Quand l’obligation de ne pas trahir conduit des psychiatres à envisager de se résoudre à une sorte de désobéissance civique à bas bruit, quand l’historique Saint Alban joint son appel à ceux des 39, solennellement, quand de toutes parts on voit s’émouvoir et protester les professionnels et les citoyens ayant à cœur une hospitalité pour la folie, la situation politique au sein du Carré psy affiche alerte rouge.
Il est grand temps de s’associer à la protestation en vigilance des psychiatres humanistes (il en reste) praticiens de la dynamique de subjectivation, d’inspiration le plus souvent psychanalytique mais aussi parfois psychothérapique relationnelle.
« Ne pas trahir les liens de confiance souvent difficiles à instaurer avec ceux qui vivent une catastrophe psychique », constitue un butoir éthique valable pour le Carré psy comme structure solidaire, et requiert notre engagement aux côtés de ces psychiatres par ailleurs régulièrement – à l’exception notable de ceux de la Cause freudienne jusqu’en 2009 – pour le moins indifférents au sort des sans-papiers de la psychothérapie que la loi aurait aimé faire de nous.
Nous travaillons régulièrement avec nos collègues psychiatres, et nous estimons partie prenante d’une pratique en réseau qui requiert qu’une partie déterminante de ce réseau ne se trouve pas idéologiquement et politiquement pervertie. Nous sommes contre l’établissement de tout lien ségrégatif et de tout mélange abusif entre l’autorité préfectorale et la responsabilité clinique médicale. Nous étions déjà contre la médicalisation de l’existence, mais que dire de notre opposition résolue à une collusion éminemment non souhaitable entre l’administratif et le médical, instaurant une sorte de pression de police sur l’âme endolorie de ceux qui vont jusqu’à la maladie mentale pour protester de leur humanité aux prises avec un contexte vécu comme dangereux.
Nous joignons notre non à celui de nos collègues psychiatres. Nous ne voulons pas nous trouver dans la situation de leur adresser nos patients qui en ont besoin au risque de ce fait de les piéger en les engageant sans y avoir songé dans un engrenage sécuritaire qui n’a rien à voir avec leur souffrance et d’ainsi trahir nous aussi leur confiance.
Philippe Grauer
Appel du Collectif des 39 Contre la Nuit Sécuritaire
APPEL A MANIFESTER LE 25 JUIN 14:00
À PARIS PLACE DE LA REPUBLIQUE
Depuis plusieurs mois, la majorité des professionnels et les citoyens ont dénoncé le vote du projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et, aux modalités de leur prise en charge ».
Malgré nos propositions, cette loi désorganisera gravement la majorité des services de psychiatrie publique dès le 1er août 2011, fera pression sur des administrations prises de court (ARS, préfectures, justice) et n’améliorera pas la possibilité des recours garantissant les libertés.
Éthiquement, nous ne pouvons accepter cet ensemble de mesures qui n’a plus vocation à soigner mais à créer l’illusion que les psychiatres, les juges, les directeurs d’hôpitaux et les préfets pourraient garantir l’ordre social au moyen de recettes gestionnaires et sécuritaires qui n’ont jamais fait leurs preuves.
Afin de maintenir une possibilité de soin relationnel nécessaire à toute personne en grande souffrance psychique, qu’elle puisse ou non consentir aux soins, nous appelons tous les soignants en psychiatrie, les patients, les familles et tous les citoyens à refuser solennellement cette loi et à résister à cette indignité.
Nous nous engageons à rechercher les modalités précises et pratiques pour soutenir une hospitalité à la folie, garantir la dignité des patients, et maintenir vivant notre métier, nous appuyer sur notre éthique de soignant et refuser toutes les entraves à la rencontre, à la relation thérapeutique, et à la continuité des soins.
Nous refusons la « liberté » sous contrôle qui va s’exercer par webcam interposées lors des « vidéo-audiences », et risque de perturber les patients les plus fragiles en aggravant leurs difficultés psychiques.
Nous affirmons que nous poursuivrons des soins en rapport avec notre éthique en refusant de dénoncer les patients aux autorités de tutelles, pour ne pas trahir les liens de confiance souvent difficiles à instaurer avec ceux qui vivent une catastrophe psychique.
Nous nous opposerons à tout ce qui peut conduire à la levée du secret professionnel et de l’indépendance professionnelle.
Nous refuserons donc à chaque fois que nous le pourrons le recours aux soins obligatoires en ambulatoire qui sont au cœur de cette loi, et nous ferons tout pour lever ces mesures.
Nous refuserons l’application des « programmes de soins » imposés à tous les professionnels.
Nous n’abandonnerons pas la continuité des soins pour les patients suivis régulièrement au nom d’une priorité qui nous serait imposée pour les patients mis en « soins » sans consentement en ambulatoire ou hospitalisés.
Nous refuserons de rendre des avis médicaux sur simple lecture du dossier du patient, comme le prévoit la loi.
Enfin nous appelons les artistes, intellectuels et tous les citoyens qui sont révoltés par le lien social ségrégatif qui nous est proposé à rejoindre notre combat pour refuser cette nouvelle discrimination de la Folie.
Nous vous appelons tous à manifester votre refus de cette loi indigne, avant l’été et la mise en route au 1er août des nouveaux dispositifs de cette loi.
Le 25 JUIN à 14:00 Place de la République
Ce 18 juin 2011, de Saint Alban, qui fut ce haut-lieu de la Résistance et de la création du mouvement d’analyse institutionnelle dans les années 40, les 550 participants aux Rencontres annuelles de Psychothérapie institutionnelle dans l’hôpital François Tosquelles déclarent solennellement leur refus et manifestent aujourd’hui leur soutien à l’ Appel du Luxembourg , lancé le 15 juin 2011 par le collectif des 39 contre la Nuit sécuritaire :
Cette loi adoptée, nous la refuserons et demandons son abrogation !
Depuis plusieurs mois, la majorité des professionnels et les citoyens ayant à cœur une hospitalité pour la folie à rebours des préjugés sécuritaires actuels, ont dénoncé la déraison d’État qui s’est exprimée par le vote du projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et, aux modalités de leur prise en charge ».
Malgré nos propositions, il n’y a pas eu de sursaut républicain des élus de la majorité gouvernementale et pourtant, une fois votée, cette loi va rendre beaucoup plus compliqués l’accès aux soins et la continuité des soins pour les patients et leurs familles. Elle désorganisera la majorité des services de psychiatrie publique dès le 1er août 2011, fera pression sur des administrations prises de court (ARS, préfectures, justice) et elle n’améliorera pas la possibilité des recours garantissant les libertés.
Cette loi bientôt adoptée, il ne reste plus que le sursaut des professionnels et des citoyens afin d’empêcher une catastrophe sanitaire sans précédent pour la psychiatrie.
Éthiquement, nous ne pouvons accepter cet ensemble de mesures qui n’a plus vocation à soigner mais à créer l’illusion que les psychiatres, les juges, les directeurs d’hôpitaux et les préfets pourraient garantir l’ordre social aux moyens de recettes gestionnaires et sécuritaires qui n’ont jamais fait leurs preuves.
Il est plus que jamais nécessaire, dans le champ de la psychiatrie, de se recentrer sur la mission soignante en élaborant, avec les patients et leur famille, des pratiques de soins au cas par cas et au long cours, quand elles le nécessitent. Nous ne saurions rester impuissants face à ce texte idéologique, discriminatoire et promouvant la délation tout en détruisant la relation de confiance soignants – soignés.
Ce texte dangereux consacre la rupture du secret professionnel, la fin de l’indépendance professionnelle qui sera désormais soumise à un « programme de soins » dicté par le Conseil d’État.
Par nécessité éthique afin de maintenir une possibilité de soin relationnel nécessaire à toute personne en grande souffrance psychique, qu’elle puisse ou non consentir aux soins, nous appelons tous les soignants en psychiatrie, les patients, les familles et tous les citoyens à refuser solennellement cette loi et à résister à cette indignité.
Ici à partir de Saint Alban, nous nous engageons à rechercher les modalités précises et pratiques pour soutenir une hospitalité à la folie, garantir la dignité des patients, et maintenir vivant notre métier, nous appuyer sur notre éthique de soignant et refuser toutes les entraves à la rencontre, à la relation thérapeutique, et à la continuité des soins. Par exemple :
– Nous nous opposerons à tout ce qui peut conduire à la levée du secret médical et l’indépendance professionnelle
– Nous refuserons l’application des « programmes de soins » imposés à tous les professionnels
– Nous refuserons de faire les certificats de maintien en hospitalisation sur le simple examen du dossier du patient, comme le prévoit la loi
– Nous refuserons les « vidéo-audiences » pour les patients dont l’état ne permet pas de se rendre au tribunal pour rencontrer un juge des libertés
– Nous n’abandonnerons pas la continuité des soins pour les patients suivis régulièrement au nom d’une priorité qui nous serait imposée pour les patients mis en « soins » sans consentement en ambulatoire ou hospitalisés
– Etc…