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10 mars 2010

MARSEILLE : FOLIES ET MEDIAS Dr. Dolores Lina Torres, Psychiatre, Chef de secteur C.H. Edouard-Toulouse, Présidente d’ARPSYDEMIO

la protestation monte (enfin) chez les psychiatres

par Philippe Grauer

« La psychiatrie se différencie des autres spécialités médicales, en ce qu’elle est double, inséparablement une institution et un corpus hétérogène de pratiques et de savoirs. Autrement dit, l’extension abusive de l’usage du DSM ne relève peut-être pas tant d’une dérive de son usage que d’un fait de structure, inhérent à la dimension d’institution de la psychiatrie. C’est au titre de sa mission sociale qu’elle en peut pas faire l’économie d’un discours d’appareil, nécessaire à la régulation de ses échanges avec les administrations d’État. » Ainsi Isabelle Blondiaux (1) caractérise-t-elle fort justement la psychiatrie comme institution et champ disciplinaire, qui se pense logiquement contrainte pour se redonner un semblant d’identité de se disjoindre de la psychanalyse et de charlataniser la psychothérapie relationnelle.

Résultat, elle se voit confier le rôle de chien de garde d’une folie si mal gardée par ailleurs que les fous peuplent les rues et les prisons. Il est bien temps alors de crier au scandale, quand on a eu fait le lit d’une politique de gouvernement par l’urgence panique médiatique. Il suffisait de se porter solidaire de la psychanalyse et de la psychothérapie relationnelle, et il y en aurait eu pour tout le monde. Une autre logique a prévalu, d’accaparement du titre et de petits arrangements entre ennemis, aboutissant à l’affaiblissement de l’univers psy tout entier.

Prenez connaissance du mouvement protestataire de nos collègues, nos voisins de pallier du Carré psy. L’ensemble du dispositif psy est solidaire et rien de ce qui concerne l’une des quatre parties cardinales ne saurait indifférer les autres.


Dr. Dolores Lina Torres, Psychiatre, Chef de secteur C.H. Edouard-Toulouse, Présidente d’ARPSYDEMIO

Marseille : folie & médias

par le dr. Dolores Lina Torres
Psychiatre, Chef de secteur à C.H. Edouard-Toulouse, présidente d’ARPSYDEMIO.


Où est la dangerosité ? Qui sont les victimes ?

Depuis des siècles, la Folie, les différentes formes de folie font peur. Opposées à la raison, leur démesure inquiète et suscite incompréhension et rejet.

Les pathologies mentales, dans les représentations du public, se confondent avec la violence et l’agressivité : {« Il faut être fou pour avoir fait cela … »

Les médias s’emparent de tous les évènements dramatiques qui tiennent en haleine le public. Mais s’agit-il de donner une information objective, d’effectuer un véritable travail d’éducation du public ou plutôt de produire du sensationnel à partir de faits divers tragiques, où le destin de familles entières bascule ?

Les questions autour de la folie et de la maladie mentale sont traitées comme des faits divers et non comme des évènements inscrits dans des champs pluriels, scientifiques, nécessitant du recul et un travail d’analyse. Cette absence de recul, cette manière de traiter de façon lapidaire des faits complexes renforcent les peurs séculaires de chacun. Ainsi, les professionnels, les familles, les usagers qui depuis des années tentent de donner de l’information et réalisent un véritable travail pédagogique, voient leurs efforts réduits à néant dès qu’un fait divers tragique défraie la chronique. La stigmatisation s’amplifie chaque fois un peu plus. Cette violence faite à l’autre en raison de sa différence n’est pas la seule conséquence de cette spirale infernale.

Les évènements tragiques survenus à Pau, à Grenoble et récemment à Marseille ont eu un impact direct sur la prise de décision sécuritaire, alors que l’ensemble des professionnels de la psychiatrie demande depuis des années une évaluation de la loi du 27 juin 1990. Cette évaluation doit s’effectuer dans un climat apaisé et non dicté par des drames peu propices à la réflexion. La figure du Bouc émissaire, chère à René GIRARD, montre combien il est facile d’éluder les vrais problèmes et se contenter de désigner un responsable.

Au cours de cette SISM nous vous proposons de démonter ces différents mécanismes afin de mieux appréhender les faits de violence liés aux troubles mentaux. Il ne faut pas en nier l’existence, mais il convient aussi d’analyser où se situe la violence. Peut-être n’est-elle pas là où on l’attend ? Qui sont les victimes ? Quelles sont les conséquences de la sur médiatisation de la violence liée aux troubles mentaux ? Quelle transformation des conditions de soins des personnes souffrant de trouble psychiques entraîne-elles ?

Nous proposerons à des acteurs de terrain de venir présenter leur travail destiné à prévenir ces phénomènes en cascade aboutissant à des situations de violence qui renforcent les représentations négatives. Nous avons aussi souhaité associer à notre réflexion des journalistes qui ont conscience des effets délétères de cette stigmatisation. Ils seront à nos côtés pour analyser, commenter, discuter l’ensemble des communications. Nous les en remercions, car nous pensons que seuls la communication et le dialogue peuvent renverser cette machine infernale. Tous, élus, sociologues, psychiatres, magistrats, psychologues, soignants, usagers et familles seront présents pour réfléchir, dialoguer et construire autour de cette thématique complexe.

En effet, à l’heure où les orientations sécuritaires remettent en question les principes fondamentaux des libertés des usagers, nous proposons plutôt un travail de réflexion. Nous souhaitons être force de proposition et montrer qu’une organisation différente des soins en psychiatrie peut réduire et limiter la violence, faciliter l’insertion et redonner aux usagers leur véritable citoyenneté.


Mis en ligne le 10 mars 2010 remis en forme le 3 mai 2013.