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12 mai 2010

Bulletin de la société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse(Ed. Henri Roudier)

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Voici chers amis quelques informations de France
Bien à vous

Henri Roudier


Lundi 10 Mai 2010 à 21h15

Séminaire Mensuel de Psychanalyse Actuelle

En présence de l’auteur. Débat à propos de l’ouvrage de

Vannina Micheli – Rechtman

«La psychanalyse face à ses détracteurs »

Présentation et débat avec l’auteur et les présents par : Nabile Farès, Christian Hofmann, Jean-Jacques Moscovitz

Hôtel de l’industrie – au 4, place Saint Germain-des-près – 75006 – Paris

Note de Psychanalyse actuelle Voici l’annonce d’une soirée prévue depuis le début de l’année. Il s’agit dans cette rencontre ouverte à tous, organisée par Psychanalyse Actuelle, de montrer à partir du livre de Vannina Micheli-Rechtmann la teneur de questions sur la validité de la psychanalyse de nos jours. Le hasard faisant bien les choses pour une fois, cela tombe avec cette révélation des effets dans les médias d’un ouvrage, celui de Michel Onfray, »Crépuscule d’une idole », ouvrage qui est le signe le plus effarant d’un déficit de la pensée, déficit affligeant par ses fausses perspectives sur la « chose freudienne », d’une lecture de Freud qui n’est que polémique et pleine de lacunes contraires à toute position philosophique d’un auteur qui se réclame l’occuper.


Espace analytique

Mercredi 26 mai 2010,

à 21h00 au Centre Octave et Maud Mannoni, 12 rue de Bourgogne 75007 Paris

ENTRE INTERSUBJECTIVITE ET INTER-CORPOREITE

Conférence du Professeur Nelson COELHO

Modérateur : Sabine PARMENTIER
Discutant : Luiz Eduardo PRADO DE OLIVEIRA

 


Conférence invitée par le CERReV (MRSH) et soutenue par la Société Normande de Philosophie

Jeudi 27 mai 2010 à Caen

De 20h à 22h Amphithéâtre D1 annexe de la faculté de Droit Université de Caen-Basse Normandie
Esplanade de la Paix

Conférence débat

Rumeurs et vérité en histoire

Avec
Elisabeth Roudinesco, Historienne (Université Paris-Diderot)

Avec la participation de
Guillaume Mazeau, Historien (Université Paris I Sorbonne)
Franck Lelièvre, Philosophe (Lycée Charles De Gaulle Caen)

A l’occasion de la sortie de leur livre
Mais pourquoi tant de haine ? (Editions du Seuil)
écrit également avec Christian Godin, Pierre Delion, Roland Gori

D’autre part, Franck Lelièvre, organisateur de cette soirée soutenue par la Société normande de philosophie a fait diffuser le communiqué de presse suivant.

L’historienne Elisabeth Roudinesco, auteur de nombreux ouvrages sur la psychanalyse et son histoire, en France et dans le monde, chercheuse de renommée internationale, sera à Caen le jeudi 27 mai à l’occasion de la sortie d’un livre à plusieurs voix qu’elle a coordonné : Mais pourquoi tant de haine ? (éditions du Seuil), en réponse au livre de Michel Onfray, Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne (Grasset).

Accompagnée de l’historien Guillaume Mazeau et de Franck Lelièvre, professeur de philosophie à Caen, elle sera accueillie par l’Université de Basse-Normandie pour débattre sur le thème : « Rumeurs et vérité en histoire » . Le problème central posé par les auteurs de ce livre est celui de l’établissement de la vérité en histoire et en philosophie : Freud était-il un affabulateur, un pervers sexuel, un adepte du fascisme, persécuteur de son propre peuple? Son oeuvre n’est-elle qu’une forme de pathologie impossible à universaliser? Est-ce la vérité, est-ce une rumeur? Nous tâcherons de répondre à ces questions. Et de même à propos de bien d’autres penseurs ou acteurs de l’histoire. Il s’agit donc d’engager une réflexion sur le statut contemporain de la transmission des savoirs. L’université et l’école républicaine ont leur mot à dire.

Fier de pouvoir accueillir en Basse-Normandie, parmi d’autres participants, une intellectuelle aux compétences reconnues, c’est avec plaisir qu’en tant qu’organisateur de cette soirée j’invite tous ceux que ces questions intéressent à être présents parmi nous. Les enjeux de ce débat dépassent largement ceux d’une discussion entre spécialistes.
C’est dans cet esprit de dialogue que nous avons invité Michel Onfray à participer à cette soirée. Libre à lui de venir.


Journées d’Espace Analytique. La Rochelle (sur le Vieux port)

19 et 20 juin 2010

Subversions du féminin

À l’opposé de la pensée d’un « éternel féminin », aussi immobile que mortifère, la psychanalyse a toujours donné une place à part au féminin, celle d’orienter le désir et la jouissance. Non pas originaire, mais Autre que le signifiant, le féminin est donc rebelle, par définition, à une quelconque mise en ordre par le symbolique et il fait autant énigme aux femmes qu’aux hommes.

Ainsi cette place vient à la fois dévoiler la limite du symbolique, il n’est pas tout, et en même temps poser, au sein même de notre monde, phalliquement ordonné, la question de l’hétéros, de ce qui ne s’y réduit pas.

C’est pour rendre compte de cette position paradoxale du féminin et lui donner sa place logique que Lacan a inventé le terme de pas-tout. Si l’inconscient ne connaît que le phallus comme réalité sexuelle, celui-ci, certes, organise la sexualité des hommes et des femmes, mais fondamentalement, il ne les fait pas différents. L’altérité du féminin relève donc d’une Autre logique : celle du pas-tout, qui ouvre l’espace de la jouissance pas toute phallique.

À ce titre, le féminin comme pas-tout fait obstacle à toute tentation de complétude de même qu’il remet en cause la notion même de totalisation. C’est dire que sa place dans la structure est déterminante de la constitution possible du sujet et ne peut être éliminée sans mener au pire. C’est pourquoi, le pas-tout concerne tous les êtres humains quelque soit leur sexe anatomique et leur position sexuée.

Avec le pas-tout, le féminin prend une véritable fonction de subversion par rapport à la norme sociale de même qu’il indexe logiquement le malaise/néantisation actuel de la civilisation.
Permet-il de penser un mode de faire groupe qui ne serait pas ségrégatif ?
Quels sont les effets de ce malaise/néantisation sur la féminité lorsque, par exemple, le corps devient une marchandise comme une autre ?

Nous aborderons aussi le pas-tout là où il est création, là où il pousse un sujet à faire ¦uvre qui prenne valeur sociale. Selon quels modes singuliers ?

Tels sont les chemins, inhabituels, sur lesquels les subversions du féminin nous entraîneront au cours de ces journées.

Comité organisateur : Marine Linares, Hélène Godefroy, Gorana Bulat-Manenti,Claude-Noële Pickmann, Christian Hoffmann, Jean-Jacques Moscovitz

Renseignements : http://espace-analytique.org/spip.php?article404

 


A propos du dernier ouvrage de M. Onfray, Le Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne

La controverse prend de l’ampleur en France. La liste est trop longue des articles et dossiers que l’on trouve dans la presse et sur les nombreux sites Internet qui se sont emparés de la question, pour la donner ici.

D’autant plus que le débat a vu se nouer une alliance entre les partisans de Michel Onfray et les défenseurs du Livre noir de la psychanalyse. En témoigne le très récent article de Mikkel Borch-Jacobsen paru dans Le Monde « Le crime de M. Onfray ? Avoir suggéré que Freud n’était pas de gauche » que l’on trouvera à l’adresse suivante

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/05/07/le-crime-de-m-onfray-avoir-suggere-que-freud-n-etait-pas-de-gauche-par-mikkel-borch-jacobsen_1348091_3232.html#ens_id=1347986

En témoigne également la parution d’une tribune de J. Van Rillaer sur le site littéraire du Nouvel Observateur.
(http://bibliobs.nouvelobs.com/). Nous avons été conduit à publier le communiqué suivant sur le site en question.

COMMUNIQUE DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE D’HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE ET DE LA PSYCHANALYSE

Le site du Nouvel Observateur accueille une tribune de J. Van Rillaer, intitulée « Les légendes freudiennes de Mme Roudinesco ».
Dans cette tribune Monsieur Van Rillaer prétend opposer les travaux du grand historien Henri Ellenberger à ceux d’Elisabeth Roudinesco. Ce n’est pas la première fois.

La SIHPP tient à rappeler que
– C’est Elisabeth Roudinesco, présidente de la SIHPP, qui a fait connaître l’ouvrage d’Henri Ellenberger: Histoire de la découverte de l’inconscient (Fayard) en le rééditant en 1994, avec une longue préface.
– Notre société est dépositaire des archives d’Henri Ellenberger.
On pourra donc trouver étonnante et quelque peu amusante l’obstination de Monsieur Van Rillaer à fabriquer de toutes pièces une opposition qui n’a rien à voir avec la réalité.

Henri Roudier, secrétaire de la SIHPP.


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D’autre part Michel Onfray semble avoir changé de registre dans la campagne antifreudienne qu’il prétend mener. Onfray, qui jusque là prenait des allures marmoréennes et affectait dans ses interventions un ton calme et souverain, est rattrapé par sa démesure. Ainsi il est devenu impossible d’ignorer aujourd’hui que son livre compte un million de signes.

Après avoir publié dans l’hebdomadaire Le Point un texte de deux pages dont l’essentiel se réduit à un torrent d’injures à l’encontre de Freud, Onfray se répand sur son blog en accusations à destination de la planète médiatique et intellectuelle. On finit par s’y perdre car tout le monde y passe : la radio, la télévision, leurs journalistes et animateurs, la « boutique freudienne de Paris » ; les intellectuels et les pas intellectuels ; l’hebdomadaire Marianne ; Libération qui aurait changé le titre d’un de ses articles et ne l’aurait pas informé sur le contenu des articles publiés sur le même sujet ; Le Monde pour n’avoir pas publié dans son édition papier son article « Psychanalystes encore un effort pour être républicains» et l’avoir relégué sur le site du Monde.fr. Cela peut faire sourire quand on pense à l’éditorial du directeur de Libération, Laurent Joffrin, qui montrait pourtant beaucoup de sympathie pour les thèses d’Onfray ou quand on apprend que Le Monde accueille désormais une chronique régulière du philosophe d’Argentan ; nous en avons eu un premier échantillon intitulé « Littératures de vespasiennes » le 17 avril.

Enfin si quelques personnalités échappent à ce déferlement, il n’est pas sûr qu’elles apprécieront les marques de sympathie qui leur sont adressées.
Nos amis qui souhaitent juger sur pièces trouveront ces textes aux adresses suivantes :

Le Point du 06/05/2010. Onfray répond à BHL
http://www.lepoint.fr/actualites-chroniques/2010-05-06/onfray-repond-a-bhl/989/0/451979

Sur le blog de Michel Onfray

5 mai 2010 Ni ce soir, mais jamais
Où l’on apprend que les intrigants, menteurs, insulteurs, veulent « débattre »Š
http://onfray.over-blog.com/article-ni-ce-soir-mais-jamais-49877230.html

7 mai 2010 Le bal des faux culs, suiteŠ Où l’on apprend que le chef n’est pas toujours qui l’on croitŠ
http://onfray.over-blog.com/article-le-bal-des-faux-culs-suite-49997147.html

NB. Les titres ne sont pas de la rédaction


Vous trouverez ci-dessous deux textes d’une toute autre tenue. Le premier a paru dans le quotidien Libération il y a quelques jours. Il est de de René Major, ancien président de la SIHPP et de Chantal Talagrand, membre de la SIHPP. Le second est de Serge Tisseron, membre de la SIHPP : ce texte est paru sur le site du Monde.

 


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(Libération le 26 avril 2010)

RENÉ MAJOR et CHANTAL TALAGRAND
Michel Onfray ou la folie raisonnante

On f’rait mieux de se taire. Taciturire, comme le disait Blanchot, devant l’outrance de la provocation ou les âneries qui porteront désormais un autre nom : les «onfrayries» qu’une certaine «confrayrie» de médias s’empresse de répandre dans le ciel de la pensée pour tenter de paralyser tout ce qui, depuis un siècle, n’a cessé d’éclairer les sources inconscientes des rapports entre les hommes. De quoi Michel Onfray est-il donc devenu le nom ? Du symptôme du rabaissement de la pensée qui déferle quotidiennement dans la presse ou à la télévision. En venir, en effet, à faire de Freud un antisémite est le comble de l’onfrayrie.

On croirait lire un canular. L’auteur n’hésite pas à dire que «Freud n’écrit jamais contre Hitler, contre le nationalsocialisme, contre la barbarie antisémite», alors que, le jour même où Hitler est nommé chancelier, Freud écrit : «Nous sommes tous inquiets de ce qui va advenir du programme du chancelier Hitler dont la seule visée politique est les pogroms» et, dans la remarque préliminaire au Moïse en voie de rédaction, il est on ne peut plus explicite : «Dans le cas du peuple allemand [Š] on constate que la régression vers une barbarie presque préhistorique s’accomplit sans s’appuyer sur une quelconque idée de progrès.» Le 10 juin 1933, il écrit aussi : «L’Allemagne est la pire cellule de la gigantesque prison qu’est devenu le monde [Š] Ils ont commencé en prenant le bolchevisme pour leur mortel ennemi mais ils finiront comme eux – à ceci près que, malgré tout, le bolchevisme a adopté des idéaux révolutionnaires alors que ceux de l’hitlérisme sont purement médiévaux et réactionnaires.» On ne peut non plus laisser faire croire que Freud aurait pactisé avec la psychothérapie allemande aryanisée, lui qui fit procéder, avec l’accord de tous les membres, à la dissolution de la Société psychanalytique de Vienne.

Onfray feint-il de ne pas comprendre que, dans son livre sur Moïse, Freud analyse le délire d’élection auquel est en proie le peuple allemand sous l’impulsion de son Führer dans la rivalité métaphysique qu’il prétend entretenir avec le peuple juif ? Hitler avait bien déclaré que le peuple allemand était le peuple de Dieu et qu’il ne pouvait exister deux peuples élus. Où donc Onfray va-t-il chercher, à contresens, que Freud se propose de «tuer le père des Juifs» en parlant de l’homme Moïse ? Faire de Freud un fasciste parce qu’il remet un exemplaire de Pourquoi la guerre ? écrit avec Einstein en 1932, à Eduardo Weiss qui lui demande un de ses livres pour Mussolini, c’est ne rien comprendre à l’humour, parfois acerbe, de Freud. D’abord, le choix de ce livre dans lequel sont dénoncés les motifs cachés de la guerre qui se profile à l’horizon et où se trouve analysée la soif de pouvoir ; ensuite, la dédicace ironique qui «reconnaît en la personne du dirigeant un héros de la culture». Comment Freud aurait-il pu sérieusement considérer Mussolini comme un héros de la culture ?

Il faut être aussi naïf que Onfray – ou que Mussolini – pour le croire. Onfray va-t-il prêter à Freud une admiration pour les SS quand, lui faisant signer une déclaration selon laquelle il aurait été bien traité par eux avant son départ de Vienne, Freud ajoute en post-scriptum – et au péril de sa vie – qu’il recommande la Gestapo à quiconque ? D’autres philosophes se sont intéressés à Freud bien avant Onfray. Foucault, par exemple, n’a-t-il pas écrit que ce fut «l’honneur politique de la psychanalyse d’avoir suspecté dès sa naissance ce qu’il pouvait y avoir d’irréparablement proliférant dans ces mécanismes de pouvoir qui prétendaient gérer le quotidien de la sexualité [Š] et que la psychanalyse doit d’avoir été en opposition théorique et pratique avec le fascisme» ? Derrida, pour sa part, n’aura-t-il pas insisté sur le «révisionnisme» qui tente de nier la découverte freudienne et son impact dans notre culture en voulant procéder à une plate restauration de tout ce qui avait cours auparavant, où la psychanalyse, le nom même de la psychanalyse et celui des héritiers de cette pensée seraient désormais associés au mal lui-même ou à un remède pire que le mal. Car la psychanalyse, telle qu’inventée par Freud, s’est employée et s’emploie encore, avant même toute idée thérapeutique ou sinon avec elle, à envisager, sans alibi et sans prétexte, sans souci d’épargner la pensée bien pensante, les racines du mal radical, d’un mal généralement abandonné à la religion, à la métaphysique ou au théologico-politique.

Allons Onfray, si, comme vous le prétendez, la psychanalyse est une philosophie et toute philosophie une autobiographie déguisée de son auteur, on ne donne pas cher de la vôtre. Elle est à reléguer aux poubelles de l’histoire. Allons, remettez-vous de votre folie raisonnante qui prend tout à rebours de la vérité de l’histoire. Lisez Sérieux et Capgras qui ont magnifiquement décrit cette folie.

René Major, psychanalyste, Chantal Talagrand, psychanalyste


LEMONDE.FR 7 mai 2010

Point de vue

Qui a peur de Michel Onfray ?

par SERGE TISSERON

Au-delà de son aspect polémique, le livre de Michel Onfray soulève plusieurs problèmes dont il convient de ne pas lui laisser la primeur. Il serait catastrophique de laisser présenter les concepts freudiens comme une sorte d’Evangile auquel les psychanalystes seraient invités à croire sans pouvoir en contester la validité, et la psychanalyse comme une citadelle de certitudes qui ne pourrait être remise en cause que par un esprit libre l’abordant de l’extérieur. Bien entendu, Michel Onfray a tout intérêt à le faire croire car cela donne à son combat des allures de petit David défiant le géant Goliath ! Mais rappelons que certains psychanalystes n’ont pas attendu Onfray pour ouvrir le débat d’une critique fondamentale de la théorie freudienne.

Déjà, Sandor Ferenczi, compagnon de route de Freud, lui reprochait de s’être écarté de l’idée première de traumatisme personnel et d’y avoir préféré l’analyse des fantasmes, le complexe d’‘dipe, la castration et l’envie du pénis, toute chose qui lui paraissaient de moindre intérêt.

Plus près de nous, Jeffrey Moussaieff Masson (Le Réel escamoté, 1984) a mis en rapport la construction de la théorie ¦dipienne avec la crainte de Freud de se trouver marginalisé en prenant la défense des victimes qu’il recevait dans son cabinet. Selon cette théorie, les assauts sexuels que les patientes racontent avoir subis dans leur enfance sont des fantasmes. « Les thérapeutes pouvaient rester ainsi du côté des vainqueurs et des puissants plutôt que de celui des victimes misérables de la violence familiale », écrit Masson.

L’historienne Marianne Krüll (Sigmund, fils de Jacob, 1979) s’est quant à elle intéressée au rôle des non-dits familiaux dans la famille du petit Sigmund. Que signifient pour un enfant d’être interdit par ses parents de réfléchir sur ce qu’ils étaient, sur leur passé, leurs inhibitions, leurs transgressions ? La réponse de Krüll est sans appel : on devient comme eux, on reproduit les mêmes comportements interdicteurs dans nos rapports avec les autres. Ainsi Freud exerça-t-il le rôle inhibiteur – il n’est pas excessif de dire castrateur – de son propre père vis-à-vis de ses disciples.

Ce qui faisait dire au psychanalyste Nicolas Abraham, comparant le fondateur de la psychanalyse à Attila : « Là où Freud passe, l’herbe ne repousse plus. » Marianne Krüll arrive à la conclusion que Freud a construit un pan entier de sa théorie pour masquer des questions douloureuses qui touchaient au tabou de son propre père : parmi ces éléments de théorie, il y aurait le mythe du meurtre du père primitif, et en fin de compte, toute la théorie ¦dipienne avec les nombreux concepts et les élaborations qu’elle fonde.

Elle rejoint les travaux de Marie Balmary (L’Homme aux statues : la faute cachée du père, 1979) qui considère le complexe d’‘dipe comme une défense que Freud édifia pour se protéger contre l’angoisse que suscita en lui sa première découverte, celle des fautes sexuelles des pères.

Une étape récente a consisté dans l’ouvrage Questions à Freud, de Nicholas Rand et Maria Torok, que j’ai publié en 1995. Pour ces auteurs, plusieurs des « grandes découvertes » freudiennes sont en réalité un mur que leur auteur a érigé pour tenter de se masquer l’étendue d’un drame familial occulté autour d’un trafic de faux roubles. Ils placent parmi ces constructions le complexe d’‘dipe, la prépondérance donnée aux fantasmes sur la réalité, la tentation d’établir un catalogue symbolique des objets présents dans les rêves, et l’envie du pénis chez la femme. Est-ce un hasard s’il s’agit des principaux domaines que Michel Onfray se targue d’être le premier à dénoncer ?

Mais là où celui-ci conclut que Freud aurait abusivement généralisé les données contingentes de sa névrose personnelle dans une réflexion pseudo-scientifique et que ses prétendues découvertes ne concerneraient que lui, les auteurs que nous venons de citer prennent un autre parti. Pour eux, la théorisation freudienne serait partagée entre des découvertes authentiquement scientifiques et des affabulations défensives élevées abusivement au rang de concepts. Et ils concluent qu’une remise à plat de l’ensemble de la psychanalyse s’impose, pour séparer les idées freudiennes dont la valeur scientifique peut être établie de celles qui sont le reflet des petits arrangements du fondateur avec sa névrose.

Alors, une question se pose : pourquoi ces appels, émanant de défenseurs de la psychanalyse et appelant à repenser de fond en comble le projet même de celle-ci, n’ont-ils pas ébranlé le paysage comme le fait le livre d’Onfray ? Parce que la partie se joue à trois et non à deux : les travaux critiques, les institutions psychanalytiques peu enclines à les relayer (sur leur immobilisme, Onfray a malheureusement raison) et les médias.

Or ceux-ci ont changé : ceux des années 2010 semblent plutôt se réjouir de voir le freudisme contesté alors que ceux des années 1990 étaient tentés de le défendre quoi qu’il arrive. Autre élément, la formidable machine de guerre que les éditions Grasset ont mobilisée pour l’occasion. Mais on ne peut pas exclure non plus la responsabilité des psychanalystes eux-mêmes. Plus la psychanalyse est attaquée et plus nombre d’entre eux sont tentés de s’enfermer dans leur pré carré et de se draper dans leurs certitudes. Du coup, ils abandonnent malheureusement le champ de la critique freudienne à ceux qui refusent à la psychanalyse son caractère de voie d’accès unique à l’esprit humain et à ses réalisations. Alors, répétons-le : oui, la théorisation de Freud a subi le contrecoup de sa névrose et plusieurs concepts en sont directement le produit. Mais cela n’annule pas pour autant la portée d’autres de ses découvertes. Ce sont ces deux messages qu’il faut maintenir en même temps. Cette position est certes inconfortable, mais il n’y a de progrès possible qu’à ce prix. Tout le reste est démagogie.

Serge TISSERON, psychiatre et psychanalyste, est membre de la SIHPP


Une parution récente en librairie

Jean-Michel FOURCADE

Les patients-limites – Psychanalyse intégrative et psychothérapie

(érès poche – INEDIT – Psychanalyse )

Contrairement aux patients de structure névrotique qui entrent de façon satisfaisante dans le cadre théorique et la technique psychanalytiques (construits pour eux), les patients-limites obligent les psychiatres, psychothérapeutes, psychanalystes à articuler des techniques thérapeutiques et des cadres théoriques différents, opposés parfois et pourtant utiles. En combinant exposés de cas cliniques et réflexion théorique, l’auteur expose sa démarche qu’il nomme « psychanalyse intégrative », et dont les principes sont : reconnaissance de l’inconscient, travail dans la relation de transfert, technique adaptée à la personnalité du patient et à ses régressions dans la cure.

La nouvelle édition de cet ouvrage, augmentée et actualisée, constitue une référence critique sur les plus importants théoriciens qui se sont intéressés à la clinique des patients-limites – Ferenczi, Winnicott, Bion, Reich, Lowen, Kernberg, Little, Bergeret, Green – et une analyse de l’histoire de la psychanalyse et des mouvements périphériques ou dissidents qui en sont issus. Les propositions théoriques et thérapeutiques de l’auteur, à la suite des travaux épistémologiques d’Edgar Morin, de Max Pagès et de Vincent de Gaulejac, se situent dans l’actuelle mouvance des psychothérapies intégratives.

Jean-Michel Fourcade est docteur en psychologie clinique et cofondateur du Centre de développement humain (CDPH). Il dirige actuellement la Nouvelle faculté libre (NFL) qui forme des psychanalystes intégratifs. Il enseigne en Master 2 de psychologie de l’université Paris 8 et préside l’Association fédérative française des organismes de psychothérapie et psychanalyse (AFFOP).

Jean-Michel Fourcade est membre de la SIHPP