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29 novembre 2011

Lacan, la topologie et Madame Aflalo Henri Roudier, précédé de Topoloufoque par Philippe Grauer

Topoloufoque.

Par Philippe Grauer

« Tout espace compact est normal »

Fascinant la topologie. Le traitement des voisinages peut nous enseigner que, voisines par la dynamique de subjectivation, psychanalyse et psychothérapie relationnelle ont tout intérêt à se tenir les coudes face aux voisins par la médecine et le scientisme, psychologues et psychiatres entraînées par le maelström mondialisateur du DSM. Ça c’est du Monsieur Jourdain maniant la prose.

Agnès Aflalo elle, s’essaie direct à la poésie, elle topologise le lieu du tribunal assignant une historienne à ne pas contrarier une héritière en parlant des rêves de faste catholique de son granthome de père. Il s’agirait du retour du Réel en personne. Le dogmatisme parfois joue des tours. Ainsi nous explique Henri Roudier, qui professe les mathématiques en Prépa à Chaptal, un espace compact de jouissance semble s’être froissé au cours de la manœuvre au point d’induire l’autrice en erreur et de lui faire confondre jouissance et désir.

Quand on la joue Lacan autant la jouer bien. Franchement, on peut s’indifférer de ce que « l’espace de la jouissance sexuelle serait compact » au sens de Borel-Lebesgue, ou que ce soit au sens auquel l’identifie ensuite Lacan comme sous-ensemble fermé borné d’un espace métrique. Car il importe si l’on entreprend de définir les voisinages, de commencer par distinguer les ouverts des fermés – sans oublier qu’il existe des ensembles à la fois ouverts et fermés, ou encore, ni ouverts ni fermés, eh oui. Si rien de tout cela ne vous met en jouissance, c’est peut-être que vous avez raté les préliminaires (ou que vous manquez de désir pour ce genre d’objet, qui sait ? mais ne faites pas comme certains, ne confondez pas tout).

En tout cas depuis Musset on sait qu’à l’instar d’une porte il faut qu’un espace soit ouvert ou fermé. Mais s’il importe à qui entreprend d’aborder les voisinages de commencer par distinguer les ouverts des fermés, qu’il y regarde à deux fois avant de s’y risquer car c’est plus compliqué que cela ! Qu’ainsi par métaphorisation on se retrouve avec un espace de la jouissance sexuelle compact (et non compacte, attention ! ni opaque bien entendu), cela ouvre à certains des espèces de béances sur une méditation qui ne manque pas d’abstraction concernant le dispositif de jouir, jouir encore plus et la suite.

Répété à l’infini le discours lacaïnomorphe vire au dogmatisme et produit à l’occasion un galimatias qui en impose à plus qu’Un. Encore faut-il en manier logiquement la réthorique. D’après ce que relève Henri Roudier, ajoutez la confusion à la profondeur en trompe l’œil, et vous serez exactement nulle part. Ce qui devrait d’ailleurs pouvoir s’exprimer topologiquement (nulle part étant forcément quelque part mais où ? eh bien dans l’imaginaire par exemple, à savoir s’il est borné fermé – et métrique !) donc s’infléchir en une formule lacanoïdale qu’Agnès Aflalo pourrait nous fournir sans amour et sans peine. Comme disait Lacan si vous m’avez compris c’est que je me suis mal expliqué.


Henri Roudier, précédé de Topoloufoque par Philippe Grauer

Lacan, la topologie et Madame Aflalo

Par Henri Roudier

On le sait, Lacan s’est intéressé à la topologie. On trouve un très bel exemple de cet intérêt dans le séminaire Encore (Le Seuil, pp 14 15): « Dans cet espace de la jouissance, prendre quelque chose de borné, fermé, c’est un lieu, et en parler, c’est une topologie« . De là il se saisit du concept de compacité et en s’appuyant sur la définition de Borel-Lebesgue il arrive à cette idée que l’espace de la jouissance sexuelle serait compact.

Cela exige quelque éclaircissement. Car si l’on s’en tient au texte de Lacan, il semble donner comme équivalent ensemble compact et ensemble borné fermé. Pour faire ainsi, il faut admettre que Lacan s’est placé dans un espace métrique où tout ensemble compact est borné et fermé. Or la réciproque est fausse dans le cas général ; cependant, elle est vraie dans les espaces vectoriels normés de dimension finie. Mais cela n’enlève rien au propos de Lacan : pour dire les choses plus simplement, les caractères de l’espace en question sont assez proches de ceux de notre espace ’’ordinaire’’. Il suffit donc de se placer dans cette perspective.

Or ce concept de compacité semble avoir troublé un des membres éminents de l’ECF, Madame Agnès Aflalo, qui en fait le drapeau de son désir dans un texte récent dont la lecture exige que l’on retienne son souffle. Car elle convoque le réel à l’audience du 16 novembre où se plaidait l’assignation de Judith Miller contre Élisabeth Roudinesco. Ce faisant elle assigne au réel le rôle de deus ex machina des exclusions qui ont hanté l’histoire de la psychanalyse. Et elle avertit ainsi ses ennemis imaginaires quant à la nature du désir qui est le sien : « Mais on peut aussi saisir que la compacité de ce désir est ce qui nous rend plus fort. »

Certes lire Lacan n’est pas toujours facile. De là à confondre jouissance et désir, on reste perplexe. Car dans ce texte qui ouvre le séminaire Encore, c’est bien à la jouissance que Lacan songe et non au désir quand il se tourne vers ce concept de compacité. Et l’on voit bien ce qui l’intéresse dans la définition en question : arriver à penser une forme de passage de l’infinitude à la finitude. D’où cette formidable conclusion : « là où est l’être, c’est l’exigence de l’infinitude.« 

Si l’on ajoute que tout espace compact est normal, on comprendra les difficultés qui attendent des personnages en quête de compacité au lieu de vérité. Difficultés redoublées dans le cadre des espaces vectoriels normés (où nous l’avons dit Lacan se place) par le fait qu’il y existe un système fondamental de voisinages de l’origine qui sont équilibrés. Bref il y a là pour qui veut secouer les chaînes de l’indicible de quoi perdre la … boule.

Lacan était génial ; son abord de la topologie en a dérouté plus d’un. Métaphore ou tentative de penser ce fameux réel à l’intérieur comme à l’extérieur de la psychanalyse ? Laissons ici la question ouverte. Mais on ne confondra pas ce qu’il essayait d’en dire, parfois difficilement, avec cette jactance qui rappelle celle des médecins de Molière. Le désir de Madame Aflalo, on l’a compris, est fermé et borné. Évidemment, il lui reste une éventualité : penser la topologie de son désir dans un espace non métrique (çà ex-siste), c’est-à-dire sans maître. Cela exigerait alors qu’elle laisse tomber celui-ci dans la compactification de sa jouissance. Mais en est-elle capable ? On a la topologie que l’on peut.