Nom de métier. Désigne un praticien du soin psychique formé, à l’issue d’un long parcours psychanalytique personnel, dans une association société savante qui dispense gratuitement à ses membres (cotisants) une formation continue de qualité, agréé (1) par cette dernière. Par ailleurs un psychanalyste se soutenant de son seul désir, électron institutionnel libre est également possible, ce qui rend l’organisation de la profession problématique. Il est constant qu’être psychanalyste représente une posture qu’aucun diplôme ne saurait garantir.
La profession de psychanalyste n’est pas réglementée. Ce qui ouvre latitude à des à peu près, d’où les fantasmes relatifs aux charlatans chers à la médecine et par mimétisme à la psychologie scientiste. Il y a intérêt à vérifier à quelle société appartient le psychanalyste auquel on s’adresse – sauf les électrons libres, légitimés ou non par des écrits ce qui ne garantit pas forcément leur capacité clinique de toute façon –. Et puis l’ennui c’est que le public ne connaît pas les sociétés en question et qu’il n’existe pas de tableau fnac comparatif. Alors en l’absence de Guide du psychanalysard le public procède comme avec les restaurants il met en circulation de bonnes adresses, à commencer par celle de son propre psy quand on en est satisfait.
Dans notre pays et dans beaucoup d’autres, la solution institutionnelle à la question de la légitimité consiste à acquérir d’abord (ou en rattrapage dans certains cas) la qualité de psychologue ou de psychiatre, et obtenir par la certification universitaire la légitimité et respectabilité sociale nécessaire. Ce qui fait qu’on exerce la psychanalyse sous couvert d’une autre profession et diplômation, mais en se réclamant d’elle comme si de rien n’était, ou si peu, puisqu’il n’est de formation que de l’inconscient mais que la certification qui fait autorité (et autorise à l’exercice sous le nouveau titre de psychothérapeute) c’est celle de l’autre, l’universitaire – actuellement paramédicalisée.
Si bien que, trompant sur la marchandise, un psychanalyste est le plus souvent agent double, indistinctement psychologue-psychanalyste ou psychiatre-psychanalyste, le cumul n’étant pas sans autoriser des confusions et corruptions épistémiques voire éthiques, et corporatistes bien entendu, entre cursus et types bien différents de savoir et de pratiques. La réconciliation du clivage pouvant à présent s’opérer à l’abri du nouveau titre de psychothérapeute, lequel procède de la médicalisation de l’existence. Heureusement que la psychanalyse sait s’occuper des conflits intrapsychiques ! hélas, de nombreux intéressés ont intégré le tout et sont souvent indistinctement les deux à la fois, alors que le deux disciplines et professions sont fracturées par des forces contraires voire contradictoires.
Cette double appartenance qui parfois tient du double lien se voit occultée sous l’appellation toute innocente de psychanalyste tout court. Sans compter pour complexifier la figure qu’il en existe aussi, peu nombreux, des tout-courts, ninis, ni psychiatres ni psychologues, fréquentant des cercles d’associations psychanalytiques travaillant également à l’hôpital, hantant les présentations de malades, on finit par s’y perdre. Les patients ayant évalué le paysage complexe du carré psy ont résolu la question en raccourcissant tout le monde sous la dénomination englobante en vrac de psy. C’est ainsi qu’un (excellent) coffret CNRS de Daniel Friedman interviewant des psychanalystes célèbres s’appelle Être psy.
Deux autres formes d’appellation problématique viennent de professionnels qui revendiquent l’appellation de psychanalyste, accompagnée ou non d’un déterminant qui a toute l’apparence d’être un déterminant le terme qu’il spécifie. Il s’agit
– des jungiens, qui sont passés de l’appellation de psychologie analytique (SFPA : Société française de psychologie analytique) à celle de psychanalyse – la langue raccourcit on ne précise pas toujours jungienne, ce qui représente soit une contradiction dans les termes soit une revendication de parenté proche qu’on peut entendre mais qui continue de brouiller les frontières interdisciplinaires et l’ensemble du système d’appellation. Comment se mettre d’accord ? Comme dans les guerres de religion à l’issue de schismes différences et similitudes s’avèrent irréductibles chacun ne pouvant en démordre puisque son cœur d’identité se trouve à ses yeux mis en cause. Ah ! les sciences humaines !
– des psychanalystes intégratifs, qui professent une psychanalyse intégrant, comme son nom l’indique, d’autres composantes, non psychanalytiques, comme l’analyse bioénergétique, et d’autres disciplines encore. Leur appellation n’est pas prête de leur ouvrir grandes les portes de l’Association internationale de psychanalyse, mais faire bouger les lignes est un de leurs soucis.
Alors on met tout le monde d’accord en parlant de psychanalyses ? Fort heureusement la présente entrée ne traite pas de la question du nom de la discipline. Dont la mise au pluriel soit dit au passage ne règle pas la question(2). Comment par un artifice langagier mettre tout le monde d’accord quand c’est impossible ? cela ne fait que déplacer le problème en souffrance en maintenant celle-ci.
L’aphérèse Analyste, avec majuscule, courante chez les analystes (!), permet également bien des glissements sémantiques, déborde le champ de la psychanalyse. De nombreux psys absolument pas psychanalystes se sont pour donner le change dénommés analystes + un déterminant de nom de spécialité. C’est qu’il y avait un change à donner, une fausse monnaie symbolique émissible. Ainsi analyste bioénergéticien – d’autant plus que cela se réfère à ce qui est devenu en français analyse bioénergétique, Lowen se déclarant quant à lui à l’occasion psychanalyste sans barguigner, analyste émotionnel, existentiel, systémique, etc.. Cette appellation permet en particulier aux intégratifs de mixer psychanalyse et analyse bioénergétique. On a vu que les psychanalystes intégratifs pour leur part pouvaient se trouver avec une terminologie différente dans un cas de figure similaire. On rencontre ainsi de nombreux analystes ceci ou cela, ou des analystes tout court vêtus d’une terminologie au flou très distingué, marquant l’influence de la psychanalyse et le fait que son image de marque reste dans certains cas une couverture – comment dirait-on en marketing du symbolique ? optimisante.
27 octobre 2012 –