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Conclusions en défense d’Élisabeth Roudinesco

« Lacan mourut sous un faux nom, le 9 septembre 1981, à la clinique Hartmann des suites d’un cancer du côlon qu’il n’avait jamais voulu soigner. Bien qu’il eût émis le vœu de finir ses jours en Italie, à Rome ou à Venise, et qu’il eût souhaité des funérailles catholiques, il fut enterré sans cérémonie et dans l’intimité au cimetière de Guitrancourt. »

Ce § déclencha une tempête dans le verre d’eau du lacanisme millérien. D’où procès d’où plaidoirie, d’où le présent texte que nous livrons à votre réflexion.

Il constitue un document utile à toute personne s’efforçant de comprendre ce qui peut arriver de nos jours lorsque, sous l’influence pervertie des loi mémorielles, un héritier décide de s’en prendre judiciairement à un historien s’efforçant de faire son travail.

Par ailleurs, le travail documentaire et de plaidoirie réalisé à cette occasion par Georges Kiejman représente par lui-même une source à laquelle autant l’historien que l’honnête homme auront loisir de puiser, concernant la vie et l’œuvre de Jacques Lacan.

PHG



Audience du 16 novembre 2011 à 13 heures 30
RG n°

A Mesdames et Messieurs les Président et Juges composant la 17ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de Paris

CONCLUSIONS

POUR : Madame Élisabeth ROUDINESCO

Ayant pour avocat : Maître Georges Kiejman
SCP Kiejman & Marembert
Avocat au barreau de Paris (Palais P 200)

CONTRE : Madame Judith LACAN, épouse MILLER

Ayant pour avocat : Maître Christian Charrière-Bournazel
Avocat au barreau de Paris (Palais C 1357)

EN PRÉSENCE DE :

1/ Monsieur Olivier BÉTOURNÉ

2/ La SAS ÉDITIONS DU SEUIL

Ayant pour avocat : Maître Bénédicte Amblard

ET EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE


PLAISE AU TRIBUNAL

Le Tribunal de céans est saisi d’une action en diffamation dont l’opinion publique a d’ores et déjà été rendue juge et arbitre.

En effet, trois jours avant que ne soit délivrée son assignation, le 16 septembre 2011, Madame Judith Miller en avait fait paraître le texte en ligne, sur le site de la revue « La Règle du Jeu » animée et dirigée par Monsieur Bernard-Henri Lévy (pièce n° 20).

C’est donc, par internet, que Madame Élisabeth Roudinesco a découvert qu’elle allait être poursuivie pour avoir évoqué dans un essai qu’elle venait de faire paraître aux éditions du Seuil, Lacan, envers et contre tout (pièce n° 6), les circonstances de la disparition de Jacques Lacan, le 9 septembre 1981, et plus précisément pour avoir écrit les propos suivants jugés diffamatoires par la plus jeune fille du psychanalyste :

« Lacan mourut sous un faux nom, le 9 septembre 1981, à la clinique Hartmann des suites d’un cancer du côlon qu’il n’avait jamais voulu soigner. Bien qu’il eût émis le vœu de finir ses jours en Italie, à Rome ou à Venise, et qu’il eût souhaité des funérailles catholiques, il fut enterré sans cérémonie et dans l’intimité au cimetière de Guitrancourt. ».

S’estimant personnellement visée et atteinte dans sa considération par une telle évocation, Madame Miller avait donc considéré que ces propos justifiaient

– non seulement un procès en diffamation pour voir condamner la concluante à lui verser un euro de dommages intérêts et publier le jugement à intervenir,
– mais également une prise à partie par voie de presse avant même que son action ne soit engagée.

Compte tenu d’une telle prise à partie, on ne peut que s’interroger sur les raisons qui ont conduit Madame Judith Miller à solliciter l’autorisation de délivrer son assignation à jour fixe, autrement dit à invoquer un motif d’urgence dont elle ne justifie pas dans ses écritures.

Il est légitime de penser que cette « prépublication » de l’assignation dont le Tribunal est aujourd’hui saisi n’avait d’autre but que celui de créer une agitation susceptible de justifier, après coup, cette urgence. C’est ce qui apparaît, après coup, à la lecture de divers articles parus à la sortie du livre (pièces n° 17 et 18).

On peut dire que ce but a été atteint puisque cette prépublication a immédiatement suscité une campagne de dénigrement mettant violemment en cause la qualité d’historienne de Madame Roudinesco et ses travaux. Cette campagne s’est essentiellement déchaînée dans quelques revues plus ou moins confidentielles (pièces n° 21 et 24), animées par des proches de la demanderesse.

Qu’est ce qui justifiait une telle réaction ?

En vérité, cette campagne n’avait nullement été suscitée par la lecture du passage précité de l’essai de Madame Roudinesco, mais par l’interprétation que Judith Miller en avait immédiatement donnée sans même avoir pris la peine de lire l’ensemble de l’ouvrage de l’historienne, ainsi qu’elle l’a elle-même déclaré.

Ce passage, Madame Miller en avait pris connaissance par la revue en ligne Lacan Quotidien, revue de l’école dite de « la Cause Freudienne » animée et dirigée par le mari de la demanderesse, Monsieur Jacques-Alain Miller, par ailleurs exécuteur testamentaire de Jacques Lacan et dépositaire de son droit moral.

Madame Judith Miller avait aussitôt considéré que ce passage, sans même qu’il y ait à prendre en compte son contexte et le propos de l’ouvrage dans lequel il s’inscrit, la désignait « au premier chef » et insinuait qu’elle aurait « transgressé les volontés que [s]on père a exprimées, ces volontés que l’on appelle ‘dernières’ », une telle insinuation ne pouvant, selon elle, qu’être immédiatement perçue par tous ceux qui connaissaient Lacan (pièce n° 24-5).

Cette même interprétation avait été relayée sur internet par une revue animée par des proches de l’école de la cause Freudienne, le Diable probablement, sous la forme d’une pétition diffusée en ligne où l’on pouvait lire ceci :

« Indignés par les allégations qui ont été mises en circulation le 1er septembre par Mme Roudinesco dans son livre, allégations selon lesquelles les dernières volontés de Jacques Lacan auraient été trahies, et que, désirant des « funérailles catholiques », il aurait été enterré, malgré son vœu, sans cérémonie et dans l’intimité, nous vous assurons, chère Judith Miller, ainsi que votre famille, de notre amitié, de notre solidarité devant l’injure, et de notre confiance en votre rectitude, dont témoigne votre action inlassable depuis trois décennies au service de l’enseignement de votre père, et de ses élèves dans le monde. » (pièce n° 22)

Cette pétition met en lumière l’objet des poursuites dont le Tribunal est aujourd’hui saisi. Ce ne sont aucunement les propos de Madame Roudinesco qui sont ici en cause, mais la « surinterprétation » qui en a été faite, Madame Miller considérant comme diffamatoire ce qui résulte, en vérité, de sa propre lecture et de la déformation dont elle procède.

Pour comprendre les raisons d’une telle déformation, il n’est pas inutile de rappeler dans quel contexte la présente instance a été engagée.

Ce litige intervient dans le cadre d’une querelle d’édition survenue à l’occasion du trentième anniversaire de la mort de Jacques Lacan, querelle dont la presse a rendu compte (pièce n° 18).

Madame Judith Miller n’en dit mot dans son assignation.

Elle se contente d’indiquer que Madame Roudinesco ne compterait pas « au nombre des familiers de Jacques Lacan » et que l’historienne aurait confié l’édition de son « petit livre », « à son concubin », Olivier Bétourné, par ailleurs directeur des éditions du Seuil, laissant ainsi entendre que cette parution serait intervenue grâce à ce « concubinage ».

Ces remarques, d’une élégance extrême, mettent en lumière le déni dont procède le présent litige et le cadre affectif dans lequel il s’inscrit.

Le déni consiste à présenter comme un « imposteur » (assignation p. 6) une historienne de la psychanalyse ayant publié pas moins d’une vingtaine d’ouvrages, traduits dans le monde entier, parmi lesquels, parue en deux volumes en 1982 et 1986, Une histoire de la psychanalyse en France, devenu un ouvrage de référence, dont le troisième volume tout entier consacré à Jacques Lacan, Esquisse d’une vie, histoire d’un système de pensée, fait aujourd’hui autorité. Le déni consiste à vouloir mettre ainsi en cause ses qualités et ses compétences pourtant reconnues, tant en France qu’à l’étranger, par des institutions aussi prestigieuses que l’EHESS, l’École Normale Supérieure, l’Université de Paris VII, l’Université Middlesex de Londres, Roehampton University ou encore la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP) dont Madame Roudinesco est actuellement la Présidente (pièces n° 1 à 10).

Les trois volumes de son Histoire de la psychanalyse viennent d’ailleurs d’être réunis en un seul volume et publiés en « livre de poche » (pièce n° 7-2), ce qui atteste du caractère durable de leur intérêt.

Madame Judith Miller conteste l’autorité dont jouissent les travaux de Madame Roudinesco, une autorité qu’elle juge insupportable et qu’elle croit susceptible de mettre en péril l’héritage intellectuel dont elle estime être la seule détentrice, à l’exception notoire de son mari, Monsieur Jacques-Alain Miller.

Pourtant, les travaux de Madame Roudinesco et les nombreuses publications auxquelles elles ont donné lieu n’avaient jusqu’ici jamais fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire et notamment pas de la part des héritiers de Jacques Lacan.

Si l’œuvre de Jacques Lacan est suffisamment originale pour que l’intérêt considérable qui lui est porté ait survécu à la mort de son auteur, il n’est pas contestable que des écrits comme ceux d’Élisabeth Roudinesco y ont eu leur part. Monsieur Jacques-Alain Miller le reconnaît d’ailleurs lui-même (pièce n° 41).

Mais, c’est probablement cette part prise par d’autres à la gloire de son père qui est, les années passant, devenue insupportable à Madame Judith Miller, dernière des quatre enfants de Jacques Lacan et qui se considère comme ayant été l’objet d’une « prédilection ».

Cette « prédilection » la conduit donc aujourd’hui à prétendre que les propos poursuivis la viseraient, non seulement à titre personnel, mais également en sa qualité d’exécutrice testamentaire, qualité dévolue à son époux Jacques-Alain Miller par ailleurs dépositaire du droit moral de Jacques Lacan.

C’est encore cette « prédilection » qui la conduit à affirmer qu’elle aurait vocation à représenter l’ensemble des héritiers de Jacques Lacan et que les propos poursuivis, à travers l’imputation personnelle qu’elle y voit, mettraient en cause « la veuve, aujourd’hui décédée, de Jacques Lacan, et les enfants du susdit, au premier rang desquels celle qui était la plus proche de lui au moment de sa mort : Judith, sa troisième fille» (assignation p. 5).

Son action procède ainsi d’une double extrapolation :

– la première consistant à prétendre qu’elle agirait au nom de l’ensemble de sa famille qui ne s’est pourtant pas jointe à sa cause ;
– la seconde consistant à faire dire au passage poursuivi ce que, à l’évidence, il ne dit pas.

Madame Judith Miller voudrait ainsi donner aux propos qu’elle poursuit une portée en quelque sorte « privée », en soutenant qu’ils viseraient le cadre « familial » et donc les héritiers de Jacques Lacan.

Or, Madame Roudinesco n’a jamais prétendu s’inscrire dans un tel cadre, ni même mettre en doute la « prédilection » que Jacques Lacan pouvait éprouver pour sa fille, Judith, ni davantage émettre la moindre opinion sur le rang qu’a pu occuper chacun des héritiers dans l’affection de leur père.

L’objet central de son livre est de retracer, dans le cadre d’un essai à caractère plus libre et moins érudit que l’étude qu’elle avait déjà consacrée en 1993 à Jacques Lacan, une « aventure intellectuelle et littéraire qui tient une place fondatrice dans notre modernité » (pièce n° 6 – 4ème de couverture) ainsi que les nombreux paradoxes qu’une telle aventure a pu mettre en jeu.

Cette démarche se situe donc dans une tout autre perspective que celle mise en avant par Madame Judith Miller dans son assignation.

C’est au regard d’une telle perspective, celle d’un d’historien, que Madame Roudinesco entend faire valoir :

– d’une part que les propos poursuivis ne contiennent aucune imputation de faits précis qui viserait Judith Miller ou l’un ou l’autre des enfants de Jacques Lacan (I) ;

– d’autre part que ces propos n’avaient d’autre but que de souligner l’attachement que Lacan, pourtant incroyant (ainsi que Madame Roudinesco l’a souvent souligné), portait aux rites et notamment à ceux de l’Église catholique romaine, comme en atteste son œuvre ainsi que de très nombreux témoignages produits aux débats (II).

I. LES PROPOS POURSUIVIS NE CONTIENNENT AUCUNE IMPUTATION DE FAITS PRéCIS ET NE VISENT AUCUNEMENT LA DEMANDERESSE

Il est rappelé que la diffamation est constituée par l’imputation d’un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne identifiée ou clairement identifiable.

En l’espèce aucune diffamation ne peut être retenue dès lors que les propos poursuivis ne ne répondent à aucune de ces deux conditions posées par les dispositions de l’article 29 al. 1 de la loi sur la presse.

A. LES PROPOS POURSUIVIS NE CONTIENNENT AUCUNE « IMPUTATION » DE FAIT PRÉCIS

Tout d’abord, il doit être relevé que Madame Miller ne poursuit qu’une partie des propos qu’elle relève et reproduit dans son assignation.

Ainsi ne sont pas poursuivis les propos de Madame Roudinesco rapportant que :

« Lacan mourut sous un faux nom, le 9 septembre 1981, à la clinique Hartmann des suites d’un cancer du côlon qu’il n’avait jamais voulu soigner. »

pas plus que la mention que Jacques Lacan « eût émis le vœu de finir ses jours en Italie, à Rome ou à Venise ».

Seuls sont retenus comme diffamatoires les propos suivants : « Bien (…) qu’il eût souhaité des funérailles catholiques, il fut enterré sans cérémonie et dans l’intimité au cimetière de Guitrancourt. »

Madame Miller fait valoir qu’il y aurait une contradiction entre ces deux assertions :

– le rappel d’un fait objectif qui n’est d’ailleurs pas contesté : le fait que Jacques Lacan a bien été enterré sans cérémonie et dans l’intimité au cimetière de Guitrancourt, où se trouvait sa maison de campagne ;

– et un rappel introduit par la conjonction de subordination « bien que », celui du souhait que Jacques Lacan avait pu émettre à un moment dans sa vie d’avoir à sa mort des funérailles catholiques.

Madame Judith Miller soutient qu’il se déduirait de cette opposition, entre le rappel d’un fait objectif et celui du vœu exprimé par Jacques Lacan, que les dernières volontés de celui-ci auraient donc été « trahies ».

L’imputation diffamatoire résulterait ainsi d’une insinuation.

Or il est constant que pour être jugée diffamatoire l’insinuation ne doit pas procéder d’une simple extrapolation mais d’une appréciation à la fois intrinsèque des propos retenus et extrinsèque s’appuyant sur des éléments de nature à donner à l’expression incriminée son véritable sens (Crim. 12 mars 1969, Bull. crim. n° 120).

En d’autres termes, selon une jurisprudence désormais établie, si l’interprétation du propos incriminé pose une difficulté d’interprétation, son sens peut-être explicité par des éléments extrinsèques tirés d’autres passages de l’œuvre ou des œuvres de la personne poursuivie.

En l’occurrence, un tel examen est éclairant. Et peut-être est-ce pour cette raison que la demanderesse s’en est abstenue.

En effet, Madame Judith Miller indique elle-même qu’elle a pris la décision de poursuivre Madame Roudinesco sans avoir même pris le temps de prendre connaissance de son livre et qu’elle aurait autre chose à faire que de lire les écrits de la concluante « par le menu » (pièce n° 24-5).

Or si elle l’avait lu, la demanderesse aurait dû admettre que cette opposition qu’elle déplore et qui la mettrait, selon elle, implicitement en cause constitue en vérité l’évocation d’un simple paradoxe de son père lequel doit être mis en perspective, dans son contexte, au regard du propos général de l’essai de Madame Roudinesco.

En tout état de cause, la demanderesse ne peut imputer à Madame Roudinesco d’avoir soutenu que le vœu de Jacques Lacan aurait été un « acte de foi » alors même que la concluante a maintes fois souligné, dans son ouvrage de 1993 et dans son essai, le renoncement de Jacques Lacan à la foi catholique et malgré cela son attachement aux rites du catholicisme.

Cette contradiction apparente était le fait de Jacques Lacan et ne procède nullement d’une affirmation gratuite de Madame Roudinesco.

Il n’y a là aucune ambiguïté et le propos de l’ouvrage dans lequel le passage poursuivi trouve place montre dans quelle perspective il est inscrit : celle d’une hypothèse raisonnable.

Le titre de l’essai, une citation de Jacques Lacan lui-même, indique quel est son objet : celui de retracer le parcours de l’une des personnalités les plus importantes de l’histoire de la psychanalyse, une personnalité historique, exposée aux controverses, mais à laquelle on doit rendre hommage « envers et contre tout ».

Les propos poursuivis, qui viennent clore l’essai de Madame Roudinesco, ne peuvent être compris que dans le cadre qu’elle s’est elle-même imposé : celui d’une approche de la vie et de l’œuvre de Jacques Lacan sous un angle plus personnel et subjectif, une approche sensiblement différente de celle, critique et érudite, qui fut la sienne en 1993.

Madame Roudinesco expose dès les premières lignes de son essai les raisons qui l’ont conduite à l’écrire :

« Depuis la publication, en 1993, de la troisième partie de mon Histoire de la psychanalyse, entièrement consacrée à la pensée, à la vie, à l’œuvre et à l’action de Jacques Lacan, j’ai souvent eu le sentiment qu’il me serait un jour nécessaire d’effectuer un bilan, non seulement de l’héritage de ce maître paradoxal, mais aussi de la manière dont fut commenté mon propre travail à l’intérieur et à l’extérieur de la communauté psychanalytique.

(…) j’ai eu envie, trente ans après la mort de Lacan, alors que se profile l’évanouissement progressif d’une certaine époque (dite ‘héroïque’) de la psychanalyse et que les psychanalystes se transforment en psychothérapeutes organisés en une profession réglementée par l’Etat, de parler autrement, et de façon plus personnelle cette fois, du destin du dernier grand penseur d’une aventure intellectuelle qui avait commencé à déployer ses effets à la fin du XIXe siècle (…)

J’ai voulu évoquer, à l’intention du lecteur d’aujourd’hui, quelques épisodes marquants d’une vie et d’une œuvre à laquelle toute une génération a été mêlée, et les commenter avec le recul du temps, de façon libre et subjective. Je voudrais que ce livre soit lu comme l’énoncé d’une part secrète de la vie et de l’œuvre de Lacan, un vagabondage dans des sentiers méconnus : un envers ou une face cachée venant éclairer l’archive, comme dans un tableau crypté où les figures de l’ombre, autrefois dissimulées, reviennent à la lumière. (pièce n° 6 – Chapitre I) »

Dans ce chapitre introductif, Madame Roudinesco rappelle encore cet autre trait qui éclaire le destin de Jacques Lacan :

« Certes il était convaincu que la quête de la vérité était la seule manière de parvenir à substituer le progrès au salut, les Lumières à l’obscurantisme. A condition toutefois, disait-il, de savoir que la rationalité peut toujours se retourner en son contraire et susciter sa propre destruction. D’où sa défense des rites, des traditions et des structures symboliques . » (id.)

C’est dans cette perspective, tracée par Madame Roudinesco elle-même, que doivent être lus et compris les propos incriminés.

L’objet de leur auteur n’était certainement pas de venir mettre en cause la famille de Jacques Lacan ou de venir heurter les sentiments que ceux-ci ont pu éprouver à la mort de leur parent.

Ainsi, dans son ouvrage, le lecteur ne trouvera aucune évocation de la douleur éprouvée par Judith, Thibaut ou encore Sibylle Lacan, leur sœur aînée Caroline étant morte avant le décès de leur père en laissant pour héritiers Cyrille et Thibaut Roger Lacan.

Qu’une personnalité telle que celle de Lacan ait pu susciter auprès de ses enfants des sentiments d’affliction ou des déchirements douloureux est parfaitement naturel, étant rappelé que Jacques Lacan eut trois enfants d’un premier mariage, Judith Miller étant l’enfant d’une seconde union avec Sylvia Bataille.

Sybille Lacan elle-même a évoqué dans un ouvrage intitulé Un père, paru chez Gallimard, la douleur provoquée par le souvenir de son père, les circonstances de sa disparition et son enterrement vécu par elle comme un « rapt » opéré par sa demi-sœur Judith (pièce n° 30 – Un Père, extraits).

Madame Roudinesco, elle, n’a jamais voulu s’immiscer dans la sphère des sentiments éprouvés par les héritiers de Lacan et encore moins imputer à l’un ou à l’autre on ne sait quelle « trahison » à laquelle il se serait livré.

Madame Roudinesco ne prétend pas davantage que Jacques Lacan aurait pris des dispositions testamentaires pour être enterré selon les rites de l’Eglise, un vœu qui n’aurait pas en l’occurrence été respecté.

Enfin, à aucun moment Madame Roudinesco n’a contesté que Jacques Lacan était incroyant et avait perdu la foi. Encore une fois, elle l’a souligné à plusieurs reprises, notamment dans son œuvre parue en 1993 et aujourd’hui rééditée (pièce n° 8-2) et encore dans l’important Dictionnaire de la psychanalyse dont elle est le co-auteur (pièce n° 9).

En d’autres termes, la concluante n’a jamais soutenu que les héritiers de Jacques Lacan (ou plus précisément Madame Judith Miller) auraient accompli au moment de ses obsèques un acte contraire à la volonté de leur père.

Il faut encore souligner qu’aucun des autres héritiers de Jacques Lacan ne s’est joint à Madame Judith Miller qui est la seule (mis à part ses propres thuriféraires) à avoir interprété le propos de Madame Roudinesco comme un désaveu de sa personne.

Les propos poursuivis et le paradoxe qu’ils mettent en lumière ne visent aucunement les héritiers mais Jacques Lacan lui-même.

Ce qui est ici mis en parallèle, c’est d’une part, l’importance que revêtaient pour lui les rites en général et notamment celui de la religion catholique romaine (selon lui « la vraie religion ») et d’autre part, le fait que son enterrement se déroula dans un cercle intime sans aucune cérémonie.

À aucun moment il n’est prétendu qu’un tel enterrement n’aurait pas correspondu au souhait qu’il aurait exprimé dans ses derniers instants étant admis que Jacques Lacan, en ses derniers mois de vie, avait renoncé à s’exprimer.

Madame Judith Miller souligne que Madame Élisabeth Roudinesco ne dispose pas d’un testament de Jacques Lacan où celui-ci aurait exprimé le vœu de funérailles catholiques.

Mais inversement, Madame Judith Miller ne dispose pas davantage d’un testament où son père aurait exprimé le souhait d’être enterré dans la plus stricte intimité.

Madame Roudinesco fait état d’un souhait prêté à Lacan, non comme la manifestation d’une dernière volonté, mais comme le rappel de son attachement à la portée symbolique de la sépulture et du rite des funérailles.

Elle émet une hypothèse fondée sur ce que l’on savait de l’œuvre et du comportement de Jacques Lacan (marié une première fois à l’église bien qu’ayant perdu la foi à l’âge de seize ans).

Il doit être souligné ici que les propos de Madame Roudinesco ne sont autres que ceux qu’elle avait inscrits dans son précédent ouvrage en 1993 : « Lacan était athée, même si, par bravade, il avait rêvé un jour de grandes funérailles catholiques (pièce n° 8-2). » C’est ce rêve qu’elle évoque à nouveau étant souligné qu’une bravade peut être sérieuse et riche de sens.

Dans ce même ouvrage, la concluante avait rappelé que le frère de Jacques Lacan, Marc-François, devenu moine bénédictin après avoir prononcé ses vœux en 1929, avait, en l’absence du corps de son frère et avant qu’il ne fut enterré, fait célébrer une messe en l’Eglise Saint François de Sales : « Marc-François proposa aux fidèles de prier pour son frère. Il rappela que toute son œuvre était imprégnée de culture catholique, bien que ‘l’Eglise et l’Evangile n’y fussent pas essentiels’ (id.) ».

Madame Roudinesco rappelait également que :

« Un jour qu’il devisait avec son amie Maria-Antonietta Macciocchi, Lacan lui avait dit sur le mode de la confidence et avec une intense émotion :’Ah ! chère, les italiens sont tellement intelligents ! Si je pouvais choisir un lieu pour mourir, c’est à Rome que je voudrais finir mes jours. Je connais de Rome tous les angles, toutes les fontaines, toutes les églises… Et si ce n’était pas Rome, je me contenterais de Venise ou de Florence : je suis sous le signe de l’Italie. » (pièces n° 8 et 9).

Au moment de la parution de cet ouvrage, Madame Judith Miller ni d’ailleurs aucun des héritiers de Jacques Lacan, n’avait songé à poursuivre ces propos en diffamation, bien que son enterrement ait eu lieu en France, dans l’intimité, et non en Italie avec une certaine pompe.

L’action entreprise par Madame Miller aujourd’hui serait donc justifiée, selon elle, par le fait que Madame Roudinesco aurait travesti « cette bravade d’athée en vœu pieux, un vœu qu’aurait trahi une postérité sectaire [sic] ». (assignation p. 6)

La demanderesse reconnait donc que son père avait bien formé autrefois un tel vœu, ce qui d’ailleurs est attesté par un témoignage produit aux débats (pièce n° 37).

Ce qu’elle reproche à la concluante, ce serait d’avoir dénaturé le sens d’un tel vœu prononcé par « bravade » et de l’avoir présenté dans le passage poursuivi comme un acte de piété.

Or les termes choisis par Madame Roudinesco n’autorisent nullement Madame Miller à se livrer à une telle extrapolation.

Le plus-que-parfait du subjonctif marque généralement une proposition à valeur conditionnelle. Son emploi est ici dicté par la conjonction « bien que » (« bien qu’il eût souhaité »), qui introduit une proposition dite « concessive » qui peut être lue comme ayant valeur indicative ou conditionnelle sans que rien ne permette de distinguer ces deux modes.

Mais, ce qui doit être souligné ici, c’est le fait que le plus-que-parfait vient marquer une action révolue et antérieure à celle de la proposition principale.

Madame Roudinesco n’a pas écrit « bien qu’il ait souhaité des funérailles catholiques, Jacques Lacan fut enterré sans cérémonie et dans l’intimité », ce qui aurait pu laisser entendre que Jacques Lacan, au moment de sa mort, souhaitait encore des funérailles catholiques.

Ce n’est donc pas, si on se livre à une lecture littérale, ce que dit le texte de Madame Roudinesco.

Encore une fois, ses propos se situent dans une perspective plus large qui ne se réduit pas à une simple évocation circonstanciée des derniers instants de Lacan : celle du destin d’un personnage qui a marqué l’histoire de la psychanalyse et celle du « tombeau » (pièce n° 8-2) que l’histoire de la psychanalyse lui doit.

Quant à la « trahison d’une postérité sectaire » (sic), il est étrange que Madame Miller se livre spontanément à cette auto-accusation dont Madame Roudinesco lui laisse l’entière paternité.

B. CES PROPOS NE VISENT AUCUNEMENT MADAME JUDITH MILLER

La demanderesse n’est nullement identifiée, dans le passage poursuivi, comme étant celle qui aurait pris la responsabilité d’enterrer son père dans la plus stricte intimité et rien dans le texte d’Elisabeth Roudinesco ne vient lui reprocher d’avoir pris une telle décision.

Madame Judith Miller affirme que c’est elle qui « se préoccupa d’organiser les obsèques » de Jacques Lacan et de le faire inhumer à Guitrancourt « conformément au souhait » qu’il aurait exprimé.

Madame Judith Miller prétend donc qu’elle serait principalement visée par les propos d’Élisabeth Roudinesco, ou plutôt par l’interprétation qu’elle entend leur donner.

Par là même, elle admet que cette décision d’enterrer son père dans l’intimité a été prise sans qu’aient été consultés les autres héritiers, Thibaut, Sibylle et les deux enfants de Caroline, fille ainée de Jacques Lacan, décédée.

Il est significatif que ni Sibylle Lacan, ni Thibaut Lacan, ni les enfants de Caroline Lacan ne se soient sentis le moins du monde diffamés par le passage poursuivi bien que celui-ci ne les exclue nullement de l’« intimité » de l’enterrement.

En feignant de croire qu’Élisabeth Roudinesco lui aurait reproché d’avoir agi comme la représentante d’une « postérité sectaire », la demanderesse s’inflige elle-même l’appréciation péjorative dont elle se plaint.

Soulignons encore le fait que la demanderesse s’attribue la qualité d’exécutrice testamentaire alors que celle-ci a été conférée par dispositions testamentaires (pièce n° 25) à Jacques-Alain Miller lequel ne s’est pas joint à l’action en diffamation de son épouse.

Personne n’oserait contester à Madame Judith Miller la « prédilection » dont elle aurait été l’objet, mais celle-ci ne lui confère en aucun cas le droit de se sentir personnellement visée à chaque fois qu’un historien, ou toute autre personne qui ne compterait pas au « nombre des familiers de Jacques Lacan », vient évoquer la vie et l’œuvre de celui-ci.

Jacques Lacan n’est pas seulement le père de Judith Miller, il est également une personnalité publique qui a marqué l’histoire des idées et qui a connu un destin auquel le public peut légitimement s’intéresser.

En sa qualité d’historienne, Madame Roudinesco pouvait librement rappeler, au regard de l’œuvre et du parcours intellectuel paradoxal de Jacques Lacan, le goût de celui-ci pour les rites des funérailles ne devant pas être confondues avec une sépulture.

Mais peut-être est-ce précisément cette qualité d’historienne et l’écho donné aux travaux de Madame Roudinesco que la demanderesse voudrait contester ?

En ce cas, ce n’est pas dans une enceinte judiciaire qu’elle aurait dû le faire.

En effet, il n’appartient pas aux tribunaux de venir statuer sur les mérites ou les qualités des travaux d’un chercheur ou d’une historienne et encore moins de statuer sur la pertinence des ressentiments que peut éprouver Madame Judith Miller à l’égard de Madame Roudinesco et des échos favorables que les travaux de celle-ci ont pu recueillir dans la presse et dans les milieux intéressés par la psychiatrie et la psychanalyse (pièces n° 11, 12, 13 et 15).

Rien n’interdit à Madame Judith Miller, philosophe sans œuvre, de réfuter les travaux de Madame Roudinesco au nom d’une « vérité » introuvable selon son père. Mais, en agissant par voie de justice, elle ne fait qu’exprimer sa volonté d’appropriation de la mémoire de son père tout en tentant de restreindre la liberté d’expression de ceux qui s’expriment sur Jacques Lacan sans avoir l’imprimatur de sa fille « préférée ».

II. LA BONNE FOI DE MADAME ROUDINESCO NE PEUT ETRE MISE EN DOUTE

La prépublication de l’assignation de Madame Miller sur le site de « la Règle du Jeu » a atteint son but : provoquer une réaction de fureur chez les « partisans » de Madame Judith Miller.

Madame Roudinesco a dû subir pendant près de deux mois une campagne de dénigrement mettant en cause ses qualités de chercheur (pièces n° 21) et allant même jusqu’à contester ses titres universitaires (pièces n° 24-9 et s.).

Cette campagne a bien évidemment été orchestrée par la demanderesse qui a voulu donner à son action un retentissement qui dépasse très largement le cadre de la présente instance et les limites des griefs contenus dans son assignation.

Madame Roudinesco n’a pas souhaité répondre publiquement aux attaques pourtant extrêmement violentes dont elle a fait l’objet.

Profondément attachée à la liberté d’expression, elle a préféré les dédaigner et réserver sa défense au seul procès dont elle fait aujourd’hui l’objet.

Puisque sa qualité d’universitaire et par conséquent sa méthodologie et son éthique sont en cause, Madame Roudinesco entend faire valoir sa bonne foi et notamment le fait que :

– au rebours de ses détracteurs et de leurs diatribes, elle a fait preuve d’une parfaite mesure dans l’expression (a) ;

– elle n’est animée par aucune animosité personnelle à l’égard des héritiers de Jacques Lacan auxquels elle a parfois apporté son soutien (b) ;

– si Madame Roudinesco ne s’est pas employée à offrir la preuve des propos qui lui sont reprochés, c’est uniquement parce que ceux-ci s’inscrivent dans le cadre d’une réflexion d’ordre philosophique, ce qui ne veut pas dire que cette réflexion ne serait pas nourrie par des documents ou une enquête sérieuse (c) ;

– enfin, ne peuvent être mis en doute la légitimité du but et de la démarche d’un chercheur venant s’interroger sur la singularité du destin et de l’œuvre de Jacques Lacan, après avoir consacré toute sa vie à l’histoire de la psychanalyse et fait paraître un premier ouvrage sur Jacques Lacan qui fait autorité (d).

A. ON NE SAURAIT REPROCHER A MME ROUDINESCO D’AVOIR MANQUÉ DE PRUDENCE DANS L’EXPRESSION

Le chapitre introductif de l’essai de Madame Roudinesco a pour titre « Trente ans après », ce qui éclaire le propos de son auteur.

Élisabeth Roudinesco souhaitait par cette publication, intervenue à l’occasion du trentième anniversaire de la mort de Jacques Lacan, faire en quelque sorte un « bilan »

– de l’actualité de son œuvre ;
– et de la lecture qui peut en être faite aujourd’hui au XXIème siècle.

Cette perspective impliquant une certaine « distanciation » tant dans le propos lui-même que dans le ton de l’ouvrage.

Si Madame Miller avait lu cet essai avant de prendre la décision d’en poursuivre l’auteur, elle aurait pu constater qu’à aucun moment Madame Roudinesco n’y fait preuve d’une quelconque véhémence, que ce soit à l’égard de Lacan lui-même ou à l’égard de ses héritiers qui ne sont d’ailleurs qu’à peine évoqués.

Son propos est parfois critique à l’égard de certaines pratiques dont se réclament certains « imitateurs » ou épigones de Lacan mais cette critique ne dépasse jamais les limites du débat d’idées et est d’ailleurs partagée par beaucoup de ceux qui l’ont bien connu.

Il faut savoir qu’une personnalité aussi provocante ou provocatrice que Jacques Lacan a toujours suscité chez les meilleurs de ses compagnons et disciples une grande liberté de ton à son égard.

On citera comme exemple son évocation par Wladimir Granoff (« Des années de très grand bonheur » dans l’ouvrage intitulé Le Désir d’analyse) qui fut avec Serge Leclaire et François Perrier l’un des trois amis les plus proches de Jacques Lacan avant de s’éloigner de lui (pièce n° 31).

Que ce soit dans son ouvrage paru en 1993 ou encore dans l’essai qui vient de paraître, Madame Roudinesco n’ignore pas les griefs qui ont été faits à la pensée ou au comportement de Jacques Lacan. Mais on peut difficilement lui reprocher un quelconque parti pris. Elle a dressé du psychanalyste un portrait en clair-obscur où la clarté l’emporte de loin sur l’obscurité.

Ces deux ouvrages témoignent de l’admiration profonde que Madame Roudinesco éprouve pour l’homme et son œuvre.

Celle-ci est à la mesure de l’envergure de celui auquel elle rend hommage. « Tombeau pour un pharaon », tel est le titre de l’un des derniers chapitres de Jacques Lacan, esquisse d’une vie, histoire d’un système de pensée (pièce n° 8-2).

Cette admiration pour l’homme par-delà ou à cause même de ses paradoxes, cet autre passage de Lacan, envers et contre tout en témoigne :

« Ceux qui le rejettent aujourd’hui, en faisant de lui ce qu’il ne fut jamais et en l’affublant de l’étiquette infamante de ‘gourou’ ou de ‘pourfendeur de la démocratie’, oublient qu’il s’immergea de plain-pied, contre lui-même parfois, dans ces transformations. Au point d’en épouser les paradoxes par ses jeux de langage et de mots que nous nous plaisons aujourd’hui à pratiquer. Le XXe siècle était freudien, le XXIe siècle est d’ores et déjà lacanien. Lacan n’a pas fini de nous étonner. (pièce n° 6) ».

Il a déjà été dit que, dans le passage poursuivi, Madame Roudinesco s’était contentée de rapporter des faits en toute objectivité sans que ces faits ne soient à aucun moment qualifiés ou imputés à qui que ce soit.

Madame Judith Miller ne conteste pas le fait que son père ait pu émettre un jour le vœu d’avoir à sa mort des funérailles catholiques.

Elle ne peut donc prétendre, quelle que soit par ailleurs la « surinterprétation » à laquelle elle se livre, que Madame Roudinesco aurait fait preuve, dans l’évocation de ce vœu, d’une quelconque outrance dans l’expression.

Madame Roudinesco n’y prend jamais à partie la demanderesse contrairement à celle-ci qui a cru pouvoir proférer dans la presse, toujours à propos du passage poursuivi, les accusations suivantes :

« C’est une ignominie, et dont elle aura à répondre. Jadis pour ça on provoquait en duel, quand on était un homme (…) Cette dame salit tout ce qu’elle touche (…) cela fait 20 ans que cette dame mystifie la planète entière en faisant croire qu’elle a très bien connu Lacan. Elle répand de lui un portrait odieux .» (pièce n° 17)

Les numéros de la revue Lacan quotidien produits aux débats (pièce n° 24) et dont Monsieur Jacques-Alain Miller est le directeur, montrent par ailleurs quelle est la mesure dont les proches de la demanderesse ont su faire preuve pour qualifier les travaux de Madame Roudinesco.

B. MME ROUDINESCO N’A JAMAIS FAIT PREUVE D’UNE QUELCONQUE ANIMOSITÉ À L’ÉGARD DES HÉRITIERS DE JACQUES LACAN ET PLUS PARTICULIÈREMENT DE MME JUDITH MILLER

En sa qualité d’historienne et dans le cadre de ses travaux, Madame Roudinesco a eu l’occasion de rencontrer les héritiers de Jacques Lacan et de recueillir par ailleurs le témoignage du frère de celui-ci, Marc-François Lacan, avec lequel elle a entretenu une correspondance amicale (pièce n° 35).

Eprouvant la plus vive admiration pour l’œuvre de leur père, Madame Roudinesco n’avait aucune raison d’éprouver une quelconque animosité à l’égard de ses enfants ou encore à l’égard de celui qui en est aujourd’hui l’exécuteur testamentaire et le dépositaire du droit moral, Jacques-Alain Miller.

Madame Roudinesco n’a d’ailleurs pas hésité à venir témoigner en faveur de ce dernier dans le cadre d’un procès que lui avait intenté l’association des amis de Jacques Lacan. Cette association avait fait grief à Jacques-Alain Miller d’avoir tardé à divulguer les séminaires de Jacques Lacan qu’il avait la charge de transcrire et d’avoir ainsi commis un « abus notoire dans le non usage de son droit de divulgation ».

À la demande du conseil de Jacques-Alain Miller, qui est également le conseil de la demanderesse dans le cadre de la présente instance, Madame Roudinesco était venue apporter son soutien au défendeur et avait souligné que la contestation faite à ce dernier, d’ordre purement scientifique, ne pouvait relever de l’office des tribunaux.

Madame Roudinesco et Jacques-Alain Miller avaient par ailleurs fait front commun

– pour dénoncer les attaques dont la psychanalyse avait fait l’objet à l’occasion de la parution du Livre noir de la psychanalyse ;

– ou encore pour solliciter l’abrogation de l’amendement Accoyer visant à réglementer l’exercice de la psychanalyse.

Madame Roudinesco n’a aucune raison d’éprouver quelque animosité que ce soit à l’égard de celui avec qui elle a souvent fait cause commune ou encore à l’égard de Madame Judith Miller.

On rechercherait vainement trace d’une telle animosité dans son dernier ouvrage.

C. LES PROPOS POURSUIVIS SONT ETAYÉS PAR DES TÉMOIGNAGES DONT LE SERIEUX NE PEUT ÊTRE MIS EN DOUTE ET PAR LES ÉCRITS DE JACQUES LACAN LUI-MÊME

Il ne peut être contesté à Élisabeth Roudinesco d’avoir consacré à l’œuvre et à la vie de Jacques Lacan une étude « sérieuse ».

La demanderesse, et plus particulièrement ses proches, croient pouvoir mettre en doute les compétences de Madame Roudinesco en relevant dans ses ouvrages quelques extraits qui dénoteraient selon eux d’un jugement par approximations, d’une expression par trop subjective ou encore d’une outrance de style (pièce n° 21).

Or aucun des détracteurs de Madame Roudinesco n’ose remettre en cause l’étude que Madame Roudinesco a fait paraitre en 1993 et l’autorité qu’on lui reconnait (pièces n° 11 et 12). Il a déjà été exposé que cette étude constitue un ouvrage de référence compte tenu des multiples sources, biographiques et bibliographiques, auxquelles sont auteur a eu recours.

Au regard de l’importance et de la qualité de ses travaux de recherche, le grief fait à Madame Roudinesco d’avoir laissé entendre, ce qu’elle n’a jamais fait, que Jacques Lacan aurait conservé sa foi jusqu’à sa mort est absurde.

Madame Roudinesco n’a jamais prétendu que le vœu qu’elle évoque dans le passage incriminé procèderait d’un acte de piété.

Ce que Madame Roudinesco soutient, c’est que Jacques Lacan a effectivement formé un tel souhait à un moment donné dans sa vie et que ce souhait témoignait de l’attachement que Jacques Lacan éprouvait pour le rite, catholique en l’occurrence, et sa portée symbolique.

Ces deux assertions sont étayées par des documents dont la valeur ne peut être mise en doute et notamment par les écrits de Jacques Lacan lui-même (pièces n° 32 et 33).

Ces documents attestent tout d’abord de la réalité de ce vœu exprimé par Jacques Lacan auprès d’amis proches dont la mère de la concluante elle-même, Jenny Aubry, neuropsychiatre et analyste, première femme nommée « médecin des hôpitaux ».

Monsieur Henri Roudier, petit-fils de Jenny Aubry, et par ailleurs neveu de Madame Roudinesco, a établi une attestation dans laquelle il rapporte que :

« Un jour, au cours d’un déjeuner qui avait lieu rue de Lille et réunissait Jenny Aubry, Sylvia Lacan et Jacques Lacan, celui-ci avait déclaré qu’il souhaitait des funérailles catholiques. Et comme ma grand-mère s’étonnait : ‘Jacques, vous n’y pensez pas, tout de même !’ lui avait-elle dit, il lui avait répondu en évoquant la grandeur et la pompe des cérémonies de l’Eglise catholique. Sylvia Lacan l’aurait alors interrompu en déclarant : ‘moi en tout cas, je n’y assisterai pas !’ (pièce n° 37) »

L’anecdote que rapporte cette attestation est encore éclairée par le témoignage d’une amie de Jacques Lacan, Maria-Antonietta Macciocchi, dont les propos ont déjà été cités (pièces n° 8 et 9).

Cet attachement à l’Eglise romaine et à ses rites est encore attesté par le propre frère de Jacques Lacan, Marc-François Lacan (piècse n° 34 et 35).

Il est rappelé que celui-ci fit célébrer une messe à Paris avant que le corps de son frère ne soit enseveli, accomplissant ainsi un geste dont il était convaincu qu’il n’aurait pas été désapprouvé par celui-ci.

En tout état de cause, aucun des lecteurs des œuvres de Lacan ne se hasarderait à contester la réalité de son attachement à la portée symbolique que pouvait revêtir le rituel de l’Eglise catholique romaine (pièces n° 36 à 40).

Jacques-Alain Miller le souligne lui-même dans une notice de présentation qui figure au dos d’un ouvrage de Jacques Lacan où ont été réunies trois conférences intitulées Le triomphe de la religion précédé de Discours aux catholiques :

« Freud, vieil optimiste des Lumières, croyait que la religion n’était qu’une illusion, que dissiperaient dans l’avenir les progrès de l’esprit scientifique. Lacan, pas du tout : il pensait au contraire que la vraie religion, la romaine, à la fin des temps embobinerait tout le monde , en déversant du sens à pleins tuyaux sur le réel de plus en plus insistant et insupportable que nous devons à la science. (pièce n° 27 – Notice) »

Le propos même de Lacan à travers ces trois conférences montre l’importance que celui-ci accordait à celle qu’il désigne comme « la vraie religion », à savoir la religion catholique, comme organisation et production de « sens ».

Toute l’œuvre de Jacques Lacan témoigne de la place qu’a pu occuper la tradition et les rituels chrétiens dans l’articulation de ses thèses. Madame Roudinesco n’a certainement pas la prétention d’affirmer qu’elle aurait été seule à le découvrir ou à le constater (pièce n° 16-3) (pièce n° 29).

Mais l’évocation par Madame Roudinesco du vœu exprimé par Lacan renvoie à d’autres considérations encore.

Dans son ouvrage, Lacan Envers et contre tout, Madame Roudinesco s’emploie à retracer quelques grandes figures mythiques, philosophiques ou historiques qui ont occupé une place essentielle dans l’œuvre de Jacques Lacan.

Un chapitre entier de son essai est ainsi consacré à Antigone, héroïne tragique refusant de se soumettre à l’autorité du tyran Créon qui lui a fait interdiction de donner une sépulture à son frère.

Madame Roudinesco y rappelle que Lacan a donné de cette tragédie une interprétation qui se situe au rebours de celle d’autres grands commentateurs (et notamment de Hegel).

Antigone apparaît à Lacan à la fois comme « victime et holocauste », un personnage bien plus redoutable que Créon, son bourreau, dès lors que son obstination conduit celle-ci à une mort certaine, sans qu’elle parvienne par son propre sacrifice à obtenir une sépulture pour son frère.

Lacan voit dans cette obstination un choix génocidaire, une intransigeance fatale.

Il est significatif que le titre du livre de Madame Roudinesco soit emprunté au séminaire de Lacan L’éthique de la Psychanalyse et plus précisément à un passage où celui-ci précise ce que représente Antigone à ses yeux :

« pur et simple rapport de l’être humain avec ce dont il se trouve être miraculeusement porteur, à savoir la coupure signifiante, qui lui confère le pouvoir infranchissable d’être, envers et contre tout, ce qu’il est. (pièce n° 28) »

C’est encore à propos d’Antigone et de Sophocle que Lacan relève, dans ce même séminaire, que la sépulture est une invention des hommes, qui ne saurait être suffisante. Il faut également à l’être humain des funérailles, un rite sacré, pour rester un homme (un être de langage, un sujet) portant un nom après sa mort et il dit que cela est discrètement évoqué par Sophocle :

« Au passage, le fait que c’est l’homme qui a inventé la sépulture est évoqué discrètement. Il ne s’agit pas d’en finir avec celui qui est un homme comme avec un chien. On ne peut en finir avec ses restes en oubliant que le registre de l’être de celui qui a pu être situé par un nom doit être préservé par l’acte des funérailles. (id.) »

Cette importance ainsi donnée au « nom » que les « funérailles » viendraient préserver est bien évidemment emprunté à la tradition et aux rites catholiques.

Cette question est loin de constituer une simple anecdote dans la pensée de Lacan. Elle constitue l’un des axes les plus importants de son œuvre.

Et c’est ce paradoxe, par lequel s’accomplit le destin de Lacan, que Madame Roudinesco a voulu souligner, mettant en regard cet attachement aux rites d’une part et les circonstances de sa mort d’autre part. Pour autant, la concluante à maintes fois souligné dans son œuvre que Jacques Lacan avait perdu la foi. C’est là, parmi d’autres, un exemple de son esprit paradoxal (pièces n° 8-2 et 9).

Sibylle Lacan, dans son ouvrage Un père, dit avoir été bouleversée par l’évocation que fait Élisabeth Roudinesco des derniers instants de son père dans son ouvrage de 1993, et notamment par le passage suivant :

« Tel Max Schur au chevet de Freud, le médecin prit la décision d’administrer la drogue nécessaire à une mort en douceur. Au dernier instant, Lacan le fusilla du regard. (pièce n° 8-2) »

Sibylle Lacan écrit que lorsqu’elle lut cette dernière phrase, elle fut saisie « d’un désespoir indicible » :

«L’idée que mon père s’était vu basculer dans le néant, avait su à la seconde près qu’il allait ne plus être, m’était insupportable. Sa fureur à cet instant, sa non acceptation du lot commun à tous les hommes me le rendait plus cher car je le reconnaissais là complètement ‘obstiné’, selon les derniers mots qu’on lui prête. (pièce n° 30) »

Le propos de Madame Roudinesco se comprend parfaitement à la lecture de ce passage. Celui-ci se situe bien évidemment sur un plan philosophique et non anecdotique excluant par là même l’idée d’une quelconque imputation ou grief fait aux héritiers de Jacques Lacan.

B. ENFIN LA LÉGITIMITÉ DE LA DÉMARCHE DE MME ROUDINESCO NE PEUT ÊTRE MISE EN DOUTE

Cette légitimité est liée à la liberté voire au devoir d’expression de celle qui, ayant consacré plusieurs années à étudier les écrits de Jacques Lacan, à recueillir des témoignages et à rassembler des documents relatifs à sa vie et à son œuvre, jouit d’une autorité d’historienne incontestable.

C’est sans doute cette autorité qui a suscité l’inutile jalousie de celle qui se croit l’unique personne pouvant légitimement parler de son père à l’exception de son mari, Jacques-Alain Miller, dont Madame Roudinesco n’a jamais manqué de signaler toutes les contributions importantes à l’œuvre de Lacan.

Il est significatif que la demanderesse n’ait pas songé en 1993 à mettre publiquement en cause l’ouvrage que la concluante venait de faire paraître, Lacan, ou à en poursuivre certains passages. Pas davantage n’a-t-elle mis en cause l’article « Lacan », rédigé par la concluante, dans le Dictionnaire de la psychanalyse.

Madame Miller a donc attendu la parution de l’essai de Madame Roudinesco, dix-huit ans plus tard, pour mettre soudainement en doute les qualités de l’historienne et sa bonne foi.

Si elle s’en prend à cet ouvrage c’est vraisemblablement en raison du ton plus « subjectif » de celui-ci, où Mme Roudinesco estime nécessaire « d’effectuer un bilan » à la fois de l’œuvre de Lacan mais, plus implicitement, de son approche d’historienne de celui qu’elle considère comme ayant occupé l’un des tout premiers rangs dans l’histoire de la psychanalyse.

Une telle démarche, celle consistant pour un chercheur à venir « revisiter » transversalement et personnellement quelques années plus tard l’objet de ses recherches antérieures, n’a rien d’insolite. Elle est commune à de nombreux universitaires et intellectuels.

Madame Judith Miller semble vouloir contester à Madame Roudinesco le droit d’emprunter un tel chemin qui lui ouvrirait la voie d’une trop grande « proximité » avec son père.

Il est à cet égard révélateur que la demanderesse se soit empressée dans son assignation de souligner que Madame Roudinesco ne faisait pas partie des « familiers » de Jacques Lacan.

Une telle observation montre quels sont les registres d’autorité auxquels se réfère la demanderesse, des registres qui ne sont assurément pas ceux de la concluante.

Mais la question n’est pas ici, encore une fois, de trancher un litige entre proches de Lacan mais de déterminer

– d’une part, si l’œuvre et la vie de Jacques Lacan peuvent être considérées comme faisant part entière de l’histoire de la psychanalyse et, plus généralement, des idées ;

– d’autre part, si, en sa qualité d’historienne, de la psychanalyse de surcroît, la concluante peut légitimement consacrer un essai à celui auquel elle a d’ores et déjà consacré une étude de plus de cinq cents pages.

Car la légitimité dont il doit être question ici n’est pas d’ordre « familial », elle est d’ordre intellectuel et historique.

Aucun lecteur de l’essai de Madame Roudinesco n’a pu se méprendre, pas même les lecteurs les plus avertis qui ont été stupéfaits par la « réaction émotionnelle » de Madame Miller (pièces n° 38 et 40), sur la portée des propos incriminés et l’approche qui est celle de Madame Roudinesco.

Il est à cet égard rappelé que « le droit qui appartient à la critique historique à l’égard des hommes illustres est un fait justificatif suffisant pour établir la bonne foi d’un historien » (Crim. 28 déc. 1933, Bull. crim., n° 251).

Le fait de vouloir mettre en lumière certains paradoxes d’une figure incontestablement « illustre » de la psychanalyse n’a, en l’occurrence, rien d’illégitime.

Monsieur Jacques Alain Miller lui-même ne pourrait qu’en convenir, lui qui a insisté, dans certaines de ses introductions à l’œuvre de Lacan, sur l’importance des « paradoxes » qui animent la parole de ce dernier :

« Qui parle ? Un maître de sagesse, mais d’une sagesse sans résignation, une anti-sagesse, sarcastique, sardonique. Chacun est libre de s’en faire une conduite à son idée » (pièce n° 27 – Avertissement).

On ne saurait mieux dire.


Il ressort des observations qui précèdent que les propos poursuivis ne recèlent aucune imputation à caractère diffamatoire et qu’en tout état de cause la bonne foi de Madame Roudinesco est incontestable.

La publicité que Madame Miller a souhaité donner à son action, en orchestrant une campagne de dénigrement particulièrement odieuse, montre quelle sorte d’« exclusivité » elle revendique, confondant ses liens d’affection avec son père avec l’intérêt que peut susciter l’œuvre de celui-ci par-delà le cercle des « familiers ».

Ces liens d’affection, personne ne les lui conteste. En revanche, ce que Madame Roudinesco ne peut admettre, c’est qu’on vienne publiquement la prendre à partie, sous prétexte de défendre la mémoire d’un homme dont la vie et l’œuvre relèvent de l’histoire, et mettre violemment en cause ses travaux au nom d’on ne sait quelle orthodoxie.

C’est pourquoi elle sollicite du Tribunal qu’il ordonne la publication d’un communiqué dont le Tribunal fixera les termes et qui rappellera le dispositif du jugement à intervenir.

Ce communiqué sera publié dans trois quotidiens ou hebdomadaires ainsi que sur le site Lacan Quotidien, en page d’accueil de son prochain numéro en ligne, sans que le coût total de ces publications mis à la charge de la demanderesse puisse dépasser cinquante mille euros (hors taxe), lesdites publications se faisant au choix et à l’initiative de la concluante.

La concluante sollicite enfin que soit ordonnée l’exécution provisoire de la décision à intervenir afin que les publications qu’elle sollicite puissent intervenir et réparer au plus tôt le préjudice que lui a causé la diffusion de la campagne orchestrée par la demanderesse ceci sur le fondement de l’urgence invoquée par la demanderesse.

PAR CES MOTIFS

Dire et juger qu’aucun des propos poursuivis ne porte atteinte à l’honneur et à la considération de Madame Judith Miller ;

Dire et juger que ne saurait être retenu comme diffamatoire la simple évocation d’un paradoxe illustrant la vie et l’œuvre de Jacques Lacan et le rappel des circonstances de son décès ;

En tout état de cause, dire et juger que la bonne foi de Madame Elisabeth Roudinesco est rapportée ;

En conséquence,

Débouter Madame Judith Miller de l’intégralité de ses demandes ;

A titre reconventionnel,

Constater que Madame Élisabeth Roudinesco a fait l’objet d’une campagne de dénigrement, par voie de presse écrite et en ligne, mettant gravement en cause ses qualités d’historienne et ses travaux et prenant pour prétexte l’action judiciaire de Madame Judith Miller.

A titre de réparation ordonner la publication d’un communiqué dont le Tribunal fixera les termes et qui rappellera les dispositions de la décision qui sera prononcée ;

Dire que ce communiqué sera publié dans trois quotidiens ou hebdomadaires ainsi que sur le site Lacan Quotidien, en page d’accueil de son prochain numéro en ligne, sans que le coût total de ces publications mis à la charge de Madame Judith Miller puisse dépasser cinquante mille euros (hors taxe), lesdites publications se faisant au choix et à l’initiative de la concluante.

Dire que Madame Judith Miller devra assurer la diffusion ordonnée par le Tribunal sous peine d’astreinte de 5.000 (cinq mille) euros par semaine à compter de la signification du jugement à intervenir ;

Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir en ce qui concerne les publications ;

Condamner Madame Judith Miller à payer au demandeur la somme de 15.000 (quinze mille) euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

La condamner aux entiers dépens.

Sous toutes réserves

Et ce sera justice

PIÈCES COMMUNIQUÉES A L’APPUI DES PRÉSENTES CONCLUSIONS

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Pièce n° 1 : CV – Élisabeth Roudinesco_
Pièce n° 2 : Situation universitaire – Note_
Pièce n° 3 : Liste des séminaires_
Pièce n° 4 : Rapport de soutenance_
Pièce n° 5 : Rapport – candidature à l’EHESS_
Pièce n° 6 : Élisabeth Roudinesco, Lacan, envers et contre tout, Seuil, 2011_
Pièce n° 7 : Élisabeth Roudinesco, Histoire de la psychanalyse en France,
7.1. Ramsay, 1982, Seuil, 1986_
7.2. Rééd. Pochothèque, 2009_
Pièce n° 8 : Élisabeth Roudinesco, Lacan, Esquisse d’une vie,
8.1. Fayard, 1993_
8.2. rééd. Pochothèque, 2009_
Pièce n° 9 : Élisabeth Roudinesco et M. Plon, Dictionnaire de la psychanalyse, Fayard, 1997_
Pièce n° 10 : Élisabeth Roudinesco et Elisabeth Kapnist, Jacques Lacan, la psychanalyse réinventée (film documentaire), INA, 2001_
Pièce n° 11 : Articles de presse et recensions à la parution de Jacques Lacan, Fayard, 1993_
11.1. Le Soir du 22 septembre 1993_
11.2. La Croix du 26/27 septembre 1993_
11.3. Le Méridional du 7 novembre 1993_
11.4. Le Canard enchaîné du 18 août 1993_
11.5. L’Express du 16 septembre 1993_
11.6. L’Express du 17 septembre 1993_
11.7. L’Evenement du Jeudi du 16 au 22 septembre 1993_
11.8. Le Journal de Genève du 18/19 septembre 1993_
11.9. Le Monde (des livres) (s.d.)_
11.10. Le Nouvel Observateur du 9 au 15 septembre 1993_
11.11. Dépêche AFP du 8 septembre 1993_
Pièce n° 12 : Correspondances diverses à la parution de Une histoire de la psychanalyse en France et Jacques Lacan, esquisse…_
12.1. Courriers de Georges Canguilhem à Elisabeth Roudinesco_
12.2. Courriers de Gilles Deleuze à Elisabeth Roudinesco_
12.3. Courriers de Claude Levi-Strauss à Elisabeth Roudinesco_
12.4. Courrier de Monique Levi-Strauss à Elisabeth Roudinesco_
12.5. Courrier de Didier Anzieu à Elisabeth Roudinesco_
12.6. Courrier de Pierre Vidal-Naquet à Elisabeth Roudinesco_
12.7. Courrier de Pierre Legendre à Elisabeth Roudinesco_
Pièce n° 13 : Colloque ENS_
Pièce n° 14 : Télérama du 7 septembre 2011_
Pièce n° 15 : Articles de presse et recensions à la parution de Lacan, Envers et contre tout_
15.1. Livres Hebdo du 10 juin 2011_
15.2. Les Inrockuptibles du 17 août 2011_
15.3. Le Temps du 26 août 2011_
15.4. Libération du 1er septembre 2011_
15.5. Le Monde (des livres) du 9 septembre 2011_
15.6. L’Humanité du 9 septembre 2011_
15.7. Lire septembre 2011_
15.8. Le Journal du dimanche du 12 septembre 2011_
15.9. Télérama du 13 septembre 2011_
15.10. Sud-Ouest du 13 septembre 2011_
15.11. Les Inrockuptibles du 21 septembre 2011_
Pièce n° 16 : Correspondances – parution de Lacan, envers et contre tout_
16.1. Courriel de Geneviève Brisac_
16.2. Courriel de Georges Vigarello_
16.3. Courriel d’Antoine Guggenheim_
Pièce n° 17 : Le Point du 8 septembre 2011_
Pièce n° 18 : Le Nouvel Observateur du 13 septembre 2011_
Pièce n° 19 : Libération du 1/2 octobre 2011_
Pièce n° 20 : La Règle du jeu du 16 septembre 2011 (Assignation)_
Pièce n° 21 : Nathalie Jaudel in La Régle du jeu, « Elisabeth Roudinesco, plagiaire de soi-même »_
Pièce n° 22 : Le Diable probablement, pétition_
Pièce n° 23 : Encart « publicitaire » « Roudinesco, plagiaire de soi-même »_
Pièce n° 24 : Lacan Quotidien_
24.1. Numéro 25_
24.2. Numéro 28_
24.3. Numéro 30_
24.4. Numéro 46_
24.5. Numéro 47_
24.6. Numéro 48_
24.7. Numéro 49_
24.8. Numéro 50_
24.9. Numéro 55_
24.10. Numéro 57_
24.11. Numéro 59_
24.12. Numéro 61_
24.13. Numéro 66_
24.14. Numéro 68_
24.15. Numéro 69_
24.16. Numéro 71_
Pièce n° 25 : Testament authentique de Jacques Lacan du 13 novembre 1980_
Pièce n° 26 : Acte de décès_
Pièce n° 27 : Jacques Lacan, Le Triomphe de la religion, Seuil, 2005_
Pièce n° 28 : Jacques Lacan, Le Séminaire, livre VII, Seuil, 1986_
Pièce n° 29 : Agnès Desmazières, L’Inconscient au paradis, Payot, 2011_
Pièce n° 30 : Sibylle Lacan, Un père, Gallimard, 1994_
Pièce n° 31 : Wladimir Granoff, Le Désir d’analyse, Aubier, 2004_
Pièce n° 32 : Courrier de Jacques Lacan à Marc-François Lacan du 7 avril 1953_
Pièce n° 33 : Courrier de Jacques Lacan à Marc-François Lacan du 5 septembre 1953_
Pièce n° 34 : Courrier de Marc-François Lacan à Jacques Sédat du 3 décembre 1982_
Pièce n° 35 : Correspondances diverses Marc-François Lacan / Elisabeth Roudinesco_
Pièce n° 36 : Témoignage d’Ignacio Garate Martinez_
Pièce n° 37 : Témoignage d’Henri Roudier_
Pièce n° 38 : Témoignage de Célia Bertin_
Pièce n° 39 : Témoignage de Catherine Clément_
Pièce n° 40 : Témoignage d’Henri Rey-Flaud_
Pièce n° 41 : Jacques Lacan, Le Sinthome, Livre XXIII, Seuil, Paris, 2005