RechercherRecherche AgendaAgenda

Actualités

Revenir

26 mai 2011

Le psychothérapeute, le psychologue(-psychanalyste) et le psychopraticien relationnel Jean-Noël Donnart – introduction par Philippe Grauer

Petite conversation avec une directrice d’institution médico-sociale

Ou une robe couleur de temps

in InterCoPsychos Instantanés de l’InterCoPsychos  N°312 – Lundi 16 mai 2011.

Par Jean-Noël Donnart


Et le psychonino dans tout ça, qu’est-ce qu’il devient ?

Introduction par Philippe Grauer

Nous nous trouvons dans la singulière situation d’avoir à demander la reconnaissance d’un titre qui, jusque-là, nous était acquis de fait, et que nous ne revendiquions pas (…) la conception que nous pouvons nous forger, avec la psychanalyse, de ce que parler à quelqu’un peut vouloir dire. Ces mises au point successives des membres de la Cause freudienne psychologues-psychanalystes, manifestent l’état d’esprit de toute une corporation qui a fini par trouver son compte dans la loi Accoyer. Après tout qu’ils trouvent leur bonheur comme ils l’entendent, leurs analyses manifeste un écart. Celui de notre profession à la leur, de notre exercice au leur.

En même temps que l’ignorance de notre proximité. Il marque aussi des zones de confusion, de frontière floue. Nous tentons ici d’en éclairer quelques aspects.

Un peu plus loin dans le texte de J-N Donnart on trouve ceci : [après les avec/avec et les avec/sans] « on attend donc, les sans/avec (non psychologue/psychothérapeute) dans le secteur médicosocial. » Pas de panique ! on trouvera si jamais, quelques anciens. Rien à craindre cher collègue, on les comptera sur les doigts de la main nos collègues désireux de porter et surtout de revendiquer le nouveau titre paramédicalisé, ils représentent une poignée de grand-parents en voie d’extinction. Leur peuple des psychopraticiens relationnels comptera des milliers de sans/sans, les anciens ninis que j’ai proposé dans un autre article de nommer psychoninis – ce qui donnerait régulièrement un psychonino des psychonini en italien, et un psychonini en français qui ignore la distinction du pluriel dans sa langue sœur. Mais je ne m’y fais pas à ce pluriel singularisé, et puis psychonino tranche avec leur nini du mépris –. Avec le psychonino donc les psychologues peuvent se rassurer, pas de concurrence déloyale par le jeu d’un signifiant trouble, chacun dans son aire, le carré psy bien délimité, tout va bien.

commune dynamique de la subjectivation

Du point de vue de la dénomination. Pour ce qui est de savoir répondre à qui cherche à parler à quelqu’un, ça continue de tourner de travers. Aux yeux de notre collègue parler à quelqu’un c’est la spécificité de la psychanalyse, à nos yeux cette spécificité relève de deux ailes disciplinaires, la psychanalyse et la psychothérapie relationnelle engageant la dynamique de la subjectivation qui nous distingue ensemble de toutes les psychothérapies excluant du point de vue théorique ce type de ressort, de principe actif pourrait-on dire, et de processus.

(psychanalyste)-psychologue sous titre de psychothérapeute

Si bien que le psychonino, alias psychopraticien relationnel, exercera une pratique du même type qu’un psychanalyste – ce dernier par ailleurs préférant se faire anonymement passer pour le psychologue qu’il incarne dans son cadre institutionnel. Pourquoi anonymement ? c’est la destinée des psychologues psychanalystes en institution, d’opérer psychanalytiquement sous couvert de psychologie. Et maintenant avec le titre de psychothérapeute, au sens nouveau que lui donne désormais la loi, réservé aux psychologues. Récapitulons : il s’agira pour notre malheureux collègue d’exercer en qualité de (psychanalyste)-psychologue sous titre de psychothérapeute. Sans sous-titres en effet ça n’est pas limpide.

Nous nous trouverons dans nos cabinets pour notre part dans la position contournée de mettre en œuvre notre psychothérapie relationnelle à l’enseigne du titre professionnel garanti de psychopraticien relationnel, alors que nous nous disions tranquillement tout simplement jusque là psychothérapeutes relationnels. Au moins avec relationnel on peut continuer de nous repérer. Et comme auparavant nous nous définissions comme praticiens en psychothérapie, la rémanence de la racine signifiante praticien permet une deuxième accroche, pendant que la présence de psycho indique aussi de quoi il s’agit – et de trois ! le psychothérapie s’inscrivant à la ligne d’horizon, dit sans jamais devoir l’être, infra dit.

fusil à tirer dans les coins

Il faut avouer que dans le genre fusil à tirer dans les coins la dimension institutionnelle de nos professions nous oblige à exceller dans l’art de décliner notre identité de biais. Ainsi avons-nous dû nous plier à la règle en vigueur dans l’enceinte du Carré psy, nous alambiquer de la dénomination, ou comme le dirait notre collègue, du signifiant.

Une fois de plus force est de constater que le public pas si bête face à ces byzantinismes a résolu en l’escamotant le problème en créant le terme de psy. Un psy s’occupe diversement du psychisme principalement humain, et si l’on veut recourir à lui il faut prendre en considération le lieu, hôpital ou cabinet privé, son plumage et « diplômage », son prix, son remboursement ou non, et sa compétence réelle à donner satisfaction à une demande elle-même aussi floue que lui mais ça, le requéreur l’ignore le plus souvent. Lui au moins a une excuse, il vient parce qu’il n’est ou pas clair ou pas au clair (cumul autorisé).

marche en crabe

Et bien obligé parce que sa vie va de travers. Trouver comme interlocuteur quelqu’un qui marche en crabe après tout c’est peut-être le signe de l’humaine condition. Quoi qu’il en soit le public ne fait pas forcément au départ la distinction entre psys avec et psys sans. Avec ou sans le ressort de la relation. Il découvrira tout cela à l’usage, et en se documentant.

À nous de lui fournir de façon audible les éléments d’information utiles.}


Jean-Noël Donnart – introduction par Philippe Grauer

Petite conversation avec une directrice d’institution médico-sociale

Ou une robe couleur de temps

Par Jean-Noël Donnart

Nous nous trouvons dans la singulière situation d’avoir à demander la reconnaissance d’un titre qui, jusque-là, nous était acquis de fait, et que nous ne revendiquions pas. De fait, puisque exercer en C.M.P. ou C.M.P.P. par exemple, ne requerrait jusqu’à présent que le D.E.S.S. ou le Master 2 de psychologie. Qu’en sera-t-il à l’avenir?

mi rages

Dialoguant récemment avec une directrice d’institution médicosociale, il me vint de lui dire que je me plierai à cette nouvelle exigence légale mais que je ne revendiquais nullement cette étiquette. Après-tout, je ne me reconnais guère dans cette idée de «faire des psychothérapies» ou d’être «psychothérapeute», et n’y tiens pas particulièrement. Ceci l’étonna. J’ajoutais que donner la possibilité à des enfants ou des adolescents de «rencontrer un psychologue pour parler» me paraissait bien suffisant. Formulation certes plus longue, moins technicienne, mais plus proche de la réalité de l’expérience et surtout plus en phase avec la conception que nous pouvons nous forger, avec la psychanalyse, de ce que parler à quelqu’un peut vouloir dire – ce qui éloigne radicalement des mirages de la-dite psychothérapie.

un véritable biais

Faudrait-il que je revendique cette dernière désormais ? M’apparut alors que ce mot, avec lequel je ne me suis jamais senti en phase, était pourtant, déjà, d’un usage courant dans le C.M.P.P. dans lequel je travaille. Nous y parlons de «liste d’attente des psychothérapies», y discutons de l’importance de la proposition d’une psychothérapie pour tel enfant…etc. Mais mon interlocutrice, d’abord surprise, n’était pas d’accord : en C.M.P.P. vous faites bien de la psychothérapie, affirma-t-elle, à la différence d’un I.M.E. par exemple, où «la prise en charge est globale» et où on ne peut pas parler de psychothérapie. Ainsi, les psychologues exerçant en I.M.E. n’auront guère besoin de revendiquer ce statut, ajouta-t-elle…
Précieuse indication de mon interlocutrice qui, tout en comprenant ce que je voulais dire, n’en perdait pas le fil… Où l’on aperçoit déjà l’usage qui pourra être fait – et sera donc fait à n’en pas douter (à l’initiative de qui ?) – de ces subtiles distinctions qui introduisent un véritable biais dans la fonction du psychologue. Il y aura les avec/avec (psychologue/psychothérapeute), les avec/sans (psychologue/non psychothérapeute). On attend donc, les sans/avec (non psychologue/psychothérapeute) dans le secteur médicosocial.

Avant cette pénible affaire, le signifiant «psychothérapie» était un «semblant» que nous pouvions utiliser à notre guise : l’affirmer ou le réfuter à l’occasion suivant le contexte. On s’en passait, mais nous pouvions nous en servir pourrait-on dire ! Aujourd’hui, il prend une toute autre consistance, et telle, je crois, que nous ne pouvons pas ne pas revendiquer ce titre. Prétendre ne pas pratiquer «la psychothérapie» en C.M.P.P. n’est guère audible – sous réserve que cela soit judicieux ! – a fortiori dans la langue managériale de l’ARS.

peau d’âne couleur du temps

Ceci me ramène à une petite anecdote : exerçant, par le passé, dans un lieu moins hospitalier, je me souviens que nous y parlions aussi fréquemment de «psychothérapie», mais il s’agissait alors de repérer en quoi l’enfant ou l’adolescent était «prêt» ou non à ladite thérapie – bilan psychologique à l’appui. L’enfant ou l’adolescent «recalé» se voyait alors indiquer une rééducation en psychomotricité ou était invité à rencontrer une orthophoniste, voire un éducateur. Solutions supposées contourner l’obstacle. Croire à ce point à la psychothérapie conduit à ces impasses, fondées sur la méconnaissance assez radicale du réel en jeu. Cela révèle surtout que le maître d’aujourd’hui, en ciblant de la sorte «la psychothérapie» vise juste – quant à la ségrégation. Le discours du maître ordonne, classe, organise la ségrégation : on est prêt ou pas à la psychothérapie comme on sera inscrit ou pas sur les listes de psychothérapeutes pourrait-on dire.

Que faire de cette robe couleur de temps et surtout de cette nouvelle peau d’âne ? La porter pour ce qu’elle est : un maigre signifiant qui consistera d’autant plus qu’on y portera crédit, d’autant moins qu’on saura en montrer et démontrer le ridicule – et, d’une certaine façon d’abord à nos patients, par une orientation décidée pour traiter le réel. Après tout, cet épinglage par un signifiant qui se veut identificatoire, relève d’une logique du symptôme et il s’agit à ce titre de le faire déconsister. Cet épinglage est cependant nouveau à cette échelle de massification – ce qui révèle sa face réelle qui, elle, n’a pas encore montré toutes ses formidables potentialités.

Comme l’indiquait Jean-Claude Maleval dans son très intéressant texte [Instantanés N°306 NDLR] sur ces questions, la loi n’atteint pas son but en tant que filtre. On peut se demander si elle n’en atteint pas malheureusement d’autres, de façon annexe, quant à ce qu’elle peut ouvrir comme perspectives au manager moderne en quête de contrôle à l’égard d’une pratique qui, de structure, ne peut se prévaloir d’aucune garantie ni protocole.