Cette lettre, véritable dossier destiné à éclairer les psychiatres désireux de soutenir Pierre Delion, mérite telle quelle qu’on en prenne connaissance. Si on est praticien hospitalier, on peut la signer et adresser à qui de droit bien entendu.
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À Monsieur le Président
Conseil Départemental de l’Ordre des médecins
2, rue de La Collégiale
59043 LILLE cedex
***, avant le 16 janvier 2012
Monsieur le Président,
Notre collègue, le Professeur Pierre Delion, est l’objet d’attaques personnelles et professionnelles difficiles à comprendre quand on prend le temps de connaître l’objet de ces attaques et quand on connaît l’homme.
Il doit comparaître devant votre Conseil de l’Ordre le 16 février prochain, ce qui montre une évolution inquiétante du droit dans le champ médical car, en droit, lorsqu’une plainte n’est pas fondée, elle est classée sans suite ou débouche sur un non-lieu.
On ne peut attendre de votre Conseil qu’une décision de ce type car ces charges visent à discréditer un programme de recherche scientifique, réglé et validé, concernant une pratique de soins, le packing, recherche dont l’objectif est de valider son utilisation dans la prise en charge de l’autisme infantile. Ce programme entre dans le cadre d’un Programmes Hospitaliers de Recherche Clinique National (PHRC), validé en 2008 (PHRC 2007/1918, n° Eudra CT : 2007-A01376-47) et financé par le ministère de la Santé dont le thème est « L’efficacité thérapeutique du packing sur les symptômes de troubles graves du comportement, notamment les automutilations, des enfants porteurs de TED/TSA ». Il est nécessaire de rappeler que les PHRC reçoivent obligatoirement un avis favorable du Comité de Protection des Personnes du CHRU à l’origine du projet de recherche pour être validés. Cet important travail, qui vise non pas à proposer un traitement de l’autisme, comme veulent le faire croire les contempteurs du Professeur Pierre Delion et de ses collaborateurs (Céline Lallié (psychologue PHRC) et Maud Ravary (psychomotricienne PHRC)), est rendu difficile en raison d’un certain nombre d’actions conduites par ses détracteurs pour en empêcher la réalisation. Les dernières actions sont une plainte contre le Professeur David Cohen, Chef du Service Psychiatrie Enfant et Adolescent de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière devant l’Ordre des Médecins de Paris le 16 janvier 2012 et, surtout, une plainte contre Pierre Delion, « véritable promoteur du Packing en France(1) » devant votre Conseil Départemental de l’ordre, ainsi qu’une mise en demeure adressée à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, en la personne de son Directeur M. Didier Frandji. L’association Vaincre l’Autisme prévoit une série de manifestations ces mêmes jours pour faire pression sur les Conseils de l’Ordre.
Ces méthodes d’un autre âge interrogent sur les véritables motivations de leurs instigateurs dont on rappellera qu’ils ont, notamment, bénéficié d’un faux pour justifier leurs actions en arguant d’un courrier de Martine Aubry, alors candidate aux primaires socialistes, qui proposait l’interdiction du packing, ce que Madame Aubry elle-même a démenti dans un courrier au Professeur Pierre Delion(2).
Une étude scientifique ne préjuge pas de son résultat, ce que font les associations de parents d’enfants autistes qui ont décidé que cette technique « relevait de la torture »(3), qu’elle était pratiquée « sans protocole, sans évaluation et sans résultat» et qu’il fallait y mettre un terme parce que « dénuée de tout respect et de toute dignité(4)». Pierre Delion rappelle que « en effet, ils [les scientifiques] savent bien qu’avant de pouvoir démontrer quelque vérité scientifique que ce soit, le chercheur émet des hypothèses abductives (j’ai l’intuition que) puis conduit ses recherches pour tenter de démontrer de façon déductive et inductive les hypothèses émises. S’il n’y avait pas d’abord des intuitions basées sur la clinique, aucune découverte n’aurait pu être faite en médecine, ni a fortiori démontrées dans le cadre de l’Evidence Based Medicine.»
Sans s’appesantir sur le caractère outrancier des propos de l’association qui assigne Pierre Delion devant votre Conseil, rappelons que le packing, contrairement à ce que laisse entendre ceux qui demandent son interdiction, n’a pas pour origine la psychanalyse mais qu’il trouve sa source dans la médecine antique. IL repose sur l’utilisation de l’eau dans les soins physiques et psychiques, l’hydrothérapie étant utilisée en Grèce dès le VIIIème siècle avant Jésus-Christ. Soranus d’Ephèse la recommande au 1er siècle de notre ère pour soigner la dépression. Au XVIIIème siècle, Pinel demande que l’on utilise les bains chauds à visée de relaxation. Cullen, médecin anglais, est le premier à recommander les enveloppements humides dans le même but. En 1948, Paul Sivadon a utilisé des approches corporelles à base d’eau, à Sainte Anne, « pour favoriser le sentiment de sécurité, la prise de conscience de l’existence corporelle et la relation avec les objets et les personnes ». En 1966, un psychiatre américain, Woodbury introduit sa méthode d’enveloppement (“packing” en anglais) en France : la technique est la même que mais l’enveloppement se déroule en présence d’un infirmier qui reste aux côtés du malade en permanence durant ce temps d’enveloppement. « Le but de ce traitement est de donner au malade une stimulation du schéma corporel, de contrôler ses tendances autodestructrices et agressives, sans l’aliéner par les médicaments ou l’isolement ».
La technique du packing sera proposée pour le traitement des enfants et adolescents autistes les plus gravement malades, ou qui présentent des troubles graves du comportement (hyperactivité, instabilité grave, auto- ou hétéro-agressivité, stéréotypies envahissantes, anorexie grave, insomnie rebelle notamment).
« La technique du packing est basée sur le réchauffement thermique cutané rapide (de l’ordre de cinq minutes selon des vérifications par thermomètres cutanés) obtenu en enveloppant le corps de l’enfant dans des serviettes de bain (deux pour le tronc, une pour chaque bras et jambe) mouillées froides. Seuls les membres supérieurs et inférieurs et le tronc sont enveloppés ; la tête et le visage ne sont pas concernés. Les serviettes sont recouvertes d’une alaise et de deux couvertures pour faciliter le réchauffement de l’enfant. Ces tissus d’une température proche de +10 à +15°C en début de séance se réchauffent très rapidement pour avoisiner la température du corps jusqu’à la fin de la séance. Seule la température superficielle est transitoirement diminuée, le patient n’est jamais placé en hypothermie. À l’issue de la séance, le sujet est frictionné et accompagné vers le lieu de vie où une collation est proposée dans une ambiance conviviale. Les séances d’enveloppement ont lieu une ou plusieurs fois par semaines en fonction de l’état de santé du patient. Les packings aident les enfants à renforcer leur conscience des limites de leur corps. Le packing a pour but d’aider le patient à retrouver une image corporelle en privilégiant ses vécus sensoriels et émotionnels. Bien plus qu’une méthode comportementale et uniquement corporelle, le packing permet d’aider l’enfant à retrouver un sentiment d’entourance (Haag et coll. 1995), qui permet l’établissement d’une relation avec les soignants qui accompagnent attentivement l’enfant pendant les séances.
Les packings entrent dans le cadre d’un projet de soins individualisés en accord avec les parents. Ils n’ont jamais lieu quand ils sont refusés par l’enfant. Cette prise en charge s’intègre au sein d’une prise en charge pluridisciplinaire, qui associe idéalement des soins, à des approches éducatives et pédagogiques adaptées.(5)»
En aucun cas, donc, il ne s’agit d’un traitement de l’autisme, ou de ce que l’on nomme aujourd’hui les Troubles Envahissants du Développement (TED), le Professeur Pierre Delion a maintes fois rappelé que « le packing ne concerne que quelques enfants porteurs de TED/TSA lorsqu’ils présentent des signes graves voire gravissimes de troubles du comportement, pour lesquels une indication précise doit être posée et une formation de l’équipe réalisée dans de bonnes conditions ». Il est donc malhonnête de réduire son travail à la volonté de « torturer » les enfants autistes et de refuser un protocole scientifique dont la méthodologie théorique et clinique honore ses concepteurs. Il ne suffit pas de se targuer d’autres autorités scientifiques qui, en l’occurrence, s’appuient sur des préjugés qui ont une construction scientiste voire idéologique, pour invalider le travail de plusieurs années au service d’une cause que Pierre Delion a défriché de longue date : combien d’entre nous ne se sont-ils pas intéressés à l’autisme, d’abord par la clinique et une réflexion plurifactorielle, sans exclusive et avec une grande rigueur scientifique et une grande ouverture d’esprit, grâce à lui ? Si le regard commun et scientifique sur l’autisme a pu évoluer dans ce pays, on le lui doit en grande partie, il suffit de lire ses travaux et ses publications avec honnêteté.
Les attaques visant Pierre Delion visent aussi toute une profession, que le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux avait appelé à juste titre la Communauté soignante, dans une optique de « mise en cause des compétences médicales de la psychiatrie » et, plus généralement, de disqualification de la psychiatrie et de la psychanalyse.
Tout le monde est aujourd’hui d’accord pour dire que l’autisme, on devrait probablement dire les autismes, est un trouble neuro-développemental, entrant dans le cadre des troubles envahissants du développement ce qui ne préjuge en rien de son étiologie qui demeure inconnue, les hypothèses allant des anomalies génétiques aux atteintes infectieuses ou toxiques, probablement associés à des degrés divers.
Il faut rappeler qu’il n’existe pas de traitement curatif de l’autisme(6). En revanche de multiples approches de prise en charge ont vu le jour depuis la découverte de ce syndrome, approches sont issues de divers courants théoriques et basées sur des conceptions très diverses de l’autisme . De manière pratique, des études scientifiques ont à ce jour permis de démontrer l’efficacité d’une prise en charge précoce à l’aide d’approches éducatives comportementales (ABA), cognitives (TEACCH) ou développementales. La littérature scientifique est unanime sur ce point : il faut que l’intervention éducative soit précoce, massive et structurée.
Mais, quel que soit la nature du handicap de la personne autiste, le mérite de la psychiatrie et de la psychanalyse aura été de montrer qu’elle demeure un être de relation, doté d’un inconscient, tout comme ses parents, et que les interactions relationnelles et identificatoires sont modifiés par le trouble. Et ce même si l’on réduit l’inconscient à ses dimensions cognitives, ce qui n’est plus le cas des neuro-biologistes, Lionel Naccache considérant même Freud comme le Christophe Colomb des neurosciences(7) .
Ces attaques, enfin, visent un homme, Pierre Delion, dont l’intégrité professionnelle, le sens éthique, et l’humanité peuvent difficilement être discutés par quiconque est de bonne foi. « Nous sommes tous des Pierre Delion » disait le Syndicat des Psychiatres Hospitaliers. Nous dirions plutôt « Nous voudrions tous être des Pierre Delion ». Et avoir ses qualités humanistes, son profond respect de l’autre souffrant, sa rigueur scientifique, sa compétence dans l’animation des équipes dont il a eu la charge, sa qualité d’enseignant “maïeutique”, la cohérence qui est la sienne entre sa pratique et son enseignement, son attachement à la “défense et illustration” de la prise en charge des enfants autistes et de leurs familles. Son travail, son enseignement, son profond respect des familles plaident pour lui mieux que quiconque ne pourrait le faire. à travers lui, c’est toute une conception de l’humain, du social et du scientifique qui est en jeu. Et ces attaques inquiètent car elles traduisent une dérive qui voudrait qu’au lieu que ce soient les personnes en souffrance psychique qui fassent l’objet de fantasmes primaires stigmatisants, ce sont ceux qui les prennent en charge que l’on pare de ces intentions.
L’autisme est une souffrance, pour l’autiste d’abord, pour ses proches ensuite. La douleur des parents doit être respectée et entendue, y compris quand elle s’exprime de manière excessive. Mais l’alliance thérapeutique que prône l’ensemble des dispositifs voulus ces dernières années par les pouvoirs publics suppose respect mutuel et confiance réciproque. La controverse n’est pas inutile, « Le mot liberté n’admet, par définition, aucune restriction (8) »
Autistes dans la mesure de leurs moyens, parents qui doivent trouver une réponse à leur détresse et aider leur enfant à progresser autant qu’il lui est possible afin de « garantir l’intégration des personnes autistes en milieu ordinaire ou la création de places adaptées en milieu spécialisé (9)» ; pouvoirs publics, qui doivent éviter toute posture démagogique, proposer des espaces de médiation et soutenir toute recherche, sans exclusive aucune, qui permettra de faire avancer les connaissances en matière de troubles envahissants du développement ; les médias, qui doivent aider à la prise de conscience en ces matières mais aussi informer de manière objective. Les professionnels enfin, dont le dévouement ne peut être contesté et qui, quoi qu’il advienne et quel que soit le champ de compétence de leur intervention, demeureront un maillon indispensable à l’évolution positive des enfants et adultes concernés.
Ces alliances sont tout le contraire de démarches qui ont une construction sectaire en ce sens qu’en s’appuyant sur la détresse et l’émotion au détriment de la réflexion critique, elles se soutiennent du “principe de simplification”, supercherie visant à séduire les personnes en détresse par l’indication d’une “voie unique”, factice face à la complexité des problèmes posés, voie qui, en ce sens, constitue une régression épistémologique.
Claude Finkelstein, présidente de la FNAPSY, rappelle que « les chapelles en psychiatrie sont devenues des sectes, chacune pensant avoir “raison” contre la “déraison” et ceux qui en souffrent sont les patients, non les familles, même si j’en suis sûre celles-ci sont de bonne foi. Seul le patient peut dire si telle ou telle intervention lui a servi. »
C’est pourquoi nous soutenons le Professeur Pierre Delion dans sa démarche, nous dénonçons la véritable chasse aux sorcières dont, avec certains de ses collègues pédopsychiatres, il fait l’objet et nous demandons que Pierre Delion reçoive tout l’appui qu’il mérite de la part de ses confrères de l’Ordre des médecins, en reconnaissance de son courage, de sa rigueur et de sa compétence dans l’ensemble de son œuvre.
http://www.autismeuneapprocheplurielle.org/phpPetitions/index.php?petition=3
Avez-vous pensé à le signer rapidement (l’échéance est pour le 16)?