements, considérés comme problématiques ou dignes d’intérêt, me semble-t-il avant tout, pour la société :

“Comment traiter la dépendance à la drogue ou à la cigarette ? Comment rendre les enfants plus créatifs ? Comment des athlètes peuvent-ils optimiser leurs capacités avec des techniques psychologiques ? Quels sont les traits de personnalité et les valeurs impliqués dans une conduite de consommation ?”(7).

Cet abord isole des comportements, les considère comme des troubles, les aborde effectivement sans théorie du sujet puisque la question du traitement est posée sans s’interroger sur la façon dont un comportement peut s’articuler au sein d’un symptôme, si même ce comportement fait symptôme, ni sur la place qu’il tient pour ce sujet dans son rapport au symbolique, à l’imaginaire et au réel.

Lorsqu’on s’intéresse au cursus de psychologie du diplôme EuroPsy on s’aperçoit que la psychanalyse en est totalement absente. Elle n’apparaît pas dans les théories fondant la psychologie (médecine et philosophie), ni dans les théories, dites explicatives, retenues. Les théories non psychologiques qui sont mentionnées sont l’épistémologie, la philosophie, la sociologie et l’anthropologie.

Psychothérapie et psychologie

L’EFPA travaille également sur une spécialisation en psychothérapie. Elle prévoit que le candidat soit titulaire du diplôme de base et qu’il ait 2 années d’expérience professionnelle supervisée. La formation serait de 3 ans dont 500 heures de pratique supervisée et une formation psychothérapique personnelle d’au moins 100 heures (8). Nous sommes là à 6 ans de formation universitaire de base, 2 années d’expérience, 3 années de formation universitaire complémentaire, soit 11 ans, pour venir qualifier l’exercice de la psychothérapie par un psychologue.

Cela fait dire à Roger Lécuyer, président de la FFPP, représentant français auprès de l’EFPA, qu’on est “bien loin, au niveau européen, de l’article 52 et du projet de décret d’application” (9). Si on raisonne au ratio du temps passé aux études universitaires, en effet, reste à savoir ce que l’on étudie et pourquoi.

Il est attendu de la formation personnelle de 100 heures au moins qu’elle permette aux étudiants « d’être conscients de leur implication personnelle, de savoir la manier de façon appropriée », de même que »leur contribution aux progrès de la thérapie qu’ils pratiquent » (10) . L’étudiant en psychothérapie [laquelle ?] devrait aussi se familiariser avec un large éventail de pratiques thérapeutiques, ceci nous dit-on, pour pouvoir tenir un rôle de « consultant » et pour connaître les limites d’un modèle psychothérapique et les siennes propres. Ils devrait aussi être formé à « évaluer les thérapies qu’il(s) pratique(nt) » [les thérapies (et non psychothérapies) qui s’évaluent selon les méthodes Inserm seraient-elles proches du cognitivisme ? ] (11)

On ignore les tâches qui seraient dévolues aux titulaires du diplôme de psychologie en 6 ans au regard de cette spécialisation, mais une distinction est faite par EuroPsy entre “un statut d’expert” et le “simple spécialiste” (12). Il est annoncé avec précaution que “le développement de qualifications à haut niveau pourra à long terme restreindre les lieux d’exercice, les niveaux et les tâches” de ceux qui n’auraient que le diplôme de base, cela rejoint les termes du dernier rapport d’activité de l’EFPA (13)

Les lieux de formation

Les instituts de formation retenus devraient être “approuvées par le corps des psychologues”, soit par l’association de psychologues autorisée à accréditer. Ils devraient coopérer avec les départements universitaires de psychologie et autres lieux de recherche pour l’évaluation des psychothérapies [lesquelles ? bis repetita] et accepter des audits par le corps professionnel des psychologues.

En ce qui concerne la psychothérapie [laquelle ?]”, il est demandé 100 heures (au moins) de « formation psychothérapique personnelle » sur les 11 années d’études. Nous entrons là dans une comptabilisation. Elle devrait avoir lieu dans des écoles thérapeutiques “acceptées”[la validation des Méthodes aboutit à la création d’une liste officielle, dont se trouveraient exclues d’office certaines, au nom de quels critères sous-jacents ?]. Ces écoles, dites «écoles thérapeutiques majeures », devraient faire la preuve qu’elles se basent “sur un corps de connaissances psychologiques (« psychological knowledge »), portant sur le développement humain, la psychopathologie, sur une théorie et des stratégies d’intervention” (14).

Comment la psychanalyse pourra-t-elle, le moment venu, se positionner dans ce cadre ? Les psychologues freudiens n’ont-ils pas ici une action à mener ès-qualité, c’est-à-dire au nom de la spécification freudienne d’une certaine orientation de la psychologie [Nos amis les psychologues freudiens se demandent comment sse maintenir dans le dispositif de la psychologie comportementaliste. Une des questions du débat de Sauver la clinique. Pas simple ] ?

Psychologue superviseur et bonnes pratiques

Un “psychologue superviseur” deviendrait responsable de “la compétence du futur psychologue praticien en formation”, y compris pour la psychothérapie, nouvelle venue à l’université. La garantie de la compétence du superviseur résiderait dans une habilitation délivrée par “le Comité national de délivrance des diplômes ou par l’Association nationale”(15).

La garantie de “bonnes pratiques” serait assurée sur la base d’un contrat où superviseur et étudiant conviendraient du champ professionnel choisi, du type de client rencontré, du rôle à tenir dans le champ où l’étudiant a choisi d’intervenir, et des compétences à mobiliser pour ce type de pratique. Ces “bonnes pratiques” seraient référées à des normes pré-établies puisque 20 d’entre elles sont repérées à l’avance et listées.

Les superviseurs évalueraient donc les compétences des futurs praticiens. Comment ? En remplissant une fiche d’évaluation, et en se basant pour se faire sur des “guides d’évaluation” édités par “le Comité européen d’obtention du diplôme”, ceci pour “autoriser l’individu à exercer de façon autonome”(16).

Évaluation est ici le maître mot. Quelle sera la différence entre un psychologue non évalué et un psychologue évalué , entre une école “acceptée” ou pas ? En reprenant les termes utilisés par Jean Claude Milner, nous pouvons dire que tous deux ont “les mêmes traits”, ou répondent à la même définition d’école … mais au bout du compte, au bout de l’évaluation, qu’il s’agisse de psychologue ou d’école, ils entrent dans le circuit de “l’ensemble des êtres et des objets évalués”. Une mutation s’est opérée, ils sont entrés dans le “paradigme de la mesure”, du calculable (17).

Il s’agit, dit J.-A. Miller “de s’emparer du savoir de l’autre”, “d’obtenir de l’autre le savoir qu’il a de sa propre pratique” avec au bout du compte une opération de comparaison et l’élimination, ou la nécessité de transformation de ceux qui n’auraient pas satisfait aux critères, ou qui y satisferaient moins bien que les autres, toujours au vu des critères mis en place(18).

Nous voyons se dessiner, comme nous en avons débattu précédemment une appropriation de la psychothérapie par les psychologues, qui, semble-t-il, décideraient seuls de la compétence des futurs praticiens. Il faut faire remarquer que se tisse ainsi un maillage fin qui subordonne les lieux de formation, les écoles dites thérapeutiques et la recherche à des orientations décidées exclusivement par les psychologues, et par l’EFPA.

L’organisation EuroPsy réfère le système tout entier au Comité européen. Il est avancé que l’ambition n’est pas de “remplacer les pré-requis nationaux relatifs à la profession”. Comment l’entendre, sinon comme une dénégation, puisqu’il nous est dit dans la phrase suivante que “plus la reconnaissance du projet EuroPsy sera mise en place et plus les pré-requis nationaux s’y conformeront” (19). Cela mène à interroger le désir qui anime un tel projet et à réfléchir à la manière de faire valoir, dans cet ensemble, la spécificité de notre orientation freudienne. C’est urgent.

Par quoi le désir d’un psychologue est-il orienté selon EuroPsy ?
Le texte d’EuroPsy fait reposer “l’intention première qui préside au désir d’être psychologue” sur “le souci d’appliquer et de développer” des “principes psychologiques” orientés par un point de vue “scientifique et éthique”(20).

Le terme de “scientifique” nous interpelle, et si nous nous regardons le glossaire, nous voyons que le terme de “Connaissances scientifiques” désigne les “connaissances accumulées dans la littérature scientifique dans la discipline psychologie et partagées par la communauté des chercheurs et des enseignants de psychologie”(21). Nous sommes renvoyés à ce qui fait science, à ce que l’on considère comme scientifique. Le débat récent qui a eu lieu après le rapport de l’Inserm sur le trouble des conduites a largement interrogé ce concept.

Les psychologues freudiens s’inscrivent résolument, en leur nom et avec le collectif Pasde0deconduite , dans la mise en question des méthodes d’évaluation qui s’autoproclament ainsi scientifiques.

Qu’est ce qu’une littérature dite scientifique ? Une littérature anglo-saxonne ? Une littérature qui prend appui sur des critères diagnostiques de type DSM ? sur des méthodes dites scientifiques parce qu’objectivables ? sur des recherches prenant appui sur le calcul statistique ou des corrélats neurobiologiques ?

Quel est le désir qui anime les concepteurs du projet EuroPsy ?
Il nous est dit que les critères d’EuroPsy se sont inspirés de travaux effectués par la Société Britannique de Psychologie (BPS) pour établir les pré-requis de son diplôme de psychologie appliquée, mais cela ne me semble pas pouvoir tout expliquer, même si la BPS distingue par exemple plusieurs types de psychologues, associés ou spécialistes.

Nous savons que l’ENOP, (ou ENWOP), équivalent de l’EFPA pour la psychologie du travail et des organisations, avait développé au cours des années 1990, un “modèle de formation des psychologues du travail en Europe”. L’ENOP a aussi contribué à mettre en place la Commission des 14 membres qui a abouti à la rédaction du rapport EuroPsy et de ses critères. Ce point n’est pas sans importance si on prend en compte l’orientation de la psychologie du travail et le fait que le nom de Mme Claude Leboyer, qui a été Présidente de l’Association Internationale de Psychologie appliquée, fondateur du bureau de l’ENOP, apparaît dans la bibliographie EuroPsy.

Mme Leboyer travaille sur la motivation au travail, la gestion des compétences, l’évaluation du personnel avec des outils psychométriques, des questionnaires de comportements et des méthodes statistiques, ceci au service d’une plus grande compétitivité.

Un commentaire de son livre, portant sur la motivation dans l’entreprise, commence par ces lignes : “La compétition se joue à l’échelle mondiale. La productivité et la qualité y ont un rôle central. De ce fait, la motivation des hommes au travail représente un facteur capital de la réussite des entreprises”(22).

Nous pouvons mettre en résonance les propos du Président de l’EFPA, pour qui l’Europe s’étant donné pour but de devenir leader économique en terme « de compétition, de compétence et de technologie », il s’agit non seulement de permettre « aux capitaux et aux biens de circuler librement », mais aussi de rendre cela possible pour les professionnels, en particulier pour ceux qui ont des qualifications supérieures, et donc d’atteindre « une mobilité maximale ». (23)

L’équipe EuroPsy

L’équipe qui pilote EuroPsy a aussi retenu mon attention, la plupart de ses membres étant là depuis la mise en place du projet, au point qu’ils le considèrent peut-être un peu comme le leur. Je considérerai seulement ici l’équipe d’EuroPsy, et non le Comité qui a rédigé les critères du diplôme spécialisé de psychothérapie.

Ils sont professeurs, concernés par la recherche dans leur spécialité. Certains portent plusieurs casquettes, qui ne correspondent pas toujours aux intitulés des diplômes français. La psychologie sociale, la psychologie du travail, du leadership et des organisations sont représentées de façon excessive avec 5 d’entre eux.

L’équipe EuroPsy compte également 1 psychologue de la Santé et d’éducation à la Santé et 1 psychologue de l’Education. On y trouve 2 spécialistes de psychologie cognitive, avec un versant développement pour Roger Lécuyer. Un autre est spécialisé en neuropsychologie, tandis qu’un membre avoue être également intéressé par le sujet et travaille dans le champ de la linguistique. La psychologie transculturelle compte un représentant. La représentante danoise apparaît en qualité de psychologue, sans autre précision.

Dave Bartram est un grand spécialiste des tests et de la validation des procédures d’évaluation et de sélection du personnel (24). Il travaille très activement et a récemment fait part, pour l’EFPA, de modèles à utiliser pour la description et l’évaluation de tests psychologiques, dans le cadre de la psychologie du travail.

Il est plus difficile de classer Tuomo Tikkanen, diplômé de philosophie et de psychologie. Il définit la psychologie comme une science, il est intéressé par la neuropsychologie et par le résultat d’études qui prouveraient, dit-il, que la psychothérapie a “un effet à long terme sur des processus chimiques du système nerveux central”.

Curieusement, après cet exemple, il dénonce le réductionnisme auquel la psychologie a aujourd’hui affaire, soit le fait que les sciences de la nature veulent la réduire “aux seuls phénomènes neurophysiologiques”. S’il attend quelque chose des méthodes psychothérapiques, c’est néanmoins avec l’espoir d’un appui sur une psychologie scientifique (25).

En conclusion

Le but d’EuroPsy dépasse très largement la question de la reconnaissance des diplômes de psychologie en Europe et la mobilité des étudiants et des professionnels. Son intention n’est pas de préserver “les diversités” culturelles nationales, ni de les concevoir comme une richesse “à préserver pleinement”.

Le projet EuroPsy vise à créer un diplôme de psychologie en Europe et un système de spécialisations, avec à terme la création de plusieurs niveaux professionnels sous la forme, par exemple, de statuts d’associé et d’expert.
Il vise à promouvoir une “standardisation et une transparence des qualifications”(26), soit à disposer de psychologues subordonnés à l’obtention de diplômes ou certifications renouvelables, relativement aux critères choisis par l’EFPA.

Il est évident qu’alors, la recherche n’aura plus qu’à suivre, « harmonisée », conforme, elle répondra aux attentes et aux orientations théoriques soutenues par le Comité européen.

L’orientation de l’enseignement, de la formation, de la pratique de la psychologie.

L’équipe EuroPsy ne peut prétendre représenter à elle seule l’éventail des théories ayant trait à l’esprit humain. Comment la psychologie dans son ensemble, la psychologie dite « clinique et de la santé », la spécialité en psychothérapie qu’EuroPsy prétend fonder, pourra-t-elle s’écarter des orientations mises en place ?

Comment la psychologie, en particulier en clinique et de la santé, et celle qui se préoccupe de psychothérapie, va-t-elle interroger les concepts qui sont les siens tout en garantissant son indépendance dans un tel cadre ? C’est le défi qui nous est lancé.

Leadership de la psychologie

EuroPsy vise à diffuser ses propres standards, via le processus de Bologne, l’évaluation et l’accréditation, et non à offrir une lisibilité des cursus nationaux en Europe, à moins qu’on ne considère, comme elle le formule, que les cursus nationaux s’alignent d’eux-mêmes sur ses propres critères. Dans ce cas, ils ne peuvent pas non plus être dits nationaux, même si une Association de psychologues dite “nationale” se trouvait en charge de faire respecter les critères EuroPsy.

En effet, les travaux des Comités nationaux de délivrance des diplômes peuvent être stoppés si le Comité européen juge que leurs travaux ne sont pas “en accord avec les règles énoncées”. Il ne s’agit que d’une “délégation d’autorité” (27)

L’équipe d’EuroPsy développe également une politique de marketing, de diffusion de ses objectifs, à partir de la notion de « valorisation »: il s’agit “d’optimiser les avancées d’un projet en lançant des expérimentations et en l’exploitant de façon à accroître sa valeur et son impact”(28). Ainsi, une expérimentation est actuellement lancée dans 6 pays, pour procéder à l’enregistrement et à la certification des titulaires en psychologie. L’EFPA souhaite en effet “que l’expérience s’étende aux 32 pays où elle est implantée en 2008”(29). Elle a aussi l’intention de lancer une carte professionnelle “conformément”, nous dit-on, “à ce qui est prévu dans la directive européenne 2005/36/EC”. Trouverait-elle que l’ardeur de la Commission européenne se ralentit ?

En effet, contrairement à ce que l’EFPA et la FFPP espéraient, la Commission a publié en 2005 une directive — 2005/36/CE — qui stipule dans son article 15 que “la compétence des Etats membres” pour déterminer “les qualifications requises pour l’exercice des professions sur leur territoire”, “le contenu et l’organisation de leurs systèmes d’enseignement et de formation professionnelle” n’est pas affectée par la possibilité pour des organisations de présenter des « plateformes » communes à la dite Commission (30). Ces « plateformes », tel EuroPsy pour les psychologues, ne peuvent donc prétendre s’imposer d’emblée aux États membres de l’Union européenne.

L’ambition d’EuroPsy s’étend de toute façon bien au delà de l’Europe. On évoque l’Europe de l’Est dans le rapport d’activité 2005 : Russie, Roumanie, Serbie… (31) mais d’autres sources citent aussi le Canada, le pourtour méditerranéen, ou plus largement le Commonwealth : Nouvelle-Zélande ou Australie, par exemple…(32) EuroPsy poursuit donc des objectifs qui dépassent de très loin le cadre d’une reconnaissance de diplômes dans le cadre européen ou la seule qualité de ses membres.

Sans doute peut-on souhaiter que l’exigence de transparence que les auteurs du projet font peser sur le individus leur fasse retour… C’est le devoir des psychologues d’y contribuer. Cela leur permettra, chemin faisant, de se tenir informés avec précision des enjeux de ce programme, qui définit une véritable politique dont les retombées sur leur pratique ne seront pas minces.

Que chacun s’interroge pour savoir en quoi il serait tenu là à une obligation quand il s’agissait au départ de lui ouvrir un droit, d’ouvrir à la reconnaissance des diplômes en Europe en respectant les diversités existantes et l’autonomie des établissements ? L’idée de la création d’un Ordre des psychologues en France, actuellement en discussion, gagnerait à être reprise avec ces coordonnées, jusqu’alors laissées dans l’ombre.

Bibliographie :

1- Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne, Lisbonne, 11.IV.1997, http://conventions .coe.int/Treaty/FR/Html/165.htm

2- Lécuyer Roger, EuroPsy, certification européenne en psychologie, FFPP, 12 10 06, http://www.ffpp.net/modules/news/article.php?storyid=189

3- PDF European Diploma in Psychology Format de fichier: PDF/Adobe Acrobat – Version HTML, Traduction Lécuyer R., Wieder C., p. 20

4- Roe Robert A. : Europsy development and state of affairs, doc-1082.ppt, p

4- Ibid.supra, European Diploma in Psychology, p. 35

5- http://www.efpa.be/doc/2005_2007EFPAActivityPlan.pdf, page 5

6- EFPA, Optimal standards for professional training in psychology, point 7.9

7- Bulletin Psychologues et psychologie, Normes de formation pour les psychologues se spécialisant en psychothérapie recommandées par l’EFPA, n° 160, p. 66-

8- Lécuyer Roger, Ibid supra.

9- [PDF] EFPA STANDING COMMITTEE ON PSYCHOTHERAPY Convenor : DAVID LANE …
EFPA STANDING COMMITTEE ON PSYCHOTHERAPY Convenor : DAVID LANE …

Format de fichier: PDF/Adobe Acrobat – Version HTML, page 19.

10- Ibid. supra, Point 5.4, page 15

11- PDF European Diploma in Psychology, Ibid. supra, page 3

12- 2005_2007 EFPA Activity Plan. Format de fichier: PDF/Adobe Acrobat – Version HTML www.efpa.be/doc/2005_2007EFPAActivityPlan.pdf , page 3

13- [PDF] EFPA STANDING COMMITTEE ON PSYCHOTHERAPY, voir supra, page 29.

14- PDF European Diploma in Psychology, Ibid. supra, page 32

15- Ibid supra, page 35.

16- Miller J.-A., Milner J.-C. : “ Voulez-vous être évalué ? ”, Éditions Grasset, 2004, page 15-16.

17- Ibid. supra, page 60.

18- PDF European Diploma in Psychology, Ibid. Supra, page 3

19- Ibid., page 27.

20- Ibid, Page 16

21- Levy-Leboyer Claude : « La motivation dans l’entreprise ”, Modèles et stratégies, Edition d’Organisation, 1998 et www.cnam.fr/lipsor/dso/articles/fiche/levy.html

22- « The european diploma in psychology (EuroPsy) and the future of the profession in Europe », Tikkanen T. , 2003, Status_o_profession_2003.pdf.
The Present Status and Future Prospects of the Profession of … http://www.efpsa.org/pdf/NEWS_tikkanen.pdf

23- Bartram Dave: http://www.intestcom.org/itc2004/speakers.html

24- European Psychologist Abstracts Tuomo A.J. Tikkanen …
www.efpsa.org/pdf/NEWS_tikkanen.pdf
[DOC] Valorisation Guidance Note
http://www.europe-education-formation.fr/docs/Leonardo/Valorisation-Guidance-Note-Leonardo-EN.doc Format de fichier: Microsoft Word – page 44

27- PDF European Diploma in Psychology, Ibid . supra, Article 18, page 9

28- Valorisation Guide Note, voir supra, page 11

29- Lécuyer Roger, FFPP, 12 10 06, Ibid. supra

30- Ibid supra, article 15

31- 2005_2007 EFPA Activity Plan. Page 4

32- Valorisation Guide Note, voir supra, page 44.