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Par Arnaud de Saint Simon
Éditorial de Psychologies magazine
On peut en douter, à lire la loi encadrant l’usage du titre de psychothérapeute que le président de l’Assemblée nationale a voulue et qui sera appliquée dans les semaines à venir. Son but semblait tout à fait louable : mieux organiser la planète psy et protéger les patients. À l’arrivée, après sept ans(2) d’hésitations et de controverses, cette loi va réussir le tour de force de rendre le titre de psychothérapeute encore plus flou qu’auparavant, et de réunir presque toute la profession contre elle.
Que faut il pour être un bon psychothérapeute ? L’ensemble des professionnels s’accorde à dire qu’il faut avoir fait des études théoriques solides de psychopathologie, un travail thérapeutique personnel, accepter une forme de supervision par un autre psy expérimenté, signer un code de déontologie, faire partie d’une association de pairs… et avoir les qualités humaines requises (vaste débat).
Avec cette loi, seront « psychothérapeutes » les psychiatres, sans aucune obligation de travail personnel ou de supervision, ce qui ne manquera pas de médicaliser la souffrance psychique. Mieux : les psychologues, qui eux aussi ont fait des études essentiellement théoriques, pourront exercer la psychothérapie… mais n’auront pas le droit au titre de psychothérapeute (3). Les actuels psychanalystes et psychothérapeutes (depuis plus de cinq ans) pourront prétendre au titre de psychothérapeute, mais devront être approuvés par des commissions régionales(4).
Comprenez quelque chose, car j’ai eu un peu de mal à m’y retrouver pour faire cet édito. Comme à tous ceux qui travaillent à Psychologies, on me demande souvent quel psy choisir ? quelle méthode ? Combien de temps cela va t il durer et coûter ? Et, surtout, comment trouver le bon psy ?
Question difficile tant la relation thérapeutique est subjective, en partie inconsciente, complexe. Chacun d’entre nous, au moment où il démarre une thérapie je suis passé par là , est en fragilité, voire en souffrance, et a besoin d’humanité. Quoi de plus sécurisant qu’un psychothérapeute qui a connu ce même travail, cet état émotionnel, et qui a résolu sa propre équation personnelle ?
On l’aura compris, s’il y a de mauvais psys, comme de mauvais médecins, cette loi ne règle rien. Parce qu’elle privilégie la connaissance au détriment de l’expérience. Parce que je crois que c’est aux professionnels de s’organiser: on sait où mène la psychiatrie d’État
Enfin, parce que le choix d’un psy est infiniment complexe ! Obsédé par le principe de précaution, notre monde moderne veut tout encadrer. À Psychologies, nous préférons informer le patient potentiel, afin qu’il se présente à sa première séance en adulte responsable. Et, surtout, qu’il fasse confiance à son intuition, à son droit de se tromper et de changer de psy. Les meilleurs d’entre eux se distinguent, moins par leur diplôme que par quelque chose d’un peu génial, intuitif, presque sorcier qui nous donne envie de continuer, pour savoir pourquoi nous sommes attirés ou troublés. Et vous, qu’en pensez vous? Écrivez moi.
psys vous saviez !
Par Philippe Grauer
Face à Jean-François Marmion, rédacteur en chef du Cercle psy, revue concurrente de Psychologies magazine où parut l’éditorial que nous vous présentons ci-dessus, qui fustige les astropsys – c’est son mot, le bien connu Directeur de Rédaction Arnaud de Saint Simon nous réserve une place d’honneur au sein de la psychothérapie. Sa juste et sensible appréciation, fondée sur son témoignage, nous touche. À vrai dire entre le mépris goguenard et le témoignage humain le choix est facile à effectuer. Cependant gardons cœur chaud et tête froide, ne nous grisons pas non plus de la marque d’une préférence qui nous honore. Nous ne méritons ni indignité ni excès d’honneur. Entre les deux, efforçons-nous de caractériser notre réalité disciplinaire et professionnelle, de nous situer raisonnablement dans le cadre du Carré psy. « Écrivez-moi », conclut l’auteur de l’éditorial de Psychologies. Voici quelques éléments de réponse à un honnête homme éclairé qui dit de nous le bien qu’il en pense.
En fait le titre de psychothérapeute n’aura pas gagné en flou mais perdu par médicalisation. À la réflexion il est vrai les deux se peuvent cumuler. Arnaud de Saint Simon, lui, courageusement, témoigne. L’ouverture du texte surprend, cela ne se dit pas dans les milieux médiatiquement policés : quelle importance que le Président de l’Assemblée nationale, ORL de son état, ait personnellement fait ou non l’expérience d’un cheminement psychothérapique ? Cependant une vérité s’accroche à cette interrogation initiale d’Arnaud de Saint Simon. Celle d’une différence, d’une distance épistémologique radicale, celle qui sépare la médecine, par nature objectiviste, de la psychothérapie lorsque, relationnelle, intersubjectiviste, elle devient le siège d’un processus de prise de conscience de soi par le saisissement de son histoire racontée à un autre particulier, un professionnel de l’interrelation et de la relation de soi à soi en présence d’un témoin rompu à l’exploration impliquée en même temps que suffisamment décalée de l’entre-deux psychothérapique. Tout un art, tout un univers, celui de la relation au sens fort et spécifique du terme, au sens où il s’agit d’un concept(1) (note 5 en réalité), d’un vaste système de pensée, à vrai dire tout un mode d’être, de présence à soi et à l’autre, celui du savoir faire être. En un mot, Arnaud de Saint Simon pose la bonne question : qui est compétent pour parler de quoi et savoir de quoi il parle ?
Que la marque de sa préférence ne fausse cependant pas la balance. Il existe des psychothérapies non relationnelles, n’exigeant pas forcément d’avoir résolu même partiellement ou suffisamment son équation personnelle. La loi n’a pas à exiger un principe méthodologique et épistémologique particulier, ça n’est pas à elle de spécifier cela. Par contre elle devrait autoriser selon un balisage raisonnable les psychopraticiens relationnels à devenir porteurs d’un titre générique, non confisqué, de psychothérapeute. Tournant le dos à cette attitude, l’actuelle loi en leur barrant cette possibilité embrouille plus qu’elle ne clarifie. Le docteur Accoyer a vu les choses comme ses nombreux collègues médecins de l’Assemblée nationale, à courte et corporatiste vue.
Du coup Arnaud de Saint Simon conteste la légitimité des psychothérapeutes non relationnels : parti pris inverse. Il fallait admettre tous ceux qui présentaient de bonnes garanties(2)(note 6 en réalité) au bénéfice d’un titre générique. On pouvait encadrer sans chercher à fracasser : casse des métiers dit l’Appel des appels. C’est le parti pris de la discrimination et de l’exclusion qui a prévalu. Dommage pour tout le monde, pour les professionnels encore un peu plus embrouillés, pour le public qu’on n’éclaire pas, essayant seulement de se le détourner.
Le Rédacteur en chef de Psychologies magazine ne parle que de ce qu’il connait. On ne saurait lui en faire grief, à lui qui depuis ce poste interpelle le médecin par qui le nouveau titre est arrivé. Il serait par contre insuffisant de se contenter de cette partie de la vérité. Il existe de bons psychothérapeutes NN (aux nouvelles normes), « ninis » : qui n’ont ni travaillé sur eux-mêmes, en tout cas pas assez, ni ne se font superviser, sauf parfois en participant à des sessions d’analyse de la pratique. Simplement il ne s’agit pas de praticiens relationnels. Fort heureusement personne n’a jamais été en état de fournir une définition de la psychothérapie, terme générique que chacun, depuis le côté du Carré psy qu’il occupe (sans compter que certains y ont des appartements un peu partout) décline à sa guise. Mais de grâce sans s’efforcer d’empêcher les autres de procéder de même. Il faut de tout pour faire un monde. Le SNPPsy a dégagé puis adopté cette ligne depuis 1996, une ligne de tolérance, qui permet de soutenir la nécessaire psychodiversité.
Que celui qui désire entreprendre la démarche recoure à ceux qui lui disent quelque chose (toutefois si l’on peut s’exprimer ainsi sous garantie), quitte à en changer, cela se fait beaucoup de nos jours, de véritables itinéraires psychothérapiques. Arnaud de Saint Simon responsable d’une nouveau Guide des égarés s’interroge à juste titre : ça n’est pas seulement le diplôme qui permet de savoir quel sera mon bon psy, mais ses qualités humaine et professionnelle confondues, qu’il précise comme rapport aux Cinq critères, même s’il n’indique pas leur source institutionnelle. En plus bien entendu le je ne sais quoi relationnel qui fait que le courant passe ou non. Il nous définit comme l’alpha et oméga du Carré psy : excès d’honneur. Nous ne revendiquons que notre place, seulement toute notre place.
Le bon psy tel que nous le recommanderions, lorsqu’il sera relationnel, qu’il soit « annuarisé » sous la caution morale et professionnelle du SNPPsy (emboîté dans l’Affop)(3)(note 7 en réalité). Issu d’une bonne école agréée rigoureusement (pour nous au Cifpr c’est l’AFFOP) il sera membre adhérent ou titulaire de son syndicat, répondant aux Cinq critères, son organisation répondant de lui. Si quelque chose ne va pas, on pourra commencer par recourir à son institution d’appartenance et référence. Ensuite, c’est la combinaison de la relation, du transfert et de la compétence et qualité du praticien qui jouera, conjointement à l’impondérable de la rencontre.