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1 décembre 2009

Bulletin de la société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse du 1er décembre 2009(Ed. Henri Roudier)

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Clinique du traumatisme et psychanalyse du Trauma

Journée formation n°3

Par Paul-Laurent ASSOUN Psychanalyste

Mardi 1er décembre 2009 de 9h à 16h30

CB – EPCI

La notion de traumatisme est à l’ordre du jour, dans le discours médico-social. Il convient, pour lui donner toute sa portée, de revenir à la source de la clinique et de la théorie  psychanalytiques du trauma. Désignant le débordement brutal et soudain d’excitations, que l’appareil psychique ne peut évacuer par les moyens habituels, selon la définition freudienne, il renvoie à une donnée essentielle : le caractère structuralement traumatique du sexuel, la pulsion étant l’excitation interne qu’il est impossible de fuir. Encore convient-il de saisir l’incidence du réel – « mauvaise rencontre » – dans la création d’un effet traumatique. On suivra donc la genèse de la notion freudienne du trauma, l’incidence des «psycho-névroses de guerre», ce  qui culmine dans la notion de « pare-excitations », cette structure psychique destinée à filtrer les excitations – notion qu’il s’agira de cerner à cette occasion.

Cela renvoie à la question du réel  et du corps. Cela permettra de faire la différence entre le fameux «syndrome post-traumatique» et son corrélat idéologique, la «résilience» – qui traduit une sorte de fascination «traumatophilique» de la modernité – et la véritable portée du trauma en sa dimension inconsciente qui mène à « l’au-delà du principe de plaisir » et à ce que Lacan désigne comme le « troumatisme ». Cela supposera de répondre, figures cliniques à l’appui, à la question : à quelles conditions une  conjoncture traumatique est-elle réalisée pour le sujet ?

Cette session s’appuiera sur nos travaux : P-L Assoun, Corps et symptôme (3e éd., 2009), Le préjudice et l’idéal  (1999), Leçons psychanalytiques sur L’angoisse  (4e éd. 2008) (Editions Economica)

Forum de l’Eglise Saint Eloi, 3 place Maurice de Fontenay 75012 PARIS (Métro Montgallet ou Nation)

Inscriptions : Par mail : bonnet.epci@wanadoo.fr,

Par téléphone et fax : 01 43 07 89 26


 

Le vif du sujet

Une journée proposée par la revue Essaim

Samedi 5 décembre, Paris.

Afin de poursuivre le débat engagé avec la parution de son numéro 22, « C’est à quel    sujet ? », la revue de psychanalyse Essaim propose une journée d’étude le 5 décembre prochain à Paris.

En psychanalyse, tout comme dans les domaines de la philosophie et du droit, le sujet est actuellement à l’honneur. Mais, pour ce qui concerne notre champ, cet honneur est bien  ambigu. A la mesure de l’importance renouvelée qui paraît lui être accordée, on perçoit comme une adultération de sa définition même, de sa raison d’être dans notre pratique.
De représenté par un signifiant pour un autre signifiant, selon la très rigoureuse, et à notre avis, incontournable définition qu’en établit Lacan, il en vient à se faire signe de « nouvelles subjectivités ». Ceci d’une façon qui reste peu problématisée et surtout induit en erreur en s’appuyant sur une clinique qui n’est plus celle du sujet dans sa définition psychanalytique, puisque, comme dans la séméiologie médicale ou psychiatrique, celui-ci se retrouve alors représenté par « un signe pour quelqu’un ».

Cela rend antinomique la notion de sujet et celle de subjectivité. Le sujet est coupure, aphanisis, il s’institue dans la destitution. Le sujet ne se subjective pas. Il est moment d’éclipse qui se manifeste dans la fente de l’une bévue (Unbewusste, inconscient). Il prend la place de ce que Freud appelait « l’hypothèse de l’inconscient ». Si subjectivation il y a, elle est du ressort d’un « je », soit d’une articulation grammaticale, dont le sujet reste en dessous (sub-jet).
Ainsi, sur la base de la confusion du sujet et de la subjectivité, « les nouveaux sujets » se mettent-ils à fleurir sous la plume de certains psychanalystes : nouveaux sujets de la nouvelle économie psychique, nouveaux sujets du sinthome, Š Or, prendre la subjectivité pour le signe du sujet est le plus sûr moyen de ravaler la psychanalyse au rang de psychothérapie et la soumettre à réglementation.

Avec cette journée, la revue Essaim propose de raviver le débat que ces questions ont suscité.

Programme

Matinée 9h30 12h30. Président de séance : Dominique Simonney
-* Ouverture de la journée : Sophie Aouillé
-* Daniel Koren. Quoi de neuf ?
-* Franck Chaumon. Le sujet et les discours
-* Nicolas Guérin. L’idéologie du déclin et la psychanalyse

Après-midi 14h30-18h. Président de séance : Michel Plon
-* Sylvain Gross. Crise du sujet ou sujet de crise
-* Jean-Pierre Lebrun. A propos « des conséquences graves pour la pensée analytique »
-* Claude Léger. Les transparents
-* Conclusion des débats : Erik Porge

92 bis, bd Montparnasse. Paris

9h30-12h30 14h30-18h

Entrée : 50 euros,   30 euros pour les abonnés à la revue,    (possibilité de s’abonner sur place)


 

Présentation du livre de l’Appel des appels,

Pour une insurrection des consciences

(Fayard, Mille et une nuits)

Dimanche 6 décembre 2009, à la librairie Lipsy, PARIS 75005

à partir de 13h

RENCONTRE-DEBAT EN PRESENCE DE BARBARA CASSIN, ROLAND GORI, CHRISTIAN LAVAL ET D’AUTRES AUTEURS AYANT PARTICIPE A L’ELABORATION DU LIVRE.
SERGE PORTELLI PRÉSENTERA SON DERNIER OUVRAGE, « LE SARKOZYSME SANS SARKOZY » PARU CHEZ GRASSET.


Signalons la parution d’une biographie d’Henri F. Ellenberger.  Cet ouvrage est dû à la plume de notre amie Andrée Yanacopoulo

Andrée Yanacopoulo

Henri F. Ellenberger, une vie

(Editions Liber)

Henri Ellenberger est l’auteur de l’oeuvre monumentale mondialement louée, La découverte de l’inconscient (1970), résultat de vingt ans de travail, qui fait l’histoire des différentes interprétations de l’inconscient, depuis les temps les plus reculés jusqu’aux théories psychanalytiques du vingtième siècle. Chercheur irréprochable, il incarne le modèle du savant rigoureux, obstiné, intransigeant avec la vérité des faits.


 

LA MALADIE AUTO-IMMUNE DU CAPITALISME

René Major

Le séminaire de René MAJOR sur La maladie auto-immune du capitalisme ne débutera salle Cavaillès à l’ENS que le 10 décembre 2009. La séance qui était initialement prévue pour le jeudi 26 novembre sera remplacée par la première séance du séminaire de Maryan BENMANSOUR, Le monde des morts dans la poétique : de Wordsworth à Celan qui avait dû être reportée. Le thème des fantômes et de la hantise étant bien présent dans le séminaire de Maryan Benmansour, il constituera aussi une introduction à celui de René Major.

E.N.S. – 45, rue d’Ulm – Paris 5e  Salle CAVAILLÈS, 21 h à 23 h
10 décembre ,  21 janvier, 18 février, 18 mars et 15 avril

L’on assiste au séminaire sans inscription ni frais.


Voici l’adresse du site de notre ami Per Magnus JOHANSSON

http://www.permagnusjohansson.com/

Rappelons qu’il poursuit son séminaire commencé en octobre à l’Association freudienne (Freudianska föreningen),
Institut d’Épistémologie, Université de Göteborg, Suède
Stora Nygatan 13, 41308 Göteborg

OM FÖRHæLLANDET MELLAN PSYKOANALYS OCH RELIGION.
Seminariet tar sig an förhållandet mellan psykoanalysen, den dominerande politiska diskursen och religionens plats i det västerländska samhället

LE RAPPORT ENTRE LA PSYCHANALYSE, LE DISCOURS POLITIQUE D’AUJOURD’HUI
ET LA PLACE DE LA RELIGION DANS LA SOCIÉTÉ OCCIDENTALE

2009 : les dimanches 11 et 18 octobre, 8 et 15 novembre, 6 et 13 décembre
2010 : les dimanches 17, 24 et 31 janvier, 7 et 28 février, 7, 14, 21 et 28 mars, 18 avril, 9, 23 et 30 mai
15 h à 17 h


A propos de l’évaluation

Le texte que nous vous proposons ci-dessous n’est pas récent. Il a été écrit en 1997 par  Mark Edmundson, professeur à l’université  de Virginie. On trouvera dans ce texte une analyse critique de l’idée d’évaluation dans le contexte universitaire ; au delà de l’humour qui habite ces quelques lignes se dessine fort bien à quelle demande fantasmatique répond l’évaluation, dernier avatar de nos sociétés de « consommation ».

On en trouvera un peu plus bas la traduction en français.

Parmi les ouvrages de cet auteur signalons :
The Death of Sigmund Freud: Fascism, Psycho-analysis and the Rise of Fundamentalism, Bloomsbury Press, 2007.
Literature Against Philosophy, Plato to Derrida: A Defence of Poetry, Cambridge U P, 1995

As Lite Entertainment For Bored College Students by  Mark Edmundson at the University of Virginia

(reprinted from Harper’s  September 1997 by permission of the author)

Today is evaluation day  in my Freud class, and everything has changed. The class meets twice a week,  late in the afternoon, and the clientele, about fifty undergraduates, tends to  drag in and slump, looking disconsolate and a little lost, waiting for a jump  start. To get the discussion moving, they usually require a joke, an anecdote,  an off-the-wall question — When you were a kid, were your Halloween getups  ego costumes, id costumes, or superego costumes? That sort of thing. But  today, as soon as I flourish the forms, a buzz rises in the room. Today they  write their assessments of the course, their assessments of me, and they are  without a doubt wide-awake. « What is your evaluation of the instructor? » asks  question number eight, entreating them to circle an number between five  (excellent) and one (poor, poor). Whatever interpretive subtlety they’ve  acquired during the term is now out the window. Edmundson: one to five, stand  and shoot.

And they do. As I retreat through the door — I never stay  around for this phase of the ritual — I look over my shoulder and see them  toiling away like the devil’s auditors. They’re pitched into high writing  gear, even the ones who struggle to squeeze out their journal entries word by  word, stoked on a procedure they have by now supremely mastered. They’re  playing the informed consumer, letting the provider know where he’s come  through and where he’s not quite up to snuff.

But why am I so  distressed, bolting like a refugee out of my own classroom, where I usually  hold easy sway? Chances are the evaluations will be much like what they’ve  been in the past — they’ll be just fine. It’s likely that I’ll be commended  for being « interesting » (and I am commended, many times over), that I’ll be  cited for my relaxed and tolerant ways (that happens, too), that my sense of  humor and capacity to connect the arcana of the subject matter with current  culture will come in for some praise (yup). I’ve been hassled this term,  finishing a manuscript, and so haven’t given their journals the attention I  should have, and for that I’m called — quite civilly, though — to account.  Overall, I get off pretty well.

Yet I have to admit that I do not much  like the image of myself that emerges from these forms, the image of  knowledgeable, humorous detachment and bland tolerance. I do not like the  forms themselves, with their number ratings, reminiscent of the sheets  circulated after the TV pilot has just played to its sample audience in  Burbank. Most of all I dislike the attitude of calm consumer expertise that  pervades the responses. I’m disturbed by the serene belief that my function —  and, more important, Freud’s, or Shakespeare’s, or Blake’s — is to divert,  entertain, and interest. Observes one respondent, not at all unrepresentative:  « Edmundson has done a fantastic job of presenting this difficult, important  & controversial material in an enjoyable and approachable  way. »

Thanks but no thanks. I don’t teach to amuse, to divert, or even,  for that matter, to be merely interesting. When someone says that she  « enjoyed » the course — and that word crops up again and again in my  evaluations — somewhere at the edge of my immediate complacency I feel  encroaching self-dislike. That is not at all what I had in mind. The  off-the-wall questions and sidebar jokes are meant at lead-ins to stronger  stuff — in the case of the Freud course, to a complexly tragic view of life.  But the affability and the one-liners often seem to be all that land with the  students; their journals and evaluations leave me little doubt.

I want  some of them to say that they’ve been changed by the course. I want them to  measure themselves against what they’ve read. It’s said that some time ago a  Columbia University instructor used to issue a harsh two-part question. One:  What book did you most dislike in the course? Two: What intellectual or  characterological flaws in you does that dislike point to? The hand that  framed the question was surely heavy. But at least it compels one to see  intellectual work as a confrontation between two people, student and author,  where the stakes matter. Those Columbia students were being asked to relate  the quality of an encounter, not rate the action as though it had unfolded on  the big screen.

Why are my students describing the Oedipus complex and  the death drive as being interesting and enjoyable to contemplate? And why am  I coming across as an urbane, mildly ironic, endlessly affable guide to this  intellectual territory, operating without intensity, generous, funny, and  loose?

Because that’s what works. On evaluation day, I reap the rewards  of my partial compliance with the culture of my students and, too, with the  culture of the university as it now operates. It’s a culture that’s gotten  little exploration. Current critics tend to think that liberal-arts education  is in crisis because universities have been invaded by professors with  peculiar ideas: deconstructionism, Lacanianism, feminism, queer theory. They  believe that genus and tradition are out and that P.C., multiculturalism, and  identity politics are in because of an invasion by tribes of tenured radicals,  the late millennial equivalents of the Visigoth hordes that cracked Rome’s  walls.

But mulling over my evaluations and then trying to take a hard,  extended look at campus life both here at the University of Virginia and  around the country eventually led me to some different conclusions. To me,  liberal-arts education is as ineffective as it is now not chiefly because  there are a lot of strange theories in the air. (Used well, those theories can  be illuminating.) Rather, it’s that university culture, like American culture  writ large, is, to put it crudely, ever more devoted to consumption and  entertainment, to the using and using up of goods and images. For someone  growing up in America now, there are few available alternatives to the cool  consumer worldview. My students didn’t ask for that view, much less create it,  but they bring a consumer weltanschauung to school, where it exerts a  powerful, and largely unacknowledged, influence. If we want to understand  current universities, with their multiple woes, we might try leaving the  realms of expert debate and fine ideas and turning to the classrooms and  campuses, where a new kind of weather is gathering.


Comme un divertissement léger pour des étudiants blasés de Mark Edmundson de l’Université de Virginie

Réimpression du Harper’s, Septembre 1997, autorisée par l’auteur

Aujourd’hui, c’est le jour d’évaluation dans mon cours sur Freud, et tout a changé.
Je fais cours deux fois par semaine en fin d’après-midi, et d’habitude la clientèle, environ cinquante étudiants de premier cycle, a tendance à se traîner et s’affaler, l’air inconsolable, un peu perdu, attendant d’être réveillée. Pour déclencher la discussion, ils ont en général besoin d’une blague, d’une anecdote, d’une question originale – Quand vous étiez enfants, vos déguisements d’Halloween étaient-ils plutôt des accoutrements du moi, du ça, ou du surmoi. Ce genre de choseŠ Mais aujourd’hui, dès que je brandis les formulaires, un bourdonnement monte dans la pièce. Aujourd’hui, ils écriront leur évaluation du cours, leur évaluation de moi, et ils sont sans aucun doute tout à fait réveillés. « Quelle est votre évaluation de l’enseignant? » interroge la question numéro huit, les invitant à  encercler un nombre compris entre le cinq (excellent) et le un (mauvais, mauvais). S’ils ont acquis de de la subtilité dans l’interprétation pendant le trimestre, elle est maintenant partie en fumée. Edmundson: un à cinq, prêts, tirez.

Et ils le font. En me dirigeant vers la porte – je ne reste jamais dans le coin pendant cette phase du rituel – je regarde par-dessus mon épaule et je les vois travailler dur comme des auditeurs du diable. Ils écrivent en ayant passé la quatrième, même ceux qui n’arrivent pas à aligner trois mots dans leur journal de bord, à l’aise dans une procédure désormais parfaitement maîtrisée. Ils jouent les consommateurs avertis, faisant savoir au prestataire  s’il s’en est sorti ou s’il n’est pas tout à fait à la hauteur de sa tâche.

Mais pourquoi suis-je si tourmenté, fuyant comme un réfugié ma propre salle de classe, où d’habitude je règne aisément? Il y a de fortes chances que les évaluations  ressemblent beaucoup à ce qu’elles ont été dans le passé – elles seront tout à fait bien. Il est probable que je serai félicité pour être « intéressant » (et je suis félicité, à maintes reprises), que je serai cité pour mes façons détendues et tolérantes (ceci arrive, aussi), que mon sens de l’humour et ma capacité à associer les arcanes du sujet à la culture actuelle inspire quelques éloges (mais oui). J’ai été très occupé ce trimestre, un manuscrit à terminer, et n’ai donc pas donné à leurs journaux l’attention que j’aurais dû donner, et pour cela je suis rappelé à l’ordre – très poliment, d’ailleurs. Dans l’ensemble, je m’en sors plutôt bien.

Mais je dois avouer que je n’aime pas beaucoup l’image de moi-même qui se dégage de ces questionnaires, une image de détachement cultivé, plein d’humour et de douce tolérance. Je n’aime pas les questionnaires eux-mêmes, avec leurs évaluations numérotées, rappelant les feuilles distribuées à un public-échantillon après un banc d’essai TV à Burbank. Mais par dessus tout, je n’aime pas cette mentalité du consommateur expert et calme qui imprègne les réponses. Je suis gêné par cette conviction sereine selon laquelle ma fonction – et, plus important encore, celle de Freud, de Shakespeare ou de Blake – est de distraire, d’amuser et d’intéresser. Comme l’observe un des interrogés, tout-à-fait représentatif: «Edmundson a magistralement su présenter ces oeuvres difficiles, importantes & controversées d’une façon agréable et accessible. »

Merci mais très peu pour moi. Je n’enseigne pas pour amuser, distraire, ni d’ailleurs, pour être tout simplement intéressant. Quand une personne dit qu’elle «a pris plaisir» au cours – et ce mot revient encore et encore dans mes évaluations – quelque part au ras de mon autosatisfaction immédiate je sens une envahissante auto-aversion. Ce n’est pas du tout ce que j’avais à l’esprit. Les questions provocantes et les blagues transversales visent à introduire de plus fortes substances  – dans le cas du cours sur Freud, à une vision tragique et complexe de la vie. Mais l’affabilité et les boutades semblent souvent être ce qui percute chez les étudiants, leurs journaux et évaluations me laissent peu de doutes à ce sujet.

Je désire qu’un nombre d’entre eux disent qu’ils ont été changés par le cours. Je désire qu’ils se mesurent à ce qu’ils ont lu. On raconte qu’il y a quelque temps, un professeur de l’Université de Columbia posait une question difficile en deux points : Un, quel livre vous a le plus ennuyé pendant le cours? Deux, quelles failles intellectuelles ou de caractère ce rejet a-t-il révélé chez vous? La main qui a posé la question était sûrement lourde. Mais au moins, elle oblige à voir le travail intellectuel comme une confrontation entre deux personnes, étudiant et auteur, où les enjeux comptent. On demandait à ces étudiants de s’exprimer sur la qualité d’une rencontre, pas d’évaluer l’action comme si elle s’était déroulée sur le grand écran.

Pourquoi mes étudiants décrivent-ils le complexe d’‘Œdipe et la pulsion de mort comme étant intéressants et agréables à envisager? Et pourquoi est-ce que je donne l’impression d’être un guide raffiné, légèrement ironique, infiniment affable dans ce champ intellectuel, l’exploitant sans intensité, généreux, drôle et léger ?

Parce que c’est ce qui marche. Le jour de l’évaluation, je récolte les fruits de ma complaisance partielle envers la culture de mes étudiants ainsi que la culture de l’université telle qu’elle fonctionne actuellement. C’est une culture qui n’a guère fait l’objet de réflexion. Des critiques actuels ont tendance à penser que l’éducation en sciences humaines est en crise parce que les universités ont été envahies par des professeurs aux idées bizarres: déconstructionnisme, lacanisme,  féminisme, « queer theory ». Ils croient que le genre et la tradition sont « out » et que le politiquement correct, le multiculturalisme et la politique identitaire sont « in » ; conséquence d’une invasion de tribus de titulaires radicaux, équivalents en cette fin de millénaire des hordes de wisigoths qui ont fait tomber les murs de Rome.

Mais réfléchir longuement à mes évaluations et essayer ensuite de poser un regard lucide et scrutateur sur la vie universitaire ici comme à l’Université de Virginie ou à travers le pays, m’ont finalement conduit à des conclusions différentes. Pour moi, si l’éducation des sciences humaines est aussi inefficace qu’elle l’est aujourd’hui, ce n’est  pas à cause de toutes ces théories étranges qui circulent (bien utilisés, ces théories peuvent être éclairantes.) C’est plutôt que cette culture universitaire, comme la culture américaine tout court, est, pour le dire crûment, de plus en plus consacrée à la consommation, au divertissement, à l’utilisation et l’abus de biens et d’ images. Pour celui qui grandit aux Etats-Unis aujourd’hui, il existe peu d’alternatives à la vision du monde qu’est celle du consommateur détaché. Mes étudiants n’ont pas demandé cette vision, encore moins l’ont-ils créée, mais ils apportent un  Weltanschauung de consommateur à l’école, où il exerce une influence puissante et largement méconnue. Si nous voulons comprendre les universités actuelles, avec leurs multiples maux, on devrait essayer de s’écarter des domaines des débats d’experts et des belles idées et se tourner vers les salles de classe  et les campus, où se propage où un nouveau type d’atmosphère.

(traduction Paola Costa, Corinne Foy)